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Anarchie souveraine, Contrelittérature numéro 6

Sous la direction de Mehdi Belhaj Kacem.

Avec les contributions de Giorgio Agamben, Ferdinand Gouzon, Amel Nour, Georges Lapierre, Thibaut Rioult, Ivan Segré, Guillaume Basquin, Mehdi Belhaj Kacem, Jean-Clet Martin, Tomas Ibanez, Eric Coulon, Pierre le Coz, Valentin Husson, Alain Santacreu et Brice Bonfanti.

L’anarchie souveraine ne fonde-t-elle pas un contre monde ? Car enfin, depuis le temps que la fabrique tourne à vide, que le château de carte s’écroule, que c’est la lutte de chacun contre tous, de chacun contre lui-même ; on devrait être alerté. Il ne s’agit pas, pour autant, de croiser le fer avec le mal global, avec le propagandé, avec le propagandiste, avec ceux qui vendent de l’avenir et du passé, mais de tenir à distance tout ce qui fait société, communauté, promiscuité.

Le postmoderne est aux commandes d’un monde enfantin et mercantile, d’où l’inflation d’artistes-rebelles qui s’empressent de monter sur le pressoir des villes et des bourgs, le visage barbouillé de lie de vin, pour y jouer des farces. La parole scellée, qui alimente le spectacle généralisé, troque alors une subvention contre un contrat. Ainsi l’artiste et le penseur– qui devraient être, par essence, des anarchistes – ne paient plus leurs dettes, refusent d’être soumis aux lois du langage. Les voici assis, universitaires et/ou journalistes (autrement dit menteurs professionnels), progressistes ou réactionnaires, toujours insatisfaits (l’insatisfaction est devenue elle-même une marchandise, Debord). Bref, la confrérie littéraire, en temps de détresse, semble souvent préoccupée par le lien social et par sa propre trésorerie, très peu par l’anarchie et la liberté libre.

Je suis, pour ma part, issu d’une famille nombreuse : Baudelaire, Rimbaud, Bernanos, Claudel, Pasolini, Debord, Axelos, Calaferte… je cite ceux-là à dessein. Voilà des témoins qui ne se sont pas embarqués dans la nef des fous, bouche béante et langue vide.

 Anarchie souveraine, Contrelittérature numéro 6, année 2023, 199 pages, 15 €.

Ce ne sont pas des nourrissons en addiction qui fabriquent du même. Ils ont compris que les grands principes unificateurs étaient épuisés (pour reprendre les pertinentes analyses commentées dans ce dossier sur la pensée de Reiner Schürmann). Ils ont assumé un présent et un devenir erratiques. Ils ont pensé et vécu leur propre dépense, sans stocker le temps ni le marchander. Ils n’ont pas engraissé les simulacres, ni le scoutisme planétaire. Tous, hérétiques, ont jeté leur corps dans la lutte, traçant une sémiologie de la réalité, traquant les signes névrotiques de leur époque et opposant leur propre parole souveraine à celle de l’opinion. Insaisissables, sans tutelle, réfractaires, ils ont ferraillé contre les dieux fétiches, ceux de la technique et du libre marché. Peu de chance de les entendre brayer avec la meute. Ils ont été anarchistes, anarchistes chrétiens parfois, athées sociaux sans aucun doute. Ils se sont dégagés de la littérature et de la pensée comme supplément d’âme pour nouer un rapport charnel avec la vérité et avec la beauté. Ils m’ont appris à contempler le négatif bien en face et à me défaire de la faune des croyances et des illusions. Vivant et écrivant souverainement l’aventure du temps, n’ont-ils pas souscrit eux-mêmes à cette incise de Chateaubriand : J’ai toujours eu horreur d’obéir et de commander ?

Et c’est peut-être le reproche amical que je ferais sur ce numéro de Contrelittérature, qui, par ailleurs, propose des contributions riches d’enjeu :  ne pas avoir vraiment creuser les liens et les différences entre art et anarchie, entre parole parlée et parole parlante, entre les identifications collectives et idéologiques et l’absence de toute compromission avec le social global.




Revue la forge

Telle que la présente son responsable de publication, Réginald Gaillard, dans son Liminaire. Un même souci du langage, la forge, héritière, sans nul doute, de la mythologie antique du lieu secret d’Héphaïstos dans lequel le dieu créait des armes exceptionnelles et de magnifiques bijoux, se veut d’emblée un rendez-vous crucial de lecture, d’écriture, de pensée de la création contemporaine comme elle s’élabore aujourd’hui : « la forge est un creuset où l’on fond des métaux pour créer des alliages, avant de les couler dans des moules aux formes diverses.

Qu’importe la forme, pourvu qu’on ait l’ivresse poétique à même de nous étonner, nous déplacer, nous élever, nous donner à penser. »

Sensible tant à la diversité formelle qu’à la richesse des écrits, si la forge s’avère le miroir de la poésie avant toute chose, et publication de poésie seule et souveraine, si elle accueille d’abord poèmes D’AILLEURS ET D’ICI, pour reproduire les titres de ses deux rubriques, elle est également source de partage de réflexions d’un intérêt majeur sur le processus de la créativité, notes, essais, articles invitant ensuite à explorer LA FORGE DU POETE, coulisses de ce théâtre où l’intime et le monde se rencontrent, se révélant être la forge des artisanes et des artisans, des artistes du verbe dont Héphaïstos, ce dieu fragile et fort à la fois, pourrait être une des figures essentielles, au même titre que le plus emblématique Orphée…

Editions de Corlevour, la forge, revue de poésie, 1 octobre 2023, 270 pages, 22 €. 

Répondant à la nécessaire question, vitale, pour toute amatrice, tout amateur de lettres, D’où vient le poème ?, Christian Viguié, Jean-Claude Pinson, Jacques Vincent, David Lespiau, Adeline Baldacchino y révèlent les secrets de fabrication, les processus d’élaboration, les enjeux à l’œuvre dans les écritures poétiques, en donnant un éclairage résolument ancré dans le présent et tourné vers l’avenir des régimes de l’inspiration, pour reprendre le titre de l’essai de Jean-Claude Pinson invitant à en distinguer deux conceptions : celle de l’idée antique que l’on retrouve dans sa définition platonicienne, et celle d’un régime nouveau, non plus simplement experimentum mundi comme nous pouvons l’expérimenter dans la technique du « haïku », mais  étincelle aux prémices du « moment de la forgerie » !       

Prenant en compte la littera, la littérarité, la littérature, qui fixe les ratures, les repentirs comme les trouvailles, les fulgurances du travail à l’écrit, Adeline Baldacchino transforme, dans son article La forge du poème, la question métaphysique d’où vient le poème en question génétique et générique du comment, interrogation aussi cruciale que passionnante, espace vital où la pensée et la langue se mêlent afin de tenter de trouver, peut-être, un langage de l’émotion digne de ce nom, dont nous, œuvrant à la quête de tels alliages, serions les orfèvres contemporains : « Le poème se fabrique dans cet espace d’imprudente lucidité que nous lui accordons. Il est la seule preuve que nous détenions de notre pouvoir de changer les mots, à défaut de changer (immédiatement) la vie et le monde. Il est donc à la fois le premier pas, la condition, l’argument et la démonstration. Il rassemble au sein d’une seule logique oxymorique, celle de l’émotion distinctement sensuelle et sémantique qu’il provoque, tous les moyens promis par les conteurs, les chamanes et la littérature depuis que les chants ont été gravés au calame sur des tablettes d’argile, aux alentours de 6000 ans avant notre ère (au moins, rien n’interdisant à la rêverie de poursuivre bien plus loin la chronologie des textes perdus). »

Enjeu politique dont la formule finale revient, in fine, à Adeline Baldacchino, dont nous pouvons apprécier tant la profondeur des analyses que la subtilité des poèmes : « on faisait des boucles dans les cheveux / de maman c’était comme d’en faire / dans les courbes invisibles du destin / la trajectoire commençait de s’écrire / le livre est-il ouvert / et l’encre invisible ? » Effacement des traces et trajet de notre propre finitude à laquelle la belle revue la forge donne tout son éclat, tous ses éclats, ses armes-pensées et ses bijoux-poèmes, tous ses joyaux sans cesse remis sur l’établi à la réflexion éthique / esthétique d’envergure : « Le poème n’a pas à être engagé ou dégagé, il ne peut qu’éveiller l’engagement intime, l’élan de vie qui débouchera, ou non, sur un engagement collectif, extérieur à notre vertige narcissique et tourné les autres. »




Revue OuPoLi — Entretien avec Miguel Ángel Real

La revue OUPOLI, Ouvroir de Poésie Libre, est une revue numérique fondée par Jean-Jacques « Yann » Brouard, Miguel Ángel Real,  Arnaud Rivière Kéraval et Rémy Leboissetier. Neuve et vive, elle propose de nombreuses rubriques, des appels à textes, et un panorama riche et diversifié sur la littérature contemporaine. Miguel Ángel Real a accepté d'évoquer cette belle aventure pour Recours au poème

Quelles raisons vous ont menées à créer le site OuPoLi ?
Le site est né de ma complicité littéraire avec Jean-Jacques Brouard. Nous sommes tous les deux passionnés de littérature et plus spécialement de poésie, et nous avions envie de créer un endroit dans lequel pourraient s’exprimer des personnes qui partageraient notre vision des choses. Depuis, le comité de lecture s’est étoffé avec d’autres écrivains comme Arnaud Rivière Kéraval, et Rémy Leboissetier.
Comment le définiriez-vous ? Est-ce une revue de poésie en ligne ?
Notre appel à textes est ouvert en permanence. Nous publions en général un/e auteur/e par semaine. Une fois par mois, nous publions également un/e poète hispanophone traduit en français. Les personnes qui nous contactent sont des écrivain/es confirmé/es ou pas : les textes sont étudiés par l’équipe dans un esprit ouvert car nous apprécions les prises de risque et les recherches en tout genre. Il s'agit d'une publication vivante, avec différentes rubriques pour recevoir aussi de la poésie expérimentale, des créations de mots (“Mots perdus/mots forgés”), de la prose poétique, des essais ou des variations sur des thèmes que l'on propose de temps à autre. Nous avons même créé les « Chronèmes », mélange de chronique littéraire et de création poétique, que nous vous invitons à découvrir.
Quelle est sa ligne éditoriale ?
Clin d'oeil à l'oulipo, OuPoLi se veut un Ouvroir de Poésie Libre. Le site se veut exigeant, loin des conventions et de la poésie mille fois lue. La ligne éditoriale est présentée ainsi :  
Ni fleurs ni papillons
La poésie engage l’être
La poésie engage à être
La poésie engage à dire
A partir à l’aventure
A être en quête des possibles du langage
A s’arracher au confort des discours convenus
A sortir des sentiers battus et rebattus
Notre plan de travail est complet jusqu’en septembre, mais les personnes intéressées peuvent envoyer leurs propositions à textOuPoLi@gmail.com : trois textes, trois poèmes, trois pages.
Que pensez-vous de la place des revues de poésie dans le paysage littéraire français, et plus généralement de la place de la poésie ?  Les revues de poésie sont-elles un moyen efficace de diffuser de la poésie ?
De manière générale, il existe de très belles publications autour de la poésie en France. Le but de nous tous est de montrer qu’il s’agit d’un mode d’expression passionnant et surtout très vivant. La qualité des différentes revues « papier » ainsi que les réseaux sociaux montrent bien qu’il existe un large public autour de la poésie, largement méprisée par les médias conventionnels : il suffit de voir que la soi disant « rentrée littéraire » est en réalité un déferlement de romans plus ou moins réussis. Il faut donc que les revues poétiques continuent à  revendiquer un moyen d’expression qui est pour moi la quintessence du langage. Continuer à partager notre passion pour la poésie, qui est de mon point de vue plus nécessaire que jamais, doit rester le but de nos différentes publications.

 

Présentation de l’auteur

Miguel Angel Real

Né en 1965, il poursuit des études de français à l’Université de Valladolid (Espagne), sa ville natale. Il travaille en 1992 à l’Agence France Presse à Paris. Agrégé d’espagnol, il enseigne au Lycée de Cornouaille à Quimper. 
En tant qu'auteur, ses poèmes ont été publiés dans les revues La Galla Ciencia, Fábula et Saigón (décembre 2018) (Espagne),  Letralia (Venezuela),  Marabunta, El Humo et La Piraña (Mexique), ainsi que dans l'anthologie de poésie brève “Gotas y hachazos” (Ed. PÁRAMO Espagne, décembre 2017).
Les revues françaises “Le Capital des Mots”, “Festival Permanent des mots” “Lichen”,“La terrasse” et “Revue Méninge” ont également publié certains de ses poèmes en français, originaux ou traduits de l'espagnol. 
Il a publié en avril 2019 un recueil personnel, Zoologías, aux éditions En Huida (Séville).
Les éditions Sémaphore publieront bientôt son recueil bilingue Comme un dé rond.
Il fait partie du comité de rédaction de la revue poétique espagnole Crátera.
Il se consacre aussi à la traduction de poèmes, seul ou en collaboration avec Florence Real ou Marceau Vasseur. Ses traductions ont été publiées par de nombreuses revues en France (Passage d'encres, Le Capital des mots, Mange-Monde), Espagne (La Galla Ciencia, Crátera, El Coloquio de los Perrros) et Amérique  (Low-Fi Ardentia, Porto Rico, La Piraña, Mexique). Dans cette dernière publication il dirige deux sections de traduction nommées « Le Piranha Transocéanique » (https://piranhamx.club/index.php/le-piranha-transoceanique) et « Ventana Francesa » (https://www.piranhamx.club/index.php/quienes-somos-2/ventana-francesa) 
Traductions publiées:
- “Fauves” (Editorial Corps Puce),  poèmes de l'auteur équatorien RAMIRO OVIEDO (Traduit avec Marceau Vasseur, décembre 2017)
- “Erratiques”, poèmes d'ANGÈLE CASANOVA, photos de PHILIPPE MARTIN. Edition bilingue. Éditions Pourquoi Viens-Tu Si Tard, octobre 2018
- “Les travaux de la nuit”, de PAUL SANDA. Édition bilingue. Ed. Alcyone, décembre 2018.

Poèmes choisis

Autres lectures

Revue OuPoLi — Entretien avec Miguel Ángel Real

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La revue SALADE

La revue SALADE, conçue, fondée et éditée par Vittoria Cavazzoni et Déborah Gaugerenques, se définit comme “apériodique, multilingue et hétéroclite”. Chaque numéro est relié à la main à l'aide d'attaches, ce qui permet de libérer si on le souhaite les pages de la revue, ainsi que des marque-pages ou des œuvres graphiques. Pour le dernier exemplaire paru, le numéro 4, les illustrations sont l’œuvre de Camille Meyer.

Les poèmes sont publiés dans leur langue d'origine, en version originale non traduite. Dans le dernier numéro, qui fait la part belle à la poésie, nous pouvons lire des textes en italien, espagnol et anglais de Devis Bergantin, Marine Forestier et de moi-même. 

La revue met aussi à l'honneur trois poétesses de la première moitié du XXe siècle dont l’œuvre est peu ou pas traduite en France à ce jour: Edna St.Vincent Millay (Etats-Unis, 1892-1950), Alfonsina Storni (Argentine, 1892-1938) et Antonia Pozzi (1912-1938).




Revue, en ligne ! Terres de Femmes

Revue de poésie et de critique littéraire d'Angèle Paoli, Terres de Femmes propose un sommaire riche et varié. Coordonné et mis en page par Yves Thomas, qui nous a quittés en 2021, porté aujourd'hui par sa directrice de rédaction, et Guidu Antonietti di Cinarca son directeur artistique, cette revue de poésie en ligne présente un sommaire mensuel servi par design moderne et coloré.

Dans cette revue, le lecteur a accès à la poésie contemporaine. Qu'il fréquente la rubrique Poésie d'un jour, où sont offerts des extraits de recueils récemment parus, ou des articles critiques signés par des voix qui ouvrent à un regard spéculaire sur ces livres qui tracent la route d'une poésie découverte sur le vif de sa création, une fenêtre s'ouvre, sur la littérature en train de s'écrire, de vivre, et d'ouvrir des voies neuves, parfaitement perceptibles dans ces pages servies par les visuels de son Directeur artistique dont on peut retrouver les créations dans la rubrique Les Noir et blanc de Guidu et la Galerie de Guidu, Visages de femme qui offre des visuels ainsi que des extraits de textes de plus de 200 noms féminins de la poésie contemporaine, sélectionnés par Angèle Paoli.

A ces rubriques s'ajoutent un Index des auteurs cités, où les biographies des innombrables poètes contemporains présents sur les pages de cette revue sont consultables, des Ephémérides culturelles, et un hommage à celui qui a fait que Terres de Femmes ce lieu d'une densité qui continue à s'étoffer et à écrire sur l'écrit du poème.




Revue, en ligne ! Ubu

Un site américain fondé en 1996 par Kenneth Goldsmith,premier poète lauréat du MoMA, fondateur de ce site d'archives d'avant-garde UbuWeb, et théoricien de l'« uncreative writing » qu'il enseigne à l'Université de Pennsylvanie et dont les grandes lignes figurent au cœur de son livre enfin traduit : L'écriture sans écriture :

L'écriture non créative est la langue considérée comme un matériau pur. Héritière de Stein, de la poésie concrète, de Mallarmé, de Herbert, d'Apollinaire et de L=A=N=G=U=A=G=E, l'écriture non créative est également née de l'ère numérique :

Ce que nous prenons pour des graphiques, des sons et des mouvements dans notre monde d'écrans n'est qu'une fine peau sous laquelle résident des kilomètres et des kilomètres de langage.

 

Ce site d’une richesse inestimable met à disposition du lecteur de la musiques, de la poésie (également sonore), des liens vers des films qui appartiennent au cinéma underground et expérimental, des documents rares de collectionneurs. Une incroyable somme, disponible en ligne, servie par un design dont la sobriété extrême semble garante d'une efficacité à toute épreuve. 

A fréquenter sans modération, UbuWeb, qui existe depuis 1996, et ses entrée où se cachent des trésors insoupçonnés : Film et vidéo - Son - Danse - Papiers - Historique - Poésie visuelle - Bande dessinée conceptuelle - Écriture conceptuelle - Contemporain - Magazine Aspen - Outsiders - /ubu Editions - Projet 365 jours - Ethnopoétique - Ressources sur la musique électronique - Top Tens d'UbuWeb , et A propos d'Ubu, sans oublier le Contact, si vous souhaitez remercier l'auteur de ce lieu unique.




Revue, en ligne ! Poèmes

Les revues de poésie en ligne offrent, au sens littéral, le poème. Grâce à elles et au vecteur numérique, partout, quel que soit sa nationalité, condition, le lieu où l'on se trouve, l'accès à ce lieu de fraternité qu'est le poème est permis. Ici il ne s'agit pas à proprement perler d'une revue, mais d'une chaîne YouTube. 

Et elle prouve si besoin était que la poésie n'est pas tue, pas désertée, pas ignorée par nos semblables : 20,6 K abonnés ! 

Les 5,9 K vidéos, tournées depuis 2011, par Nicolas Anctil, offrent une diversité poétique absolument remarquable, et des noms contemporains ou inscrits dans la panorama d'un histoire littéraire mondiale, que l'on retrouve, ou que l'on découvre.

Au mitan du grand et si gentil bois, Dyane Léger lecture par l'auteure.

Sully Prudhomme, Valérie Rouzeau, Nanao Sakaki, William Butler Yeats, Werner Lambersy, Jacques Reda, Abdelatif Laâbi, Pontus du Tyard, Nuno Judice, Jacques Demarcq, Silva Kapoutikian, Antonin Artaud, Jules Supervielles, Elizabeth Bishop... pour infimes exemples de ce que recèle de merveilles ce "catalogue" sonore qui offre les voix souvent originales des auteur-e-s. 

A écouter, à fréquenter, à diffuser !

Le salut d'entre les jours, Gaston Miron, lecture par l'auteur.

Chibok, Ananda Devi, dit par l'auteure.




Avis de naissance ! Carabosse, une nouvelle revue de poésie

Ce numéro #1, Nos corps manifestes, est beau ! Ne nous perdons pas dans des périphrases stériles, tout comme ce fascicule ne prend pas de gants pour montrer l'épaisseur du monde poétique. Toute vêtue de noir et blanc, ce bébé déjà grand ne perd pas une miette de la place que proposent ses pages remplies de textes et d'illustrations.

Revue au féminin, "Revue à sensibilité féministe et poétique", qui problématise  la place et l'identité des femmes, et particulièrement des femmes créatrices, et Dieu sait qu'il y a encore tant à dire, et à faire, Elisa Darnal et Adeline Miermont-Giustinati se sont entourées de la photographe Jeanne Guerrier et de la conceptrice graphique Aurore Chapon. Cela donne 34 pages de pur bonheur, pensé comme

...un laboratoire poétique, c'est à dire un espace à habiter, qui se compose en permanence et témoigne de pratiques diverses.

Ouverture donc, servie par une présentation qui explicite le choix du nom de la revue, Carabosse, le fée glauque et glam ? suivi par un édito tissé de prose poétique entrecoupée de vers d'Adeline Miermont-Giustinati. 

Ce tout premier numéro met donc l'accent sur le corps des femmes, sur ces archétypes pesants qu'elles portent encore aujourd'hui, et qui façonnent malheureusement toujours leur inscription dans le monde.

Revue Carabosse, #n°1, Nos corps manifestes, 37 pages, 8 €, https://www.carabosse.online

Pour ce premier numéro, nous commencerons par explorer un territoire sensible, celui d’un corps féminin loin de la muse ou du fantasme. Longtemps dépossédées de leur image, les femmes s’émancipent encore difficilement de la dictature orchestrée par l’industrie et la publicité. L’obsession de l’apparence réduit à des représentations hypersexuées et truquées et le cantonne à être un objet de désir. 

Besoin absolu et présence nécessaire de l’intime ! Dire la relation complexe qui s’instaure avec son propre corps, fait se rejoindre le littéraire et le politique.

Corps écrit, puisqu’on parle de lui, corps écrivant puisqu’il se dit. Générateur et producteur d’une parole poétique, comment le corps des femmes est-il pris en charge par les voix de poétesses aux accents multiples ? Nous ne ferons que poser quelques jalons dans le foisonnement d’une langue poétique qui se redéfinit sans cesse et cherche à dessiner les contours du sujet-corps, chair féminine éprise, mais refusant de se laisser accaparer au détriment de son désir propre.

 

Au féminin, donc, des Notes de lecture, une Causerie avec Laure Limongi, et de la poésie, visuelle aussi, car il faut saluer la qualité des illustration qui rythment les textes, se superposent, haussent le ton en même temps que les mots pour dire que la poésie, la littérature, et l'art, au féminin, n'a rien de plus ni de moins que tout ceci au masculin, juste pareils, semblables, les identités disparaissent là où exister s'énonce. 




Machinations pour un dernier opus : FPM hors série

Jean-Claude Goiri l'a annoncé, voici le dernier numéro de FPM, revue littéraire exclusivement réservée à la création contemporaine, dont la première publication  date de 2014.

FPM, Festival Permanent des mots, est une revue de création littéraire dans laquelle les auteurs jouent avec les cadres, les tabous et les normes afin de convoquer un monde où le mot est une arme d'insurrection pour la connaissance de l'autre et de soi.

La poésie, l'art et la philosophie nous permettent une révolution intérieure radicale, une trans-formation, qui nous fait accepter ou refuser nos aliénations intimes et collectives, sans notion de bien ou de mal, simplement pour s'affirmer ou s'effacer devant l'inévitable "autrui".

Alors : Nous topographions nos territoires afin d’en abolir les frontières. Parce que rencontrer l’autre, c’est se soulever tout à fait.

Le sommaire de ce hors série papier, le dernier, propose des voix très différentes : Olivier Bastide, Tom Buron , Luigi Carotenuto, Sébastien Cochelin, Sandrine Davin, Brigitte Giraud, Alain Henri, Jacques Cauda, Jacques Sicard, Muriel Modély, Myriam OH, Pierre Rosin, Fabrice Schurmans, Jérémy Semet, Perle Vallens, Corrine Le Lepvier pour les images et les collages...

Habituellement publiée en format numérique sur Calameo, nous avions oublié l'allure incroyable de cette revue lorsqu'elle s'habille de papier, ici en noir et blanc,  format A5, imprimée sur de l'ivoire 90g. Ce dernier  numéro montre ce dont Jean-Claude Goiri est capable, lorsqu'il s'agit de créer des livres. Car les livres, chaque livre, tous les livres, toutes les publications qui portent le sceau Tarmac, sont beaux. Mais il ne s'agit pas de beauté consensuelle, mais d'une singularité remarquable.   Ils font sens, allient l'image aux pluralités sémantiques jamais figées de toutes les acceptions possibles des textes publiés. Ici, donc, comme ailleurs, cette dernière éditions de la revue FPM, Machinations, est belle de tout ceci.

"Beaux" également les nombreux textes qu'elle propose, parce que chacun, poème, prose, ou tout ceci en même temps, se distingue des autres, s'y rallie par cette seule qualité : former épaisseur, soustraire toute littéralité du substrat de la langue, et comme de petites entités uniques et ouvertes aux autres, constituer cette globalité rarement façonnée d'un fascicule où rien ne manque, et d'où rien ne pourrait être soustrait. Sans autre paratexte que la table des matières, et la page de titre de la revue, toute latitude leur est offerte pour déplier leurs univers, ponctués par les collages de Corinne Le Lepvrier.

Machinations, FPM Hors série Papier, novembre 2022, 112 pp., 12 euros.

Dispositif qui nous permet sans heurts de passer d'un imaginaire à l'autre, d'un parole à l'image, et de laisser grandir notre étonnement, voire émerveillement, face à certaines voix proposées !

Zelda Bourquin, La Nonne :

Alors chaque dimanche, moi, je fête le jour de la 
Seigneure

Au nom de la mère
De la fille
Et de la Sainte Esprit

Sous mon voile
Mes cheveux brûlent de dire
La prison verbale
Des vœux de silence
Pas seulement dans le couvent
Mais partout à l'extérieur, pour les femmes, le couvent est généralisé, partout
Et le voile, on le porte toutes
Voile poudré de chez Guerlain, pour une peau de bébé,
Voile anticellulite de chez Garnier pour une peau lisse à l'endroit des cuisses
Voile de mariée pour enfanter à coup sûr
Et dire je l'ai réussite cette vie finalement

Sébastion Cochelin, HARD NEWS 2020, L'interview (en direct !) (en duplex !) (en exclu !)

HARD NEWS...

 

[ le ministre de la cohésion du territoire et des remontées structurelles dénonce une tentative insidieuse de faire de lui un bouquet missaire ] ça ne nous gêne pas du tout non en fait le gouvernement se met juste à la page c'est le sens de l'histoire il n'y a pas de ligne rouge de franchie on est en retard c'est l'heure de la météo dans quelques instants nous reviendrons sur cette GROGNE des fonctionnaires maintenant c'est la météo avec les pompes à chaleur Loborées

JINGLE 1 / BILBOARD IN 1 / JINGLE 1 OUT / BILBOARD OUT DU IN 1 JINGLE OUT / METEO 1 AM 2 FAI 

Brigitte Giraud :

On ne sait pas dire le soleil tombé n'importe où.
Le soie a failli, petite fille !
                       Que faire de nos mots de guingois ? De nos cheveux écorchés
comme des chevaux ?

On voudrait courir.   On ne court pas.
On voudrait crier.      On ne crie pas.
Et qui viendrait,
quand l'esprit dit au corps : "Parle en mon nom. Parle haut."

 

Tom Buron, Lait de panthère (Suds) :

 

Entre l'écume et la griffe,
il s'immole l'estomac d'admettre
à cette meute de grands migrants du sablier
n'avoir pu prendre la vie de la monture agonisante
Que c'est une drôle de varappe jusqu'à l'arachnoïde 
Que chaque croix dans la nuit est universelle
et que le vautour aussi
aime le lait de panthère.

Amel Zmerli :

L'ennui, c'est un art. L'ennui n'est pas un acte. L'ennui, c'est mon beau frère avec son hamburger, plus facile à manipuler qu'une console de jeu. Ma patiente innocente aime le lait de riz et le lait de soja. Les parapluies sont de retour pour que tout ça reste au sec. Les cailloux ne sont plus ce qu'ils étaient.

Rien d'autre que le texte pour témoigner du texte, que les extraits pour rendre compte de l'ensemble.

Grande revue à laquelle il faut rendre hommage, grand Monsieur auquel il faut témoigner de notre gratitude pour ouvrir des chemins vifs et neufs à la Littérature. Machinations, FPM Hors série !




Revue Dissonances n°42, mai 2022

Si on ne connaissait pas les subtilités ou les choix radicaux de Dissonance, on s’étonnerait du présent numéro au style plutôt funéraire : fond noir et lettres dorées à l’appui. Une contre-illustration dans la lignée dissonante ?

Quoiqu’il en soit, les « sans-dents » et les «  fafs » sont aujourd’hui désormais  invités à boire le champagne pour l’anniversaire des vingt ans de cette revue, invités  à remplir la coupe sans préciser la marque du vin proposé cette vague de l’humour noir ? Sabrons donc sans sabre ! Après avoir également sabré le champagne et multiplié les extravagants alléluia, les auteurs de ce numéro 42 ont su abandonner leurs délires à l’écriture. La muse éthylique propose une belle cuvée ! Un bonheur à déguster avant l’ivresse. Les lecteurs éméchés participent au banquet. Pourquoi pas moi en lisant ?

Ainsi les chiens et les écrivains éthylisés (néologisme) « lapent » déjà  le champagne renversé sur le tapis - Etienne Michelet et Côme Fredaigue, découvrent la « neuro mâchoire inférieure vidée ou presque des dents du fond (..) des yeux noirs démentent aussitôt, regard abimé, vertige dans lequel, elle pourrait nous entraîner » (Côme Fredaigue). Les élucubrations plaisantes et débordantes d’excès sont agrémentées par les élégantes illustrations pointillistes d’Anne Mathurin, confortant le thème alcoolisé de la rédaction, le symbole du champagne : « la frontière s’estompe entre sa tradition, son image raffinée, son gout subtil et la vulgarité de l’excès, à la nôtre ! ». Brigitte Fontaine, elle,  décrit le « décorum voilé de noir et d’or (évocation de l’énigmatique couverture peut-être sans certitude qui s’appelle l’aurore) ».

Dissonances #42, Champagne, mai 2022, 56 pages, 7 euros.

Où sont les « profondeurs pétillantes où plus rien n’existe ? Hors de ces « profondeurs pétillantes » hormis, « le fameux péril jaune » selon Rigodon de Céline…

Traversant le rideau de mégots et de cendre, un auteur se souvient (Arthur Le Reste- Juliard) du discours tenu en 1974 par le poète Odysséas Elytis. Ce poète, coutumier du poète Brautigan, connu pour ses excès de bar, révèle à la fois son amour du champagne tout en lui opposant son animosité envers les buveurs, les invités réunis pour le Nobel, des « pompeux snobinards » ! ... Il est vrai que malgré les choix de cette médiocre année 1974 - Johnson et Martison - auront autant de place dans l’histoire de la littérature « que deux glaçons creux vers les courants chauds avec leur petite ombrelle en papier plantée dans le cul » !!! Et nous, lecteurs et lectrices, versons-nous vite une coupe de champagne pour la route ! Mea culpa au champagne !

Dissonances lance déjà le prochain thème du numéro 43 « trans ». Je transpire déjà, transpercée par l’urgence de rendre la copie trans avant la date-butoir du 24 juillet…  Il me faudra ingurgiter au minimum un jeroboam avant ; à moins que le moine bénédictin transsexuel… Dom Pérignon n’ épouse enfin la transgenre, une Veuve Clicquot  !!! Mumm !