Christophe Pineau-Thierry, Sentier débutant

Le choix du sizain (près de quatre-vingts) s'est imposé au poète comme un mouvement régulier du coeur, comme la fluidité des vers.

Tout y est relié à l'enfance, à ses détours, à ses déboires, à "ses phrases". Le poète évoque "le haut des patiences", "le cercle de nos coeurs", quitte à être "la buée du temps/ un seul instant d'illusion".

La quête prégnante d'un monde originel traverse tout le recueil, empreint à la fois de nostalgie et de réactivité, au bout des épreuves et des jours.

Les sensibles métaphores dessinent un rapport au monde délicat, "dans l'équilibre du détaché", "voici le son de nos peines/ et le lieu des mots oubliés".

Le poète lui n'oublie pas d'être vrai, juste, mesuré, "attend(ant) le signe de l'aube/ et la simplicité de nos mots".

Le sentier ainsi se nourrit de toutes les expériences et le chemin n'est pas fini, à l'aune de "la nuit originelle de l'âme".

Simplicité et ferveur tressent de beaux textes comme "traces sur la neige".

Lisons :

le doigt de l'ombre sur la porte
en marge des fenêtres du temps
une âme qui circule dans la nuit
la route sombre de la mémoire
l'empreinte sourde de la mer
notre demeure au goût de sang
(p.38)

Christophe Pineau-Thierry, Sentier débutant, PhB éditions, 2024, 52p., 10 euros.

Présentation de l’auteur




Philippe Pichon, (entre) presque (et) rien, – Eloge de l’interstice, Fabienne Raphoz, Infini présent

Face à son propre miroir Philippe Pichon devenu poète après romancier  pratique  des moirures coalescentes par la grandeur de l'allusion et  l'ampleur paradoxale de sa vision. Elle  ne débouche pas sur le néant mais, avec discrétion,  sur des gouffres intérieurs. Ils possèdent  par le talent  de l’auteure des tensions dans l'immobilité paradoxale des vérités politiques, religieuses voire poétiques d'où bondit parfois un bal carnavalesque de sardines céphalomorphes et enchevêtrées.

En conséquence, l’auteur appartient à ces créateurs du déchirement qui portent le plein au milieu des vides du logos.  Mais de fait, il met en branle jusqu'au bout cette extinction de diverses pensées. Et un tel livre devient non seulement le palimpseste de la mémoire mais aussi celui du réel. Est donné ici de surcroit la partie visible de l'iceberg des logos.
L'auteur écrit ou parle parce que l'Un (et quel qu’il soit) lui proposé sa danse des mots. Commence alors le bal de maudits aux mots dits sous une forme de « cavatine ». À savoir une écriture à la recherche des mots et de leurs interstices qui veulent anticiper non seulement ce qui arrive ou va arriver là où dans ce livre le conceptuel est physique.
Linéaire et chaotique la structure de cet ouvrage  laisse parfois entrevoir dans le faire ou dans la forme, les signaux faibles d’une révélation qui nous échappe.  L’allusion devient alors un opéra, une ouverture, voire une opération. Savoir ce qu’elle « promet » est la question. La feinte, lyrique parfois, propose  des mots non-dits ou suggérés portées jusqu’à un « Haut les chœurs » pour s’entendre d’une frontière à l’autre dans un rêve d’humains.. Ici le temps compté prend ses ailes avec des Elles, des Ils sans les chamarrer d’uniformes ou maillots.

Philippe Pichon, (entre) presque (et) rien – Eloge de l’interstice, Editions Dutan, Paris,, 2024, 166 p., 18 €.

Ici chacun reste sur l'autoroute où il semble s'égarer mais  non pour fuir ou  suivre une croyance unique. D’où ce discours allusif chasse de gré ou de force la peur ou le pensum au profit de l’audace.
Dès lors s’il fallait Platon pour préparer le signe du Christ (comme disait Saint-Augustin), il faut des termes mais aussi leurs interstices  pour que surgissent des profondeurs cachées pour que s’émet le désir exonéré du liant, compact.  L’  « entre » permet de se hausser  loin des vigilances inutiles. Le sens en sa qualité d'origine est remplacé par une possibilité d’un  Multiple silencieuse face au Un. 
L'interstice reste pour l’auteure le moyen d’allumer  une polyphonie et une absence. Elle permet cette ataraxie dont Spinoza attendait la conversion des désirs et des affections en pensées là où des mots s'affaissent et le vouloir s'efface. En un tel livre n'est plus une simple parole qui agit là où se trahissent des rapports entre  conscience et désirs de l'un vers l'autre. Par leur « entre » les mots contribuent au devenir de la langue où peut se passer que quelque chose arrive en un certain possible des journées enfantées dont parla Rimbaud.

 

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Fabienne Raphoz, « Infini présent »

C’est en son enfance à la campagne que Fabienne Raphoz a découvert oiseaux, insectes et divers petits animaux sauvages. Mais l’auteur connaissait aussi d’un jeu des 7 familles de bêtes. Cela lui est venu le  : « goût pour la taxinomie et les classifications » et le celui des mots « incompréhensibles ».

Mais à ce qui pourrait rester des suites de textes entomologistes  des poèmes construits à partir de l’histoire des insectes comme les siphonaptères ou les grylloblattes « ailés du Permien » et qui « butinent les conifères » avant de disparaître des ères passées.
De telles bestioles jaillissent une nuit de janvier, d’autres sont plus tardifs. Le tout avec plusieurs critères de choix et classement ( avec explications préambules du poème). Mais aussi parfois, avec humour, distance attendrie et du Ronsard compris rendant la vie plus vieille mais plus jeune aussi.
Tout tient parfois avec un éclat de noir  pour  percer l’opaque par charité dressée de tout l’encre des nuits et de la nature. Surgissent des argiles de vieux dieux en rengaines parfois tribales prêts à la résurrection. C’est une question de survie ou de surmourir aux joies de la terre. Les uns surpassant les autres pour outrepasser le seuil par gueules entières, fronts et ventres encore vidés mais parfois en orgues de combat pour envoyer leurs gloires en première ligne.

Fabienne Raphoz, Infini présent, Héros-Limite, 2024, 130 p., 18 €.

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Silvia Majerska sauvée par les roses

Pour qui sait l’ignorance, la rose « obéit : à la lumière, à la chaleur, à l’eau ; trois lois — trois pères. ». Silvia Majerska, nous le rappelle dans ce livre de 12 portraits de plantes semblables et sœurs (d’ailleurs de la poétesse elle-même). Ils font d’elle une songeuse ailée qui « la nuit, rêve abondamment, sans élégance et jusqu’au bout. je sais qu’elle m’observe respirer, je la révolte, »
 
De telles plantes de pareille présence ne peut devenir des absolues absence  si la poétesse les oublie :ce serait alors sa méconnaissance renforcée. D’autant qu’elles sont des échos de sa vie intérieure.
 
Elle ne supporterait par’ leur indifférence : elle est née pour flairer tous leurs parfums, leurs lumières qui investissent   son corps « les deux sens opposés du vertical. ». Lecteurs et lectrices qui ont oublié de les connaître sont vengés par de tels végétaux. Toutefois et de plus Un certificat de leur valeur passé (elle-même vengeance posthume) leur accorde l’amour, l’amitié et nien sûr au tout près  l’âme. L’âme blessée chez la poète comme en tous les autres. Quant aux roses elle restent  autres éternellement blessée, éternellement renaissante et finalement invulnérable. L’invulnérable incurable. Elles nous habillent  plus totalement que la mer n’habille le rivage.
 
Leurs présences est l’état d’être de l’auteure en des contours d’envol. Par leurs têtes découvertes tout coucher de soleil est sans mélancolie. Ses sens glissent là où sur le « terrain planté de guérillas vertes » eElles  restent l’éclat des sources et deviennent des poèmes, immédiatement et pour toujours.

Silvia Majerska, Blancs-seings, Collection Blanche, Gallimard, 2024, 72 p., 12,90 €.

Présentation de l’auteur

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Marilyne Bertoncini, L’anneau de Chillida

Recueil insondable, si riche en chemins qui se croisent, se dédoublent, se multiplient vers un tout harmonieux présent mais jamais atteint, vers une cosmogonie où réalité et imaginaire ne font qu’un.

Le poème peut être lu à partir de n’importe quel vers qui joue le rôle de centre, qui s’élargit vers le poème et vers le recueil en son entier comme des cercles concentriques quand la pierre jetée à l’eau est devenue ce mot par quoi tout arrive. Nous retrouvons l’Anneau de Chillida qui de fer est devenu cette eau trouble où toute poésie s’inscrit aussi forte et durable qu’un anneau de métal qui est dans tout, que tout appelle dans sa précieuse unité.

On voudrait ne lire qu’un vers par jour et l’emporter la journée durant en l’écoutant et le palpant au fond de soi comme un sourire et dire merci d’exister à cette beauté que nous frôlons exprimée par la douceur de ses images et de ses oxymores. Le lecteur flotte dans la musique des mots éperdus de présent, de souvenirs reliés à cette mythologie toujours présente à ceux qui en font des symboles pour approcher aujourd’hui. D’emblée nous pratiquons la poésie, nous sommes initiés par la teneur dense et ferme d’un vers qui s’étire dans toutes les directions de la sensibilité et de la pensée de l’aube à l’aurore, de la nuit au jour entre tous les points cardinaux de la mémoire qui fuse à chaque poème parmi l’ombre, la lumière, toutes les forces qui se rassemblent en nous sous la conduite d’une baguette magique trempée dans le miroir de nos paroles. Des fragments, des resserrements, la terre, le ciel se dilatent  et livrent leur présence de l’illusion et de la certitude mêlées de réel allant de la dérive à l’ancrage, du présent à l’absence le tout dans une nature prégnante en chaque poème, non pas décorative mais en avant, en action ressentie au plus profond de soi, indissociable.

Marilyne Bertoncini, L'Anneau de Chillida, Atelier du Grand Tétras.

Nous sommes au bord du quotidien ne basculant jamais dans le surréel, sur cette ligne qui fait frémir toute pensée qui s’est déjà dépassée vers l’acceptation du monde, vers cette sensation d’éternité , cette douceur que les mots soulèvent en s’irradiant l’un l’autre de leurs sonorités discrètes et bienveillantes.

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Francis GONNET, Sous la pierre des nuits

Un petit livre carré, soigné, composé de petites proses (2 ou 3 par page) qui éclairent les obsessions du poète : neige, nuit, parole poétique, besoin de clarté et de pureté.

Deux sections construisent le recueil, autour des pierres et des nuits, et de cette lumière à conquérir.

Le creusement des choses est à l'aune de ce que l'on peut cacher en soi, "souvenirs amers", "neiges intérieures", "indicibles lumières" ou encore "lumière offerte".

L'écriture par métaphores au génitif renforce le lyrisme de l'ensemble : "draps des nuits", "goût du désir", "page de l'obscur", "pigments du jour".

Le poème s'inscrit dans le silence ou la craie, s'offre en partage, déloge les lourdeurs du réel pour alléger l'espace même du poème : "Entre deux lattes de silence, la lumière perce le tympan des nuits, laissant couler le pus de l'ombre" (p.23)

Ainsi le livret consent-il sa fonction purificatrice, entre concessions à la nuit et joutes de lumière et de mots.

Francis GONNET, Sous la pierre des nuits, Toi édition, 2024, 56p., 12 euros. Lavis de l'auteur.

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Jacqueline Dusuzeau, J’ai soulevé les grandes images, Catherine Andrieu, Les griffes d’Obsidienne

Quand Jacqueline Dusuzeau musarde (ou presque)

Au cœur même de l’affect, mais aussi une technique légèrement surréaliste. Jacqueline Dusuzeau poursuit sa quête poétique commencée tardivement. Le temps  joue pour elle et pour elle, créer dans chaque poème c'est saisir une coïncidence aussi extatique que brève.n La jouissance de l’écriture possède  ici la même structure ou racine  que  les « grandes » images qui touchent directement à l’être en tant qu’elles sont en un maximal de coïncidence  par ce qu'elle produise moins par tableaux, qu'en écriture.*

Celle-ci est une intensification des jouissances du flux poétique qui soulève et libère la nature : par eemple « la poussière dorée / des boutons d’or / pour y voir le soleil » Surgit alors dans ces fragments une forme où l’impulsion magnétique singulière.
 
 Existe aussi une immense mimologie  qui produit sans cesse comme visée d’augmenter toujours plus l’intensité de nos plaisirs de lecture. Les émotions  sont physiques, immanentes, de l’éternité : on attend ici le déchirement d'un voile mais celui-là ne se soulève que dans des gestes plus simples : regarder une fleur . Les mots ne sont donc pas une argile fertile que l'on pourrait pétrir mais un territoire de rêve où les herbes et la caresse du vent disséminant les graines, entraînant nuages et pluie, à  l’heure du poème et ses ramifications.    Lui-même messager du temps, des pensées agitées, du temps qui s’envole,il revient, emporte et rapporte,
 
Alors et si poussière nous sommes, imaginez le reste, imaginez nos mots poussière de poussière, Le mouvement de l'écriture nous laisse croire qu'il existe un lieu hors lieu où le mal vu  est habité de présences proches et des apparitions.   Ici les mots ne sont pas des fausses graines, des placebos, ils permettent  retrouver l'image la plus naïve, la plus intenable. On croit voir, on croit sans y croire. Mais on se tient à ça, comme seul viatique. Rien donc qu'une brise sur la page qui ne fait que reculer jusqu'au silence.  La nuit éternelle finira de psalmodier mais ne telle femme caresse le monde et ses poèmes le rapproche de nous.

Jacqueline Dusuzeau, « J’ai soulevé les grandes images », coll. Jour & nuit, Les lieux Dits editions, Strasbourg, 2024, 80 p., 15 €.

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Cérémonie secrète de Catherine Andrieu

Catherine Andrieu peut employer dans sa construction textuelle tout une archéologie du mythe des profondeurs de la terre et de l’obscurité pour raconter une histoire. Son récit ici et comme souvent est une vision très personnelle.  Au paysage classique se superpose réel du passé et du présent. Si bien que tout s’imbrique entre faits, légendes, vérités possibles, mythologies lointaines afin de traduire et renforcer le sens de la cavité, entendue comme un espace générateur où peut se lire non seulement le mythe de la caverne de Platon mais l’antre du féminin.

La contrainte d’une telle créatrice  l’artiste est moins la recherche d’un « paysagisme »  mais  le besoin de revenir sur une île mémorielle de sa propre enfance et ses amours  ambivalente car elle peut à la fois se retrouver l’enfante (blonde)  qui sommeille en elle et se voit confronté, par le biais de la conscience adulte de la narratrice, à la mémoire de l’inéluctable cycle naturel entre ouverture et dénouement : la représentation poétique ici autorise à remonter les temps. Un n’est jamais seul.
 
Que voit-on naître de la nuit et la ruine de l’empire du mythe de la femme aux cheveux de neige accompagnée de sa panthèree ? C’est la mort qui scrutait en elle par les envahisseurs. Mais une enfante blonde (double de la narratrice et auteure)   claque les portes.
 
Pour elle  le soleil n’est jamais trompeur. Nous retrouvons ici une langue altière même en « phrases crevées ». D’autant qu’elles ne sont jamais grevées d’absence. Le tout est de nager dans une eau qui malmène. Mais non sans plaisir même lorsque certaines situations peuvent être parfois douloureuses.
 
Dans ce superbe conte poème en prose en un si long voyage dans le temps comme dans la vie de Catherine Andrieu à chacun d’en comprendre, dans bien de concordance des temps. La poétesse ne récrit jamais le double de ce qui a déjà été dit et ne tire jamais la laisse du chien de la mélancolie (ou de Goya lui-même). Chez elle une odeur de neuf relie la terre au ciel et vice-versa si bien que - paradoxe - son écriture est plus ruisseau que pluie.
 
Une telle affaire est entendue en touches « sur les toits d’un goût de chose lue dans l’aboiement de l’air » mais l’auteur ne joue ni l’ange ni la bête. Il lessive le connu pour extraire d’un tel essorage les « volupté des voluptés » et son contraire. Se capte l’insaisissable de l’intime mais sans la moindre ostentation du lyrisme - cette frangipane souvent indigeste dans la pâtisserie commune des poètes.

Catherine Andrieu, Les griffes d’Obsidienne, Préface de Patrick Cintas, Rafaeel de Surtis éditeur, Cordes sur  Ciel, 2024, 40 p., 18 E.

Le tout à la recherche de la transparence passe par l'opacité qui nourrit la complexité de l’auteur et de son aimée qui innerve ce livre (et pas seulement celui-ci). Après tout et au nom de ce que l’amour « fait » les deux corps de ce couple d’élection sont réels, fantasmés, vibrants (une telle expérience est connue à tout « amourant »).
 
Dans ces expériences d’écritures surréalistes tt existentielles le mot n’a pas seulement un emploi décoratif, de bel emballage, mais un rôle de création, il est directement impliqué dans des expériences risquées. A la différence du peintre ou du musicien une telle auteure préserve comme matière première des vocables.
 
Preuve qu’une poète via la légende  nous avoue ses chagrins d’amour ou d’autre sorte, ses sensations  esthétiques, ou, pourquoi pas, ses réflexions philosophiques; la parole n’étant plus considérée simplement comme un véhicule, l’essentiel pour l’auteur étant qu'elle soit magique et sensible qui a un effet sur nous.
 
 Plutôt que de parler de déconstruction de l’image il faut insister plutôt sur la présence d’une autre narrativité. Elle inscrit la distance plus que la dérision afin de porter un « message » social ou politique souvent fort car implicite : puisqu’il oblige le spectateur à construire sa propre lecture et analyse
 
L’intelligence préside à ce travail. Toutefois l’émotion n’est pas absente. D’où la féerie proposée en forme jamais violente. Néanmoins tout est fait sinon pour atténuer les effets de l’affect du moins pour ne pas les afficher afin qu’ils ne cannibalisent en rien le propos iconoclaste. Dès lors la féérie est volontairement glacée. Existe là une forme d’inter-lucidité impressionnante chez cette poétesse surréaliste par excellence.
 

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Christine Guinard, Vous étiez un monde

Du monde du réel à celui de la poésie, il y a le tremplin de la mémoire et cet imparfait qui, dès le titre, noue au poème les images d'un passé qui vibre encore - images d'eau, de lavoir, de toutes ces femmes qui plongent le linge, ce monde qui était, n'est plus et que le poème s'engage à retrouver, coûte que coûte.

La poète, en peu de textes, dit très fort cet attachement à ce "magma" de sensations qui s'imposent à elle ; la poésie s'écoule telle l'eau, charriant formes et plis, "ombres glissées", forme de vie qui "vienne" réparer ce qui manque, ce qui est perdu.

Dans une langue lyrique, qui ne déborde jamais, la voix de la poète arrive à nous émouvoir, par son grain, la douleur perçue et la volonté d'inscrire dans le flux poétique, ce peu qui nous rassemble, le vrai du cœur.

Christine GUINARD, Vous étiez un monde, Gallimard, 2023, 64 p., 14 euros.

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Sabine Péglion, L’espérance d’un bleu

Quel est ce bleu qui étire son fil tout au long du nouveau recueil de Sabine Péglion ? Il est celui du titre, L’espérance d’un bleu, une couleur récurrente dans les poèmes mais aussi dans les peintures de la poète, celles qui accompagnent superbement le livre.

Entre brumes et étoffes, elle évoque la fragilité de silhouettes éphémères. Ombres portées, elles se déplacent comme happées par ces « Voiles bleues / aux marges du silence » Les mots ainsi que le trait de couleur les situent à la limite de l’estompe. Tant dans les poèmes que les peintures, elles sont chargées du mystère de notre présence humaine, à nous-mêmes, aux autres et au monde.

« bateaux ancrés      nul sillage / pour s’évader      mots en naufrage » Être, exister est une douleur et il faut faire face à « Ce bleu ouvert de la blessure ». Le ciel est à la fois miroir où lire la faille et souffle blessé qui se suspend. Où trouver l’espérance sinon dans l’infime trace de ce qui fut et qui continue rappeler la lumière ? Si fugitive soit-elle, elle a été et en tant que telle, elle devient réconfort. Ces oiseaux, « Serait-ce vers toi qu’ils tracent un filet d’azur / où le regard se perd ». « Force d’un accord », la couleur porte en elle une parenté possible avec le poème, par ce que la poète nomme comme « le bleu d’un poème ». Pourrait-on parler ici du bleu que l’on espère et de son envers blessé comme un bleu de l’âme ? La poète ainsi que les figures de ses poèmes se meuvent avec grâce d’une lisière à une autre, enveloppées de brumes où s’engloutissent les voix de la mémoire. Écorchures, entailles et épines restent sous « la lumière mauve ». Envers ou endroit, le bleu ne serait-il qu’un rêve dont seule l’étincelle survit en nous ? « C’est tout / voici le bout    de la jetée / vraiment      c’est tout » Face à l’amère brièveté du chemin, la poète exhorte néanmoins à l’acceptation, une acceptation féconde, salvatrice, qui exalte les lueurs glanées ici et là. 

Sabine Péglion, L’espérance d’un bleu, éditions La tête à l’envers, 2024, 66 pages, 19 euros.

Accepter comme l’arbre « dépouillé de tout feu », « de déployer vers le ciel / cet obscur labyrinthe ». Sabine Péglion invite à recueillir ce qui est malgré tout « pluie d’étoiles ». Un très beau recueil où la concision de l’écriture est à la mesure de son incandescence. Les peintures de la poète s’insèrent entre les poèmes, formant un contrepoint lumineux où mots, traits et couleurs entrent en dialogue, pour tenter d’élucider la secrète calligraphie du monde où nous sommes de furtifs passants.

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Estelle Fenzi, Le goût des merveilles

Le recueil commence par un appel à l’enfance, vue à travers les contes et une étonnante définition : « Je suis une impossible biche / un désenchantement ». Vite le poème suivant donne la clef : l’enfance est ce temps où l’adulte, ici maman est observé avec ses « épaules rentrées regard baissé », où « le sommeil enfile des gants noirs / pour étouffer les révoltes de la veille ». L’homme fort de cet âge, c’est l’enfant et non l’adulte. Rendu à ce point de lecture, j’interroge distraitement la mienne, qui me confirme cette vérité.

Vient peu après deux vers terribles qui précisent comment finit l’enfance : « Perdre l’éternité / voilà les derniers mots de l’enfance ». Fin du premier poème. Ils sont quatre inscrits dans la table des matières du recueil : Agapes de l’ombre, Nos territoires d’orphelinat, Le goût des merveilles, Petite sœur (Le miroir de glace). Le deuxième m’entraîne écouter les enfants oubliés des contes, les frères et sœur d’Alice ou du petit Poucet. Ils me confient qu’ils n’avaient pas imaginé leur enfance telle des « bouts de verre », qu’ils furent marqués par des blessures qui leur font « confondre la vie / et l’oubli », et ou « ce qu’on entend rugir (…) / c’est la cohorte de nos peurs ». Puis vient à la fin de ce poème où un des enfants nous confie : « Nous avons / sous le préau du crâne / des cris d’hirondelles et des plumes tombées ». Le troisième poème, avec son titre, fait espérer toucher un peu de la merveille qui circule dans l’enfance. Elle logerait dans le récit, dans ce pouvoir singulier de l’enfant de rassembler « la barque du temps / et la rivière tranquille ». Ou encore de faire entendre « une humanité / de mots murmurés // (les plus beaux à entendre). Ou de témoigner de « L’hommage des sources / et des vents souterrains ». Un ton sombre se maintient pourtant dans ces vers, peut-être car malgré cette pierre de touche qu’est le merveilleux, l’enfant garde la prescience du naufrage à venir, même si on peut lui demander ce tour de magie : « Enfance magicienne / compte un deux trois // soleil ».

Estelle Fenzy, Le Goût des merveilles, Editions De Corlevour, 2024, 96 pages, 16 €.

Cette prescience viendrait que malgré ses jeux, ses défis, l’enfant n’ignore rien de la fragilité qu’il porte non pour lui mais pour le monde : « Splendeur et danger / nous sommes / le fragile du monde // et ce frôlement / de la mort dans la vie ». Vient déjà le dernier poème avec ce vers couperet : « Et tout à coup – la nuit ». Le dernier poème s’ouvre dans une forêt immense. L’enfant s’y rassure car « c’est dans le noir les plus belles rencontres. Puisque tout est fragile ». Mais le lecteur que je suis tremble après chaque vers. L’enfant s’enfonce car il « faut marcher longtemps pour trouver ta tanière ». Plus loin, la rivière, l’eau du lac avec ses grands bras prêts pour la noyade. Mais l’enfant survit, « bâton de présent dans le temps qui recule ». Une voix vient à elle, l’invite à se garder simple, à entendre « l’oiseau blotti dans la bouche du monde ». Maintenant viennent les vers qui vont conclure ce hors du temps qu’est l’enfance : « Écorchée tu choisis ta peau de femme ». La voix du poème (est-ce celle de la mère ou celle qui porte en elle l’enfance qu’elle fut ?) lui demande de rester « accrochée à ton âme. En échange, elle n'aura pour elle « que mes naufrages à offrir mais // ce sera méditer ta voix nue ». Me frappe ce rapport au temps si propre à l’enfance. Il me rappelle une notation de Tolstoï dans son journal et retranscrite par Simon Leys dans son merveilleux livre, Le bonheur des petits poissons : « seuls les enfants et les vieillards vivent la vraie vie : les premiers ne sont pas encore soumis à l’illusion du temps, et les seconds s’en dégagent enfin. » En attendant d’être ce parfait vieillard, le recueil d’Estelle Fenzi m’a incité à réinterroger ma propre enfance, ce pays perdu qui forme désormais l’horizon. Je me suis dit qu’elle fut aussi celle-là.

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Eric Dubois, Nul ne sait l’ampleur

« Entre désir et désillusion, entre raison et espoir fou » (extrait de la préface de Pierre Kobel)

Un opus de 27 poèmes, le premier, un quatrain ouvre le recueil comme « un coup de poignard »  pour dire la violence  de la vie quand les mots ne suffisent plus, quand tout semble perdu, quand la vulnérabilité  prend toute la place, quand l’ombre prend le pas sur  la lumière.

Des images coup de poing pour exprimer un état de désespérance : «  Ma tête est un reposoir. Un écho pris de vertige. Une flamme noire qui  calcifie les oiseaux du paradis ». En ce recueil, une tonalité nervalienne et plane  « le soleil noir de la mélancolie » ; une mélancolie que le poète nomme pudiquement nostalgie : « Nostalgie noces de la lumière / et de l’ombre qui agit comme/ une algue envahissante… »  Alors, la tentation de l’alcool comme refuge quand il n’y a  «  Nul mots à l’endroit/ où saignent les larmes… » et que tout devient désert : «  Je ne sais rien de la nuit/que les ombres furtives/ le long des rues désertes… ». La nuit est un  thème central du recueil, elle abrite le silence, les silences « coupants / comme des couteaux ». La nuit est métaphore de cette mélancolie, une mélancolie qui rend perméable à la souffrance des autres, la souffrance dont «  Nul ne sait l’ampleur ».

La vie, une vie qui oscille entre l’obscur et le soleil car jamais ne cesse la quête de la lumière ; par-delà la nuit, par- delà les volets clos : « dans un rai / d’éternité absolue », passent et la lumière et l’amour alors, la nuit n’aura pas le dernier mot, l’espoir vaincra le désespoir ; les mots et la poésie pour consoler le dépossédé pour éclairer la nuit du Desdichado.

 (Ce recueil a été finaliste en 2024 pour la quatrième édition du prix de poésie Léon Paul Fargue )

Éric Dubois, Nul ne sait l’ampleur, éditions unicité, 2024, 45p 12€.

Extrait (p.27-28)

 

Ce sera une nuit

comme une autre

mais ce sera la dernière

les yeux remplis d’étoiles

 

Ce sera une nuit

comme une autre

mais ce sera la seule l’unique

solde de tout compte

 

Ce sera une nuit

comme une autre

dans les draps blessés

dans le sang glacé

 

Ce sera une nuit

comme une autre

plus belle encore

et plus jolie

 

Ce sera une nuit

comme une autre

comme une dernière

colère une ultime prière

 

Ce sera une nuit

comme une autre

mais que l’on n’oubliera pas

dans le bruit des pas

 

 

Par-delà soi

par les autres qui se souviendront

de vous traçant ainsi la nuit

avec des fils de soie

Présentation de l’auteur




Pornographie : le cri de Cédric Demangeot

Drôle de titre à première vue, tout en sachant qu’il va s’agir de poésie et non d’un essai philosophique, encore moins de littérature « porno », même si l’obscène sera présent, y compris au sens le plus directement sexuel. Obscène donc parfois mais jamais pervers (au sens du roman de Gombrowicz, par exemple).

Ce recueil – en réalité la réédition à titre posthume de recueils parus entre 2006 et 2011 – est un manifeste d’une rare violence qui paraîtrait outrée si l’on doutait un instant de la sincérité de son auteur. Mais, comme Jérôme Thélot l’a justement souligné, si Demangeot délivre bien un message – clair ô combien – la politique est ici « interne au poétique, immanente, strictement inhérente à l’élaboration du poème »1, à la différence des postures politiciennes qui peuvent être soutenues explicitement par des auteurs.

Les textes rassemblés ici, remaniés par Demangeot avant sa disparition en 2021 à l’âge de quarante-sept ans, furent écrits dans le contexte de l’affaire Brice Petit, un professeur de lettres et poète, interpellé et inculpé pour s’être opposé à des violences policières. De fait, la police est omniprésente dans l’ouvrage, pas seulement dans le poème « Matraque » où l’auteur s’imagine d’abord plaqué / contre le / pavé [...] la matraque en // foncée dans la bouche je / ne sais plus très bien par où / respirer je / bande – puis méchamment passé à tabac, quelques-unes // de mes dents se brisent / et se dispersent au sol // comme une poignée / de minuscules & blancs // dés à jouer / sa vie pour un rien [...] Ma / traqué – tête // rentée dans le thorax – jam / bes mauves fémur // en miettes, et finit en proie à des visions hallucinées : tout / tourne // autour de / ma tête éblouie / deux rondes deux / cercles concentriques // – le cercle intérieur / composé de danseuses // voilées de bleu qui me font / bander et pleurer du sang // l’autre cercle, autour / du premier, de fantômes // en arrêt – je / fais ma joie de ces visions.

Cédric Demangeot, Pornographie, L'Atelier Contemporain, 2023, 336 pages, 25 €.

Reproduire comme on vient de le faire la poésie de Demangeot (/ pour changer de ligne ; // pour sauter une ligne) ne lui rend pas suffisamment justice. La disposition des vers sur la page est chez lui capitale, plus encore que chez de nombreux pratiquants du vers libre. Parfois, comme dans le poème « Litanies de Caïn » qui ouvre le recueil, divisé en versets de neuf ou dix vers, l’auteur ne se contente pas de sauter une ligne, il coupe carrément la page en deux, avec un premier verset en haut et le suivant en bas de la page. Ainsi, après le meurtre d’Abel, le premier verset qui se termine par On m’a / blanchi. On m’a / dit que j’étais un homme, un / de ces hommes dont le monde / a besoin. Pour s’interrompt brutalement sur la préposition « pour » et la suite n’arrive qu’après un énorme enjambement : fuir, on m’a donné / de faux papiers. Calligraphiés / d’une main sûre. Enluminés / avec élégance. Avec ça en poche je / vais, comme je suis, comme / je me tiens : corps / écrit : j’ignore / au nord / de quoi. On remarque quatre octosyllabes dans ces versets, comme pour donner une cadence, d’ailleurs vite interrompue, outre que de ces vers, un seul (de ces hommes dont le monde) se lit d’une traite2. Simple coïncidence ? Sans doute, car la présentation de deux versets par page séparés au maximum est bien ce qui rend remarquable le poème sur Caïn. Elle oblige le lecteur à reprendre son souffle entre deux versets successifs, le temps d’une pause pour assimiler ce qu’il vient de lire.

Le livre est divisé en deux parties, Pornographie et Ravachol3. La première – sous-titrée Ébauche d’un livre du mal – compte dix-sept poèmes. Si tous dégagent une atmosphère crépusculaire, de fin du monde, d’arbitraire et de violence contre laquelle le poète tente (en vain) de se révolter, l’humour vient souvent au secours pour rendre le tableau plus supportable. On a pu s’en rendre compte par les extraits ci-dessus et la manière qu’à l’auteur de couper les phrases – voire les mots, ici ou là4 – y contribue fortement. Il lui arrive aussi de souligner un mot en le mettant en italiques.

Quelques textes apparaissent plus légers que d’autres en dépit de leur sujet. Ainsi « Concentrationnaire » où le poète dénonce plutôt gentiment les vacanciers enrégimentés. On repère même quelques préciosités : l’intégrisme critique / et l’éclatante condescendance / et le barreau blanc bleu violent de la / voûte hypercielleuse de l’ / été.

Pour Demangeot, le monde est foncièrement obscène, ce qu’il définit en tête du livre comme ce qui offense ostensiblement le sens moral. Ex. : l’obscénité du capitalisme. Encore une fois, son discours n’est pas un discours, mais un cri. Il ne se demande nulle part quel système serait préférable au capitalisme ; il accuse et, reconnaissons-le, il n’est pas nécessaire de chercher bien longtemps pour découvrir les tares de notre système. Rapports de classes, rapports de genres aussi bien.

 

l‘oiseau, l’ / oiseau de la / Nuit mon a / mant m’a / menti maman, on / m’a fait mal on / m’a mal / mariée Ah / mon amie, tu / es là, toujours nue toi, près de / moi, moi vêtue de ce / sale vêtement bl / ancommunmort, (« Une triste histoire »). 

 

Demangeot ne fait pas mouche à tous les coups. On peut penser qu’il stigmatise ici des mœurs rétrogrades, des mœurs que la police qu’il honnit pourtant s’efforce de combattre et qu’il devrait bien choisir entre une police appliquant imparfaitement notre conception des droits de l’homme et le relativisme du « toutes les cultures se valent ». Là n’est pas le propos. Le poète a un droit (un devoir ?) général d’insurrection (même si celle-ci ne saurait mener bien loin, mais c’est un autre sujet soulevé ici de surcroît par un pessimiste par nature). 

Quand Demangeot dénonce l’obscénité et la violence, il y va carrément : Chérie – oh / tu m’écoutes quand je parle j’ai dit / regarde Salope / ou je te dévisse la tête à coups de poing (« Sale temps ») ; la / Mort m’a mise à genoux m’a / forcée – for / cée à sucer / un Propriétaire, le / curé mon mari / bandait de me voir à genoux […] ce fut la grande Kermesse / de la Terreur, le grand défilé / des hommes importants / dans ma bouche & / dans mon cul (« Une triste histoire »).

On notera dans le dernier exemple l’intéressant usage des majuscules pour désigner l’ennemi : le Proprétaire (le capitalisme), la Kermesse (la religion – ou le marché?), la Terreur (le pouvoir). Demangeot anticlérical ? Pas sûr. Dans la citation précédent, « curé » n’a pas droit à la majuscule. Par ailleurs, le poème « La soif » commence par un tercet : Vite bordel / il faut que j’avale / une éponge, où les deux derniers vers sont en italiques sur l’original, comme pour souligner la citation des Évangiles relatant le calvaire du Christ.

Il y a chez Demangeot une certaine « décontraction » (en paroles) à l’égard du sexe féminin qui risque de choquer les bien pensants. Il n’est pas sûr que ces derniers soient prêts à accepter une dénonciation de la misère et de l’injustice sociale exprimée comme dans le poème « Sale temps ».

 

regarde / tout de même ils / auraient pu envoyer un / pauvre, au ramassage de / ces monticules de cadavres laissés pourrissant / sur le trottoir, qu’en penses-tu / Chérie, touche / comme c’est mou, sens / comme ça pue, vois / comme c’est laid, comme / ça vous gâche un paysage parfait – allez, / ma petite pute – je veux de toi / que tu me dises combien / c’est innommable – alors nous / la nommerons ensemble & / sentirons le frisson vrai / refroidir notre double dos –

 

Un couple en train de faire l’amour (le « double dos ») qui s’indigne parce que la misère – qui n’éveille en lui qu’un frisson (fût-il « vrai ») – s’expose au grand jour, un homme qui traite sa « Chérie » de « petite pute » : se moquer de la misère, rabaisser sa femme, tout cela est fort incorrect et dévoile par ailleurs un aspect de Demangeot que l’on ne voit pas nécessairement chez lui. Sincère, oui, scandalisé, oui par l’injustice, les violences policières (en particulier dans ce recueil), mais lorsqu’il dénonce ainsi l’indifférence, dans quelle mesure s’en exclue-t-il ? Suffit-il de crier ? Le fait qu’il emploie ici la première personne du pluriel pourrait inciter à  penser qu’il ne veut pas être dupe de lui-même. Est ainsi posée l’éternelle question de la vérité du poète, y compris  lorsque sa sincérité n’est pas en doute.

 

Et poète est celui
qui s’obstine à fouiller une terre
battue de bottes pour le sens
battu du mot d’homme qui ne s’y trouve pas

Cette définition, tirée du poème « Fenêtre sur le bleu » n’est somme toute pas si différente de celle de Paul Celan dans Le Méridien5. La poésie, Mesdames et Messieurs : cette parole d’infini, parole de la mort vaine et du seul Rien6.

Notes

(1) Jérôme Thélot, « Politique du poétique : le travail de Cédric Demangeot », L’Esprit créateur, vol. 55, n° 1, 2015, p. 69-77.

(2) Compte tenu du changement de ligne entre « dont le monde » et « a besoin », il semblerait judicieux de ne pas faire la liaison et de compter la deuxième syllabe de « monde » comme un pied, ce qui ferait bien de ce vers un octosyllabe.

(3) Cette deuxième partie, plus courte, sous-titrée « petit roman en vers suivi d’un poème », consacrée à une évocation de l’anarchiste Ravachol (1859-1892) commence par la retranscription de son journal et se poursuit par diverses « gloses » (à ce sujet, la postface de Victor Martinez, p. 383-384).

(4) Exemple : Ceci / est ton frère. Le morceau / reçoit le don du nom / bizarre d’A / bel.

(5) Der Meridian, discours prononcé à l’occasion de la remise du prix Georg Büchner (1960).

(6) Dans l’original : Die Dichtung, meine Damen und Herren – : diese Unendlichsprechung von lauter Sterblichkeit und Unsonst ! Ici dans la traduction de Maurice Blanchot (in Philippe Lacoue-Labarthe, La Poésie comme expérience, Paris, Christian Bourgois, 1986, p. 146).

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