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Kenny Ozier La Fontaine, Nèg, inédits

QUAND JE SERAI POLICIER 

quand je serai policier
quand je serai policier avec mon pote Thomas
on aura de jolies voitures
avec des sirènes Playmobil
avec des roues géantes
et de gros pots de voitures de course
quand je serai policier
je ferai la guerre aux bâtards
" un 45 contre l'estomac "
on portera des robes roses
et des couettes de putes
des robes de princesses édentées
et des pantalons militaires déchirés
et on foutra en taule les idiots
et on portera des Ray-Ban
même la nuit
surtout la nuit
et on dira au diable
viens 
viens
mec
n'aie pas peur !
et on lui fera des mauvaises blagues …
on dira au diable
tiens mange ça
et on mettra de la harissa bien piquante
dans ses burgers
on lui fera passer le goût des flammes à celui là
il fera moins le fier
il demandera pardon
on fera des feux d'artifices dans le commissariat
dans les bureaux
on fera cramer le plafond
on prendra notre pied
c'est nous qu'on commandera
même à dieu ...
les animaux obéiront
ou on leur mettra des coups d'pied
des coups d'savates
on mettra de la mayo sur les bouches des juges
et du dentifrice dans le rouge à lèvre des reines anglaises
on maquillera tous les maquillés
à notre manière
les prêtres seront en culotte le dimanche
l'office ça sera pour rigoler
il y aura plus de loi
on fera la loi
et les pigeons et les idiots
auront qu'à bien se tenir
oui ils seront récompensés en baffes dans la tronche
rien à foutre
tout l'monde à terre !
ou je tire !
on collera des images pornographiques 
partout dans les WC publics
pour foutre la trique aux gens
on attachera des casseroles à tous les chats
à leur queue pour que ça chante dans les rues
à tous les animaux à poil
et qui miaulent grognent reniflent etc.
on inventera une danse cosmique
une danse 
non
un ballet 
la danse du tutu rose
une danse bien méchante
et sexuelle et violente
danse des grosses moustaches
des queues de comètes
que tout le monde devra danser
quand on sera policier 
avec mon pote Thomas
ça va plus rigoler
du tout

SI J'ÉTAIS LE DIABLE

si j'étais le diable
j'expliquerais aux médecins 
aux pharmaciens
et aux chirurgiens plastiques
ce que c'est
vraiment
le commerce des âmes
je leur dirais "asseyez vous les gars, faut qu'on cause"
je leur dirais " en fait vous pigez rien "
je leur dirais " les gars, je vous ai apporté des clous, des cafards "
si j'étais le diable 
je vendrais des armes mystiques
aux enfant qui s'ennuient
aux enfants qui n'aiment personne
ni les chats ni rien
et qui disent
c'est possible d'étouffer un père Noël avec sa propre barbe
faut lui faire croire 
en lui brouillant sa cervelle
que c'est de la crème chantilly qui lui pends au bec
t'as des oiseaux trop cons 
tu vois
qui avancent à pied
( je sais je sais … sont complet débiles ! )
si j'étais le diable
il me faudrait leurs coudre les ailes avec du gros fil noir
leurs coudre les ailes par-dessus leurs paupières d'oiseaux malades
et les clouer pour de bon
si j'étais le diable
je n'écouterais que les prières adressées à dieu
aux anges
aucune autre !
alors je ne regarderais plus jamais la TV
alors je ne lirai plus de littérature érotique
si j'étais le diable
je n'aurais jamais envie de pleurer
je lècherais passionnément 
des bosses de vieilles femmes
des courbées comme des C
et je dirais très sérieusement 
aux innocents assoiffés
" tenez ! elle sont là, vos glaces au citron 
celles là que vous avez toujours rêvé
goûtez goûtez ! avec la langue les gars"
oui si j'étais le diable
moi aussi j'enverrais des gentils et des moins gentils
au paradis
si j'étais le diable j'allumerais des radios 
au beau milieu de la nuit
quand tu serais déjà endormi
volume max
et je t'enverrais des signaux brouillés
des : frrrssshhhh …. frrrssshhhh ….. frrrssshhhh ….. croustillants
de la grosse friture satanique
le genre tu vois
qui sépare sur les ondes
les voix d'homme du chant des mouches
des prières quoi …
tu comprends ?
des prières qui tâchent les chemisiers, les pantalons, 
si j'étais le diable je ferais croire aux jolies filles
celles avec de jolies hanches de jolis yeux
que les animaux écrasés, prisonnier des roues de voiture
agrafés aux pneus, scellés au caoutchouc
sont des mécanos très expérimentés
capables d'effectuer des réparations très complexes
sur des voitures en mouvement
si j'étais le diable je ferais chanter la pluie d'une voix drôle
et genre une chanson qu'on comprendrait tous
je la ferai chanter cette conne
mais d'une voix drôle
cette fois
d'une voix
de président peut être
celle de Giscard 
ou De Gaulle si je veux
si j'étais le diable je dirais que le diable n'existe pas
je dirais
aux idiots agenouillés à l'endroit 
et à ceux agenouillés 
à l'envers ( les retourneurs de croix, les qui croient que la nuit
c'est l'heure pour faire des bêtises en toute quiétude et d'insulter 
les ombres les miroirs)
je leur dirais aux idiots
vous êtes des idiots

© Kenny Ozier-Lafontaine (Paul Poule) et Vincent Lefèbvre

LAPLI MOFWAZéc1

" an pa vlé, an pa enmé
an byen vlé, men èvè on ti gou sikré
on ti gou si a dou manman
évè bay koko pou savon
an vé pa, pa enmé-y
lanmò lasa,
maké-y évè tan-li pi mové ankò
an toujou ba la ri chenn
an mofwazé évè sòsyé adan glas an mwen
toujou bobi an kat chimen
padavwa an toujou konnèt kay téka bouyi an 
kannari an mwen,

ki dyab lafimé san difé
dyab fwomajé ki patini dowlis
an tan di konsa bòd lanmè pa lwen,
bod lanmè pa lwen,
an byen tan ! ( pa fè wòl manti )
jòd la sé bèlté dèmen sé HAK !
la pli épi HAK !
on jou, bondyé mèsi, kon bag é dwèt,
HA'AK épi ayen

*  *  *

la traduction est de  Liana Ozier-Lafontaine . ce texte est enregistré
les textes paraitront en avril aux éditions du Dernier Cri, en collaboration avec Evelyne Postic

PLUIE NOIRE

" je veux pas, j'aime pas, 
je veux bien, mais avec
des si et des si il vous plaît 
et des si seulement et des si jamais,
je veux pas n'aime pas
mourir,
pas l'écrire, l'entendre
dire,
j'ai bien trop l'habitude des miroirs, des rues piétonnes,
des couettes et des regards,
des passages vers moi-même, oui ...
j'aime pas ... découdre l'os du gibier,
l'ombre de mon pas, 

... on entend dire, ci et là
qu'un jour viendra,
j'ai bien entendu ( faut pas mentir )
qu'un jour et puis s'en va
de pluie ,
jour et puis tant pis,
jour, oui, sans miroir
et sans moi ...
jour des vierges NOIRES "

*  *  *




Créolités et création poétique

A l'origine de ce numéro, le désir de donner à lire et à entendre des voix poétiques différentes, à travers le  français tel qu'il est, bien vivant, dans le monde, et à travers les créoles, ces langues locales, liées historiquement au français mais dont le statut est particulier – langues jumelles et charnelles, langues vibrantes des racines et de la famille, constituées contre et en liaison avec la langue dominante - dont l'usage littéraire est encore largement méconnu.

Pascale Monnin.

Créoles, et français langue commune – comme la koiné antique, multiple, nourri de ses voyages, de ses rencontres avec d'autres cultures, d'autres réalités géographiques et historiques – donnant naissance  à des idiomes neufs, des créoles aux racines multiples (aux Antilles, à la Réunion, en Polynésie), longtemps dévalorisés car langues des dominés, colonisés, mais si vivantes qu'elles ont transmis  et fait grandir des littératures parallèles, dans lesquelles le français perdure, mais non pas comme un joug imposé par des maîtres, puisqu'il joue, se gémine, de ces langues vives, portées dans la chair des peuples qui désormais les revendiquent pour créer aussi avec elles, car créer, c'est aussi vivre : vivre plus haut, vivre en prenant appui sur ses ancêtres pour aller plus loin, ailleurs – ensemble !

Les poètes invités pour ce numéro, appartiennent à cette double culture, française, et créole... Certains ont aussi accepté de répondre à un questionnaire ouvert sur leur rapport de créateur avec cette double langue et double culture ((les questions : Est-ce que vous écrivez en créole, ou non? Y a-t-il des sujets qui vous viennent d'abord en créole, et qui sont "traduits" en écrivant directement en Français ? ...

La poésie est-elle un domaine à part de votre pratique langagière habituelle ? comment s'organise pour vous le rapport entre les deux langues et quelle part a le créole dans votre écriture et votre imaginaire? Comment définiriez vous le rôle du créole dans la constitution de votre personnalité poétique?)) :

nous avons retenu les réponses de Kenny Ozier-Lafontaine pour la Martinique, Navia Magloire et Elbeaux-Carlinx pour Haïti, et Frédéric Célestin pour La Réunion :

 

© Kenny Ozier-Lafontaine (Paul Poule) et Vincent Lefèbvre

 

Kenny Ozier-Lafontaine – Martinique :

"je n'écris pas comme De Gaule, ou comme Perse,

je cause et je gueule comme un chien ! "

Léo Ferré

Ce qui m'intéresse principalement dans le travail de traduction de mes textes, du français vers le créole, que je réalise avec ma soeur, c'est le va-et-vient, la tension qui doit naître de cette confrontation entre les deux langues. J'ai toujours cherché dans mon travail à lutter contre l'exotisme, le "doudouïsme", et contre toutes les manières publicitaires de référer au territoire des Antilles. Toutes les manifestations langagières héritées de mon enfance sont d'abord vécues chez moi comme un problème, ayant le souci de ne pas vouloir ancrer mon écriture, m'étant toujours représenté la poésie comme un moyen de navigation vers l'inconnu, et un moyen de restitution de ces voyages dans l'ailleurs. L'écriture serait donc aussi bien la caravelle, que le canoë du Taïnos, ou plutôt la pagaie, le sextan, et enfin la carte où inscrire les noms, les coordonnées de ce nouveau monde qui se dessine devant moi. 

L'écriture pour moi, doit être ce carnet de rêve, grâce auquel la restitution du rêve, et le rêve lui-même, ne seraient plus consommés en des instants séparés. Malgré la distanciation prise au cours du temps, la richesse de ce langage, due entre-autres aux "dominations" successives dont l'île devait souffrir, m’a toujours rappelé à mes fondamentaux.

Pour le recueil Nègre (à paraître aux éditions du Dernier Cri), je me suis attaché à diminuer, exterminer, toutes les références possibles à mon pays natal, afin que le texte que j'allais soumettre à ma soeur pour la traduction ne souffre d'aucune nuance, aucune référence au lieu de notre naissance. Je souhaitais que le foyer d'émission et celui de réception, puissent être les plus étrangers possible, les plus éloignés, comme les deux extrémités d'un élastique bandé, prêt à céder, ou à se contracter, se réduire, se rejoindre. Car ce qui m'attire, m'enchante, avant tout avec le créole, c'est sa violence. Ce n'est pas qu'on y entende vraiment les coups de fouets claquer, mais il y a encore aujourd'hui dans le créole quelque chose d'une souffrance, comme un cri, une sorte de puissance qui se redresserait comme une montée de sève,  une violence "argotique" qui ne rencontre désormais plus aucun obstacle, et qui peut "gicler" comme bon lui semble, une manière de "causer" qui me fascine, pour les mêmes raisons, chez des auteurs comme Burroughs, Céline, Genet, ou encore dans l'argot nègre ou red neck que l'on peut rencontrer chez Faulkner … une puissance donc vers laquelle mon écriture en français me porte naturellement et qui n'a peine à retourner puiser chez moi les mots qui lui font défauts. Les mots donc, la syntaxe, y sont souvent âpres, secs comme des coups bâtons, en témoigne les noms des divinités de la nuit, de l'ombre, tels que les Soukounyans, les Dorlis. Comme dans la poésie de Césaire, la langue créole se déploie le plus souvent comme une coulée de lave violente échappée de la Pelée. Le créole jusqu'à récemment était encore une langue orale, une langue interdite en certains lieux, une langue qui pour mes yeux d'enfants possédait déjà quelque chose du blasphème, de l'injure, ou du cri, elle était aussi la langue des contes de mon enfance, les premiers temps, les premiers contacts avec les territoires des sorciers, des Kimbwasè (Quimboiseurs)

© Kenny Ozier-Lafontaine (Paul Poule) et Vincent Lefèbvre.

 

 

Navia Magloire, Haïti :

Pour ma part écrire en créole est une éducation, un apprentissage, comme on se réapproprie ses racines. J’ai appris à penser l’écriture en français, ce qui revient à concevoir mes textes en français. En revanche pour le reste je pense en créole. Les deux langues ont toujours cohabité et coexisté ; dans un premier temps l’instruction se faisait en français et le créole était la langue parlée,  à présent, les deux sont à égalité même si la majorité choisit le créole qui est une langue viscérale par rapport au français qui est la langue amenée.  La langue de l’instruction a été le français donc pour ma part il est naturel de créer mes textes dans cette langue. Sans oublier que ce fut la langue imposée, celle du colon langue de la colonisation qui est devenue plus tard une arme pour une certaine élite.

Etant donné que je ne conçois pas mes textes en créole, je l’utilise moins. En revanche il m’arrive d’ajouter des mots ou de faire référence à des images créoles dans quelques textes. Mon langage n’est pas insulaire, ce qui diffère de mon identité. Je ne traduis pas mes textes, le sujet ou le thème peut être de culture créole mais la langue dans laquelle elle est pensée est le français. Si je devrais écrire en créole je le ferai directement.

Navia Magloire, Blessures de l'âme, CreateSpace Independent Publishing Platform, 104 pages.

 Je ne pense pas que le créole en tant que langue soit pour quelque chose dans ma personnalité poétique. On ne peut ni réduire ni enfermer la personnalité humaine dans une langue, que cette personne soit ou non un poète. Je lis autant les poètes japonais, coréens, que les poètes français, espagnols, africains ou haitïens. en revanche ma langue viscérale est le créole. Mes peines, mes douleurs, mes émotions je les ressens et les perçois en créole.

J’écris à partir de mes viscères et c’est ce que je transforme en langage poétique. Je me considère comme universelle, une poétesse du monde.  La poésie est omniprésente, chaque rencontre, chaque nature, chaque voyage, chaque expression humaine est poésie. Je ne peux détacher la poésie du quotidien. Le quotidien peut être une expression triste de cette dernière mais c’est tout de même là. 

© Kenny Ozier-Lafontaine (Paul Poule) et Vincent Lefèbvre

 

Elbeaux Carlinx – Haïti  :

Je suis un poète haïtien, j'écris dans les deux langues, le créole qui est ma langue maternelle et le français qui est ma langue de formation, mais ça varie pour moi selon les émotions que je veux partager.  Si le créole est une langue aussi romantique que le français, il n'est pas pour moi seulement un moyen de communiquer mais surtout un moyen de dire que je suis homme, de me révolter puisque cette langue a pris naissance dans des circonstances historiques bien déterminées, c'est le ciment qui a rendu possible la révolution des noirs à Saint-Domingue qui va accoucher la nation haïtienne, première nation nègre.

J'écris dans les deux langues et je parle comme j'écris, ma poésie n'est pas seulement sur les pages blanches mais dans mes actions et mes paroles, elle est devenue un mode de vie. J'utilise le français surtout pour m'ouvrir au monde puisque le créole n'a pas encore fait son chemin, mais aussi parce que c'est une belle langue, polie, assez intelligente.

 

J'espère vivement que ma langue maternelle puisse un jour charmer le monde comme le fait la langue de Voltaire, surement cela nécessite des années de production assidue, raison pour laquelle je produis dans les deux langues avec presque la même passion. Et parfois je publie mes textes en français et en créole pour aider les gens à se familiariser avec les deux.

En Haïti la littérature est surtout francophone et on juge un bon écrivain à sa façon de manier la langue française. Par contre, si j'écris beaucoup plus en français je dois avouer que le créole me fait voir les choses avec plus de précision puisque selon moi il y a des choses de notre entourage immédiat ou de notre culture qui ne peuvent être décrites dans une autre langue sans perdre du coup leur force, leur couleur, leur cruauté. Quel mot français va remplacer l'interjection "Ayida Wedo" en gardant la même force ? Tout comme, je pense, il y a des mots français qu'on ne peut dire qu'en français pour ne pas trahir le sens initial.

Je dis souvent que si les langues se traduisent il a toutefois des mots qui sont jaloux, trop fiers de leur musicalité pour se laisser travestir. Raison pour laquelle je ne traduis pas mes pensées si un sujet me vient en créole il sera écrit en créole, s'il me vient en français il sera écrit en français sauf dans des cas spéciaux et pour des raisons pédagogiques je peux toujours écrire un texte, le même, dans les deux langues.

 

© Kenny Ozier-Lafontaine (Paul Poule) et Vincent Lefèbvre

 

Frédéric Célestin – La Réunion :

Je n’écris presque exclusivement qu’en créole réunionnais, bien que je m’oriente progressivement vers d’autres langues. Ecrire en créole est pour moi un acte militant et engagé : une toute petite goutte dans un océan de bonheur que je tente tant bien que mal d’apporter à la Réunion, en m’inscrivant dans l’Histoire littéraire de celle-ci.

Si je parle mieux français que créole, bien que je sois dans une logique bilingue, j’écris mieux en créole. Surtout, la littérature réunionnaise m’offre un espace accessible, place qui est beaucoup plus restreinte quant à la littérature française. Je vise donc un public local, sans plus d’ambition, même si je commence timidement à écrire en français, quelques vers ici et là. Dans une orientation militante je pense qu’il est essentiel pour nous réunionnais d’écrire en créole, même si, bien entendu je reste très ouvert à d’autres langues, notamment l’anglais et les langues cultuelles de notre île. Ecrire en créole est donc pour moi l’acte militant d’apporter sa pierre à l’édifice.

La poésie est un domaine à part de ma pratique langagière habituelle – d'une certaine façon,  elle m’a sauvé la vie.

 En effet, à la recherche d’une expression artistique à un moment donné de ma vie, je me suis tout d’abord lancé dans la musique (les percussions locales et afro-cubaines) que j’ai découvert avant l’écriture, même si écrire était, comme pour tout étudiant ès Lettres, pour moi un rêve, rêve que l’île a contribué à réaliser. Et j’ai trouvé dans l’écriture ce que je cherchais dans la musique. En effet, j’ai commencé à écrire en 2000. J’ai alors demandé à un de mes mentors si ce que j’écrivais était bien de la poésie. On m’a répondu que non. Alors j’ai arrêté d’écrire. Ce n’est que quelque dix ans plus tard qu’on m’a relancé dans l’écriture poétique. En effet, un peintre réunionnais, ami d’enfance, m’a proposé un travail poétique autour de sa peinture. J’écrivais en créole avec une amie qui elle écrivait en français.

Halima Grimal, Charly Lesquelin, Frédéric Célestin, Triptik an liberté, Editions K'A, 2016.

C’était en 2013 : mon premier recueil de poésie voyait alors le jour : « Triptik an liberté ». En 2009, j’avais commencé un roman autobiographique, mais sans grande conviction. Même si la poésie reste une activité littéraire pour moi, je suis aussi ouvert à d’autres horizons d’écriture : un roman, et un essai dont le but est d’argumenter autour du créole réunionnais en tant que véritable langue (chez l’éditeur actuellement). Donc oui, la poésie reste mon domaine de prédilection, surtout quand mes textes deviennent des chansons.

Le créole réunionnais et le français sont mes langues co-maternelles. Le créole est au cœur de mon expression poétique. Il m’apporte un espace d’expression unique dans ma vie. Le plaisir immense d’écrire en créole est pour moi salvateur.  Au début, mon acte d’écrire était purement cathartique : j’écrivais pour me soigner, pour panser les blessures d’une Histoire, réunionnaise, et d’une histoire personnelle douloureuses. Aujourd’hui, je ne m’inscris plus dans cette logique, l’acte d’écrire est pour moi toujours aussi salvateur, mais le plaisir et la passion y sont au centre. Si, au début de mon écriture poétique, je me suis découvert très engagé, notamment au niveau politique, des thèmes comme la musique, l’amour pour la Femme, la vénération de nos ancêtres, l’amour pour le Monde, l’amour pour mon pays ont pris place.