Goéland poésie n°3 automne 2024

La revue Goéland éditée à Bordeaux par les éditions Nouvelles Traces, consacre son troisième numéro de 150 pages à Kenneth White, le père de la géopoétique, décédé en août 2023. Il s'agit d'un hommage de la part de celles et ceux qui l'ont connu, apprécié, qui ont été inspiré par lui.

Chacun des rédacteurs et rédactrices se souvient bien de l'instant de la rencontre avec celui qui à jamais marquera leur vie. Iels s'accordent toutes et tous pour décrire un auteur passionné, passeur pédagogue d'une grande intelligence, d'un caractère bien trempé d'Ecossais devenu Breton.

Mais sa vision de la géopoétique n'a rien d'un nationalisme ni même d'un régionalisme. Il s'agit pour lui d'approfondir la pensée de Hölderlin pour mieux habiter poétiquement la terre non pas autour du triptyque "Le moi, le mot, le monde" mais plutôt exclusivement orienter la pensée vers une poésie sur le monde. "Landscape / mindscape / wordscape" intitulait-il un de ses ouvrages. Ressentir les lieux, la puissance d'un paysage, selon le pouvoir des règnes minéral et organique.

Mais la encore, aucun message politicien, encore d'écologie politique. Le poétique considéré comme un dynamique de la pensée. Le géographique pour mieux s'arrimer à notre planète.

Kenneth White exprimait régulièrement ses points de vue dans divers colloques et conférences. S'y mêlaient géologie, philosophie, géographie, biologie, ethnologie, économie, etc. dans des débats au bouillonnement intellectuel très riche. Lui qui dénonçait "une civilisation dénuée de culture" s'efforçait à partager la sienne enrichie de multiples lectures.

Kenneth White n'est plus, mais sa pensée ne s'efface pas, elle se poursuit et s'approfondit au sein de l'Institut international de géopoétique présidé désormais par Régis Poulet.




Contre-Allées n°49, automne 2024

Amandine Marembert et Romain Fustier sont poètes, ils sont aussi éditeurs à Montluçon de la revue Contre-Allées. Ils œuvrent inlassablement depuis 1998 à faire découvrir la poésie et les poètes contemporains.

Le numéro 49 de cette revue honore plus particulièrement Christiane Veschambre, poète qui ne cesse de s'interroger sur l'acte d'écrire. "on disait : / écrire sauve / là où on n'écrit pas / on était perdu / condamné / / mais écrire ne sert (à) rien / de rien n'est le serviteur / (l'instrument) / / ne se met pas à votre écoute / est toujours là / où on n'écrit pas"

Valérie Linder a illustré la première page en interprétant avec sensibilité les mots de Christiane Veschambre.

Mais cette revue ouvre également ses pages à des auteurs reconnus car ayant publié chez des éditeurs exigeants tels Isabelle Sauvage, Les Lieux-Dits, Tarabuste, Le Castor Astral, etc. Elle interroge aussi des poètes avec cette question existentielle unique : La poésie vous aide-t-elle à vivre ? Dans ce numéro c'est Henri Droguet et Nimrod qui s'y attellent...

Contre-Allées permet également de découvrir des éditeurs de poésie contemporaine. Dans ce numéro, Pierre Manuel présente ses éditions Méridianes de Montpellier. Il est bon de donner de la visibilité à ces éditeurs qui œuvrent dans la discrétion et la modestie pour diffuser les auteurices de poésie loin du cirque médiatique des best-sellers.

 

La poésie est vivante, elle se renouvelle, elle est moderne. Les revues sont une source de belles découvertes pour qui aiment les mots. Loin des autoroutes du livre que sont les grandes surfaces, venez arpenter les contre-allées et petits chemins qui mènent à la poésie.

 




Dissonances n°47 hiver 2024

Après l'orage, tel est le thème central de cette revue animée par Jean-Christophe Belleveaux, Jean-Marc Flapp et Côme Fredaigue. Les belles photos de Cédric Merland apportent le sombre puissant à ces pages souvent dénonçant les travers du monde actuel et l'explosion qui pourrait s'ensuivre.

Une telle thématique est forcément source de poésie et cette revue en multiplie les formes en une dissonance de formes agréables entre proses, poèmes (courts ou longs), calligraphies, et photographies bien sûr.

Beaucoup des auteurs de ce numéro s'interrogent comme Mathieu Le Morvan : "quelle couleur aura le monde après l'orage ?"

Dans le "Tic Tac Tic Tac Tic Tac" qui rapproche de la mort,  Joseph Lantier essaye de "tenir l'équilibre autant que possible. Tenir" Philippe Malone lui, voit "Au fond des gorges / un minerai de cri". Thibault Marthouret fait le décompte de ce qui restera "si on se fait la guerre" et pour lui "seuls les œufs durs résisteront" à la chute. Dans le même ordre d'idée, Laurence Fritsch liste les conséquences de la guerre 14-18 "Après les orages d'acier".

"Après l'orage, le temps n'existe plus. Il tourne en boucle, plonge, replonge, toujours dans la même eau qui n'en finit pas de cracher rouge." (Élise Feltgen)

La solution trouvée par Benoit Toccacieli est de "Baisser les yeux. S'effacer. Inexister. Mais ça suffit rarement à éviter l'orage."

DISSONANCES #47 APRÈS L’ORAGE, octobre 2024, 64 pages, 8 euros.

Christine Guichou imagine dans sa "rêverie post-apocalyptique" que "tout est devenu forêt depuis". Le mythe du déluge est également très présent. Anne-Marie Jorge Pralong-Valour voit que "La mousson dégueule des jarres joufflues / Alignées en  nurses-soldats". Idem chez Marion Maignan :"il avait plu, pendant des jours et des jours. jours-gris jours-plats jours-crasse jours-froids, jours bouffis, demi-jours, nuits-jours."

Mais l'orage peut également être intérieur  "ce matin / j'avale une tornade par la bouche / et ma gorge habite / des cargaisons entières de cris"  (Rachel Boyer)

A noter également dans cette revue, la rubrique distinctions - nos auteur.e.s ont aimé, avec pour chacun.e des auteurices au sommaire : un livre, un film, un disque pour mieux cerner ces personnalités

Corinne Le Lepvrier, poète finistérienne, répond à un questionnaire en vingt-quatre points et nous livre sa définition de la poésie : “où la parole est déséquilibrée, une sincère nécessaire déclaration.”

Dissonances est une revue dense et riche qui offre un panorama intéressant sur ce que peut être la poésie actuelle.




Possibles, N°34, décembre 2024

Je porte une affection très particulière à la revue Possibles. Je l’accueille comme un camarade qui, ayant traversé un paysage d’hiver me rejoint entre chien et loup, et avec qui je m’installe au coin du feu pour une longue veillée tandis que les carreaux écoutent le noir de la nuit et le silence bleu gris de la neige qui recouvre le sol.

Aujourd’hui, avec son dernier numéro, la revue de Pierre Perrin vient m’entretenir de Jean-François Mathé, que j’ai insuffisamment lu, seulement son recueil Chemin qui me suit (Rougerie, 2011). Jean Pérol le salue dans les premières pages. Il nous rappelle qu’il appartient à cette famille des discrets profonds avec Du Bellay, Toulet, Verlaine, Supervielle. Il lui adresse avant de le quitter cette si simple prière : « Que le sourire de Miroku Bosatsu veille sur toi ». Michel Pléau, en évoquant Mathé, propose une définition du poète : « quelqu’un qui vous écrit » et dont l’œuvre entretient « une correspondance avec le monde ». L’essentiel de la revue tient dans le partage des courriels que Jean-François Mathé a adressés à Pierre Perrin entre le 18 mai 2015 et le 21 octobre 2023. Il y est beaucoup question de santé au cours de ces huit ans écoulés. Ses différentes mentions sont comme une invitation à l’humilité, « à baisser le ton » comme nous le rappelle Michel dans À ce qui n’en finit pas. Ici, Jean-François Mathé (nous) écrit avec la sobriété qui le caractérise : « Ici, la (mauvaise) santé régit nos actes, nos emplois du temps ». Car outre la sienne, si fragile et les différents traitements et séjour à l’hôpital qu’elle lui impose, il y est surtout question de celle de Nicole, la femme du poète, dont on suit l’état qui se dégrade au fil des lettres. Il y est également question de la vie quotidienne (un peu), des voyages (un peu), des petits-enfants qui viennent séjourner durant les vacances (un peu) et beaucoup, beaucoup de littérature et de poésie à laquelle impénitent, il réagit au fil de l’actualité sans jamais se dérober. Cherchant un titre à cette correspondance, m’est aussitôt venu celui de « Leçons de franchise », au sens : quelles sont les conditions qui permettent une telle franchise dans le regard porté sur le « petit » monde de la littérature et de la poésie française d’aujourd’hui ? J’en ai relevées cinq.

Possibles n°34, Décembre 2024, 152 pages, 16€.

La première est la vitalité d’une amitié. Perrin et Mathé manifestement se connaissaient avant 2015, se sont perdus de vue, soumettant leur amitié au « réfrigérateur du silence ». Mais dès qu’ils renouent, très vite, les lettres de Mathé dégagent une chaleureuse et profonde complicité. La deuxième condition est de s’être dans le monde littéraire, d’avoir rencontré des poètes, échangés avec eux, parcouru leur blog, assisté à des lectures et surtout d’avoir lu, beaucoup lu. Au fil de la correspondance, on devine la quantité d’heures et d’attention portés à un nombre considérable de poètes – au passage, combien d’entre nous avons un tel niveau d’exigence, et de sérieux dans la lecture d’auteurs contemporains ? Lucide, sur ce sujet, Mathé (nous) partage une vérité, hélas terrible car vérifiée : « nombre d’auteurs sont incapables, même quand ils en sont bénéficiaires, de réaliser la valeur du travail des autres ». Troisième condition – la plus mystérieuse – il lit et aboutit sa lecture à un jugement argumenté (parfois cruel, parfois drôle, parfois généreux, etc.). Or, pour qui s’y est essayé, en poésie comme pour les arts en général l’exercice est des plus difficiles. Des jugements intempestifs oui, tous nous en formulons ; des analyses fouillées, oui parfois (et encore, on rechigne le plus souvent car cela demande un long effort) ; mais dégager une synthèse, oser un jugement ferme, singulier, « propre » (sans fioritures ni courtisanerie), j’en ai bien rarement lus. Quatrième condition, qui est un préalable à la troisième : il faut disposer (s’être construit) un point de vue, au sens topographique, et s’y tenir. Mathé et Perrin occupent sans aucun doute une position qu’ils partagent avec d’autres comme Chamfort, Joubert et… Jules Renard (un auteur très important pour Mathé); une position facile à qualifier, par exemple en s’appuyant sur deux citations, une de K. Raine et Yeats, que citent Mathé : « Incarner la pensée la plus haute possible dans la forme la plus simple possible » et « l’écriture poétique doit être aussi directe que la conversation ». La qualité du jugement de Mathé, sa cohérence et son authenticité – vertu bien rare en poésie comme en littérature – tiennent à cette fidélité, à cet essentiel qu’il défendent. Cinquième condition : une complicité d’âme entre Mathé et Perrin, laquelle leur permet d’exposer clairement leur jugement l’un à l'autre, quitte à être excessif, comme l’écrit Mathé à parfois « vider son sac », car il faut aussi en passer par là pour garder cette lucidité perspicace. Avec cette petite liste, sûrement pas exhaustive, on comprend pourquoi on pourrait définir la franchise comme une vertu littéraire indispensable, pour ne pas dire vital, si l’on veut apprécier une œuvre (et ou son auteur, non pas l’homme) ; une vertu que tous nous estimons (un peu) mais que nous redoutons beaucoup), si bien que l’esquivons par politesse parfois, par paresse le plus souvent, ou par indifférente complaisance. Bilan : oser publier une telle correspondance, alors que tant d’auteurs dont il est question sont encore vivants, exige de l’audace, mieux du « culot ». Mais cela ne saurait être une surprise pour qui connaît Pierre Perrin. Et nous lui en savons gré, car aujourd’hui comme hier, la franchise avec son « culot » qui la manifeste garde, plus que jamais, sa pleine puissance salutaire.




Ce qui reste, le ressac numérique d’une poésie en partage

Fondée par Vincent Motard‑Avargues et aujourd’hui co‑éditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud‑Marcheteau, la revue en ligne Ce qui reste s’est donné pour mission de « reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres » : chaque semaine, un poète et un artiste visuel se répondent dans un cahier numérique publié en libre accès. Ce rythme court, allié à un parti‑pris de lenteur revendiqué dans l’éditorial récurrent « Ralentir », installe un tempo singulier au sein de la constellation des revues francophones.

Dès la page d’accueil, trois onglets suffisent — Librairie, À propos, Archives — auxquels s’ajoute un discret appel au don : la navigation dépouillée fait la part belle à la page pleine, où le texte se détache sur un fond monochrome accordé aux œuvres graphiques. Ici, pas de dispersion : la lecture à l’écran mime la page du livre, tandis qu’un simple clic conduit vers la version feuilletable sur Calaméo ou Issuu, voire vers une souscription papier chez l’éditeur ami, Écheveaux éditions. 

Chaque numéro se présente comme un dossier monographique : une courte note éditoriale rappelle la raison d’être de la revue ; le bloc de poèmes alterne avec une galerie d’images ; une mention « Pour souscrire au livre papier » prolonge l’expérience hors‑ligne ; les mentions légales (ISSN 2497‑2363) ferment la marche.

La rubrique Archives regroupe à ce jour près de 400 dossiers classés par auteur, consultables directement ou via Calaméo. La Librairie propose les tirages papier les plus demandés — signe qu’un lectorat fidèle accompagne la revue du pixel au papier.

Le dernier numéro, de février 2025, offre une thématique déjà éminemment poétique, La Mer entre les Terres. Il réunit la poète anglo‑israélienne Jennie Feldman (extraits de No Cherry Time, Arc Publications, 2022) traduite par Gilles Ortlieb, et les peintures atmosphériques du photographe‑peintre Jacques Bibonne. Entre l’anglais et le français circule une mémoire de la Méditerranée : ports, plages, stations ferroviaires deviennent autant de seuils où « la déferlante » menace mais n’engloutit jamais. Le cahier (26 pages) ménage de larges respirations visuelles ; une typographie à chasse élargie épouse les aplats minéraux des toiles, tandis qu’une palette de gris bleutés évoque l’écume. La notice finale annonce une version imprimée, confirmant la stratégie de la revue : tester le poème en ligne avant de le confier au papier.

À l’heure où la profusion numérique menace la lisibilité, Ce qui reste choisit le ralentissement et le cadre serré : un poète, un artiste, un cahier. Rien de plus — et c’est assez pour que le lecteur avance sans bruit « vers ce qui restera lorsque toutes les revues se seront tues ». Une promesse de durée inscrite dès le titre ; une esthétique de la parcimonie qui fait mouche ; un modèle hybride (web + papier) qui pourrait bien tracer un sillon durable dans le paysage mouvant des revues de poésie contemporaines.




Terre à ciel : constellations pour une poésie d’aujourd’hui

Fondée en 2005 par la poète et passeuse Cécile Guivarch, Terre à ciel s’est rapidement muée d’un carnet personnel en une revue collective ; aujourd’hui, elle est animée par une équipe élargie : Françoise Delorme, Clara Regy, Sabine Dewulf, Isabelle Lévesque, Florence Saint-Roch, et Olivier Vossot... tout en gardant son principe d’"hospitalité artisanale". La devise qui barre sa page d’accueil — « Poésie d’aujourd’hui » — dit bien son ambition : refléter, chaque semaine, la pluralité des voix contemporaines, qu’elles viennent du terroir francophone ou du vaste « voix du monde ».

L’interface privilégie la lisibilité : menu latéral fixe, police sans‑sérif claire, et rubriques hiérarchisées comme autant de portes d’entrée - Un ange à notre table : publication de poèmes inédits d’un auteur invité, souvent accompagné d’un bref autoportrait, Terre à ciel des poètes : fiches bio‑bibliographiques fouillées, nourries d’entretiens, Voix du monde : traductions inédites, parfois multilingues, L’arbre à parole : focus sur l’oralité (lectures, vidéos, podcasts), Hep ! Lectures fraîches ! – chroniques critiques courtes, attentives aux parutions discrètes (rubrique apparue en 2023), Paysages, Bonnes feuilles, Mille‑feuilles, À l’écoute ... autant de ramifications qui organisent la revue comme un herbier vivant plutôt qu’un sommaire figé.

Chaque page s’achève sur un bloc Terre à ciel a reçu, véritable liste de dépôts en librairie qui tient lieu de veille bibliographique.

Depuis 2019, l’équipe publie, en marge du flux continu, des dossiers thématiques numérotés. Les plus récents donnent une belle image de ce travail remarquable : La poésie ne fait pas genre (avril 2024), Le poème nous fait signe (juillet 2024), Pour que la vie jaillisse (décembre 2024).

Ces dossiers servent d’instantanés critiques : un éditorial, une brassée de textes, un bouquet d’articles critiques et d’entretiens. Le n° 21, dont le titre emprunte à René‑Guy Cadou, s’ouvre sur une méditation : « Quoi de plus intense, de plus secrètement vivant ? » avant de convoquer Ron Rash, Fabienne Ronce, Sabine Dewulf et une sélection d’éco‑poètes autour de la question du souffle vital. Le sommaire, volontairement foisonnant mais lisible grâce aux ancres internes, alterne poèmes, notes de lecture, et Lignes d’écoute — rubrique où Sabine Dewulf fait dialoguer un livre et une œuvre d’art sonore.

Enfin, et pour rendre compte de la spécificité de cette belle revue, Terreàciel se définit d’abord comme une revue‑site : son architecture arborescente privilégie la circulation par rubriques, ce qui autorise des mises à jour constantes et l’ajout d’entrées au fil de l’eau. Sa temporalité combine un flux hebdomadaire de publications (lectures fraîches, inédits, entretiens) et des dossiers numérotés paraissant deux fois par an — les n° 19 à 21 ont jalonné la période 2024‑2025. A cette richesse de contenu s'ajoute une ouverture manifeste : la rubrique Voix du monde  multiplie les traductions inédites tandis que Un ange à notre table accueille de jeunes auteurs francophones, créant un dialogue constant entre horizons linguistiques et générations. Pilotée par une équipe collégiale et bénévole, chaque section porte la signature d’un responsable (critique, traducteur, artiste sonore), gage d’expertise et de diversité de points de vue. 

Polyphonie donc (centaines d’auteurs indexés), porosité des genres (poème, essai, image, son),  chronique de l’actualité éditoriale et aventure d’un laboratoire poétique permanent : Terre à ciel compose une géographie sensible où le lecteur circule, non pas de numéro en numéro, mais « de la terre au ciel » — c’est‑à‑dire de la rumeur du monde au battement intime du poème.




Francopolis : la poésie en archipel

Créée en 2002 par un collectif international (Québec, France, Belgique, Suisse), Francopolis s’est d’emblée voulue « site de la poésie francophone » : un carrefour où se croisent écritures, arts visuels, sons et traductions, dans l’esprit d’appeler toutes les francophonies. Plus de vingt ans plus tard, la revue tient toujours ce pari d’hospitalité, portée par un comité collégial (Dana Shishmanian, Éric Chassefière, Dominique Zinenberg, François Minod, Mireille Diaz-Florian, Eliette Vialle, etc.) qui orchestre une quinzaine de rubriques foisonnantes.

Le n° 184, paru au printemps 2025, déploie un sommaire à la fois ample et équilibré : il s’ouvre sur un Salon de lecture où Gilles Lades, interrogé par Catherine Bruneau, orchestre un bouquet de poèmes en dialogue avec un entretien fouillé ; la rubrique Lectures/Chroniques consacre ensuite un dossier critique à Attentive, éperdument d’Ida Jaroschek, confirmant l’attention de la revue aux voix singulières de l’heure. Dans Créaphonie, poèmes et peintures de Catherine Bruneau et François Teyssandier explorent la fusion image‑verbe, tandis que Une vie, un poète rend un hommage sensible à Fernando Pessoa, "l'innombrable". La polyphonie s’élargit avec D’une langue à l’autre, qui propose un poème inédit de Daniel Martinez, avec traduction en italien, quatre poètes italiens contemporains, et des poèmes bilingues (persan/français) de Saghi Farahmandpour ; puis Franco‑semailles offre des poèmes inédits d'Anne Barbusse, Richard Taillefer, Patrick Joquel, etc., alors que Vue de francophonie nous propose des inédits de Flavia Cosma (Québec) et Victor Saudan (Suisse). Un Coup de cœur met en avant l'œuvre de Patrick Quiller.

Pour la diversité de ses entrées (du haïku filmé à l’essai érudit), pour sa mémoire vivante (des centaines de dossiers disponibles en ligne), et pour cette façon singulière de tisser sans hiérarchie la poésie et les arts, la création contemporaine et la redécouverte patrimoniale. Francopolis incarne, en somme, une francophonie poétique connectée, polyphonique et généreuse — un archipel que l’on explore à la manière d’un atlas hypertexte, en se laissant guider par la houle des liens.




Les Hommes sans épaules, numéro 58 : Daniel Varoujan

Quand on reçoit un numéro des HSE, plus que pour bien des revues, il faut se précipiter sur l’éditorial de Christophe Dauphin. Il donne le ton et l’esprit aux cahiers qui suivent en dessinant un pays où s’entrelacent le mémoriel, l’histoire, le politique, les coups de gueule et les bourrades chaleureuses. Un peu comme un marin qui après un long périple revient au bar du pays et vous parle de « là-bas ». Celui du numéro 58 est parmi les plus émouvants que j’ai lus. Il dit s’inspirer d’un manuscrit inédit (j’espère pas trop longtemps) qui nous fait partir de son village natal où prit racine sa relation avec l’Arménie par l’intermédiaire d’un ami, Raphaël Thorossov, mort en 1998, à 101 ans : « Du fond de mon enfance, je te revois Raphaël. Tu déambulais dans le village coiffé de ta légendaire toque noir et vêtu de ton manteau en astrakan […] Tu me parlais, de là-bas… Ce pays que tu avais quitté, non sans avoir emporté dans un bocal de généreux grammes de terre. "Elle partira avec moi" me disais-tu. ».

Des noms surgissent, connus ou méconnus (j’y apprends les racines arméniennes de Paul Farellier, ce qu’ami aveugle je n’avais pas relevées), des rencontres, des titres de recueils, des pages d’histoire arménienne, avec ses crimes, pillages, massacres d’hommes, femmes et enfants jusqu’à ce « génocide de 1915 », et qui fut suivi de deux guerres récentes, puis encore celle de 2020… Et pourtant le pays dont il nous parle brille d’une lumière inégalable, avec ses jardins, son architecture, sa musique car ce pays est d’abord celui apparu par un lien d’amitié : « Que d’histoire de sang et de liens fraternels avec l’Arménie dans le mouchoir de nuages de notre bourg haut-normand ! » Après cet édito, le cahier Ainsi furent les Wah I ouvre ses pages aux auteurs ayant mentionné l’Arménie durant cette période, dont Quillard, Max Jacob, Hikmet, Mandelstam et Grossman avec son inoubliable carnet de voyage, Que la paix soit avec vous. S’y joignent des poètes arméniens, dont le plus ancien, dont on garde trace s’appelle Grégoire de Narek (940-1000), avec ce poème « Toi qui prends soin des âmes », Siamanto, Lubin, pour donner des noms que je connais un peu. C’est une nouvelle occasion de signaler la qualité des notices biographiques de la revue qui en fait un incontournable de toute bibliothèque résolue et ambitieuse.

Les Hommes sans épaules, Daniel Varoujan et le poème de l'Arménie, numéro 58, 2024, 17 €.

Quelques vers arméniens résonnent encore à mon oreille : « Nous voici, nous arrivons, nous sommes la malédiction / La lance rusée enfoncée dans l’obscurité » (Sévak). « Notre génération a plus d’amis dans l’autre monde que celui-ci » (Kostan Zarian). Je fais connaissance avec ce poème d’Armen Lubin « N’ayant plus de maison ni logis / Plus de chambre où me mettre / Je me suis fabriqué une fenêtre / Sans rien autour. » Ensuite s’ouvre le dossier sur Daniel Varoujan qui tisse à maille serrée la biographie du poète et la tragédie du génocide durant laquelle le poète avec trois compagnons fut attaché à un arbre et lardé à mort de coups de couteau. En regard de ces pages si douloureuses représentées par l’emblématique poème « Terre rouge », me frappe cette vague de grands poèmes épiques et fraternels qui compte (au moins) Varoujan, Hikmet. Ils nous racontent l’histoire de héros éponymes de leur pays, chantent leur peuple et leurs paysages, visant ainsi, comme l’écrit Dauphin en parlant de Varoujan, à réconcilier « le mythe héroïque et le réel ». Suit le cahier Ainsi furent les Wah II où je découvre deux poèmes de Manouchian (j’ignorai qu’il était poète) dont ces quatre vers : « J’ai pris la sinueuse allée du village ; / - Mon soleil sur les épaules comme un abricot, / À mes lèvres tremblantes un vieux chant de laboureur -, Je pars livrer mon cœur au cœur des montagnes. » C’est beau comme du Whitman. D’autres auteurs se succèdent. Les lisant, je ne fais plus la distinction entre les poètes arméniens ou autres, les biographies s’entremêlent, avec, omniprésentes, les pages sombres de l’histoire universelle du XXe siècle, que pourtant traversent de nouveaux poèmes, telles un Nil aux eaux félines traversant les sables du désert. Quelques noms et vers lus et médités : Verdet et son Anthologie des poèmes de Buchenwald, Mélik, Bonnefoy évoquant l’Arménie et nous confiant cette définition de la poésie : « C’est tenter de rendre aux mots la pleine mémoire de ce qu’ils nomment » ; Sévak, Kertész et encore Buchenwald ; puis de grandes et belles pages sur le poète et traducteur Godel ; l’article sur la géopoésie de Chaliand, arpenteur du monde et de ses luttes qui nous dépose un conseil de vie : « Il faut conserver son esprit critique, ne jamais se laisser duper par notre propre propagande, et faire preuve de détermination, toujours… ». je m’attarde, distrait sur ses vers biographiques : « J’ai fait plus de quinze métiers / au gré des pays et du vent / Je gravis le toit du ciel / avec ma chevelure de nuage / et mon cœur coule par la nuit des villes » ; Mahmoud Darwich apparaît en nous offrant trois poèmes de pleine humanité : « Dépose ici et maintenant la tombe que tu portes / et donne à ta vie une autre chance / de restaurer le récit » ; ou encore Gérard Mordillat, dont j’ignorais le versant poétique de son œuvre ; Akopian, poète engagé pendant quarante ans auprès du Secours populaire ; l’étonnante Krikorian, « l’arménienne de Téhéran » ; le poète Rugamba et, avec lui, le génocide des Tutsi, et ce texte « Kaddish pour l’Afrique » ; puis des poètes plus proches, des amis ou des poètes à rencontrer : Caroutch, Brissiaud, Dauphin lui-même, Tison, le neurochirurgien et poète de Besançon Laurent Thinès, Tavera, Marie Bouchez (« Les toits vaguent sur notre âme / Mais c’est sur nos mémoires que le soleil se couche »), etc. Et pour finir, avant le généreux cahier de recension, une dernière figure vient nous saluer : Kamel Bencheikh, et avec lui, la « décennie noire » de l’Algérie que surmonte une poésie invaincue (« je n’existe plus que pour la mémoire lapidée qui m’assaille ») Un numéro des HSE à vivre comme une prière universelle de la poésie.




La forge #4, octobre 2024

Le beau liminaire de Marion Richard nous rappelle que le « mot » est un universel avec sa part d’intimité propre à chacun. Bien sûr, tous les mots n’y contribuent pas de manière identique et cela dépend de chacun. Par exemple, je n’ai pas d’imaginaire sur le mot forge, Marion, si. Elle le doit à Maupassant dont elle cite un passage qui l’a marquée : « Cette forge était comme ensevelie sous les arbres […] lueur rouge […] fracas […] ». Et voici qu’à mon tour, par elle, ce mot forge me pénètre, se charge de cette aura d’un lieu sous une feuillée et, tandis que je le goûte, se réveille en moi le souvenir de petites forges entrevues dans des médinas du Maroc ou de Tunisie (à moins que ce fut à Istanbul).

Rentrons maintenant dans ce nouveau numéro de la revue. Faut-il le rappeler, elle se divise en deux grandes parties : les poèmes venus de l’étranger, traduits et regroupés sous le titre D’ailleurs et les poèmes écrits en français qui sont rangés sous le titre D’ici. Elles sont suivies de quatre petites rubriques : L’intimité du poème qui depuis trois numéros propose des correspondances entre un poète confirmé – dans ce numéro il s’agit de Miche Camus – et un jeune poète ; Voix oubliées, consacré à Paul Valet dans cette livraison ; une rubrique La forge du poème qui réunit des textes libres ayant répondu à la double question « D’où vient le poème ? Comment vient-il ? » Enfin un Cahier critique avec quelques notes de lecture. Ainsi, cette revue se distingue par l’ampleur du paysage poétique qu’elle balaye et par son choix de privilégier la poésie en marche, celle apparue ces derniers mois, voir ces dernières semaines ; autant dire que l’essentiel des auteurs sont des découvertes, des nouveautés, ce qui exige une attention soutenue – pour moi du moins – car on évolue plus qu’ailleurs sans boussole ni compas. Pour me plier à cette exigence, je note au fil des lectures quelques phrases sur chaque poème et poète, ce qui me donne l’impression d’être un montagnard amateur cheminant avec prudence et lenteur dans des paysages de haute montagne. Ci-après, je vous partage quelques aperçus des paysages rencontrés.
Dans la rubrique D’ailleurs, je repars avec les poèmes des années 70 d’Adrienne Rich – nous y sommes entourés de guérilleros, et il y règne une forme désarroi ; Tim Bowling avec son poème Le bibliophile, pareil à une vanité du XVIIesiècle ; Mahtab Ghorbani qui m’a vu fredonner « Téhéran mon amour / mon pauvre amour […] » pendant sa lecture ;

Revue La forge #4, Editions de Corlevour, octobre 2024, 240 pages, 22 €.

Lola Ridge, avec l’incroyable plongée dans la vie d’un ghetto d’une ville américaine ; Roberto Mussapi dont bien des vers ont ralenti ma lecture comme « Chacun se berce dans un songe souvent faible et incertain » ; Antoon van den Braembussche avec sa poésie franche et claire dans ses descriptions. Dans la rubrique d’Ici, je voudrai faire place à Matthieu Messagier – dont je me souviens encore du recueil Le dernier des immobiles – avec son poème sur le moucheron qui est un régal ; Guylaine Monnier avec des poèmes sur des moments de vie entre un enfant et sa mère, leurs jeux, leurs complicité lors d’une promenade ; Etienne Raisson dont les poèmes dégagent une solitude habitée, un éblouissement fragile et prolongé – un vers a retenu en particulier mon attention : « Mais le vrai ne se terre pas. / Sans bien, il ne sauve que l’espérance des maigres feuillées. » ; Marina Skalova qui nous installe dans le quotidien d’une barre d’immeuble : « là-bas / le temps s’est figé comme la gelée de poisson » ; Clara Calvet avec sa bonhomie amère, et la gaîté gris-jaune de ses poèmes : « c’est le matin hors de soi / qui lance sa tresse / et aligne ses deux grains / de beauté / comme on montre ses filles ». Paul Valet, présenté dans la rubrique Intimité du poème, m’a tenu en éveil avec des poèmes de force, de fermeté lucide comme Sur la terre déchirée que je voudrai apprendre par cœur : « l’horreur se leva sur la terre déchirée / Comme un géant tranquille / Beaucoup beaucoup de soucis / S’envolèrent ce jour-là ». Des extraits de correspondance de Michel Camus, comme ceux parus précédemment d’Antoine Emaz, me frappe l’attention fraternelle de ces anciens envers la génération qui les suit. On méconnaît à quel point ce travail de couture intergénérationnelle est partie prenante de la poésie. Loin d’être une activité solitaire, la poésie est communautaire, sémaphorique d’une solitude à une autre. Des textes libres de la rubrique À la forge du poème, je retiens surtout l’article de Régis Lefort, La profondeur de l’immédiat. Il nous propose de méditer sur l’inspiration en suivant trois poètes : Émaz qui la définit comme l’urgence de l’immédiat, Baudelaire pour qui elle ressemble à la joie de l’enfance et Bachau qui lui prête la vertu d’un détachement du présent pour mieux répondre à des impressions inattendues et mouvantes ; ainsi que Marina Skalova, Comme un serpent, par l’originalité de ses propositions. L’article débute en signalant que les pensées volettent en nous, et dont certaines peut-être s’écraseront sur le pare-brise… la suite est à lire par vous-mêmes. Cinq recensions concluent ce numéro de la forge dont celle sur La cinquième saison de Viallebesset, par Nathalie Swan et celle sur Un manuscrit domestique d’Eugénio de Signoribus, par François Bordes, et Le parchemin illustré d’Yves Leclair par votre serviteur. Bonne lecture !




Arpa, numéro 145–146, 2024

Pour lire ce numéro, j’ai parcouru deux vieux numéros datant de 2003 et 2006. La couverture était ivoire et les lettres ombrées Arpa étaient détachées par un trait vertical. Cela m’intriguait. J’y ai relu des poèmes de Roger Munier, Hélène Cadou, Pierre Oster, Marc Alyn, un article de Bernard Grasset sur Pascal et de Jean Pichet sur Armel Guerne. Il me sembla alors que la revue m’offrait un présent sans fin tant je croyais, en les lisant, les avoir reçus la veille.

Pour ce numéro, à la superbe mise en page, comme par le passé, j’ai commencé par la chronique de Gérard Bocholier. Elle s’appelait Tout arrive, aujourd’hui Mes préférences, mais le format n’a pas changé. J’ai goûté la lettre de Christian Moncelet « en grande franchise aux laudateurs outranciers de la poésie ». Un régal qui met en jambe. Puis la traduction de Marc Sagnol d’un poème Mandelstam, Insomnie, suivi d’un poème de Robert Momeux des année 1970, de bel fraîcheur, ainsi que les quelques notes de Charles Juliet qui m’ont frappé tant elles voisinent l’esprit des moralistes du XVIIe siècle.

Ensuite j’ai repris la revue par le début. Je ne vais pas, bien sûr, citer tous les poètes que compte ce numéro, juste quelques-uns « à la volée » qui ont retenu mon attention – mais qui sait si reprenant la revue, ce ne sont pas d’autres qui attireront mon regard. Je commence d’abord et bien sûr par les traductions de David Qi de quelques poètes de la période Tang car cette poésie m’a toujours attiré ; les notes de 2024 de Jacques Robinet m’ont touché par leur simplicité, comme par exemple l’hommage qu’il rend à quelques poètes habités de la Parole : « Occasion inattendue de leur rendre grâce en cette matinée tranquille ». Il est décédé deux mois après avoir écrit cette phrase. Un paragraphe du texte de Godo a suspendu ma lecture.

Revue Arpa, numéro 145-146, Lire & Ecrire, 2024.

 

Il commence par « Prendre dans la même phrase la petite route de Max Jacob, les tréteaux d’une province, la chanson des rues et les stances de l’éternel jeune homme, la clarté cristalline du vers de Racine, les grandes orgues de l’image, le verset biblique. » Puis je me suis retrouvé avec Manley Hopkins, à ma grande surprise tant je n’imaginais pas le croiser dans cette revue – au passage, c’est l’occasion de rappeler qu’une revue relève de l’art floral, tant il s’agit d’ajuster les poètes et poèmes entre eux, pour surprendre parfois et conforter l’œil et l’écoute d’autres fois. Les cinq poèmes de Lemaire qui suivent m’ont redit combien ce poète compte pour ma vie intérieure. J’ai salué Jean-Marie Corbusier, dont on a dit des poèmes aux Estivales de Lods en 2023. Plus loin le texte de Sourdillon sur le livre m’a permis de saluer Michaux. Suit une poète que j’ai découverte, Béatrice Marchal : « Sur la voûte du métro au-dessus du pont / de Bir-Hakeim, s’incruste / Soudain, dans le cadrage de la Tour Eifel, / Le reflet de la Seine qui s’écoule ». Avec Jean-Pierre Vidal, j’ai goûté le rapprochement de maître Eckhart et Dhôtel. Étonnante tonalité (inactuelle) du poème de Grégory Rateau ; de même que les trois textes en prose d’Henri Rodier (juste avant j’ai salué Janine Modlinger que je n’ai pas recroisée depuis son recueil Éblouissements). Je lis et relis Revenance de Marie Alloy, de très belle facture Quelques pages plus loin, j’ai aimé lire dans un même élan Pfister et Bocholier. Nouvelle découverte (importante) : la poésie de Lucio Picolo traduit par Marc Fontana : « les rêveuses, lointaines ombres qui sont / derrière tes paroles cette nuit ». Le temps de prendre un café et déjà je lis et relis François Graveline et son Robinson. Je lui adresse un signe d’amicale complicité. Autre découverte : Jérôme Teissier, avec ses harmoniques verlainiennes. Arrive Charles-Olivier Stiker-Métral et, avec lui, quelques souvenirs amicaux que nous avons en commun. Je l’écoute me dire : « Faisons d’un jour / une vie entière ». Je le salue et le quitte pour me rendre au Népal avec Henri Perrier Gustin – très belle surprise. Plus loin, le poème en prose Les rues désertes de Porfirio Mamani Macedo m’étonne par la douceur de sa plainte tandis qu’il déambule dans les rues et jardins de Paris. Le poème suivant, je rage (de plaisir) devant la montée des cinq mille marches de Katmandou avec Arnaud Rivière-Kéraval – comme si je fournissais moi-même l’effort ! Depuis le sommaire, le guettai l’arrivée de Benjamin Guérin car je n’ai toujours pas son dernier recueil, Quand nous étions des loups, et je m’impatiente. Le voici enfin qui surgit sur la page. Conclusion de ma lecture : commandez sans attendre son recueil auprès de votre libraire ; sans attendre sinon les loups vous dévoreront, car « ils ont murmuré / les prosodies secrètes des poèmes à mystère. ». Suit après cette échappée un poème de Clélie Lecuelle, avec, par exemple, ce simple vers : « Il y a le feu dans les cheveux de mon enfant ». Le texte de Robert Bly sur la phrase poétique de Whitman me fut une délicieuse liqueur, laissant en bouche un arôme franc, clair et fin.  Le poème de Bly qui suit est une trouvaille. Voilà, ce dernier numéro est presque entièrement lu, du coup, je ralentis pour m’attarder sur les gravures reproduites de Lionel Barard et chine quelques idées de recueils dans les notes de lecture. Vivement le prochain numéro.