06370
06370:
Numéro d’série d’mes souv’nirs d’enfance
Retour en terre sainte
Je me souviens, et mes mots rient
Comme cette petite fille
Dans sa petite ville
Non loin de là j’avais des tresses
Le coeur noué
La rue, le banc
Une bicyclette avec un panier vide devant
Je me souviens...
Le rire bête de la sonnette
Le chant des freins, le refrain
Le guidon qui guide plus rien
Ce dédale de pédales sous mes pieds
Et qu’j’avais même plus peur de tomber...
Suffisait d’passer les vitesses
Pour s’griser, dérailler
Sous mes tempes la vie battait
Comme la pluie qui tombait jamais
Je vois ! Je vois tout ! :
Le cèdre bleu
La silhouette des grands arbres
Qui posaient leur couronne sur ma p’tite tête
Je vois...
Je suis une grande fille
Dans les belles ruines
De ma vieille ville d’autrefois
J’prends des photos de mes souv’nirs
J’prends ma mémoire dans mes bras
06370, j’avance
Soudain, j’ai dans le nose une odeur naze
Mi eau-d’rose, mi sueur rance
Note de coeur: fleur d’errance
Et dans la bouche...
L’aigre douceur s’enfonce
Celle, de l’ogre bouffeur d’enfance
Qui m’a salie
Qui m’assaillit
Depuis, l’eau d’prose c’est ma salive
Je crache la poésie
A la gueule du temps
J’avale le venin des rimes à venir et des mots d’antan
Et même si le temps peste
Même dans la tempête
J’reste, droite, comme le point sur le i
Debout
Le poing qui fait très mal
Qui fait des Aïe avec des trémas,
Met des tremolos dans ma voix
Je me souviens et mes mots rient
Ils savent bien qu’à l’heure
où les souv’nirs surviennent
Il vaut mieux sourire pour survivre
Mes mots sont tout verts,
Ont les yeux grand ouverts
Ils me regardent et se souviennent
Que j’ai le sang tannique et grave
Le pire gravé au creux d’la nuque
C’est par là qu’la vie m’a tenue
Que j’suis la dernière note de la portée
La Blanche pointée, du doigt
Pour avoir refusé l’silence
Mais...
Petite chatte est devenue grande
Petite Blanche est devenue femme,
Et flamme,
Et slame...
Avec sa langue pour lance
Elle tente t’éteindre le diable qui danse
dans le petit bois mort de l’enfance
d’en face...
06370:
J’taille l’espoir dans l’incendie
J’sais qu’on n’a rien sans dire
Des étincelles plein les cils :
Regard embrasé d’ceux
Qui n’s’embarrassent pas et refusent d’apprendre les règles du feu
Mascara charbonneux :
Oui, j’ouvre les yeux !
Mascarade carbonisée:
30 hectares d’illusions partis en fumée
J’crache de l’au-delà et de l’eau-de-vie
sur les cendriers
Le destin m’a pété les dents !
Qu’en ai-je à foutre, hein ?!
qu’elles soient grises, jaunes ou bien cariées... Rien à carrer !
Je me souviens, je vois tout
Les mots fusent... et j’me sens
mi-détresse mi-Apollo 13
Qu’est ce qui pourra m’arrêter ?!
J’vois ! :
J’boite vite
J’bois pour n’plus oublier
J’bois le vers qui rêvait d’être
à moitié rime
à moitié libre
et toujours ivre, plein d’poésie
Je bois à la santé
de tous les micros aphones
de tous les corps sans personne
qui tentent de susurrer les mots censurés
et d’crier les sens interdits
Retour en terre sainte, enceinte
Sur la terre de mon enfance tachée d’sang
j’ai mis au monde un innocent pour l’quel j’tremble
06370, pour lui j’avance
J’revois mes rêves mourants partout
Je me relève avec mes lèvres
En terre vermeille
Suis à l’heure où je me réveille...
J’pars décrocher l’soleil mais
Suis- je à l’heure pour les merveilles ?
Même dans la tempête
Et même si le temps presse
Je marche, je ne cours pas
Certains ont les mains sales
Moi j’ai ma cadence propre
Ce soir je vais me coucher sur le flanc
Et puis me cacher pour écrire...
J’me mets tell’ment à mal
J’me mets tell’ment à nu
Je n’sais même plus si j’suis un animal à plume, ou à poil...
Peut-être qu’avec le temps je suis un animal à voile...
Qui dérive, tout douc’ment, sur sa tache de mémoire sauvage...
Toujours plus loin du carnage,
Car j’nage à contre courant
06370:
Numéro d’série d’mes souv’nirs d’enfance
Je n’oublie pas l’pire mais...
Je me souviens d’tout:
Non loin d’ici
Le cèdre rouge
Le soleil qui s’lève dans les roues d’mon vélo mauve
Mon frère qui court tout autour
Le chant du vent dans mes cheveux...
Retour en terre peinte:
J’dis : 06370, numéro d’série d’mes sourires d’enfance