Janine Modlinger, Beauté du presque rien

 

Il faut se laisser faire, se laisser ployer par le vent, être souple comme la liane, dressé haut tels ces arbres millénaires.

 

Il suffit de cela : un trait de lumière captée par l’océan, l’embrasement des arbres dans le feu du vent.

 

 

Beauté du presque rien, une clarté entre deux battements de cil, une oasis de joie transparente.

 

Entends-tu ce cri, c’est la beauté d’un oiseau devenu lumière.

 

Je tremble d’être venue là, dans l’été de ma vie, toute jeune et âgée, lumineuse d’être lumière dans l’ascension du jour.

 

Tu es là, paumes ouvertes, mon regard sourit de te voir à la même source.

 

L’oiseau appelle, de feu et de joie comme dans un jour unique.

 

Le regard lavé par les saisons, la douleur descendue au profond, je me lève maintenant pour entendre ce simple chant.

 

Nous avons le langage de ceux qui sont descendus dans la nuit. Nommer le jour, le saluer, le prier.

 

 

Voici qu’une pluie fine parsème le feuillage. Que nous est-il demandé, sinon de nous rassembler, d’acquiescer, de faire accueil à l’immense ?

 

 

Tu me tends un coquillage, ta main vient jusqu’à moi à travers la lumière.

 

 

 

Aimer : effleurer la peau, la paupière, poser un regard qui fait naître la lumière.

 

 

Je le sais, je serai toujours pétrie d’abîme. Mais que vienne une voix, qu’une branche d’univers ouvre sa corolle à mes yeux, et je saurai me redresser.

 

 

Regarde, certains hommes chantent, dirait-on, élancés dans la lumière, leur chant tel l’oiseau ivre dans l’aube.

 

 

A ceux qui savent chanter la mort est-elle douce, peut-être, comme une craie qui s’efface.

 

 

 

Odeur d’huile et de sel dans la palmeraie, la beauté distillée en notes savantes, accordées à l’attente.

 

  
Il s’agit – nous l’oublions – d’une fête, les arbres tout le jour la célèbrent dans le balancement de leur tige.

 

Cependant ce monde : guerres, viols, pillages. A tout jamais l’insulte à la lumière.

 

 

Le poème serait-il un refuge ? -  Il est l’autre face du visage, la prière de l’homme pour poser une stèle d’absolu.

Présentation de l’auteur




LES PAROLES DE L’1 D’ELLES

 

― Comment t’appelles-tu

― Je ne sais plus

― & ton papa

― Papa

― C’est ton petit frère

― Non

― Qui est-ce

― Je ne sais pas

― As-tu 1 tartine

― Non

― Va en chercher 1 vas-y

― Je ne peux pas on m’a donné
Le petit à garder j’ai promis de
Ne pas le quitter

― Ta maman est là

― Non

― Avec qui es-tu

― Je ne sais pas je ne sais pas
 




LEURS OISEAUX

 

: Reportez le-tracé-de-l’oiseau
Sur du carton épais

: Déposez-le sur 1 plaque de
Pâte préalablement étalée au
Rouleau à pâtisserie

: Découpez

: Faites cuire (avec 1 pensée
Restée près du lieu-loin
: L.e.c.i.e.l)

: Décorez de couleurs vives
(Aquarelle ou gouache)

: Vernissez (non sans lenteur)
 




LEUR CHEVAL A ROULETTES

 

Fournitures
― 1 planche de bois massif
Épaisseur 22 mm 80 cm
x 45 cm
― 1 baguette Ø 20 mm
Longueur 15 cm
― 19 vis à bois 4 mm x 40 mm
― 1 vis à bois 4 mm x 70 mm
― 2 boulons 6 mm x 70 mm
― 2 écrous borgnes & 4
Rondelles Ø 6 mm
― 2 roues en bois avec
Garniture
En caoutchouc Ø 170 mm
Épaisseur 20 mm maximum

Matériel
― Scie à dos & boîte à onglets
― Scie sauteuse avec lame à
Chantourner
― Perceuse mèche plate Ø 20
Mm mèche à fraiser Ø 4 mm
Mèches à bois ordinaires Ø 4
Mm 6 mm
― Tournevis
― Papier abrasif
― Colle à bois & pinceau

Attention
Il est très important de
Découper la tête du cheval en
Biais par rapport aux veines du
Bois

Sciée dans le fil
Elle se brisera
Au premier choc
De rien




ELLES

 

ElleAvait6AnsDepuisLe19Décembre1941ElleAva
itDoncL’ObligationDepuisLe6Juin1942DePorterL’
étoileJauneSaPetiteSœurIrèneNeLaPortaitPasElle
N’AvaitQue4AnsEllesÉtaientNéesÀParisOùEllesHa
bitaient11RueSamsonEllesOntÉtéDéportéesParLe
ConvoiN°20Du17Août1942AvecLeurMèreFanny




Nicolas Waquet, Cinq variations

 

 

O mon ami qui ne m’a jamais vu,
Bientôt le soleil percera
Derrière tes yeux voilés.

J’ai peur, tu sais, au bord de sa lumière.
Tu as déjà quitté ses rives
Et tu me laisseras

L’azur, la mer, l’horizon tout autour,
Perdu, là où l’eau est si lisse,
Le silence rutilant.

 

 

***

 

 

C’est l’automne, le ciel est creux
Et c’est l’après-midi.

De grands arbres tumultueux,
Au bois dur, parfumé,
Diffusent une lueur de peine.

Et l’amant, par ces allées
Où la lumière se traîne,

Rôde, discret dans cette douleur
Vacante, cherchant, meurtri,
À se vêtir d’obscurité.

 

 

***

 

Loin de la terre sillonnée,
Des clairières de l’être,

Ta mort sommeille, frissonne, tapie
Au fond de mes yeux clos.

Chaque soir je regagne son règne,
Mon silence esseulé,

Comme une bête blessée
Dans le sang du soleil.

 

 

***

 

 

L’absente
Respire auprès de moi

Elle dort
Doucement ne fait que vivre

Ailleurs
Lorsque son corps la quitte

Secret
Dès que la nuit l’habille

 

 

***

 

 

Une porte s’ouvre devant moi.

La terre grince sur son axe.

Soleil froid ; chambre vide.

J’ai rêvé tu vivais encore.

Présentation de l’auteur




Eric Jacquelin : 5 poèmes

 

Je mange le sable, je bois le vent,
Je sens les poissons qui nagent dans mon sang.

Ma maison est au milieu de la mer,
Elle flotte près de l’horizon.

La tête en bas, je me balance.

Le jour, éparpillé, je suis multiple,
Le soir, dans tes bras, je me retrouve unique,
A l’heure où le ciel et la mer
S’unissent pour le meilleur et pour le pire.

 

 

***

 

Les larmes du diable tombent
Sur la mer, le souffle du nord se lève.

J’ai trop pensé au lieu de rêver,
Dit le vent, j’ai pris le manteau de la tempête
Pour qu’on me reconnaisse dans la rue,
J’ai suivi les courants de la fête
Pour qu’on me voit entièrement nu,
Mais que suis-je devenu,
Un souvenir, une image, un exilé ?
Me suis-je trompé de rêve ?
Mes paupières, aussi légères et soyeuses
Que les pétales d’une rose,
Se sont refermés sur le passé.

 

 

***

 

Un reflet de rêve : lumière que l’on boit le matin
Avant que nos orbites, nids du ciel, voient l’horizon.

Attention ici les mots et la morts
Sont si proches, une barque d’or
Ne porte pas la vie, un arc-en-ciel
Ne fait pas le soleil. Je suis si près des nuages
Que j’y retournerai sans doute,
Je n’ai plus peur, ni des orages ni des fleurs.

 

 

***

 

 

Peu à peu, le sang pâlit,
La montagne lentement s’écroule sur nous,
Nuages après nuages, pierre par pierre, de rêves  en rêves,
La beauté, l’espérance et la bonté rendues ici-bas !

Pourtant le cœur bat :
Les mots et les menteurs,
Les paysages et les frontières,
Le soleil et les cendres.

Au creux de la vague, l’enfance revient :
On ne parlait pas, on échangeait des secrets,
On ne chantait pas, on enchantait le temps :
Des ombres brillantes dansaient,
Des voix silencieuses nous animaient.

Nos cœurs encore verts,
Dont les nobles accents nous grandissaient,
Bondissaient de mots en gestes
Abolissaient les mers et l’horizon.
On ne parlait pas, on échangeait des secrets,
On ne chantait pas, on enchantait le vent.

 

 

***

 

La tempête a déraciné toutes les statues de pierre,
Il ne reste que des socles vides.

Que mettre à la place ?
Des portes de verre, des visages de glace, des rêves en papier ?

Le temps boit le sang
Jusqu’à la dernière goutte.

Les vagues me tendent leurs lèvres d’écume,
Remuent les souvenirs et l’amertume.

Mes pas sont aussi légers
Que ceux d’une ombre,
Le soleil a déposé un écho dans l’eau,
Un rocher a laissé une main dans le sable.

Je m’éloigne des virtuoses de la médiocrité,
Des épileurs de roses et des inventeurs de vérités.

 

Présentation de l’auteur




Parcours

 

Il y a des mots meurtris
derrière la porte

n’ouvre pas

ils sont amoncelés ils tomberaient en désordre
certains montent encore l’escalier

ils cherchent
peut-être
le silence. Leur silence.
Si tu ouvrais la porte
ils entreraient dans nos dictionnaires

ils occuperaient ces calmes logis
d’ordre alphabétique, où rien ne prouve
que l’horreur existe vraiment ,

mais le sang
coulerait d’eux
chaque fois que nous arriverions au mot Sang.

 

 

 

 

 

 

Et toi, douleur
pourquoi ne puis-je te louer
comme firent tant de pieux malades ?

Tu es « sans pourquoi »
comme la rose, mon amie,

mais tu répands une odeur de vengeance .

Vengeance de qui , vengeance pourquoi ? 

…Voici que dans la rose même, se meurt péniblement un puceron …

 

 

L’arche et l’axe :
ces harmonies dédiées au cosmos
nous devrions les retrouver en nous

très simplement

parce que toute existence crie et pense.

Arche, notre commune habitation  sonore.
Polyphonie des bêtes
enfermées deux à deux,
bruissantes , 
même le papillon et la patiente bête à bon Dieu.

Ainsi  résonne notre cœur

et nos vertèbres
d’une architecture très fragile
sont l’axe de notre si passagère haute pensée
qu’on retrouve en esquisse
chez le  poisson des profondeurs.

 

 

 

 

Qu’est-ce qui fait naître le parcours
vers le silence, à travers toutes choses bruissantes ,
halètements, craquèlements, cascades et tambours
du sang qui bat ?

Au grand départ de la musique
succèdent
la  douceur du son, la caresse.

Main légère sur le finale
vie revécue à petit souffle

et le silence enfin s’étend dans tout le corps.

 

 

 

 

 

 

 

 

Toi mon corps, tu  sais
guider en douce
ma vie
qui s’élance sans moi.

Donne-moi
une main où me regarder, un autre corps à caresser

fais-moi mordre
la tartine de vie qui me reste
et penser aux grandes imaginations des métamorphoses
qui
naguère
transfiguraient la vie des hommes.




Gilles Baudry, L’étranger

 

    Tu te crois seul et puis quelqu'un
se tient debout dans l'embrasure de l'aurore.
    Il ne dit rien. Sa main éclose
vers toi se tend, se ramifie à ton approche.
    Qui oserait : si mince est la
paroi de verre entre ce monde et l'autre.
    Mais à ses yeux qui le débordent,
tu sens qu'il voudrait tant se délivrer
    de fraternelles confidences.
Et comment soutenir le poids de ce visage
    cherchant asile et ressemblance
à travers le miroir de ces mots sans famille :
    "Je suis un homme de passage."

 

Inédit

Présentation de l’auteur




Gilles Baudry, Ce bruit d’étoffe sur la mer

 

Ce bruit d'étoffe sur la mer

     et de velours
dans la voix du vent lorsque la marée
     monte à l'étale,
cette séquence du plain-temps, ces chants
     blessés des oiseaux migrateurs
qui sont la plus belle preuve du ciel,
     cette insulaire dormition
d'un angélus qui vous étreint le coeur,
     ces moments d'âme, de cristal :

tout ce qui fait le fond de l'air.

 

Inédit

Présentation de l’auteur