Joel-Claude MEFFRE, Trois poèmes (extraits)

L’HIRONDELLE ET LA TAUPE

 

Brodski  rapporte cette histoire russe,
celle d’une hirondelle et de son hôte, la taupe.  Cette histoire dit :
un vent de violence souffle sur la lande, et rabat
l’hirondelle sur le sol gelé. Elle sautille dans la neige, jusqu’à trouver
le trou de la taupe où elle vient s’abriter.  La taupe s’enfonce dans son trou
et l’hirondelle  alors s’endort. Elle a un lourd sommeil qui durera aussi  longtemps que la neige couvrira la terre. 
Telle est l’histoire russe.

Toi,  l’hirondelle, à quoi rêves-tu ? Iras-tu là-bas, au loin, reconnaitre  en ce pays au bout de l’air,
les fermes qui tremblent derrière les brumes, et les toits rouges des remises où tu pourras venir
bâtir ta maison de brindilles ?

Quand dirons-nous « visage », visage d’animal et gueule d’homme ?
Ainsi s’échangera toute douceur, de toi à moi, de moi au monde, du monde à toi,
en reconnaissance, de ce qui se pense, intimement, du rêve bactérien
au paradis simiesque.

Et toi, la taupe, dans quelles profondeurs t’enfonces-tu ? Tu creuses ta solitude
dans l’argile du sol. Tu avances dans  l’obscurité avec, au fond de tes yeux atrophiés,
une frêle lumière, comme de celles qui subsiste au creux d’une lanterne.

L’animalité, c’est ce qui illumine la mémoire des cris, les bruissements des ailes, nos ébats 
ininterrompus, l’écho des rugissements hérité des chasses révolues.

Dans la fraîcheur du temps resurgit « jadis » fondu dans maintenant où,
de mémoire, j’étais homme dans mon obstination à figurer avec le bout d’un charbon
tant de silhouettes et l’inflexible œil du lynx.

« Les hirondelles / Font des dentelles / Dans les étoiles. »
C’est ainsi que ma mère fredonnait cette comptine en regardant l’oiseau noir aux ailes blanches 
plonger et saisir de son bec un bout de laine  se tortillant sur le béton de la cour.

L’animal  ne  peut nommer, dit-on, mais l’innommable nomme l’homme quand l’animal, lui, 
en silence se terre à l’abri des haies.

Vieille taupe au pelage de soie tu viendras t’assoupir bientôt près des ailes aiguisées de l’aronde
qui s’est enfuie l’autre jour loin de la contrée délivrée de ses neiges.

Et les molaires de l’homme, décrochées de la mandibule, se dispersent 
une à une comme des graines piétinées sous les pas de l’ours.

 

Le loup, Le renard, le lièvre
...ronde éperdue

 

Ai vist lo lop, lo rainard, la lèbre
Ai vist lo lop, lo rainard dançar
Totei tres fasián lo torn de l’aubre
Ai vist lo lop, le rainard, la lèbre
Totei tres fasián lo torn de l’aubre
Fasián lo torn dau boisson folhat 

 ...Vieille chanson qui se chantait autrefois dans le Massif Central,
où trois animaux, le loup, le renard, le lièvre,
tournaient, tournaient autour de l’arbre.
C’était une danse folle qui ne s’arrêtait pas.

Ritournelle sans fin.

Et je me dis que tant qu’il y aura des hommes sur la terre
ils se prendront
à rêver de rondes d’animaux qui, d’ordinaire,
ne se rencontrent jamais.

Des rondes d’animaux étrangers les uns des autres,
entraînés par des rythmes étourdissants, par une mélodie ensorceleuse
dans une course folle autour d’un arbre,
dressé au fond d’une clairière.

Ces trois bêtes n’avaient pas été réunies par les hommes.
Et plutôt que de les croire envoûtées par une musique qui les subjuguerait
disons qu’elles se couraient après, de plus en plus vite,
dans le seul but
de s’attraper pour s’étriper,
sans jamais pouvoir y parvenir.

On sait, par tant de légendes
que le renard ne cesse de vouloir gruger le loup qui,
hargneusement,
n’a qu’une idée : faire sa fête au renard éternellement fûté et retors.
Quant au lièvre, lui,
il fuit le renard que poursuit le loup pour échapper
à la dent de l’un ou de l’autre.

Leur danse autour de l’arbre n’était donc qu’une fuite sans fin,
qu’une incessante course-poursuite
circulaire
faisant perdre haleine,
menant au vertige,
dissolvant dans l’indistinction les formes de ces animaux,
les réduisant à n’être plus qu’un mouvement éperdu
dans le temps terrestre.
Et on imagine mal comment cela pouvait cesser,
autrement que par l’épuisement du joueur de cabrette
ayant accéléré le rythme.

J’imagine aussi que des hommes
avaient pu attacher les trois animaux à une corde
pour les faire tourner autour d’un piquet
comme s’il étaient tenus en laisse.
C’eût été un manège, en quelque sorte,
une attraction de cirque.

Mais je préfère imaginer le loup, le renard, le lièvre,
et puis le blaireau, la belette, le daim, et puis d’autres et d’autres,
libérés de la ronde infernale,
se dispersant soudain, chacun de son côté,
et poursuivre leur errance à travers des territoires
sans limites.

De chacun d’entre eux, il nous reste les vivantes images
des symboles qu’ils représentent,
incrustés dans le temps des vieux mythes agraires,
d’où se dégagent des parfums de sauvagerie,
de mystère, de forces occultes,
des visions de crocs usés sous des babines humides,
d’oreilles ébréchées en constant éveil,
en constant mouvements de scrutation inquiète,
ou des fourrures luisantes, souillées, abandonnées sous les buissons.

Il est temps de rentrer chez soi !
Au fond de la clairière,
tandis que l’arbre seul s’épanouit dans le silence.

J’ai vu le loup, le renard, le lièvre
J’ai vu le loup, le renard danser
Tous les trois  faisaient le tour de l’arbre
J’ai vu le loup, le renard, le lièvre
J’ai vu le loup, le renard danser
Faisaient le tour du buisson feuillu. 

 

PIGEONS DE BAGDAD

 

Tous ces pigeons, dans le ciel de Bagdad,
qui tournent autour des minarets,
qui vont,
qui viennent au-dessus des toits,
dans la vieille ville,
nichant aux coins des fenêtres parmi les pots de géranium,
crient :  Haqq ! Haqq ! Haqq !

C’est qu’ils n’avaient cessé de tourner au-dessus du gibet
où Hallaj, martyrisé,
clamait vers les hommes et vers le ciel :
ANA HAQQ !
(Je suis la Vérité !)

Ces pigeons, ils ont toujours le cri d’Hallâj dans leur gorge
et répètent, jour après jour,
de siècle en siècle,
comme en écho :
Haqq ! Haqq ! Haqq !
(je suis la Vérité).

 

Présentation de l’auteur




Gérard Bocholier, Les fleurs de l’amandier volent, et autres poèmes

Des poèmes de Gérard Bocholier publiés en janvier 2014.

Les fleurs de l’amandier volent
Les cloches soudain se taisent
Le vent passe au cimetière
Soulever l’obscur des tombes

Tout est prêt un inconnu
Vient guetter à la fenêtre
Il disparaît sous des palmes
Dans un jardin de lumière

Psaumes de l’espérance (Ad Solem, 2012)

Plus fidèle que la brise
Au jasmin les senteurs d’ombre
Aux vergers après l’automne
Tu ne quittes pas ma main

Chaque instant que je reçois
Bel inconnu comme un hôte
Porte en secret ton visage
De grâce penché sur moi

Psaumes de l’espérance (Ad Solem, 2012)

Le bon berger m’a jeté
Son manteau sur les épaules
A l’heure où la main du soir
Sonde l’âme en chaque plaie

Les chiens aboient dans les granges
On ferme toutes les portes
Bientôt ne va plus rester
Que ce manteau plein d’étoiles

Psaumes du bel amour (Ad Solem, 2010)

Le manteau usé des herbes
Achève de disparaître
Au bout du chemin le vent
Se dresse en apparition

Le mort retourne la pierre
Qui bouchait la vue du ciel
Son âme boit tout entière
L’avalanche de soleil

Psaumes du bel amour (Ad Solem, 2010)

Aimer sans aucun retour… Aimer ce qui arrache en nous les dernières esquilles que notre conscience égoïste resserre… Laisser le passé se blottir dans ses lambeaux funèbres…
Ce tilleul, je le sens, vient à ma rencontre, ce nuage, cette rosace radieuse. Ils ne ressemblent à aucun autre, non plus alors que moi à moi-même. Que tout exil, que toute souffrance soient tremplins vers eux !
Plus loin s’annoncent la rive, et puis la mer, la mer allée avec le feu.

Abîmes cachés (L’Arrière-Pays, 2010)
 

Le mystère s’appuie aux limbes
Mais la lucarne attire
Soudain l’étoile
Dans une extase de neige

Glisse des tuiles
Le livre ouvert
Laisse une parole d’aubaine
Dans l’embrasure avec le feu

Belles saisons obscures (Arfuyen, 2012)

Les murs ne bougent pas
Les portes restent closes

Une cime se courbe
Sur le bois et la plaie

Tu souffles sur la braise
Et fais tout apparaître

La Venue (Arfuyen, 2006)
 

Présentation de l’auteur




Pierre Tanguy, Ai-je tout dit ? et autres poèmes

Un ensemble confié à recours au poème en décembre 2013.

Renoncules d’eau
dressées comme des cierges
sur la table des nénuphars.

Fleurs mauves des ronciers
pâlissant le long du sentier.

Ai-je tout dit de ce pays
quand l’oiseau lance ses trilles
au faîte des peupliers ?
N’y-a-t-il dans les sous-bois
que l’orchis à l’ombre des fougères ?
Dois-je attendre pour me lever
le départ d’une fourmi
dans son labyrinthe d’herbe ?

Le printemps tergiverse aujourd’hui.
Mon visage tourné vers le ciel,
je capte seulement le message
des nuages bas qui partent nonchalants
vers l’intérieur des terres.

Les clairières de soleil franc
sont toutes minutées.

La girolle est une pépite
dans le talus de mousse.
Je ramasse des brindilles
pour ma cheminée.

Il coule il coule
le ruisseau dans la prairie.
Les taureaux sont ébahis.

Sous de sombres futaies,
pays de fougères et de frênes,
la marche est sévère.

Petit chat à l’écluse,
tu t’ennuies et tu pleures.
Tu viens salir tes chaussons blancs
sur le sentier boueux.
 

La chute d’eau
n’est pas un torrent de montagne.

La nuque dans le trèfle
que butinent les abeilles,
j’entends les joueurs de boules
qui poussent un peu loin le bouchon.

La chute d’eau
n’est pas un torrent de montagne.
Je peux même entendre
des mères penchées sur des berceaux.

Cathédrale de verdure,
son parvis de trèfle et d’épilobe.
Gloire du peuplier,
son chant dans le ciel bleu.

Une branche de chêne
me protège d’un soleil ardent.
Un nuage se disperse
comme un troupeau de moutons.

Le chemin transpire,
il a bu les ondées.
Des hommes s’affairent
autour des moissons.

A flanc de colline,
les chevaux blancs à l’ombre.
Éclat bleu de la libellule
sur la feuille d’ortie.

J’explore des parfums,
des goûts de miel.
Les vaches tranquilles
s’approchent des abreuvoirs.

Campagne ardente
rafraîchie par le ruisseau brun.
Les papillons blancs
ont droit de cité.
 

(cinq haïkus)

Chapelle de la Palud
Sainte Anne instruit Marie
Au son de la bombarde

Jardin des moines
Les pommes anciennes
Mûrissent en silence

En fleurissant
Les plants de giroflée
Ressuscitent ma mère

Dans la mare
Traversée par un rayon
Un bigorneau tranquille

Du sang sur mes lèvres
Je mouline
Ma confiture de cassis

Présentation de l’auteur




Lucien Wasselin, Saint Didier, et autres poèmes

Un ensemble publié en 2014.

Richard
ces fameux problèmes d'hommes
ils sont venus s'ajouter
à ceux de fin du mois

quel est le plus dur
de la mélancolie ou du manque
même aux heures les plus pâles de la nuit
je n'ai jamais su

et le temps venu
on se dit qu'on a raté sa vie
qu'on n'a pas su lutter
qu'on a seulement cassé son âme

à regarder aujourd'hui les morceaux
dans le caniveau
les camarades sont devenus rares

les rêves sont intacts
on se révolte encore
on refuse de s'allonger sur la pierre
et d'offrir sa gorge au couteau
demain s'éloigne toujours
et nous le poursuivons

Richard
ces fameux problèmes d'hommes
ils sont venus s'ajouter
à ceux de fin du mois

quel est le plus dur
de la mélancolie ou du manque
même aux heures les plus pâles de la nuit
je n'ai jamais su

et le temps venu
on se dit qu'on a raté sa vie
qu'on n'a pas su lutter
qu'on a seulement cassé son âme

à regarder aujourd'hui les morceaux
dans le caniveau
les camarades sont devenus rares

les rêves sont intacts
on se révolte encore
on refuse de s'allonger sur la pierre
et d'offrir sa gorge au couteau
demain s'éloigne toujours
et nous le poursuivons

La fiancée du pirate
le chant qui s'élève
est une voix qui troue l'espace
et le fait trembler

je me souviens de Chant public
devant deux chaises électriques
c'était début soixante-six
Pia Colombo jouait Union maid
le souvenir me déchire encore
comme un écho de Woody Guthrie
elle chantait deux chansons
que le théâtre était beau
j'ai toujours le livre de Gatti
dédicacé de deux têtes de chats
et c'est la même nuit
de sueur et d 'agonie

puis ce fut
Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny
et ensuite
le récital Bertolt Brecht et Kurt Weil
j'écoute encore le disque
je n'ai jamais vu
Il faut rêver dit Lénine
mais je rêve toujours
aujourd'hui que la nuit
de sueur et d'agonie
semble recouvrir le monde

pas de nostalgie
mais la rage et la hargne
d'encor durer sans me renier
I'm sticking to the union 'til the day I die
la nuit de sueur et d'agonie
se déchire
Public song before two electric chair
fut joué à Los Angeles
pour commencer le millénaire
sans Pia Colombo

et le passé revient au jour
à l'ordre du jour

mais un soir il y aura des cris dans le port
et on dira : Que sont ces cris-là ?

5 mai 1981 Bobby Sands

gloire dans les siècles des siècles
et dans une journée de sa vie
à Bobby Sands mort de faim
dans la geôle de Long Kesh
par la cruauté du fossile
symboliquement deux fois décapité
qui régnait alors à downing street
et qui finit par perdre la tête
 

Présentation de l’auteur




Denis Heudré, Une couverture noire (extraits), et autres poèmes

Des poèmes publiés en 2015...

les chevaux s'emparaient des fenêtres
et les jetaient au fossé

dans la maison
une femme de quelques nues
n’avaient plus que ses livres pour pleurer

la vie renaîtrait sûrement
de la parole et tout près

***

pardon
pulsation

il ne faut pas laisser
un rythme sans surveillance

dans mon cerveau hurleur
s’évapore une naissance

l'amour une onde en soi
 

***

poème d'outre incantation

arbitrer les silences
en tracés de langage

mouvements monologues
en sous-absence

inter-prétention du savoir
des âmes

écrire
est terre
vierge

***

et l'Homme
se sent plus petit
chairs en friche
en lit desséché
chemins rebroussés
et paroles en l'air

ne lui est acquis
pas même le jour
que cette peau de paille
qui s'enflamme
à peine étreinte
et qu'il abandonnera
                                         un jour

***

prend bien soin de tes semelles
il ne faudrait pas revenir
avec un pas égaré

les fossés ont des oreilles
et tu ne saurais
y échouer tes rêves
 

Un ensemble de poèmes confiés à Recours au poème en septembre 2013.

trahi par l'eau d'une berceuse
un enfant se replie
dans son regard
cache-cache
dans le bâti du dedans

souffre-souffre
la fable enfantine
 

 

ce temps de chien qui pue éparpille ses épines autour du monde
eux n'ont pas de chaussures et leurs dents brillent
on les voit de télévisions en visions télépathiques
j’ai froid au flanc de tous ces mots
en dégoulinant de mondes

une averse encore vivante m'attrape par le gris
pour se déjouer de ma jeunesse

 

instants bâtis d'envies mal en dérive insufflent les nuages de nos tourments
bonheurs repliés en lassitude à la révolte
j'aurais voulu de grandes eaux improbables
pour tarir le cri collé à ma chaussure
des velours des corps des sentiments

le jour avance avec un caillou dans son nuage
le cœur avant l'orage
 

 

instants bâtis de tous ces soupirs solubles dans les rêves
trop bête pour le grand écart trop grand pour la fable enfantine
j'aurais voulu l'univers tout débraillé
construire des remparts contre les dieux
machicoulis des humanismes contre les flèches-imprécations

le temps ne bouge que de quelques fleurs dans la bagnole
quelques saisons dans l'ignorance
 

Présentation de l’auteur




Carole Carcillo Mesrobian, Derelinquens mundi

sur la dérobade barbare
des formes
flambent
à la fenêtre
un rideau flotte qui vacille
avec le paradis

et toujours cette ombrelle
curviligne  la vie
lisse et claire et frugale
rassemble ses essaims
de blond distinct de blé dans le feu des étables

notre monde est l’oiseau pris dans les plis du vent

∗∗∗

 

Nous étions là où je suis seule

Habillés de ton rire

dans ce que le temps n’atteindra

que s’il disparait

et je t’ai regardé

comme on essaie enfant

d’attraper le savon des bulles

mes mains ont grandi

mais pas mes rêves

 

∗∗∗

 

Il faisait chaud

l’air était le clos d’entre nous

et tu n’osais rien regretter

encore

ni la suffocation

ni l’encre oubliée

des ridicules amas de traits apeurés

par la substance immaculée

de cette plaie de lumière

qui emportait nos visages

lorsque nos bouches se taisaient

∗∗∗

 

tu verses dans cette vie des rêves
sur les cheveux du vent
et dans tes paroles
tu appelles la trace
où ta langue ouvrira les abysses des mondes
enfouis dans la texture  
des routes dans tes mains
nues comme la ligne d’elle
qui viendra reconnaitre
chaque sillon comme un trait de chemin
où sera sa demeure

 

∗∗∗

 

Je vais partir
Tourner sur le chemin
Et disparaitre
Jusqu’ailleurs
une autre fois
nous ne savons
ni toi ni moi
si se ressembleront encore
ton épaule et ma nuit
on ne sait jamais rien
de ce que l’impossible épargne

 

J’ai tenté de traverser ta peau
avec une épée de silence 
pour t’entendre exister
j’ai suivi le passage
d’insidieuses patiences
morsure d’un loup sans fin
comme une traversée
sur un étang de glace
même si l’immensité 
inouïe
de ta nuit
demeure mon désert
j’ai ramassé le feu 
comme le vent des lisières 
efface les épicentres
dans l’allure 
d’ignorer ton visage
comme un guillotiné son corps

 

Présentation de l’auteur




Éric Pistouley, PÉPINS DE PASTÈQUE (extraits)

Des poèmes parus en septembre 2015.

∗∗∗

Noirs, scintillants comme des yeux dans la gaze aqueuse et rose. Énervants, mais on les chercherait si on n’en voyait pas. Ne pas les enlever, de peur de gâter le meilleur du fruit. Les cracher pour finir et n’y plus penser.

°°°

Des griffes poussent au cerisier :
Va, tu agripperas le ciel
tu lacéreras le bleu du printemps !
Pointe ! Pointe !
Dresse-toi, envoie, à la faveur du vent, tes pattes de chat
monte aux étoiles cachées par le trompeur azur.

Mais soucieux de plaire aux hommes qui l’ont greffé, il ne sortira de ses griffes que fleurs fragiles et fruits sucrés.

°°°

Il y avait un grand parc où les derniers à jouer au cerceau sont aujourd’hui morts et incinérés. Mais ça restera un parc. Les immeubles s’appelleront Parc Quelque chose, et même Pâââaaaark, n’est-ce pas ?
On gardera la maison de maître comme preuve que le passé vit à travers le présent.
— Mais qui habitera la maison de maître ? Pas les maîtres, ils sont partis.
Nous hésitons : habitat social ou espace culturel.
— Entre le bon et le beau, entre le bien et le chic. Œuvres dans les deux cas, ennui garanti par les pouvoirs publics.

°°°

AVANT LA CONFÉRENCE

Je remercie, je remercie les institutionnels, les professeurs de l’École des arts, Marie-Amélie avec qui on prépare depuis un an, et un grand merci à Mama Maria de la Maison de retraite, et merci, merci vraiment à vous public qui êtes venus malgré les intempéries, merci aux murs qui nous abritent, à la charpente, aux solives, poutres et traveteaux, merci aux maîtres verriers, double verriers si isolants, merci aux chaises, aux tables, à la bouteille d’eau, aux forêts et aux sources qui irriguent les urinoirs. Un grand merci à Dieu qui fit la terre que l’on a cuite pour faire les tuiles du toit, merci au temps, qui nous manque.

°°°

Cet opus de Schubert dont seule une bonne connaissance des rythmes anciens rappelle qu’il fut composé à partir de danses entendues dans des cabarets de la campagne autrichienne. Que reste-t-il de ces gens qui mettaient dans ces airs leur jeune force et dont les rêves ne dépassaient guère l’horizon des champs sombres, là, juste devant ?

°°°

Au beau milieu de la campagne, la station d’épuration. Il faut passer devant la cabane, celle qui a été faite à partir de l’enseigne d’un supermarché disparu. Même ce nom s’est perdu, tellement il était laid. Encore quelques dizaines de mètres, on l’entend de loin, les pales tournent sans s’arrêter, triant la merde et l’eau régénérée.

En chemin, les chardonnerets, leur tête trempée dans le sang, m’ont ignoré, tout à des graines vaporeuses que leur offre l’avant printemps.

Aucune mauvaise odeur, l’hygiène a vraiment fait des progrès : toute la ville se déverse dans une conduite au tracé invisible. Pas de panneau pour venir ici, ni de temps de parcours, ni la faune et la flore expliquées.

J’ai trouvé une patte au pelage délicat, une belle patte de cervidé adulte, à la rupture peu nette, un os broyé, rouge, qui dépasse. Quelque chose de la nuit.

°°°

 

Je choisis un hamburger au bœuf Origine France et au Cantal aop. Avec un peu de chance, c’est la vache dont les muscles se trouvent juste dessous, sous forme hachée, qui avait fait le lait du fromage.

Il n’est pas exclu que la salade provienne d’un bout de prairie du Cantal mise en maraîchage dans le cadre d’un Programme Européen d’Incitation à Diversifier les Activités (peida).

Et là c’est fantastique ! Entre deux buns vous croisez un, puis deux, puis toute une foire de paysans auvergnats protégeant amoureusement leurs appellations.

Et, puisqu’on y est, une école de peinture locale qui fut florissante au milieu du XXème siècle, dans un beau village classé autour de son château, lui-même classé. L’un des animateurs de cette école était un excellent cuisinier, et son fils tient toujours le restaurant.

Il y a des risques que le pain supérieur soit alors déformé à cause de ce château qui, vous vous en doutez, est bâti sur un tertre. Il y a aussi le risque de confondre le hamburger avec une grosse madeleine. D’autant que la madeleine a une aop bien à elle.

°°°

GOÉLAND SOCIOLOGUE

Jeter un bout de tarte au flan dans les flots. Attendre deux trois secondes. Un goéland venu d’on ne sait où le recueille dans son bec crochu.

Ce qui m’étonne, c’est sa confiance dans tout ce qui flotte, parce que la rivière en charrie, des cochonneries.  Un reste de pâte à tarte aurait une forme prédéfinie dans son programme cognitif ?

À moins que :

tout individu d’une société post industrielle soucieuse d’environnement en train de manger debout accoudé à la rambarde du pont ne peut jeter dans l’eau que des choses comestibles sucrées ou salées.

C’est cela, je suis dans le programme, moi tout entier, dès mon arrivée avec un sachet à la main : ma façon de m’accouder et de regarder les façades frappées par le soleil de midi, mon attentionnée ouverture du sachet dont les plis sonores excitent l’appétit.

Peut-être même la couleur élimée de mon paletot sport & chic et quelques autres détails, comme La Quinzaine littéraire dans la poche droite du susdit paletot, me donnent-t-ils le profil d’un qui a horreur de s’emmerder à table avec tous les chichis du service et les noms prétentieux des plats, du jour ou pas, et préfère manger sur le pouce, en plein air.

Mais il est des fois où je mange tout, sans laisser une miette.

☐ on n’est pas obligé de se prononcer.

°°°

LE BOULOT DE MÈRE DE FAMILLE

L’agneau qui a échappé au grand massacre pascal bêle d’une voix plus grave et tète à grandes embardées au pis de sa mère.

Alors te voilà encore, dit-elle, grand couillon, va donc brouter. Tu ne seras pas allé en Amérique avec les autres, faire fortune et banqueter au milieu des grands œufs et des flageolets. Tu sais ce qui t’attend ici : l’herbe âcre, les longs jours de pluie sans abri, pas de télé et pas de pape non plus. Et la tonte au moment où tu commenceras à être beau, beau comme les grands béliers sauvages, ceux qui étaient maîtres de ces vallées avant l’arrivée des Ciseaux. Mon pauvre petit, je l’avais senti dès le départ que tu ne serais pas un aventurier comme tes frères.

 

Lire Eric Pistouley chez Recours au Poème éditeurs :

Les tours de magie de Gérard Macé, collection L’Atelier du Poème

Présentation de l’auteur




Ghislaine Lejard, Sous le carré bleu du ciel (extrait)

Des poèmes publiés en mars 2014.

 

1

La pluie sur les tuiles
une perle sur un pétale de rose
une flaque sur le trottoir
une larme sur la joue
le ciel rythme nos pas.

Les fleurs du cerisier
subtiles fragiles
à peine entrevues
dans l’éblouissement
d’une pluie de printemps
nos jours passent.

 

2

Sur le vieux mur du jardin
la pierre est chaude
le chat attend
confiant la caresse du vent
ou la main amie.

Douceur de lumière
le mur murmurillie
ses siècles d’histoire
dit le vent la pluie
la chaleur des étés
et le givre.

( murmurillier v,1278 Sarrazin, murmurer tout bas)

 

3

Pas une ombre
sous nos pieds
la dune le sable
au loin palmiers et tamaris
promesse d’un peu de fraîcheur

Dans le jardin
le gel fend la pierre
le froid le givre
mais le crocus et la fleur de camélia
promesse d’un éclat de soleil.

 

4

Sur l’herbe le bassin
posé donne à voir
aux visiteurs les reflets changeants
puits de lumière il relie
la terre au ciel.

Sur l’herbe fraîche
se répand le parfum
soudain l’envie de s’arrêter
dans la lumière nouvelle
l’envers des choses.

 

5
Lecture silencieuse
de l’homme assis
devant la fenêtre
la lumière en équilibre
éclaire son visage
au loin le paysage
ouvre l’espace
laisse entrevoir le vol de l’oiseau
la page tournée
le livre se referme.

                                   extraits de Sous le carré bleu du ciel éditions Henry

Présentation de l’auteur




Béatrice Machet, BEST IF USED BY, et autres poèmes

Une série de poèmes publiés en août 2013.

∗∗∗

Mind you

here you are

kernel-hearted

 

bran germ and endosperm

 

by all means by whole means health benefits

 

 

antioxydants and vitamins sound great against breakdowns

 

 

broken pea and tree nuts unequal halves

 

unequalled sorrows heartrooted uprooted minerals

brown rice syrup in the eyes molasses turning evaporated cane juice

 

down the cheeks nervous drizzle chilly weather

to keep fresh

fold inner bag over and push down to level of

cereal

original

organicaly grown

 

saturday sounds like saturated

fatty acids and radicals

recommend that you up-date

bonds at room temperature

single or double it makes a big difference

solid melting to liquid

point-less sugar

 

continue beating

mixture must be slightly lump-ish .... liebe Dich

 

I loved you kernel-hearted

 

best if used

before breakfast.

 

 

 

A consommer avant ....

 

 

Imagine

tu es là

le coeur au complet

le son le germe et l'endosperme

 

tous les moyens tout signifie des bénéfices pour la santé

 

antioxydants et vitamines seront parfaits contre la déprime

 

cassées noisettes et branches  noix   moitiés inégales

 

chagrins inégalés dans le coeur enracinés minéraux déracinés

sirop brun dans les yeux molasse devenue jus de canne évaporé

 

traces le long des joues bruine nerveuse temps maussade

pour la conservation

replier le rabat supérieur par dessus le sac et pousser

jusqu'au niveau des

céréales

authentiquement

biologiques

 

 

samedi jour de Saturne ça sonne saturé

acides gras et radicaux

conseillaient une mise à jour

des liaisons à température ambiante

simples ou doubles c'est une différence énorme

solide fondu au liquide

conclue à une diminution des glucides

 

continue de battre

le mélange doit être légèrement épais-si je crois

je t'aimais coeurcomplet

 

 

meilleur si consommé avant

le petit déjeuner 

on a shelf
a lonely vase
in it
a lonely flower

a solo sorry love
wobbling
a slow evening

a loss
what else could it be

a self less loved

woebegone
a Penelope
musk-scented white rose
sending vowels to ask

who sells vows
who solves owes

I just don't know                     I just wove

14 février, Saint-Valentin, bouquet de mots

sur une étagère
un vase esseulé

dedans
une fleur solitaire

solo branlant
d'amour désemparé
dans la lenteur du soir
une perte sinon
quoi d'autre
un soi moins aimé

vieillissante
une Pénélope
blanche rose musquée
lance ses senteurs
pour demander

qui vend les voeux
qui solde les dettes

je n'en sais rien                  je ne fais que tisser

He says black and white are death
so the sun never shines when he shots

he says the colored ones are always taken with/
under overcast skies
in order the colours are silenced are
muted by all kind of greys
he says
Germany is this land where photographs speak for him
he says black people against blue and red and yellow walls appear
as burnt
he says
a cap on his head is the only artefact he needs
to work successfuly

the more he speaks the more growing is
her thumbprint on his camera
the only thing she would give
a round of life
a web symbol of a plain reservation's spider-woman

a last flash
a last shot
of memories

once upon a time there was a shield
it was a spidershield
her great grandfather's personnal flag
her great grandmother's vision
beyond its appearance you find the deepest being the
warrior's meditation
- the woman's love so close to the sun at dawn
when its beams are spread abroad from the horizon
look at it
the sun is drawing a web
and the shield is the sun and the web as well as long as his lungs draw breath

years later
she saw him on a TV program
an international cultural channel
he was the well-known photographer
and foreboding foreshadowing was the shield on the screen
her spider's work her woman's love spread abroad from the horizon

look at it

BOUCLIER sacré

Il dit noir et blanc sont la mort
donc le soleil ne brille jamais quand il photographie
il dit les gens de couleur sont toujours pris avec/ sous
des ciels couverts
de telle sorte que les teintes soient réduites au silence
par toutes sortes de gris
il dit
l’Allemagne est le pays où les clichés parlent pour lui
il dit les personnes à la peau noire contre un mur bleu ou rouge ou jaune paraissent
brûlés
il dit
une casquette sur la tête c'est tout ce dont j'ai besoin
pour bien travailler

le plus il parle le plus
ses empreintes digitales sur l'appareil
s'incrustent la seule chose qu'elle puisse lui donner
un anneau de vie
un symbole réticulé de la femme-araignée sur une réserve indienne

un dernier flash
une dernière prise

il était une fois un bouclier
représentant une toile d'araignée
c'était la bannière personnelle de son grand-père
la vision de sa grand-mère
au delà de son apparence vous y trouviez la méditation la plus profonde
l'être profond du guerrier
à savoir l'amour d'une femme complice du soleil de l'aube
quand ses rayons s'etalent généreusement sur l'horizon
regardez
le soleil dessine une toile
et le bouclier est le soleil et la toile aussi bien
aussi longtemps que les poumons du guerrier respireront

Des années plus tard
elle le vit à la télévision
un programme international
il était devenu un célèbre photographe
et son pressentiment au premier plan envahissait l'écran
le bouclier son œuvre de femme son amour distribué généreusement
au delà de l'horizon

regardez

Here she is

had she always been there

occupying the same room ....

The only way to see her

is eyes wide open going to water

when things are about to blur

run your arm through her body

feel her

so hot

not solid

torrents of days torrents of nights

that never wanted to be flesh

physical world in her spirit

is just pulsing-colors-beating-sounds constantly running

a noumenal voice in a near phenomenon

substantial is not the word but slight touch

tender fog leaning on white sheets

she's not inert

she’s strong

her will won't flinch

a volcano's inside her

torrents

deluging you in her glance

rains drumming against your skin to make you understand

she will be in

a steam

of thoughts and feelings

you won't forget

ANOREXIA

Et la voici ...

a-t-elle toujours été là

dans cette même pièce ....

La seule façon de la voir : yeux grands ouverts

au bord des larmes

dans le flou débutant

des choses

                       enfoncez votre bras dans son corps

ressentez sa chaleur

brûlante

déjà fluide

des torrents de jours et de nuits

qui n'ont jamais désiré être chair

le monde physique dans son esprit pulse des couleurs

des sons battants sans cesse traversent

une voix nouménale pour un presque phénomène

substantiel n'est pas le mot mais touche légère

tendre brouillard penché sur des draps blancs

elle n'est pas inerte

elle est forte

sa volonté ne flanchera pas

un volcan en elle

dans son regard des torrents

vous inondent

des pluies tambourinant contre votre peau

vous font comprendre

qu'elle sera jet de vapeur

un courant de pensées

de sentiments

que vous n'oublierez pas

Présentation de l’auteur




Michel Host, LES JARDINS D’ATALANTE

Publié en Juillet 2013, ce long poème en mémoire et en hommage à Michel Host.

 

LES JARDINS D’ATALANTE

jusqu’aux portes des villes

 

« Nous promenions notre visage
(Nous fûmes deux, je le maintiens)
Sur maints charmes de paysage,
Ô sœur, y comparant les tiens. »

Stéphane Mallarmé, extrait de Prose

 

« Un ciel pâle, sur le monde qui finit de décrépitude, va peut-être partir avec les nuages : les lambeaux de la pourpre usée des couchants déteignent sur une rivière dormant à l’horizon submergé de rayons et d’eau. Les arbres s’ennuient et, sous leur feuillage blanchi (de la poussière du temps plutôt que de celle des chemins) monte la maison en toile du Montreur de choses Passées… »
                                                                                     Stéphane Mallarmé, extrait de Le Phénomène futur

 

 

Ces douze poèmes, issus d’un songe d’années  - jetés la première fois sur le papier en 1972, à Saint-Auban-sur-l’Ouvèze, réécrits de mois en mois, jusqu’en 2012 -, disent aussi la cruauté des Jardins abandonnés.
 

 

 

JANVIER

Infortune du vocabulaire cette année
misère de la syntaxe
muets de charme   secs  défoliés  abolis
dépouillés  plumés  nuls
les arbres

Le fond de la fontaine s’est crevassé
l’eau goutte à goutte a traversé
parois  capes  couches  strates
pour dessiner un lac  une cuisse
en bas  dans la vallée désirée d’ombres

Nous  notre soif  déclinons
les crêtes  grattons le rocher de nos doigts cassés

Sans crier gare la femme a remué
le grand lac salé se vide de son sang 
les pores s’obscurcissent
les habitants de la vallée jouissent d’un coucher de soleil
génital
visible entre les jambes d’Albane
car goguenards les bergers  - là -
troupeau aux yeux rayés 
aux quatre coins
démons de l’antique jardin
en elle satisfont
des peurs séminales longtemps
enchaînées

Mais veille Atalante la chasseresse
qui sur leurs rires referme ses genoux coursiers
écrase leurs têtes de liqueurs gelées
ô craquement croissance décimale
loin propagée sur les eaux
Atalante se tourne et se rendort 
des mois des semaines
laissant au lac l’usage de recourir au sang

Et meurt le soleil sur ces hauteurs que le froid envahit
et jusqu’au cœur de nos ossatures se loge le gel
cependant que l’autre fontaine sourd doucement
entre tes cuisses qu’elle lave toute la nuit

Tu t’appelles Albane et le moi braconnier
entre dans ta nuit  

 

 

FÉVRIER

Amère amande altère mes os 
Amarante ô
tu devins la sereine amante de
celui qui jonchait le val de cadavres ennemis
et crucifiait les femmes sur les portes des sanctuaires
arrachait aux ventres des mères
le fœtus violacé les vives entrailles
qu’il livrait aux crocs des chiens

Si limpide Toi
plus suave que le clavecin des armistices
Toi couchée dans l’arc incendié
de ses cuisses
Toi ployant sous la masse
de son obscénité

Je me déchire à ton soupir
m’écorche au râle d’amour 
comment peux-tu ? comment peux-tu ?
Moi  retiré de ta bouche je vais sans clocher
ni maison dans l’ornière des égorgés
parmi ses victimes  tes victimes maintenant
ô Amarante trop aimante
moi fol insensé qui me désespère
mais empli de rêves où tu baves et gémis
et râles embrassée de flammes verges brandies
redoublantes lacérations de l’air
inscrites en griffes bleutées
à tes bras à tes seins lactescents
quand déjà les bourreaux hurlent tout excités
autour du brasier de tes yeux
dressant les poteaux où ton agonie finira
dans les saccades inondées du plaisir

Amarante ô mon innocente
tu avais cessé de lui plaire
à la traverse de ton ventre
sur tes seins déchiquetés
sur la neige
avec des gestes lents ils étendent
- que du supplice fort l’on jouisse  -
leurs filets  le désir  un oubli de colombes

 

 

MARS

Atalante s’éveille sous la roche amadou
salive et lait aux coins de ses lèvres
alimentent l’éparpillement des soleils dessous
les ruisseaux de vitrail  et  - dodécaèdres – les
jets de ténèbres se prennent
les pattes dans l’iris de son ventre

Semblable courbure n’est pas de la nuit
             ni dicible à l’oreille de l’Aveugle
sans que la plaie d’amour ne se dévore
brûlis de feuilles sèches à l’orée de sa veille

Atalante s’éveille sur la couche des murmures
plus haut découvrant sa nudité de rivage
buste où l’écume amoncelle perles songes
et cendres et silences enfin

Sur ton corps délivré au matin
organdi des larmes de pierres givrées
sur ton buste de roc cascades enluminées
chardons rouges  Atalante ô

Atalante
dévoreuse de lunes
cœur de liberté brisée dès l’instant
qu’ils te captureront pour te planter
trophée dérisoire
noire dépouille de silence
sur leurs cheminées
pagne aux reins arc bandé contre
l’absent mais visible
animal qu’en vain ils traquent tout le jour

Atalante ensevelie dans les bronzes sans écho
             futur de légendes figées
qui te reconnaîtra dans ces caricatures bourgeoises
évolution au néant aboutie

Atalante ma toute sanguinaire
ne te laisse exiler par le mauvais sang
défends-toi de la fureur de l’artiste
de son imaginaire sans oxygène
déploie ta chevelure entre les doigts de l’étoile
elle veut dormir sa nuitée dans ton lit de roseaux secs
jusqu’à l’extinction du feu de tes chariots

 

AVRIL

Jardins des Alpilles
de la Drôme et du Var
             au langage des cimes il n’est de nom que le vôtre
nom de mon amour et de ma confusion
             longtemps clamés au soleil levant

Voix divine amoureuse mourante voix
entre les bras du vent
renouant autant de fois l’étreinte
sinon Amarante
que ton désir m’anéantisse et me laisse
évanoui sur le sable de l’extase

Jours d’autrefois tombes d’amours déçues
sombrent dans la vague d’herbes qui meurt
à son tour pour ne plus rien dire
de ce qu’il en fut de ces adorations

Amarante ô meurtrière
mes ossements secs ne s’arrachent plus du tertre
- Étrange printemps !  -
où ils pierrefendent leur hiver absolu
ils ne diront non plus ce que fut la caresse fluviale
de tes hanches
à ta gorge ce flux reflux roulant de rapide
en rapide l’écume de nos sens

N’ai-je pas connu joies et peines d’algues mêlées
aux plumes gongorines de ta chair
fontefroide dont la mémoire me désaltère encore
quoiqu’en mon étroit réduit de roc seule la fièvre
de tes dents amandes nuageuses explore lente
l’image de mon sexe

In memoriam matins bleus poudre et cendre
dans la flamme de tes mains rassemblent
l’ombre de tes râles nos paroles vagues ces mirages
châteaux villes contrées verdoyantes prairies
d’amour ensevelies
hétéroclites images
d’un livre d’aventures
livre autre toujours autre

 

MAI

Éveillée maintenant mon Atalante chasseresse
à la course chassée selon le renouveau de ton désir
non promise mais livrée à tes amants furieux
de n’avoir si longues saisons déjoué tes pièges de paille
ton cri maintenant s’éteint dans leurs mains paysannes
pauvres mains exultantes
                                                  Ô Atalante
sur tes épaules portée la faille nocturne asile

Je vais et viens t’appelant
du val à la plaine de la plaine à un siècle d’aiguilles
inaccessibles
ton cri s’est éteint mon cri se brise opacité de pierre
c’est en vain que me reste mémoire des lieux des odeurs
de terre mouillée sous tes cheveux de menthe
pistes fragiles que nous courions tous  les deux
or ma folie jalouse
             me les montre tels que peut-être ils ne sont pas
voraces commensaux assis au banquet de ta chair
assouvis écœurés de cristaux de pétales

Qui t’arrachera à leurs gueules à leurs mains
mendiantes aux chemins de ton corps lié
aux montants du lit ô gémissante humide Atalante
déjà ne disant mot

Atalante de soupirs peuplée pareille
à la nonnain de la chapelle du désert abattue
- c’était Vercoiran le lieu!  -
en son damier de jupes noires de jupes blanches
m’assurant n’avoir connu ni dieux ni déesses sinon
              issus des masques de la peur et des théâtres
de la fantaisie

Toi qui raillas tes erreurs des premiers temps
et laissas éclater ton sexe
au cœur de l’ostensoir de nos plaisirs
instants que tu murmurais incomparables
les jours n’ont pas tant filé que tu ne saches
m’appeler ouvrir tes lèvres tes portes arcanes
ne point me tenir au dehors
folie de mort murmure épinglé
oh je t’implore
victime tienne
cruelle Atalante
lève-moi de ce roc

 

JUIN

Retrouvés le fil perdu l’ouragan de la cascade
la raison de ses yeux les jours de ses bras les nuits
le sens m’est restitué de ce qui est la vie et ne l’est pas
entre l’arbre et le nuage au flanc blessé de l’étoile

Le poème vient doucement puis se recompose là où
les rhétoriques s’époumonent se dissolvent
sur les lèvres d’Amarante qui de trois mots bas
à ma gorge le renoue que
je l’écoute bruire et couler

Un matin saisi par l’indolence de la mer
fraternité légère lente à s’offrir aux caresses
Amarante s’est faite amante et pour longtemps nous n’eûmes
plus disputes que de fleurs ou de songes

Dans sa déchirure la syntaxe dispose d’inventifs baisers
en débandade le vocabulaire de cent langues mêlées
dévale ses seins ses hanches corridors blancs
où s’inscrit le poème vivante morcelée morsure
et pour la rime et la césure à l’hémistiche c’est
- Amarante aimante –
le piano des cimes étourdissant
le clocher son ventre  - place des Fêtes -  dénudé
d’oriflammes en spasmodiques soubresauts

Le village de l’an s’éteint
bourgeois paysans tout dort la première nuit
puis s’ouvrent d’Amarante les yeux mi-clos
sourciers du feu que virent sur la côte
les compagnons d’Ulyssse retour des nuits barbares
feu attentif à la course du marin qui se rassure à le voir

Mes yeux s’y consument
ce n’est pas tourment ce n’est pas géhenne
car bientôt je boirai l’eau de ta fontaine
ainsi le chien se désaltère
avant se remettre en chemin

Long chemin humble itinéraire des vallons
aux coteaux des vignes des seigles aux troupeaux
aux fermes endormies là où je serais un fleuve italien
pour y tremper tes lèvres sucre et violette
pour t’y roidir au plaisir
y retremper la brûlure des anciennes nuitées
t’y laisser emporter sur un rivage de plumes
et l’été devenir

 

JUILLET

Hors leur écrin de satin tes flancs s’allument
mon regard te détache à l’aube où tu te faisais prendre
des chasseurs montés de leurs vallées
                                                                     Tu es Amarante
aussi belle en dépit de la sanie des étreintes
                                                                     d’abord
ce papillon triste au coin de ta lèvre emporte
le souci de tes yeux ma rancune tout ensemble
sauf cette source de sang dont mes mains n’ont su
dévier les courants mais qu’y faire si tu accordes
plus que pain et feu à plus de prétendants
que n’en affronta le Grec
                                    et  - penses-y – moi une Ombre
que pouvais-je contre leurs poings leurs fusils
leurs chiens l’alcool blanc qui les imbibe leurs plaisanteries
grasses herbes dont ils savent se repaître

Je te vois qui descends au torrent
antienne couchée sur une page de ciel toute
amertume déserte ma pensée cela suffit à combler
l’attente de la lumière rais jetés pluriel hommage
à ton corps elle est sur toi et peu à peu t’immacule
ô Joie

C’est d’une princesse solitaire future reine d’États
délimités sur des portulans que j’invente
c’est le premier bain d’un matin de création
où des oiseaux virevoltent autour de tes épaules
mes yeux seuls les doigts roux des joncs s’y posent
leur caresse mon regard
font tes gestes pudiques et neufs
                                                             quand déjà
tu te penches sur le miroir inversé et contemples
les rides de l’amour sur fond de sable blanc

Parmi l’étrange songe
pour plus de lenteur en l’accomplir
j’accoste voiles amenées aux baies aux dunes aux étangs
que tu révèles et ouvres à mon esquif
j’y erre à loisir lynx agile je te contemple toute
de branches en rochers de mousses en vergers
en silence y pourchassant le lièvre du frisson
à l’entour de tes seins
je fuis tes cimes effraction qu’un orage m’interdit
te propose dans l’éclair notre longue petite mort
notre course nouvelle et de poursuivre le jeu

 

AOÛT

Août de rigueur solaire août de violence
novembre approche je poursuis mon périple
de l’Une à l’Autre indécis  - nourri d’herbes moi aussi –
vous les herbes  - menu des mystères -  sanguisorbes
peucédans par les racines bien que je n’en pisse guère
qu’images en avalanches tarots amers
mais Aucune ne parvient à fourgonner ma cendre
à combiner cette chimie la joie la mort

J’envie d’impossibles orgasmes in partibus
unions de l’esprit de la chair foutaises de cadavre
comme dans cette carte postale de l’an 1903 où
la jeune fille en son innocent sourire même montrait
qu’elle ne l’était que photographiquement
                                         -  c’est ainsi que le monde est  - 
             entre une tenture coloriée de velours cramoisi
             et la potiche d’époque Ming grosse d’un fœtus aléatoire

Ô jeune fille inclinée des plaques photographiques
                           -  c’est ainsi que le monde change  -
telle Albane tu prends la pose 30e de seconde
tes yeux s’emplissent de violettes
sont-ce des lacs crevés d’éclairs à la veille de l’automne
quand s’avançant se découvrent tes rôdeuses qui
sur mon sexe voudraient rompre des lances

Je souffle les plumes de ta jupe à l’instar
de tel professeur allemand sur tes bas céruléens
alors que s’élèvent   - bal d’ardentes mappemondes –
deux tours dévorantes jointes au faîte
où exulte et tremble le blason

Ton sourire s’interpose  vision délire
et se superpose à mes mains qui semblent recouvrer
couleur et dextérité quand bien même demeure
l’illusion

Ô Albane nouvelle ô petite vertu soulevée sur les boulevards
ne t’indigne pas ma respiration est si pauvre et d’esprit seul
retrouve ta virginale posture ta nostalgique neutralité

Comment saurais-tu qu’ici enfoui au très profond
au très froid des Terres je suis silence ruine du souvenir
de mon amour
tes craintes ne sont-elles pas songes de tipule
sur le voile obscur des eaux

Va liberté à la libre lumière  plus jamais
Nous ne nous chercherons vers cette souffrance

 

SEPTEMBRE

Or Atalante demeure si me reste mémoire
de ses paroles pour moi en moi obscures proférées

Fenêtres de l’automne s’ouvrant sur un lac rouge couteau
dans la poitrine du vent ou fuselage de chair vive

Oubli vite tu viendras brouillant nos images
contre mes tempes les feuilles ne retiennent leur vie
dentelée qui les brûle à sa flamme
oubli demain sans doute il faudra régler nos comptes
à moins que déjà tu n’aies réglé le mien mais
le présent là nous requiert habillé de vendanges
rosée transie où se prennent regards et pensées 

Atalante ô flèche nocturne m’écoutes-tu
près d’un feu de broussailles ta course a-t-elle pris fin
tes bras rompus harassés de lits tes jambes lasses d’écarts
alourdies de caresses et de férocités
toi toute enfin es-tu donc finie
les miens les miennes depuis un siècle ou plus encore
rivés aux roches friables poudreuses désormais
ne savent plus la morsure des ronces ni les doigts nacrés
des amantes
et au séjour où je m’achève les deux poètes ne m’ont pas visité

De mon sexe mort nul souvenir
mon cœur déserté poussière seul tremble
sous Orion et Cassiopée
au faîte de leur peur sans aurore les dieux leurs oripeaux
les hommes leurs parades
où sont-ils

Les bêtes aussi dernières compagnes
soudain faites ennemies s’en sont retournées
ici rien n’en donne réponse

L’ubac le vois-tu l’ubac pour toujours
et toi amour brûlé
où vas-tu indéfinissable amour

Ô Atalante des parcs et des fontaines
quand s’épuise le soleil à ranimer le jour
sourire-miroir sur la bouche du temps
nulle haleine ne s’inscrit
où que se tourne le regard il n’est de chemin
que tes pas n’aient effacé

Les ténèbres sur nous
déversent l’écume des jours

 

OCTOBRE

- C’est ainsi que le monde change  -

Sous la carapace verre et cobalt des rouges cités futures j’entends
le martèlement de ses talons gardiens d’une nuit texane
entre les brownings couchés sur les trottoirs
défilant à  sept kilomètres heure les cadavres conditionnés
vont debout vers les centres crématoires High Tech

J’entends ses talons battements solitude
sur l’acier limpide soyeux

S’allument les flammes électroniques idéogrammes
japonais de base ustensiles de la pensée numérisée
- chiffres, chiffres… -  dernières propositions du vide
soldats de lumières mais aussi ombres un peu chinoises
sur ton corps ô Amarante fluorescent qu’ils ne regardent pas
ou innocents ou idiots ou barbares

Des trains de cristal écorchent les paupières de cette nuit
qui s’effiloche à grande vitesse
c’est la mort  - béatitude -  c’est la mort

Ville dressée hurlante sur son lac de sang
c’est de l’or  - divinité – c’est de l’or
ville des manipulateurs de la matière brute loin pourtant
rejetée aux frontières de la méduse blanche
là ou l’air n’est qu’oxyde de plomb acide particules
irrespirable

Le sphynx désormais aux périphériques aux radiales
planté aux carrefours des voies-express reste muet  

La cathédrale de Bourges se décompose dans le hall
de la Chase Manhattan ses orgues mandées par ordinateur
diffusent les données corrigées des variations saisonnières
des valeurs et changes  - oh bonheur -  sous l’amiante
dans les murs s’entasse le monde intraduisible que décodent
des machines aux doigts véloces armés de bistouris :
- opérations boursières opérations boursières –

Mon Amarante sans mémoire sans programme
il n’est plus à te reconnaître
qu’un chien vrai chien crin noir terni
truffe grise de fièvre famine
clandestin sur ce paquebot gelé pour lever un instant
ses yeux d’homme trahi sur tes seins vernissés siliconés

Et toi égarée de l’éternel printemps chimique errante
aux rayons de l’aube parmi les oiseaux mongols
            de la Deutsche Grammophon qui
à l’heure des corn-flakes répandent leurs pépiements
sous un firmament de plexiglass et modernité pure

Tu t’éloignes Amarante tu meurs à mes yeux
ma mémoire canine ma mémoire humaine ne te retient plus
tu es femme sans odeur  mon flair ne peut imaginer tes pistes
mes mains se détachent de ton insaisissable matière
ma langue
la dernière fois qu’elle t’a léchée n’a léché que du verre
et tu as crié fous le camp ! fous le camp, que je n’te voie plus !
je t’obéis
je rejoins les louves dans les forêts d’oubli  

 

NOVEMBRE

Novembre déjà novembre ton avance s’épuise
Atalante
ô chasseresse entre les lignes de neige
d’un seul coup tu tomberas
des fauves obscènes te rattrapent et bientôt t’accablent
pourquoi davantage t’épuiser à courir

C’est l’aube  je ne ris pas
de tes joues de cendre où s’efface le souffle
ô toi beauté quand la vie décide de se fuir
quand il n’est plus de main pour retrouver ta main

Triste je te croyais déesse préférée aimée des dieux
comme ils aiment  - ensauvagés -  ma rage les taillait
dans une belle rumeur de sabres de balles
et tu restais corolle blanche en d’éblouissants sacrifices
soumise  - oh je rêvais – à d’acharnées délices
mes caresses musicales caresses des lèvres
caresses de tout le corps que tu ne méprisais pas allant
à ton secret refuge à cette jaillissure plumes et myosotis
oh que cette vie était belle et comme tout palpitait
dans l’avant-coureur futile premier temps de l’accointance

Atalante ô 
l’hiver maintenant te poursuit ses mains
ne jettent l’or d’aucune pomme mais contre le verglas
le sel les rayons brisés
de l’astre publicitaire planté sur les talus des autoroutes
c’est le terme du parcours ridicules humiliés
les dieux périssent dans les gaz d’échappement

Chasses perdues animaux agenouillés tu fermes les paupières
se vide le sablier de tes forces
une dent sournoise vois-tu s’aiguise aux chevelures aux cœurs
aux arbres à la montagne des fables
les sèves organisent leurs retraites sommeilleuses
le champ de bataille va au silence
tu es à ta toilette de givre

Atalante ô
nul n’ira plus épier les nudités surprises
plus de tourments vient l’heure je t’attends
tes mains ne tremblent pas
pour toi c’est assez dit
je t’appelle sans voix sans écho sans chair
au bord d’un Guadalquivir gelé

Des oiseaux paisibles veilleront ton visage
ta barque maintenant traverse le fleuve
approche-toi  je t’attends… viens… viens…
le passage est une douceur et je t’ai tant aimée

 

DÉCEMBRE

Récusez mes belles ces visions de néant
le discours des cadavres quittez vos tombes
ouvrez les yeux sur ce désert notre domaine
un autre soleil bondit c’est la pensée qui ne meurt
d’autres sur vous jetteront leurs yeux baisers flammes
sur chaque branche de vos corps franges illuminées
ressaisies par les doigts du zodiaque
gradins nouveaux pour des amours autres
je ne sais je crois
et le pourrez-vous ? le pourrons-nous ?

Là était le rêve là était la vie l’an s’achève
et proche le vent enclôt tout soupçon
éclat des paroles amours souffrances gestes
brûlés enlacements regards à merci soupirs
embrassements rien tout ne se tirera donc d’oubli ?

Chairs frémissantes chairs désirantes des délires
à l’instant rien un peu de poudre un peu de vent ?

Terreur  insolvable dès l’aube du temps
n’auras-tu de cesse que nous ayons trouvé le port ?
L’injure est profonde et s’il y eut des fêtes
elles ne surent que masquer l’angoisse et l’attente

Fini de rire fini de danser sur la corde des délices
fini de boire aux fontaines que nous avions tant cherchées
- je le dis -  nous n’étions que sable et trop vains
mais vous femmes éprises attentives ténébreuses femmes
vous saveurs des dires multiples grâces d’esprit
beautés tantôt secrètes innommées tantôt lisibles
c’était bien partout vos mains inquiètes tant aimantes
vos sourires les orages violets sur les villes où vous respiriez
autour de vos yeux les tendres navigations amours ici
amours là-bas qui tous étaient désirés choisis gagnés
du moins me l’aviez-vous laissé croire très belles
et nocturnes amantes
et sur vos doigts vos lèvres je dépose
des bouquets de solstices

Jour était Albane Terre était Amarante
Atalante de ses cris fauves déchirait les rivages
les pensées nues vos chevaux blancs allaient s’abreuver
à vos sources
de l’iris de vos yeux se détache l’oiseau insaisissable
du désir ennemi amical
un cri d’alarme se répand l’océan est gris sous le nuage
Albane Atalante Amarante ô épars le rêve la vie
ouvrent la porte à leur premier hiver 

 

Fin de Les Jardins d’Atalante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l’auteur