Denise Desautels, Nuits

Mais Il y a des nuits en nous, il faut s’en occuper.
Nicole Brossard

Nuit I

Une salle blanche et une table
sept-huit têtes penchées masquées
vers une brousse de sang de boue d’organes.
Le Corps même. Ses ombres creuses.
Ce qu’on y fait ce qu’on y fouille – rêvons sous la torture.
Surtout ne pas l’abandonner à ses bourreaux.
Un jour il a été tout petit. Ses paupières fourmillent d’obus.
Mais laissez-le donc tranquille.
Manœuvrez-moi à sa place dit la mère
devant La Leçon d’anatomie.

 

 

 

Blessée.
Quelque chose se plaint, sans un mot.
Christa Wolf

Nuit II

Sur la table de survie le froissement des voiles
peau poussière et os – notre fatigue a tout noyauté.
Subrepticement c’est fou l’habileté chirurgicale
de ces mains sans mémoire qui ne faiblissent pas.
Face à sa fin ses nuits cernées l’enfant a grandi.
Une falaise – rêvons rose le corps debout. 
Quand l’effroi l’emporte dans les replis
de la phrase. Nos draps et nos bras soudain mobilisés.
Comme elle se sent ailleurs la mère.
Cinq peupliers centenaires abattus devant sa porte.

 

 

 

tu marcheras comme un ange léger sur le rêve noir
Diane Régimbald

 Nuit III

Entre le ciel et le fond des eaux
les oies blanches retenues par la force du silence.
La peur a suffi – caresse venue de loin.
La mère vivante comme il l’aime. Debout.
Le désir enfin de ses doigts touche la chair
tatouée. Loin du gouffre de la chair ouverte.
Son désir masse sans retenue les lignes d’encre.
Une nature morte vibre entre le cœur et le poignet.
Raconte dit la mère debout qui veille
sans sa voix d’ombre. Comme il l’aime.

 

 

 

 

 

Chaque matin bouge la mort
dans la vie incertaine
Marie-Claire Bancquart

 Nuit IV

Un ancien bruit d’ouragan revient. Il tient
la barre seul avec sa peur – le ciel tout en bas
et la plus haute vague – voile sans amure. La mère.
Pietà au cœur en charpie au-dessus de l’irrecevable.
Elle voit le ventre béant de son fils qui tient la barre.
L’océan sous ses yeux. Se voit minuscule mais
dit ça va dit vivante. Comme il l’aime. 
Reclining Mother with Child II de Paula M. Becker.
Un jour il a été tout petit encerclé de bras.
Mère et fils face à face nus endormis.

 

 

 

Aujourd’hui
je deviens le riz froid du monde
Moon Chung-hee

Nuit V

Il a toujours eu peur des décors d’agonie.
Qu’on l’avale. Il fait froid. Jusque dans les coulisses
de la langue de celle qui le berce. Rien alentour
n’est assez vaste pour l’indéfini sans frontière
qui pousse en brouillard dans la chambre.
La scène. Un lit de violets sombres où viennent
se blottir des proies intimes. Elle les veille.
Elle aimerait dire beauté – quelle beauté.
Comme si elle avait perdu de vue tous ses repères.
Où est passé le petit corps d’océan se demande la mère.

 

 

 

Mort est une seule syllabe.
Isabelle Baladine Howald

 Nuit VI

C’est plus fort qu’elle – rêvons que tout brûle.
Le goût du gouffre planté dans sa nuit.
La nuque haute et jaune bien
au-dessus du bûcher. Et le ciel tombe de chaque côté.
L’écho encore de la lame et du mal. Et mort
prolifère dans ses vocalises mélancoliques.
Le fils dirait laisse-moi oublier laisse-moi être sans voix.
Endormi au milieu des algues filantes
et des grands oiseaux d’ombre.
Loin de la syllabe volubile.

 

 

 

Présentation de l’auteur




Philippe Jaffeux, Enfance, extrait inédit de Mots

Dans le meilleur des cas, mon activité accompagne l'état d'un enfant qui s'abandonne et s'ouvre au temps présent. Tout devient possible avec l'enfant qui n'a pas d'histoire ni de mémoire et fait donc fi des traditions et des conventions. L'enfant ne se soucie pas de l'avenir ni du passé et si il est aussi un comédien, il n'est pas soumis à la malignité ni au calcul parce qu'il fait tout pour la première fois. L'écriture est alors un moyen de retrouver ce qui précède l'apprentissage de l'alphabet. L’innocence ou la spontanéité ont-elles un sens lorsqu'elles consolident le support d'un instinct prêt à ranimer le potentiel d'un enfant qui baigne dans la matière et son mystère ? La littérature pourrait-elle privilégier une intelligence de la naïveté ou de l'ingénuité plutôt que celle qui s'appuie sur la raison, le cœur, l'idiotie ou la folie ? L'enfant se donne au monde en toute confiance, à chaque instant, car c'est sa curiosité qui renforce son intelligence. De la même façon, j'écris, avant tout, pour questionner le sens des mots en essayant de renouer avec la simplicité d'un alphabet élémentaire. Aussi, le chant (et champ) de l'enfance présuppose un attrait pour l'énigme et l'incongru, une inclination pour l'anormal et le bizarre. C'est l'enfant, initié aux comptines surréalisantes, qui peut nous permettre de reconstruire notre lien avec l'irrationnel, l'insolite ou le fantastique. Comme l'enfant, toujours à l'affut de nouveauté, qui explore le monde, l'acte d'écrire est un moyen de s'ouvrir sur l'inconnu et de s'unir aux puissances de l’inconscient.

Le regard de l’enfant m'inspire des rêveries cosmiques, il me soustrait à l’autorité de la raison, il donne un sens à une révolte qui me permet de renouer avec des perceptions sensorielles ou des dimensions spirituelles et imaginatives. Mes textes trouvent leur origine dans un acte de désobéissance enfantin qui valorise les ressorts du jeu et de la fantaisie. Les mots ne sont alors plus ceux qui furent appris, inculqués à l'école, l'activité d'écrire se rapproche de celle d'un enfant qui fait corps avec le monde, qui est relié aux forces du cosmos. J'éprouve le besoin d'écrire comme le petit enfant marche, sans savoir où il va, en se laissant porter par le souffle du temps. La marche de l'enfant, ouverte sur une dérive, imprégnée d'une multitude d'ambiances fugitives, s'ajuste au jeu psychogéographique des situationnistes.

L'état d'enfance se fonde sur la plus clairvoyante de toutes les révoltes, celle qui ne laisse aucune place à la nostalgie, aux souvenirs préfabriqués, au paradis perdu, voire aux sentiments. Cette force nous permet de rejoindre tous les enfants qui sont réfractaires à la scolarisation lorsque celle-ci prend la forme d'un encasernement. Si l'écriture me donne l'occasion de conquérir l'enfant qui est en moi, c'est afin de retrouver l'état et l'énergie d'une langue sauvage. Le petit enfant qui ne parle pas et qui ne peut pas nous répondre commence à créer sans le secours de la pensée ni de la raison. L'inventivité et l'imprévisibilité de l'enfant invoque une légèreté nietzschéenne qui exprime un rapport immédiat avec le chaos. J'écris surtout dans l'espoir de percevoir les vibrations de l'enfance, celles qui animent, par exemple, la désobéissance et l'insouciance. Les lettres me donnent l'occasion d'être submergé par des émotions et des perceptions enfantines, et non pas infantiles, elles m'encouragent à réveiller l'enfant qui nous accompagne depuis toujours. Mes phrases construisent un monde imaginaire et fragile qui se mélange à une réalité propre à l'enfance. C'est grâce à cette confusion que je me retrouve en oubliant tout sauf l'esprit d'enfance. En ce sens, mes textes sont, avant tout, un moyen d'exprimer mon rapport avec une aventure qui s'appuie d'abord sur la puissance de l'étonnement. Mes lignes de mots tentent d'ouvrir des perspectives qui s'opposent à la connaissance en vue de m'unir au silence énigmatique d'un nourrisson. Mon écriture fragmentaire et chaotique s'apparente peut-être à un babil, à des bribes de phrases enfantines qui tentent de rompre le lien entre la littérature et la parole. "L'enfant", du latin infantem, "celui qui ne parle pas" pourrait-il être, par conséquent, le seul à savoir ce que l'acte d'écrire signifie ? J'écoute le silence de l'enfant comme une langue étrangère à ma voix afin de réapprendre à écrire. Ecrire c’est toujours parler de l’enfance avec des cris, des pleurs, des gestes ou des sourires ; c'est exister par le truchement d'un langage qui vient à bout de la parole. J'écris afin d'avoir recours à la parole inexistante de l'enfant dans l'espoir de comprendre ma langue. Si, néanmoins, l'acte d'écrire reste un bon moyen d'être traversé par sa langue maternelle, c'est d'abord la meilleure façon d'être absorbé par les balbutiements, par le silence et le regard d'un petit enfant. Le sourire de l'enfant sauve la grâce des dogmes religieux et nous éveille à une puissance indéfinissable. L'enfant est, bien entendu, le héros d'une histoire universelle qui dépasse celles qui lui sont raconté par des adultes prisonniers du temps. L'enfant se déploie, à l'aveuglette, à l'extérieur des classes sociales, du travail, de la communication, de l'information et de la conscience de soi ; il est un miracle naturel qui s'épanouit dans l'indéterminé évoqué par la pensée taoïste.

Seule la poésie expérimentale me semble capable de pouvoir accueillir les "blocs d'enfance" Deleuzien. La pratique de l'écriture a peut-être alors un sens si elle est supportée par la dynamique d'une posture qui m'engage à ne jamais quitter l'enfance ni la joie. C'est au travers des pulsions, de la curiosité, du jeu ou des rêveries que l'enfant, lui seul, réussit à invoquer un redoutable savoir de l'ignorance. L'enfant est un conquérant de l'instant qui, armé de ses perceptions sauvages et créatrices, parvient, tout seul, à découvrir les mystères du monde. L'enfant est un voyant qui voit ce que les adultes ne savent plus voir ; la seule intention de mon activité pourrait se réduire alors à conserver la fraîcheur de chaque mot et de leur agencement. L'écriture peut-elle se modeler sur l'univers sonore et graphique de l'enfant et peut-elle échapper à notre langue normative afin de retrouver la vitalité et l'humanité de l'art brut ou primitif ? Est-il possible d'écrire comme un enfant qui ouvre, naturellement et avec sa fantaisie, tous les espaces et toutes les portes grâce à sa prodigieuse appréhension du monde sensible ?

Par ailleurs, si l'alphabet est aussi une manifestation de l'enfance, c'est parce que les lettres me donnent peut-être l'occasion de désobéir à l'écriture. Est-il possible d'écrire comme le petit enfant, qui, à la recherche de son autonomie, n'arrête pas de dire "non" ? Quoiqu'il en soit, les lettres participent à un blasphème de l'écriture à l'instar de l'enfant qui ignore, voire rejette le monde civilisé et la culture. Alphabet a été un moyen de désapprendre à écrire avec quinze lettres mais aussi une tentative de me rapprocher des gestes et des signes d'un enfant qui ne sait pas encore parler. L'écriture est, en ce qui me concerne, un plaisir lorsqu'elle accueille une émergence de l'enfance, c'est à dire une union spontanée avec le cosmos, un retour vers le non-être, vers un fond indifférencié et libre parce que indéterminé. Dans le meilleur des cas, mes phrases sont le simple produit de cette dynamique. Si l'abécédaire des enfants a été à l'origine de mon activité, Alphabet a peut-être été aussi une tentative d'écrire un long livre comme un enfant qui est captivé par tout ce qui est grand. De plus, contrairement aux textes ou aux phrases, les lettres peuvent évoquer une présence du sensible dans un monde qui peut nous apparaitre enfin réel. Alphabet est le moment où l'enfance donne les règles d'un jeu qui inspire un dérèglement de l'écriture. L'esprit d'enfance favorise l'expérimentation, voire les répétitions plus ou moins absurdes mais amusantes. L'homme devient enfin un enfant lorsqu'il joue et peut alors trouver la sortie d'une écriture adulte et normative. C'est, bien entendu, l'Oulipo qui est parvenu à cristalliser le lien entre la littérature et le jeu. Le formalisme oulipien résout l'énigme de l'écriture qui retrouve sa part d'enfance, elle devient un pur plaisir, un divertissement qui instaure le jeu comme le seul moyen d'être au monde. Les mots ou les lettres explorent les limites de notre langue grâce à des opérations combinatoires qui évoquent le jeu de cubes d'un enfant. En ce sens, la pratique d'écrire ne pourrait-elle pas se rapprocher d'un défi enfantin qui stimule la curiosité et l'imagination ? Savons-nous enfin écrire lorsque la parole joue à cache-cache avec le silence ou avec des images ? Mes courants m'ont donné l'occasion d'écrire comme un enfant qui joue avec une syntaxe limitée et des mots élémentaires que je recombinais sans arrêt. L'alphabet sait intensifier sa puissance subversive lorsque la sagesse du jeu anime une écriture de l'immaturité. Les lettres sont des apparitions qui m'aident à faire grandir l'esprit d'enfance dans une langue qui rompt alors avec mes souvenirs d'adulte. Mon activité se limite à emboiter, avec une certaine rigueur, des mots dans des phrases qui tentent de construire un texte innovateur. Le développement de l'être humain pourrait-il avoir enfin un sens lorsque l'adulte devient un enfant qui joue avec toutes les potentialités de sa langue ? Grâce au jeu, notre âme d'enfant peut-elle imprimer sa marque dans la matière vivante d'une écriture qui s'auto engendre ? Lorsque l'enfance revient sous la forme de lettres c'est peut-être aussi pour nous signaler que c'est le dessin qui nous a préparé à l’apprentissage de l’écriture. Si tous mes textes sont des ratages, ils parviennent néanmoins, parfois, à me surprendre, à m'étonner comme l'enfant peut l'être par le dessin qu'il vient de faire. L'enfant est présent dans le monde grâce à la force du sensible (toucher vue goût odorat) et aussi à l'aide de ses lignes, gribouillis, coloriages ou dessins. Ces derniers sont les équivalents de nos paroles ; ils constituent autant d'offrandes roboratives, désintéressées, et parfois angoissantes, de l'enfant déjà artiste. L'enfant qui dessine est notre seul maître ; il nous enseigne à utiliser les formes et les intuitions plutôt que les idées ; à être en contact avec la matière de notre langue, à être pris par un élan créateur et pulsionnel qui outrepasse la conscience de soi et la volonté. Lorsque l'enfant n'est pas encore soumis au modèle familial ou scolaire, ses dessins énoncent une énigme, hallucinante et délirante, réfractaire à la beauté, à la représentation et à la vraisemblance. A l'instar de l'enfant qui dessine, j'écris en tâtonnant, en agençant des mots comme des formes en vue de célébrer un anti-art, primitif et préhistorique, qui préexiste à la socialisation et au conditionnement induits par l'écriture et la culture. Dans le mystère de sa solitude créative, l'enfant accueille le monde sensible et celui de son imaginaire qui deviennent sa seule réalité.

L'alphabet est un moyen de laisser une trace de son enfant intérieur, de sa curiosité et donc de questionner l'acte d'écrire.

L'enfantin est un état qui, par le biais de ses perceptions sauvages, me permet d'interroger l'écriture et sa raison d'être, sans pour autant trouver de réponses, d'explications ou d'affirmations. L'enfance est une présence, grâce à laquelle je me dérobe à moi-même et aux autres afin d'écrire sans me limiter à retranscrire une parole adulte. L'esprit d'enfance serait- il alors notre seule chance ?

Présentation de l’auteur




CeeJay, 662 Besoin d’immensité.

Profitant de l'inattention du ciel
Pour invoquer l'inconnu
Nues et désentravées comme une aube
Se lèvent mes pensées
J'aime à n'être pas immortel
Cela donne accès à l'humanité
L'être a besoin d'immensité
De s'y fondre
Jamais seul avec les étoiles sans nombre
Sur les sommets enneigés du monde
De mon âme solitaire recouvrant les déserts
La terre est mon trône, le palais de ma vie, la demeure de mon cœur
Cette terre chaude qui hante mes mains et mes lèvres
Qui s'effrite entre mes doigts
Dernier berceau pour mon corps épuisé
Je cède à son appel
Pour me libérer des chaines qui me retiennent au sol
Il faut que je la pénètre
Dépouillé enfin du temps et de l'espace.

Présentation de l’auteur




CeeJay, 692 Des couleurs aux nuages. «La Force»

Soyons le rêveur optimiste
Qui se retrousse les manches
Et ne baisse pas les bras
Poings levés fermés
En signe de force
Incarnons nos futurs
Dans le sein du présent
Avec un solide supplément d'âme
Suivons le chemin sinueux des rivières
Gonflons nos voiles
Dans le vent lent du cosmos
Qui balance les étoiles
Comme les épis de blé dans les champs
Évadons-nous des eaux troubles
Du monde qui plonge dans la noirceur
Accrochons des couleurs aux nuages
Comme aux voyelles Rimbaud

Présentation de l’auteur




Denis Hamel, Mort d’un quiétiste et autres poèmes

Mort d'un quiétiste

 le temps comme un point
et non comme une ligne
macération et codéine
soleil entouré de flammes

les branches de l'arbre atteignent
le centre silencieux de la roue
le corps assassiné qui ne pèse plus
le manteau de misère posé sur l'épaule

glisse à terre comme peau de serpent

un autre que moi-même s'éveille ce matin
les gouttes d'eau de la douche

dispersent des années de crasse et d'ennui

mais ce qui est dépassé reste
encore présent dans les arrière-mondes
un pont a été construit
sur lequel nous nous rejoignons

je connais bien le chemin de la négation
je ne me trahis pas en t'aimant

ma main sur ta peau
atteint une vérité

Création du poème 

remugle dans la fiole de folie
les particules se cognent au verre
libérant des forces sémantiques

dans un brouhaha tellurique (ou l'inverse)

au nord d'un hameau abandonné
le ciel se colore d'or lampadophore
la vision d'un trop bel asphodèle
réduit le chantre au rang de peintre du dimanche.

perdue et seule dans les rues de grenade
écrasant du pied nu des grappes de raison
une encre rouge à la commissure des lèvres

la belle rit et profère maintes obscénités

tandis que les garçons désireux de briller

saccagent à qui mieux mieux
la plaine austère d'un récital
sphère juvénile de candeur

Lettre-poème à Marie-Anne

(il y a un moment où il faut
cesser de laisser tourner
les mots dans sa tête et prendre
le taureau par les cornes
c'est un peu triste parce qu'on perd
beaucoup de possibilités
et on n'en choisit qu'une
alors c'est l'hécatombe
tout ce que j'aurais pu écrire

et qui bascule dans le non-dit : quel drame)
ces dix mois depuis que je te connais
toi et tes mots tes mots troublants
qui dans leur évidence et leur simplicité
me laissent souvent

entre ravissement et inquiétude
petit à petit j'ai appris
à les voir ces mots se détacher de toi
même quand souvent tu ne dis rien
j'aime tes mots et j'aime aussi
ta personne physique et tout ton corps bien-sûr
ton visage parfois indéchiffrable
je sais que tu as encore beaucoup à dire
et qu'il te faudra travailler pour cela
j'essaierai de t'aider si cela est possible
et je respecterai aussi
ton désir de solitude
et tes veilles hallucinées

accorde-moi de m'aimer sans violence
avec toute la douceur dont tu es capable
nous voulons tous éviter la souffrance
et l'ennui d'un paradis sans amour
garde toi des émotions trop fortes
et des enthousiasmes trop faciles
que l'amour dure le temps nécessaire

à l'accomplissement
de ce qu'il y de meilleur en nous je t'aime
et je voudrais que notre amour
ne ressemble à aucun autre

Profession de foi

comme si je pouvais prendre des mots
les jeter sur le papier
et faire quelque chose de beau

les gens diraient c'est bien c'est
comme si les mots étaient vivants
et depuis des années je fais comme si

écrire à partir de l’espérance ou son contraire
faire fleurir un lotus dans la boue et l'ordure

étaient des occupations justifiées

pour archiver des perceptions
je fais avec peu je me protège du bruit de tout
ce qui est écrit sur la pierre repose dans le végétal

les convulsions du monde ne me concernent pas
Poésie nous apporte du bien à tous
sauf si quelqu'un a d'autres motifs de s'en servir

 

* * *

 

Chanson du crépuscule

je reviens d'une maladie
de l’eau croupie de l’air vicié
les murs étaient devenus gris
c'est difficile d’exister

quand on a pas ou peu d’espoir
alors on survit, plus ou moins
les années passées dans le noir
seul comme un malheureux témoin

à la croisée des deux sentiers
tu étais là qui m'attendais
j'ai pris ta main tu m'as guidé
je suis sorti de la forêt

lumière de fin de journée
qui descendait sur mes yeux las
et pourtant rien n'avait changé
la vie poursuit ses entrelacs

Présentation de l’auteur




Dominique Hecq : Archive Fever / Mal d’archive et autres poèmes

Archive Fever Making Tracks

the arkhē appears in the nude Jacques Derrida

You are I am a tracker bent crouched close to the page ground looking
for traces and signs that sense you has have passed this way

You sniff sniffing for the scent of absence you
but above all feeling
for the gap in your my life
that wants to fill this page
alone


The air is incandescent


The white page track glows

Emptiness talks back talks back talks back
to the heat that cracks open the world ground


This is a land of surfeit and lack
of hardness and clarity of image
of absence that opens out
or closes up the world
and sometimes the heart

Derrida, J 1998 Archive Fever: A Freudian Impression.
Chicago: University of Chicago Press. Trans Eric Prenowitz, p. 92.

Mal d’archive

l’arkhē apparaît à l’état nu — Jacques Derrida

Traqueur, tête penchée sur la page, yeux avides
de traces et de signes témoins de sens

Tu recherches l’odeur de l’absence
mais par-dessus tout
c’est le vide dans ta vie que tu désires sentir

L’air est incandescent

La page blanche s’embrase

Et le vide se fait l’écho écho écho
de la chaleur qui fracasse le monde

Cette terre d’excès et de manque
d’images à la fois dure et claires
d’absence agrandissant
ou refermant ce monde
et parfois aussi le cœur

Derrida, J 1995 Mal d’archive: Une impression freudienne. Paris: Galilée, p. 98

Hushed

Light pours down
the unrelenting sky
to earth ribbed and ridged
with the tough stroke
of Drysdale’s brush

I track down words
for hues and shades in books
envy the skill of artist-explorers
who forged new ways of seeing

The cries of crows fall

Through blues onto rusty ochres
pulsing with raven dust

This place stills my tongue

Stupeur

La lumière coule à flots
d’un ciel implacable
sur la terre ridée et striée
d’un coup de pinceau
dru à la Drysdale

Je traque des mots voisins
D’ombres et de teintes dans mes lectures
enviant l’adresse des artistes-explorateurs
qui forgèrent de nouvelles façons de voir

Les cris des corbeaux tombent

Au travers de bleus sur des ochres rouillés
palpitant de poussière de jais

Ce pays me coupe la langue

Fire relies on the leaves of gum trees

No sound fits this spectacle No sound
but the hiss of fire bark grass
searing your world into sheer whorls
of alliterations Hallucinations
of words resounding with nothing

Following faultlines a gorge aflame
furrows erased in granite and sandstone
lines of scribble gums forever
receding The gorge
               barring you

Now how could I speak again
when syllables shatter on my page
turning words inside out
when letters hover in the air
like the smell of your burning skin?

We were discussing poetics
on our mobiles How we didn’t need
manuals for wordsmiths
preferred to work words as an end
in itself make a poem fulfilled

in its enaction look inwards
to the materiality of language
on the page and in the mouth
stress the event not the effect
                 You said good bye

And now I dream that you flit
out of my skin your voice
lettering me Poetic enjoyment
perhaps as if to resist
the etiolation of language

Don’t put individual utterances on show
you say Perform their moves
of repetition re-use reiteration
             show your reader the absurd
desire to contain ( )

For here is the gum and its inferno remains
the grave among blistered roots
the mouthless earth lulling one to leave

                  If it could speak it would say
here is the silence here is the question

Le feu s’élève des feuilles d’eucalyptus

Aucun son ne rend compte de ce spectacle Aucun son
hormis ce sifflement feu écorce herbe
donnent de ce monde la brûlure le tourbillonnement pur
des allitérations Hallucination
des mots qui résonnent de rien

Suivant les fissures une gorge enflammée
creuse secrète le granit le grès
avale des lignes d’eucalyptus
à jamais Cette gorge
qui te nie

Comment réapprendre à parler
quand les syllabes se fracassent sur ma page
mettent les mots sens dessus dessous
quand les lettres flottent dans l’air
comme l’odeur de ta peau qui brûle ?

Nous parlions poésie
sur nos portables Comme nous n’avions nul besoin
de manuels pour faiseurs de phrases
et préférions le travail des mots comme fin
en soi accomplir le poème

son passage à l’acte pénétrer
la matérialité de la langue
sur la page dans la bouche
privilégier l’événement non l’effet
                 Tu m’as dit au revoir

Et maintenant je rêve que tu m’échappes
que tu quittes ma peau ta voix
gravée en moi Jouissance poétique
peut-être comme pour résister
à ce qui s’étiole dans la langue

Ne te mets pas en scène
dis-tu Joue de ce qui se déplace
dans la répétition le réemploi la réitération
                  montre à ton lecteur l’absurde
désir de maîtriser ( )

Car voici l’eucalyptus et sa dépouille infernale :
tombeau parmi les racines boursouflées
terre sans bouche qui nous invite à la quitter

                  Si elle pouvait parler elle dirait
voici le silence voici la question

Catch

Smell the rain on the breeze
down at the river mouth
where fishermen stand
in the swirl of incoming waters
Feel the first drops on your skin
where the mystery of the ocean
draws away from salt spray
and the chill of the west wind
Ribbons of kelp sway in the deep
Refracted light dapples your face
as the child comes up for air
Your hands, useless
against the sky
Arms, broken wings
skeleton dust
Osprey kestrel tern skua shearwater sandpiper swift

Pêche

Hume la pluie dans la brise
à l’embouchure du fleuve
là où les pêcheurs se tiennent
dans le remous de la marée montante
sens comme les premières gouttes sont douces
là où le mystère de l’océan
se retire des embruns salins
comme le vent d’ouest est frais
Des rubans de varech s’enroulent dans l’eau profonde
Des taches de lumière miroitent sur ton visage
quand l’enfant fait surface
Tes mains, inutiles
contre le ciel
Bras, ailes cassées
poudre d’épave

Paul Klee on the beach

Yellow major swells and heaves
beneath abstracted skies where
angels float across the horizon
casting shadows in the foreground
between you and the sea afire
Textures ebb and flow, ebb and flow
exposing scoured and scarred surfaces
as if time had scraped the body
of the world clean, leaving
filaments of salt in the cracks
You can feel the white hot thing
moulding itself into shape, thrusting
its arms and legs into the corners
of the dissolving canvas, glazing
your eyes and the sand in your soul

Paul Klee à la plage

Crescendo de jaune majeur
sous des cieux abstraits là où
des angles flottent ver l’horizon
insérant leurs ombres au premier plan
entre ta silhouette et la mer embrasée
Le flux et le reflux des textures
expose des surfaces raclées et mutilées
comme si le temps avait récuré le corps
du monde à mort, abandonnant
des filaments de sel dans les cicatrices
On sent la chose chauffée à blanc
se mouler en une figure, fourrant
ses bras et ses jambes dans les coins
de la toile qui fond, vitrifiant
tes yeux et ton âme ensablée

Les poèmes ci-dessus sont extraits de Tracks (inédit).

Excepté "Le feu s’élève des feuilles d’eucalyptus", dont la version française est de Claude Held, les traductions des textes rédigés en anglais sont de l’auteure.

Les poèmes suivants ont été publiés auparavant :

  • 2016 — Archive Fever, In S. Holland-Batt, The Best Australian Poems. Melbourne: Black Inc., p. 88.
  • 2015 — Archive Fever, Axon.
  • 2015 — Mal d’archive, La Traductière, Revue internationale de poésie et art visuel, 33, 121.
  • 2008 — Fire relies on the leaves of gum trees / Le feu s' élève des feuilles d'eucalyptus. La Traductière: Revue Franco-Anglaise de poésie et art visuel, 26(June), 96 - 97.

Présentation de l’auteur




Andrea Moorhead, Sous le signe du totem

passeur

tu portes un cœur tout en cendres
sec comme les prairies d’hiver
doux comme le fil de lumière
que tu tisses des ailes de libellule.

 

 

Complicité

Tu m’inventes ainsi
banquise de feutre et
précipice inondé par des micro-ondes.
Quel mystère guettes-tu sous mes lèvres
parmi les muscles et
l’odeur des rives chaudes et somnolentes ?
Par quelle nuit partirons-nous ?
Faut-il bannir ce mirage beige
que nous voyons surgir
sous notre regard émerveillé
pour éviter l’inévitable
abandon
des rêves perdus ?

 

 

Jeu de mort

Je ne comprends rien de cette musique
quasi solennelle que tu tiens à m’offrir
des couchers de soleil inventés par des fantômes,
ce qu’on dit n’a rien à faire avec toi
tu es fardeau et mystère, porte-parole du vide
mon permis de conduire aux Enfers,
ce qu’on dit de moi n’a plus de sens
je patine en solitude sur les lacs endormis
vestige du passé à moitié submergé,
le jour étincelle et tes paupières
s’abaissent de plus en plus,
on dirait que cette musique te tue
t’invente des histoires invraisemblables
des dissonances enfin libérées
ta mélodie m’agace
me cloue de stupeur
je ne comprends rien des cendres
au-dessus de ton cœur accablé.

 

 

Quel corps sera le nôtre

quand la pluie rouge
coule sous le poids
des pierres soulevées
par le vent néfaste ?
Serons-nous de chair et d’eau
ou la nuit nous emportera-t-elle
vers d’autres royaumes
dans son ventre mauve
où gisent l’ours polaire et
les toucans rouges et verts
des grandes forêts incendiées ?

 

 

précision

les astronomes ont déjà marqué
l’année où tout a basculé
le sens des mots
les liens entre les voyelles et
ton regard effaré.

 

 

Sous le signe du Totem

Comme une aile de neige fine
comme une poussière granitique
filtrant à travers tes yeux encore ouverts
le vent passe sur nous
met ses longs filaments de feu et de froid
tout le long de nos corps gisants.

 

                       *

L’étoile rouge de ta naissance
virevolte au-dessus du lac
danse autour du totem jaune et bleu
s’accroche dès l’aube à l’écorce du bouleau
planté par le peuple de l’autre rive.

 

                      *

Rive soyeuse et terne
faite d’ombres et de poussières
fragile mirage incomplet
où nous retrouvons
des figures solennelles d’animaux sauvages
aux yeux de cobalt et de lave
il n’y a plus de corps ici
tout scintille sous le coup des illusions futures.

 

 

apparition

le cerf a gagné les hauteurs.
nous oublions peu à peu
l’étrangeté de nos regards numérisés.

 

 

miroirs

tu marches si lentement
que ton regard devient
la passoire fugitive
des paysages abîmés.

 

 

Noyades

La mer me ronge les yeuxdévore l’iris avec le sel
de ses miroirs
je ne vois plus que des cristaux détachés
et tu me dis que tout ce silence autour de nous
n’est que rêve et illusion
je ne sais pas nager
la terre me hante encore
si mes yeux me trompent
je n’aurai que la voix des sirènes
pour me guider aux rives flamboyantes
de ton asile imaginaire.

 

 

Disparitions

Quand la nuit devient trop friable
et tes mains ne tiennent
que la distance des mots
le silence du sang refusé
par la foule indiscrète
nous continuons à saigner la lune
extraire de ses silences
la foudre de ton absence.

Présentation de l’auteur




Arnaud Beaujeu, Fleur d’encre

Garçon-fleur

Il a une fleur de mauve entre
les incisives des boutons d’or
dans les cheveux un glaïeul sauvage
posé sur son oreille
un lilas dans le cou
entre le pouce et
l’annulaire il tient un coquelicot une rose est
sur son cœur il a des myosotis
à chacun des orteils

Fleur d’encre

Les doigts tachés d’indigo bleu en pressant l’encre
du muscari la vie qui se décale un peu le temps passe
et sourit
Unies dans un verre à alcool les clochettes du muscari
une ou deux pâquerettes une fleur de
pissenlit
Taches d’encre dans les fossés sur les talus
et par les prés
d’encre violette encore tachés

Le manteau

Un jour j’ai dessiné
un grand manteau de mots
Les manches étaient de vers les épaules d’argot
Les pans phrases-guenilles descendaient jusqu’au sol
pour partir en lambeaux de syllabes
de lettres
et de non-dits idiots

Et ce besoin d’écrire pour
laisser une histoire
à ceux qui reviendront
Ecrire écrire écrire
en désespoir de trace
pour lancer une histoire
à travers nos questions

 

 

 

 

Les déchirures du ciel

Les déchirures du ciel ouvrent
sur d’autres vies
disparaître dans l’inconnu marcher
vers d’autres vues
où la mer étendue permet d’écrire
le jour la nuit
auprès d’un feu de cheminée

Nager des heures entières peut-être
jusqu’à se noyer revenir
en arrière une table sur la mer
au bouquet déposé

Puis des fragments de lumière
un sourire dans l’été
un lit quelques hivers s’enfuir
dans d’autres nuits

Je ne sais plus ces choses-là désormais
ne m’en souviens plus
je courais jusque dans l’envers
désormais ne m’en souviens plus

Une table

Tu as une table et tu écris
Tu t’assieds sur le bord
de la mer tu cherches un horizon
la mer est ton mystère tu recherches
son nom

Il y a un lit une maison la nuit qui veille
les murs de chaux
et la vie s’ensommeille

Quand on ouvre les volets il n’y a plus
que l’horizon sur le bord
de la mer des falaises en eau profonde
Au sommet une maison

Nocturne

Il faisait nuit je ne dormais pas
et les ombres entouraient la maison
La vigne vierge entrait par la fenêtre
sur le dallage se découpaient
les reflets d’ombres du feuillage
éclairé par la lune

J’étais comme dans un rêve
je marchais dans l’allée par la lune éclairée
mais la brise passait les nuages passaient
sur le ciel

Présentation de l’auteur




Marine Ribaud, Extraits des poèmes d’Anna K.

Tout ne dit pas
qui ne déploie à tire d'ailes,
prive l'air, de ton souffle sans,
Air, de ta bouche qui ne dit pas,
Sans avoir l'air,
De ta bouche-lèvres, avalées,
Disparaissent dans la plaie lessivée

 

*

 

On seul marche pour devant
derrière seulement les chiens ont fini de se taire avec la nuit.
les autres ont oublié ce que ça fait de mourir
ils ne savent plus le jour ils ne savent plus la nuit
Il n'y a plus que des jours et des jours sans nuit
sans demain
et des nuits et des nuits sans jour
sans un seulement jour pour convertir les armes en larmes déposées
sans un trou pour l'exigence dans le creux les reins à dos d'âme à dos de homme
un trou pour vivre.

 

*

 

Non je ne t'aime
que ne dit pas
montante la marée
dans le doute érafle
en râles misère
platement crie et crin
à toujours droit et branche
Me déshonneur
insoutenant les mots          De volonté
avoir l'air à l'obscur
au chambranle ébranler à la porte
que ne s'ouvre devant d'adieux
L'aveu
est venu au crâne du monde.
Il y a le pli plus haut que la pluie parce que pluie est vouée au genou de la terre bergère mes os mais
de personne souvenance
En personne en chair en os je ne connais de Dieu que les hommes à son image

 

*

 

Entre mes autrement jambes rentrer à soi a soif du monde déplier pourvu que plis lisser au détour
découvre mes jambes de femme entre toutes les femmes

 

*

 

Il y a le pli plus haut que la pluie parce que pluie est vouée au genou de la terre bergère mes os mais
de personne souvenance
En personne en chair en os je ne connais de Dieu que les hommes à son image

 

Présentation de l’auteur




Jean Pierre Bars, Ce pourrait être la nuit

Ce pourrait être la nuit

Ce pourrait être la nuit
Comme devant la mer
L'espace à l'infini
Et le profond du vent
Un murmure qui fait
Se briser dans l'écume
La blanche insignifiance
Échelle de l'instant

Je veux te dire
Et déjà sur le sable
Un désert de soleil
Dénude la lumière
Le vent serpente
Entre les herbes
Et je contemple le silence
Du ciel et de la mer.

C'est ainsi qu'on regarde
Et c'est ainsi qu'on goûte
Car on ne sait jamais
Si l'on avance ou si
Le ciel descend sur le sommeil
Sur le versant d'ici.

Et ce regard
Qui élague le temps
Éclaire-t-il ce qu'il voit
Ou voit-il ce qu'il tue ?
On ne sait de quel œil
Il retient l'élégance ?
De quelle étoile il se souvient ?
On ne sait s'il sonde l'invisible
Ou s'il reste accroché aux faïences du jour
Aux failles dans ce maintenant.

C'est l'aujourd'hui
Qui se repose
Et te fait don
De sa beauté.

 

Dans l'attendre l'on peut
Passer le clair du temps
Pour autant que le temps
Ne presse pas nos yeux
De son âme à tous vents.

Dans l'attendre s'éclipsent
les saisons du sommeil
Comme entre deux feuillets
Où l'on a pour penser
Placer le marque-page
D'un silence léger
Et refermé le livre
Avant que ne s'épuise le printemps.

C'est dans l'attendre que j'ai vu
le ciel comme tombé
de la charrette de la nuit.

Présentation de l’auteur