Jean-François Mathé, Elle, au même fil, avait étendu, et autres poèmes

Elle, au même fil, avait étendu
un peu de linge, beaucoup de ciel,
lui avait vidé la maison
et laissées béantes portes et fenêtres.
Puis ils s’étaient regardés d’un regard
qui ne les voyait plus dans l’avenir.

 

Ils avaient amassé assez de mémoire
pour ne rien attendre du lendemain
et pour poser le temps qui restait
comme un pain à partager
sur la table à côté d’un couteau neuf.
 

∗∗∗

 

Quand il m’arrive d’oublier que vous êtes morts,
je vous entends venir,
comme du vent plein d’arbres,
rendre toutes ses feuilles à ma mémoire.

 

Tout ce temps que vous rapportez,
ma maison si petite aujourd’hui
le contient à peine,

 

seule s’agrandit la page,
mieux éclairée par vos ombres que par des lampes,
où j’écris ce que vous me murmurez.

∗∗∗

 

J’avançais, et le jour avant moi
faisait un pas de plus vers l’ombre.
Si beaux arbres et fleurs du bord du fleuve,
je voyais d’avance tout ce qu’un fleuve
emporte de vous
après l’avoir sans bruit émietté en reflets

et moi, tout près de l’eau, rassuré,
j’y voyais mon reflet entier.
Mais pas l’autre qui se disloquait
dans l’eau invisible du temps.
 

∗∗∗

 

Ne regarder au ciel de la nuit
que celles des étoiles qui furent
ce qui autrefois nous a atteints,
transpercés d’une inoubliable douleur.

Et vérifier en tendant vers elles
la main, le regard,
combien elles ont retiré loin de nous
leurs pointes de lames pures
qui n’ont rien gardé de notre sang.
 

∗∗∗

 

L’ombre du soir est encore trop loin
pour qu’on puisse enfin y poser la tête.

Depuis que l’aube pucelle est devenue catin,
depuis que la ville débraillée hurle,
tout entre en nous comme dans un moulin,
fracas, regards, insultes,
pourquoi pas des pierres.
Meunier, dormais-tu en un tel moulin ?

Non, et pour nous
l’ombre du soir est toujours trop loin
pour qu’on puisse enfin
y perdre la tête
sous la douce lame de l’ombre
prête à couper le cou
en cas de besoin.

∗∗∗

 

Ce qui faisait naufrage
était-ce en mer,
était-ce en moi ?

De quelles crêtes ou creux de vagues
appelaient ces voix connues
que la nuit apportait, remportait
dans une nasse de vent noir ?

Qui s’enfonçait en l’eau profonde
où s’élançait mon cœur
comme un sauveteur impuissant ?

Où que ce soit, il y avait naufrage
et seul le matin dirait
qui en avait réchappé
en mer ou en moi.




Tristan Cabral : Quatre poèmes à dire

Quatre poème à dire

 

 

poèmes confiés par Jean-Michel Sananes,
extraits du nouveau recueil de Tristan Cabral aux éditions Chemins de Plume

Ce rien

Certains soirs,
On appuierait bien sur la gâchette,
On tenterait bien le trou noir et la tendre blessure
Mais on ne le fait pas
Par peur
Par peur qu’après
Il n’y ait plus Rien
Même pas cette fêlure
Qui fait danser la Vie !

 

L’enfant, le tilleul et le moineau

L’été, il court dans les avoines,
Un moineau le conduit ;
L’hiver, il dort au creux d’un arbre, Le moineau le nourrit,

Le tilleul le protège.
Ce tilleul ne perd jamais une de ses feuilles ; Le moineau ne perd jamais l’un de ses chants ; Cet enfant a été 
chassé de l’école, L’instituteur n’aimait ni les enfants, ni les tilleuls, ni les moineaux !

 

 

Sa dernière lettre à Dieu

Le sol tombe…
De l’autre côté du sang
Un cheval n’a pas échappé à sa solitude… Le sol tombe
Un homme aux mains d’oiseaux
Bien plus seul qu’une étoile
Jette des pierres dans le ciel

La neige est noire
Le cheval s’est noyé
Sur les charniers
Un homme écrit une dernière lettre à Dieu : Elle commence comme ça :
“À toi le Silencieux ! À toi le grand Aveugle ! Et elle se finit par ASSEZ, ÇA SUFFIT ! “.

 

 

 

Les arbres de Kiev

Tous les arbres mouraient…
Des mendiants de miracles passaient
Portant des sacs de sang ;
Les pilleurs d’étoiles
Cherchaient refuge sur la mer ;
D’autres tiraient à genoux dans l’or des acacias
Des loups noirs dévalaient de la Loubianka Des bouchers les suivaient
D’autres hommes mettaient la lumière en joue Et on voyait partout

Les visages dénudés des assassins tranquilles Mais où vont les arbres ? 

 

 

Avec les mains brûlées

Je ne suis pas d’ici
Je viens des nébuleuses
J’incise les époques
Et je joue sur les places
Des musiques douloureuses
Des chiens perdus hurlent dans l’Atlantique Je commence un voyage
Avec les mains brulées
Et je finirai bien
Par faire de mon visage
Une île intraduisible. 




Sylvain Grodos, cinq poèmes

Les silences au fond des voix
les cris étouffés de nos yeux

voilà qu’ils reviennent au galop
quand à travers les mots des inconnus qui passent
nous entendons soudain notre propre musique
errance des cœurs sourds aux échos de la vie
qui patiente et attend qu’on sonne à sa porte
au son du la qui réveillerait les âmes

Et tout à coup ce sont les lignes de nos mains
qui ne disent plus rien
rien de l’avenir perdu d’avance
plus rien de nous
assis et les yeux face au vide à cinq heures du matin
sur le perron de la maison
seuls et cherchant à chanter au monde entier
les soubresauts du quotidien

comme un coq qui voudrait porter sa voix plus haut que l’aube

 

 

 

À l’heure du repas dans la cuisine
une chaise désormais vide regarde
droit dans les yeux ceux qui sont encore là
assis autour de la table
avec la rivière des jours et le pain
qui s’assèchent au rythme des larmes

Et pourtant
un appel derrière les yeux
un indice dans le paysage
un écho qui perce à travers l’averse
viennent faire valoir leur part de lumière
comme si quelque chose
ou quelqu’un
consentait tout de même un instant à descendre
du pays d’où l’on ne revient jamais
s’assurer qu’au fond de nous
chante encore une voix

 

Alors voilà
ça commence à peu près toujours comme ça
quelques mots vains qui s’en viennent de nulle part
et s’en vont aussi tôt bredouilles d’où ils venaient

Un matin comme un autre

On voudrait vivre un peu plus longtemps
vivre un peu mieux
un peu plus près des autres
un peu moins loin de soi

On est pourtant bien seul dans un recoin du monde
et malgré ça plus très sûr de qui dit je
dans nos paroles morts nées

Ainsi l’on relève la tête des angoisses
cherchant dans les petits riens des jours et des nuits
quelque nuage oiseau passant pour accrocher les yeux du cœur
Il n’y a en réalité jamais eu grand-chose à quoi se retenir
sinon les feuilles du peuplier au fond du jardin
qui tremblent de vivre

et l’on se demande de quel point cardinal
le vent nous octroiera-t-il notre propre signification

 

 

 

Le pied lourd et les mains graves
la tête basse et les jambes engourdies
les bras qui tombent et l’âme fourbue
de n’avoir jamais pris la route des ailleurs

frappent comme les douze coups de la fin
le vieux singe terré dans sa maison trop petite
avec son cœur d’enfant trop grand
trop vieux pour enfin partir

et le réveillent, lui qui s’était enfin endormi
sur son atlas grand ouvert
à la carte du monde et des gens et de l’amour
le cœur si près de la mer

 

 

À trop enfiler ses pantoufles
on s’attire malgré nous la sympathie des fantômes sédentaires
Et l’on a beau avoir posé de grandes fenêtres
aux murs de la demeure où l’on meurt à petit feu
le peu de paysage que l’on a d’une cuisine
suffit à briser au sol la vaisselle des jours en pleurs :
ah les vieux rêves relégués aux oubliettes de la mémoire
pourtant toujours en flammes
et l’on s’étonnera d’être comme un légume
avec pour seul horizon son potager

 

 

Présentation de l’auteur




Eric Bouchéty, L’Invention du désordre et autres poèmes

Je flottais les bras nus
Lorsque rêvait encore l’irréparable.
A présent le monde vêle
ses aiguilles incessantes
Et l’importance du soleil
qui sans cesse nous sollicite.

Je ne peux plus dormir dans l’infraction du temps,

Impatient de tenir
la terre imprévue,
Sa part de sel et d’utopie
qui jette avec nous la pluie dans le vent,
Des toquades dans l’été,
Nos hantises dans l’azur.

 

-Locus amoenus. -

Tu m’as demandé, malgré les aubes,
Comment demeurer sans alarme
Dans les ors du crépuscule,

Comment loger la nuit du doute
jusqu’en pleine lumière.

Il n’était jamais temps d’arriver ;
Il n’est plus l’heure de revenir.
Nous avons tant admiré
Les poètes s’alanguir
En tenant un beau nuage
Qui n’avait soin de l’incertain.
Et le logis sans route glissait sur l’herbe nonchalante.

Mais comment pourrai-je
Te ramener à la maison
                                             sans retour,
Si la découverte des collines 
Fait coulisser nos ombres,
Si l’instinct des eaux passe les rivières,
a fait pousser les plantes folles, courir les torrents
Qui stupéfièrent nos projets puis grandirent les trajets ?

Nous ne reviendrons pas parce qu’un radeau dérive
sur les floraisons régulières des vents sans logis,
les savoirs infondés
et le retour promis des cieux.

Iris dans le crâne, voguant pupilles, je questionnais tous les départs,
Tu changeais les correspondances.

Nos silhouettes projetées s’étirent encore dans le soir,
poursuivent la veillée.

Comment connaître sans enfreindre
Les proverbes et le retour promis des cieux ?

- Traits capitaux. -

La tête qui a grandi
                                 vers les cibles du ciel,
Leurs motifs confus en bas-de-ligne
dans l’essor des souhaits
              et la cascade des routes,
Parmi les éclaircies diverses,

            Enchevêtre             au soleil versatile des saisons sans mobile
Un transport tourné vers l’expérience,

Traverse                             les désirs romancés, le passé des conquêtes
et l’invincible oubli.

Même sans l’île de Pâques des idoles de passage,
                                           Reste une part importante du cœur
Avec laquelle on se montre,
Pour porter en point de mire
                        des intentions sans dessein.

On voit encore nos songes dans les nuages.

 

- Ligne de force. -

Quand tu auras, quand j’aurai comme toi plus de saisons
Qu’un vieillard dans le chêne,
Et sur les marches de la Terre,
Plus de veines que le marbre,
goûté plus que nos printemps,

Quand les ruisseaux veineront les marges de tes yeux,
Une eau terreuse encore aux lèvres,

Quand nous aurons vu dans l’os
Plus que l’aïeul sa mort
Et que le bronze de mon front
                       aura trouvé sa transparence,

                      Nous ne saurons peut-être rien
Dans l’urgence et les carrousels
Parce que la Terre tourne et que ma main s’est répétée
Sur les fruits réguliers.

                     Quand tu la multipliais dans le cœur inflexible,
Je voyais mes yeux et la promesse des graines.

                     Quand l’arbre inquiet ne poussera plus,
                     Pris dans le ciel superbe avec un fruit inaccompli,
Les poches pleines de moissons,
M’apprendras-tu encore
                                          l’horizon insoluble ?

Présentation de l’auteur




Alain Freixe, Peut-être

Quelque chose tombe. C’est lent et imparable. Sa retenue le déchire. Le dérobe à l’oblique. Et angle droit sur le vide, le tourne et retourne, le verse et renverse, se perd.
Et dans l’air, c’est à peine si passe le froid de l’ombre.

 

 

∗∗∗

Quelque chose tombe. De clin en clin, comme on le dit d’un œil dans le temps où il reprend ses esprits pour faire tas. Devant. En bas. En bord en bord de monde comme en bord de page les fragments d’ardoise sous les couteaux de l’autre été, aspiré par l’aigu du coin. Qui s’éboule.

 

 

∗∗∗

Quelque chose n’en finit pas de tomber qui nous jette dans le soir des défaites. 
Y vont et viennent, toujours plus perdues, contre toutes les réquisitions du monde, les lumières de sentinelles désarmées. 
C’est la veille. Encore et toujours. 
Souvenances actives de quelques-uns.
À voix de mains.

∗∗∗

Nous pèsent les abandons et nous paralysent les trahisons. Lourd héritage qui nous brûle les yeux jusqu’à nous empêcher d’entrevoir ces peut-être qui poudrent l’air quand tournent et bifurquent les chemins, ces possibles qui ne serpentent au flanc des jours que lorsque nos pas à se heurter à leurs pierres écartent herbes sèches et poussières.

 

∗∗∗

Peut-être, 
lampe douce, allumée sur les eaux du jour par un vent tisonnier, amoureux des matins sans nom.

 

∗∗∗

Peut-être,
et quelque chose serait là. Une main d’ombre gantée de l’arc bleu du silence. Une main flottante et qui appelle à la relève. A la reprise. Une main d’avant les mots. D’avant les couleurs. A la volée. Une main de nuit avec dans sa paume un soleil souterrain.

 

∗∗∗

Peut-être,
et déliées, les routes alors fileraient devant sous un horizon inexploré. 
Loin dans demain.

 

∗∗∗

Nos yeux se prendraient à leurs mirages. 
Images qui iraient jusqu’à traverser leur peau. Eclairs d’oubli où la durée crépiterait comme en un terrain vague où les noms anciens auraient été perdus sous les cendres et les restes de quelques cartons éventrés entre vieux pneus et cagettes à demi-brûlées avant une aube toujours remise, toujours promise.

 

 

∗∗∗

Une aube. 

Quelque chose comme un Noël sur la terre. Celui des enfants dont les yeux, retournés, comme ces terres d’automne ouvertes à la neige, à ses vigueurs prochaines, attendraient, tendus dans les courants qui les emportent, les couleurs des jours nouveaux qui feraient brèche sur brèche au temps d’avant, ce temps muré dans les heures, dans le chaos des lumières électriques où la nuit se perd, toujours plus enfoncée dans les plis de ses masques, les boues de sa figure sans plus aucune chance de visage.

 

∗∗∗

Mais c’est le soir.
Encore le soir. 
Le soir et la pluie sur les dernières pages écrites, les dernières images risquées, comme si la fin avait été donnée au commencement.
Et c’est l’ombre de la mort sur les feux rouges, toujours plus nombreux, sur la route dont les ciels sont bouleversés, l’asphalte éboulé et les eaux salies dans les nids-de-poule, qui m’arrête.

∗∗∗

Qu’est ce qui serait de saison?
Quelles bifurcations?
Quels peut-être?

 

Présentation de l’auteur




Jean-Pierre Otte, L’âme au maquis

Y aurait-il un défi
à ne pas devenir son propre passé,
sa propre mémoire accrochée
ainsi qu'une verrue à la grande

mémoire géologique du monde,
et peuplée de feux éteints et de lits défaits,
de papillons épinglés à la pelote du cœur ?
Le verre plein que tu serres entre les doigts

vole soudain en éclats,
et le vin se répand dans l'épaisseur des draps,
dessinant un large glaïeul rouge
qui n'en finit pas de t'obséder, toi, sans bouger,

immobile entre deux mouvements.

 

 

Il y a des galaxies
dans un grain de poussière,
une moraine dans le moindre mot,
et ce carreau cassé dans les herbes

reflète des images morcelées.
Nous voilà révélés en parties,
l'esprit pareillement, au diapason.
Nul n’ignore plus

qu'un feu obscur brûle dans l'euphorbe
et qu'à l'équinoxe d'automne,
les oies de passage
laissent dans la moelle des os

une phosphorescence bleuâtre.

 

Veille toujours à avoir du temps à perdre,
traînaille avec tes habits de dévoyé,
vagabonde sans hâte,
sans hachures dans l'haleine,

par les chemins qui sinuent
et en même temps s'insinuent en toi-même.
À celui qui le contemple par incidences,
le monde se découvre sans cesse en d'autres facettes

et d'autres lentilles, multiplié à l’envi,
jamais pareil, toujours inédit,
tandis que l'on se hasarde,
devancé par quelques pensées insensées

par les grands chemins clairs.

 

 

 

Foin de toute mystique
qui voudrait saisir
l’effervescence par la fixité,
cherchant ailleurs un sens

qui ne soit pas circonscrit

 

par l'accomplissement de la vie
sur la source qui la décline.
Ce n'est plus le miroir du monde

mais le monde sans miroir,
et l'esprit est à vif et sans ambages.
Regarde, tout est là :
des femmes échevelées,

les jupes retroussées sur les chevilles nues,
foulent à grandes éclaboussures pourpres
les grappes de raisin mûr
à la clarté encerclante des torches.

L'ébriété est donnée par surcroît.

 

 

 

Par-devers nous, 
les feuillages se referment
en larges froissements d'ailes,
alors que l'on se fraye le passage

dans le labyrinthe des buis.
De même, hier, sur la lande des bruyères,
le brouillard bougeait avec nos mouvements,
s'ouvrait devant et se ressoudait derrière.

Ainsi, toujours enclos,
l’esprit circonscrit par le vol de l'autour,
et, au milieu de la chair,
cette clairière intacte,

avec des taches de soleil qui tremblent.

 

 

 

Hiver d'hermine,
le jour pris dans l'ampoule pelue du gel,
l'apparente inertie de la vie hiémale,
avec ses clartés de laiterie nue

et ses géraniums aux fleurs de sang séché.
Le silence nous affine à notre insu
et nos yeux s'emplissent du satin gris des saules.
Le zéro obsède tel un os d'oiseau.

Il y a une lente électricité étrange dans les sens
et, quand on retient sa respiration,
le ciel est tout transparent ;
un grand vide se fait sous la peau

tel un même vertige blanc.

 

 

Pour le voyageur sans voyage,
tout est regards
et tout reste à voir. L'esprit
est telle l'alouette ascendante

qui est tout autant dans son entrain à grisoller
que dans l'entrelacs versatile de son vol.
Dans le moment même
(l'instant, c'est ne pas s'installer),

on rêve d'une langue non récursive
où il n'y aurait plus
la conjugaison des verbes
au passé composé ni au futur antérieur.

L'eau même ne peut dissimuler sa nudité.

 

 

 

 

 

Pour le voyageur sans voyage,
tout est regards
et tout reste à voir. L'esprit
est telle l'alouette ascendante

qui est tout autant dans son entrain à grisoller
que dans l'entrelacs versatile de son vol.
Dans le moment même
(l'instant, c'est ne pas s'installer),

on rêve d'une langue non récursive
où il n'y aurait plus
la conjugaison des verbes
au passé composé ni au futur antérieur.

L'eau même ne peut dissimuler sa nudité.

 

 

 

Après nos cheminements en solitaire,
l'âme vacante et les épaules incurvées
accordées à l'accolade des collines,
après toutes les chicanes à la lune croissante,

les passages à gué et les ponts légers
dans le souffle qui fume en hiver,
nous nous retrouvons au gré des croisées.
Nous revoilà plusieurs,

en même temps que, chacun, nous sommes
plusieurs au partage de notre vie,
multipliés de toutes parts.
C'est toujours l'autre, le semblable distinct,

qui, par sa capacité à nous recevoir,
nous rend capable de ce que nous sommes.
Et la parole nous vient
en ébullition de voyelles,

sans ambages, dévêtue et libre.

 

 

Cette résonance au profond de la poitrine
et qui se propage jusque dans la moelle des os,
tels les cercles excentriques
d'une pierre lancée à la surface des eaux mortes,

voilà qu’elle nous rend à la mesure
et à la démesure du monde entier.
À quoi servirait-il d'être immortel
quand on fait l'expérience de l'éternité

dans l'instant frais qui s'esquive ?

 

 




Michel Gendarme, LES ENFANTS DE MOINS DE DOUZE ANS VOLENT !!, extraits

Le temps est calme

Leurs ailes sont des poisons invisibles
Des pinsons variables dénotent les écorces
L’aire est tendre la chair hélas se laisse prendre

La vitesse du vent est de un nœud
L’enfant maîtrise dans la coïncidence
Maisonnette de sagesse
Lit de poupée réglée
Les enfants sont des songes
Leurs ailes, des poisons d’avril

La fumée monte droit

 

Il y  avait un arbre quand c’était un jardin non pas une entreprise un super commerce une super usine âge de longtemps des longues rives folâtrer pour non sens des lisières c’était à l’ailleurs on pourrait le penser c’est autorisé de rêver une écorce suffit pour une fourmi suffit à peupler le cerveau de jouets

 Charme arbre de plaine à feuilles gaufrées caduques vit sur sol argileux ou calcaire ne dépasse pas vingt mètres se taille facilement en haie bois blanc grisâtre altérable à grain très fin aubier indistinct cercles d’accroissement sinueux rappelant le tronc cannelé résiste particulièrement bien au fendage et à l’usure par frottement

Etals de bouchers et billots vis et engrenages des pressoirs anciens moyeux de roues instruments aratoires maillets rabots serre-joints navettes de métiers à tisser formes de chaussures quilles boules pâtes à papier excellent bois de feu pour les fours à pain

Pourquoi tant de charmes ?

 

 

On ressent une très légère brise

Dort dans la maison l’épaisse toison dort
Dort à l’abri l’apaise
Les enfants ont des ailes de papier
Des songes de géants des ailes

La fumée indique la direction du vent
Où vas-tu vas là

À lit à rouler froissé défroissé enroulé
Au frais à faire du chaud des sinuances de l’esprit
Se parer de drap d’humeur mais je me sens mieux comme ça
S’envelopper d’urine chaude dans l’urine chaude
L’enfant dans le marécage de ses rumeurs nocturnes

Urine

La vitesse du vent est de un à trois nœuds

 

 

 

 

 

Pour un refuge planté là sans regrets éternels des larmoyantes strophes les larmes des amants démunis désamiantés un arbre comme un abri anti-automnique des malédictions tectoniques dans les boîtes ils ne connaissent pas cela les piquants sous les fesses à la plante des pieds courir nu au clair de la lune ô encore une fois courir nu sous le clair de ta lune

 Châtaignier arbre de demi-lumière à feuilles caduques atteignant trente mètres sensible au froid pousse sur un sol riche perméable et non calcaire bois hétérogène beige ou brun très durable aux intempéries aubier distinct blanchâtre altérable très bonnes résistances mécaniques en flexion et compression assez fissible

Le bois le plus riche en tanin utilisation en tonnellerie par fendage les tiges fournissent des clôtures de l’emballage des cercles de tonneaux et de merrains les bois ronds sont employés pour les manches d’outils montants d’échelle piquets de clôture ou de vigne les sciages sont utilisés en menuiserie parqueterie et charpente mauvais bois de feu les sous-produits sont transformés en panneaux de fibres

Suivre le châtaignier

 

 

On sent le vent au visage on sent
Caresse douce ma mousse te pardonne
Sonne l’heure ma douce
L’enfant n’est plus à vendre depuis longtemps
Il le sait
Connaît un certain prix

La vitesse du vent est de quatre à six nœuds

Il se lève de cauchemars
Derrière la porte il y a toujours une surprise qui l’attend
Marre marre
Viens viens qui en voudrait
Pendant que les songes se font un placard
La vérité sort de la poubelle 
Elle

La brise est légère

 

Ils ne marchent pas comme nous ont toutes sortes de réseaux invisibles souterrains d’âmes argileuses planques à foutre de silice ils craquellent les distances et surfaces se font dépendances des cavernes avalées tu avales des couleuvres quand tu te couches sous les fougères tu respires un autre paradis

 Aulne arbre dont le port ressemble à celui des résineux pousse au bord de l’eau en pleine lumière peut atteindre trente mètres feuilles caduques d’aspect visqueux bois rosé à grain fin aubier indistinct se polit bien résistance mécanique faible presque imputrescible lorsqu’il est immergé

Piquets de clôture en sol marécageux modèles de fonderie tournerie sabots jouets brosses bobines boutons bols cuillères bon bois de feu pour la verrerie contreplaqué pâte à papier panneaux agglomérés Venise est bâtie sur pilotis en aulne

À l’aulne des lueurs

 

 

 

Tiens une petite brise
On se dirait des mots dans des cachettes d’allumettes
Chouette
Des jeux mauvais rituels des dates assouvies digérées
Hibou
Recrachées
Pour lui faire jouer un autre jeu
À l’enfant

Qu’importe il plante des fanions des éléphants de vapeur
Saute dans la contemplation
Ça pique

La vitesse du vent est de sept à dix nœuds

Ça pique
Se goinfre déjà de futur

Alors les drapeaux flottent

 

Ils collectionnent les sons s’attribuent des symphonies dédicaces écorcées des craquements de nuits de noces des succions de serrements des approches en écho ils résonnent de feutres de glissements en foutoirs mélange végétal en folie rapprochée là juste au-dessus se créent les sons du monde ceux de toutes les langues le babil forestier

 Trois cents espèces sont connues allant du plus petit arbre espèce naine de montagne dix centimètres de haut un centimètre de diamètre à trente ans au saule blanc des bords de rivières en passant par le saule pleureur poussent sur sol humide en pleine lumière bois blanc à gris rose léger et mou pelucheux

Charpente de qualité secondaire volige emballages légers boîtes à fromage manches rustiques battes de cricket jouets perches et échalas claies vannerie grossière chevilles et dents de râteaux meilleurs liens pour la vigne les toits de chaume nasses et petit mobilier des feuilles et de l’écorce on tire l’acide salicylique remède dès le dix-septième contre la fièvre des marais

En équilibre sur le saule

 

 

 

 

 

Ô que la brise est jolie si jolie jolie
Drapeau orange

Grossir ce qu’on lui a donné son travail est tumeur
Boursouflure du langage enflure des mots
Il triture ses bouts de peau arrache des dents aux livres
Se fout de la peinture dans à l'intérieur
L’enfant bourse

Le sable s’envole
Le sable ça veut dire l’océan la plage loin
Le sable s’envole
L’enfant et ses croûtes pleines de grains passés présents futurs loin
Lèche et mélange et titouille vit avec ça
Bourse

La vitesse du vent est de onze à seize nœuds ah ! quand même !

 

 

Boivent ce qu’il y a d’humide dans ce monde faut bien chercher la goutte rompre la solitude molécule de calcul ils incrustent la soif c’est une racine aussi supportent l’abstinence le sacrifice la tradition du jeûne mais qu’on ne leur coupe pas la route un monde ça se construit les rhizomes sont à la recherche tout le temps

 L’hêtre est grand de trente cinq à quarante mètres ne dépasse guère trois cents ans préfère l’ombre les sols riches et légers l’humidité atmosphérique de la Suède à l’Italie bois fin homogène sans aubier distinct couleur variable du blanc au rougeâtre se cintre et se ponce très bien assez cassant en flexion peu durable n’est pas un bois de construction

Ébénisterie contreplaqués spéciaux bois comprimés-bakélisés mobilier scolaire de cuisine établis étals articles de ménage brosses formes de chaussures sabots semelles de galoches jeux et jouets bobines pelles de boulanger boisseaux sièges et porte-manteaux pâte à papier textiles artificiels bois de feu traverses de chemin de fer

L’hêtre de la question

 

Présentation de l’auteur




Alain Brissiaud, 1000 retours

pour ma fille Marie

Maintenant sur la voie rapide
revenant vers la ville
l’auto s’enfonce dans la mémoire et remonte le temps
Mère courage si lointaine maintenant là gisante cassée
ta vie ne pèse plus bien lourd
nos mains enlacées voudraient tout retenir
juste ça
filer libres
souviens-toi quand tu chantais

ciel ouvert vers les hauts bâtiments et
le rire de jeunes femmes
comme un écho à ton souffle          
mille malheurs          
l’espace est saturé de non sens
vie heurtée
vie contre vie à tout donner

je me tourne vers le mur
au- delà des vitres le ciel est plein de ta voix
ton chevet jaune reflets bleutés agitation sursauts rides maigreur
Mère tu dors dans l’avant mort
légèrement de biais lèvres closes et râles
allant et venant dans la chambre
depuis ce monde je te regarde
ancienne jeune femme me donnant la vie
jaillissant d’entre tes cuisses
pour quel avenir pourquoi

dis
quand ton premier frisson
quel timide jeune amoureux
posant un baiser sur ta bouche 
déjà ce père unique amour

et plus tard débâcle captivité          
le père prisonnier solitude enfants malades
je suis en toi ce soir pour tout voir de ce temps
j’ai voulu connaître où il était           
mettre mes pas dans les siens
comprendre ma propre vie
comprendre  Mère par ta souffrance pour me comprendre
par ce père figé comme un dimanche        
pouvoir me dire « ça va »
partir vers le pont de la photo à sa rencontre
comme il devait aller vers toi
depuis l’autre coté de la ville le dimanche matin
mains d’amoureux doigts serrés
peut-être des caresses sur ta peau 
fantômes tardifs
et si vite père malade retour du corps à la maison

dans le sillage de l’ambulance je refais le compte

je m’épuise à comprendre votre histoire

ton courage sous la peine

que penser

chemin d’Allemagne encore
descendant vers le pré dans la lumière finissante
cherchant ses pas dans les beaux paysages        
Sylvie aide-moi
je dissimule mon émotion
tout retenir pour comprendre*
kommando captivité votre séparation
Bavière air bucolique maisons jolies          

le pont métallique de la photo soudain devant moi           
bouffées manque d’air je perce soudain tes silences
vague sourire             droit digne                  propre
même allure rare maintenant
si loin il disait
« ne fréquente pas ma sœur »        il voulait par delà la distance diriger ta vie
sans rien savoir de tes souffrances
mort des parents traîner Jean à l’hôpital    passer la  ligne         
à son retour tu reprends ta place
en arrière
effacement ta force être une ombre
juste te rendre indispensable
provoquer l’amour
s’attacher l’amour

soudain tu hurles
« maman ! maman ! » son souvenir t’assaille
tes bras tournent sur ta tête
tu appelles depuis l’abîme
« maman ! maman ! »
son absence résonne dans la pénombre
elle te manque tu as peur
perdue si tôt
véritable souffrance   tu en parles comme on caresse
que t’aurait-elle donné
tu es partie si vite t’occuper des autres
fille enfant fille maîtresse

je t’imagine gamine
à quoi rêvais-tu
et jeune femme aimais-tu ton corps 
et plus tard quelles caresses sur ton ventre 
nous n’avons pas parlé rien dit de ces choses
ta jeunesse vendue pour servir les bourgeois
et Jésus bel amant au-dessus de tout       
tu appelles ta mère
tu voudrais cloisonner ton esprit
mais avancer c’est se perdre          

je suis las de tant d’échecs je n’ai rien compris à ta vie
je touche ton front    
je touche ta joue : « ma peau se dessèche »
« pense à ramener la crème »
« qui est là »
étrange ces présences qui volent atour de toi
quelle est cette réalité          

ce soir mes pensées cavalent  
et puis la mort de Claude dans le journal
si soudaine
je n’ai rien compris

cris d’homme maintenant : « arrêtez-ça  arrêtez-ça  »
voix tendues
la souffrance toute entière dans ces cris
quel ancien cruel remord 
quel drame enfoui 
cette folie inonde l’espace de sombres pressentiments
nos rapports se sont détraqués
comment construire nos vies
trouverais-je la paix dans toute cette démence

revenant du pont vers l’hôtel faussement touriste
mon cœur déchiré
incapable à dire mon désarroi
comportement déflagration
mon esprit s’enraye cette nuit

Sylvie je voulais tant m’ouvrir 
couler en toi
apaisé
douloureux d’amour
vers ton ventre m’écouler
mais souillures de ma vie

Mère tu disais
« vas là-bas - je suis usée - tu bouges trop - hors de moi »
maintenant je m’accroche
je jouis de ton usure
reprends-moi reprends-moi
ne me laisse plus
me souvenir de ces nuits de dortoir
le grand me touche sous le drap
le grand me guette dans l’ombre vers le fond attend l’occasion
mettre son sexe dans ma main
par gentillesse disait-il
m’offrir ses névroses
lui aussi manque d’amour
mère pouvais-tu imaginer
et toi père absent que je cherche maintenant

vers la fin tu guettais ses allers et venus vers l’atelier
« Alain - il prend du vin »
« Alain - sors de moi »

<
« Alain - tu vois mon ventre dans le bois »
je sors en courant dans la nuit
fuir

vaines souffrances
ce don de toi payé au prix fort
tu disais tout résoudre par l’amour la prière
tes années défilent comme un livre d’images
dans la lumière du crépuscule
tu sautes sur ta couche rempli de doutes
comme une peau nouvelle un bonheur enfui
ça n’est pas un chagrin un malaise
tes croyances ne sont pas les miennes
pourtant nous attendons la même chose
la même délivrance
ta beauté apparaît maintenant que tu pars
Marie Hélène prie à mon coté
Il fait si chaud
Mère que vois-tu

maintenant sur la voie rapide
vers la maison
la radio joue long way you run 
neige sur le bord de la route
marques de vie manque d’amour
tous à la merci les uns les autres
tous la même vaine histoire

absurde après-midi  

hiver 2004

 

Présentation de l’auteur




Jean-Claude tardif, Les chemins dérisoires, extraits

La nuit s'étend sous mes paupières,

j'attends mes rêves

sans plus y croire vraiment.

Demain ne sera pas un autre jour,

juste la silhouette oubliée des heures perdues.

Je compte sur mes doigts le frisson des horloges,

les petits matins me trouvent perclus,

apeuré. J'ai perdu mes enfances.

Où sont les ventres de mes femmes

et de quoi se souviennent mes filles ?

D'un premier cri - toujours le même -

qui nous vient de derrière les mots

pour nous raconter notre histoire ;

celle que nous gravons sans cesse

à l'inverse de nos paumes

loin des lignes de vie et de chemins de fer.

 

*

 

 

 

Mes yeux accrochent leurs linges

à l'étendoir du ciel ;

le crépuscule ravaude ses draps.

Soudain derrière la vitre le vieux livre de la nuit

et la mer entre les lignes, filigrane.

L'écume a une odeur de cuir

qui déplaît aux oiseaux marins.

Le vent est immobile et je suis loin du monde.

Sur l'envers de mes paupières

le corps de cuivre d'une grive égarée

piétine l'ombre qui nous lie.

Je la regarde comme un autre

moi-même.

 

 

Écrire un poème, à quoi bon ?

Le monde n'y tient pas,

il s'en moque

comme il se fout des mots qui le nomment.

Le monde n'est pas un poème

simplement

l'ombre qu'il projette, peut-être,

sur une page blanche

 

que nous ne savons pas.

 

 

Parfois je dors ; je fais semblant,

j'écoute ma respiration sans la reconnaître.

Suis-je un mammifère, un poisson,

une pierre tombée d'une poche

ou simplement

une météorite qui se serait perdue ?

 

Souvent je fais semblant, je dors.

je me perds un peu dans le drap du silence,

je suis une à une les lignes

au fond de ma paume. J'ânnone

une histoire trompeuse qui me ressemble

et je ne sais plus soudain si ma peau

porte en elle la mémoire

qui le soir venu me fait défaut.

 

*

 

Longtemps j'ai bredouillé l'alphabet

lettre à l'être, petits riens que j'ai portés

faute de poches convenables

au revers de la langue

comme on le fait d'une fleur sur une boutonnière.

Myosotis peut-être à moins que

ce fut un coquelicot, poison insignifiant ;

plume au milieu du foin, dans l'intervalle du vent

au creux des jalousies et des corps qui se donnent

à la façon d'un monde .

 

 

Présentation de l’auteur




Franck Bouyssou, Carré de mars

Un silence de rive morte souffle sur les pas de tes rues. Ville. Ma ville.
Pendant tout le jour la nuit t’appelle à l’abri du vide qui peu à peu t’absorbe. La nuit t’appelle à son seuil de pierres froides.
Même jaunes les étoiles ne réchauffent rien.
Dans la nuit qui t’appelle tu cherches le printemps à tâtons dans l’herbe humide des jardins publiques. Et tu frôles le manteau oublié d’un rêve qui tremble au bord de la saison.

Confinement. Ce mot est doux comme du coton.
Confiserie ou firmament ?
C'est comme un rêve qui tourne en rond. Un carrousel.
L’œil se multiplie, longe des façades où vibrent des sourires d'enfants.
Au tournis voici la nausée. Entends-tu ? Entends-tu ?
Ce mot qui nous enferme. Du ciel dans un bonbon.

Ennui. Tâche d'huile. Tu allonges tes membres croyant remplir plus de vide. Croyant augmenter la matière, croyant que l'ennui est un vide.
As-tu oublié qu'il y a un nom pour toute chose ? Un nom énorme qui solidifie toute chose. Et qu'en désignant toute chose à l'aune de son nom, la source coule comme une lumière de mai.
Nomme cet arbre un cyprès, nomme cette sensation l'ennui.
Dans la pénombre du mot, alors se plaira ton séjour dans l'ennui.

 

Un ciel plaqué d’une pâleur bleue presque abstruse ternit la promesse vide du soir.
Une lumière à l’abandon tombée d’un lampadaire découvre la rue
Bientôt asile des chats errants.
S’appliquer à se taire
Et dans la paume d'un monde qui hésite à fuir
Boire l'éphémère.

Présentation de l’auteur