Le 30e numéro de Spered Gouez, L’esprit sauvage

Ancrée en Bretagne, la revue Spered Gouez, fondée et animée par Marie-Josée Christien, publie son 30e numéro. Créée en 1991, cette revue poétique et littéraire (aux allures de véritable livre) ne sort qu’une fois par an à l’occasion du Festival du livre de Carhaix, organisé chaque année lors du dernier week-end du mois d’octobre. « Ce numéro annuel, souligne Marie-Josée Christien, est le prolongement naturel du travail de promotion du livre et de la lecture organisée autour du festival ».

« Attention fragile ! » C’est le thème central du 30e numéro de la revue. Tout un symbole ! Sans doute pour signifier, implicitement, la fragilité des revues de poésie, mais surtout pour « inviter à porter regard et attention à la précarité de notre existence individuelle mais aussi à la fragilité de l’humanité », note Marie-Josée Christien. Pas moins de trente auteurs ont « planché » sur ce thème de la fragilité en proposant leur regard personnel.  « De temps en temps/esquisser un pas de danse/pour consolider/le fragile équilibre/qui me tient debout », écrit ainsi la poète Chantal Couliou. De son côté, Jean-Luc Le Cléac’h a recours au haïku pour l’exprimer : « Elles grelottent/sous la pluie et le vent/les feuilles du camelia blanc ».

Mais la revue Spered Gouez c’est aussi un grand nombre de rubriques reprises fidèlement dans chaque numéro : « Escale », « Mémoire », « Points de vue », « Chroniques sauvages » et aussi entretiens avec des poètes sous le label « Tamm-Kreiz (référence au temps médian d’une gavotte). Dans ce numéro 30, la place belle est faite à Anne-José Lemonnier, dont l’interview a été réalisée simplement quelques mois avant sa disparition brutale au mois d’août dernier dans son jardin, à Saint-Nic à l’entrée de la presqu’île de Crozon (Finistère). A la question « A quoi associes-tu la poésie ? » que lui posait Marie-Josée Christien, elle avait répondu : « J’associe la poésie à la marche. Ce sont les deux valves du même cœur, les deux pieds du même corps, les deux yeux du même visage, l’émotion et la pensée en osmose vers une sagesse qui génère la paix intérieure ». Anne-José Lemonnier venait de publier Le cap en octaves aux éditions Diabase.

Spered Gouez – L’esprit sauvage, N°30, octobre 2024, 142 pages, 16 euros, illustrations en couverture et intérieur : Laurent Noël. La revue peut être commandée à l’adresse suivante : spered.gouez@orange.fr

Dans la rubrique « Mémoire », on retiendra la présentation par Ronan Nédélec de l’œuvre intégrale du poète, écrivain et peintre Yves Elléouët (1932-1975) qu’il préface et annote dans une série de sept ouvrages à paraître aux éditions La Part Commune. De son côté, le poète Louis Bertholom propose, dans la rubrique « Escale », une interview de Roger West, poète écossais et performer punk qui vit actuellement dans l’Hérault. Quant à Yannick Pelletier, c’est la figure de Max Jacob qu’il évoque sous le titre « Le Breton errant ».

La revue fourmille enfin de notes de lecture, principalement sur des livres de poésie. Mais pas seulement puisque, dans ce numéro 30, trois auteurs proposent leur regard croisé sur le dernier roman de Marie Sizun, intitulé 10, Villa Gagliardini(Arléa). Marie-Josée Christien s’attache aussi à faire état, comme elle s’y emploie dans chaque numéro, du contenu de plusieurs revues de poésie. Dans l’édito de ce numéro 30, elle évoque les « passages de flambeaux » dans le monde de l’édition ou les revues de poésie « qui risquent de s’éteindre s’ils ne sont pas transmis à la génération suivante », notant avec justesse « qu’il y a davantage de cessations d’activité pour des raisons économiques qu’en raison de l’âge de leurs responsables ». La revue Spered Gouez, elle, continue son petit bonhomme de chemin.




Les Hommes sans épaules, numéro 57 : Poètes breton pour une baie tellurique

C’est un très vaste paysage de la poésie bretonne que nous dresse ce numéro de la HSE : 33 poètes auxquels on peut ajouter sans erreur des poètes présentés dans les rubriques Porteurs de feu ou Ainsi étaient les Wah inséparables de ce coin de terre, comme Perros, Delabarre et Kenneth White, ou encore Guy Allix, Emmanuel Baugue (quoiqu’un peu Normand), ou André Prodhomme (quoique d’un peu partout). Pour chacun, nous avons droit à une présentation du poète et de son œuvre, marque de fabrique inégalée de cette revue.

Rappelons à cette occasion qu’il n’existe pas d’autres revues (en ligne ou pas) ayant une connaissance aussi intime, si j’ose, d’un si grand nombre de poètes, en particulier ceux nés entre les années 1920 et 1950. Par exemple dans ce numéro, les présentations de Guillevic, Manoll, Robin, Grall, Glemnor, Cadou – pour ne citer qu’eux – méritent d’être lues pour elles-mêmes. Cela rappelé, penchons-nous sur le dossier « Poètes bretons pour une baie tellurique ». Il y a une évidente volonté d’équilibre entre poètes connus, méconnus ou inconnus tout comme entre des poètes du début, du milieu ou de la deuxième moitié du XXe siècle. Evidemment, on lui reprochera - moi le premier ! -  tel ou tel auteur absent (pourquoi ne pas avoir retenu Gilles Baudry ? Charles Le Quintrec, qui pourtant publia son Village allumé chez Saint Germain des Prés ?) Mais je concède que le paysage est déjà considérable et qu’il est bon qu’il y ait quelques « injustices » pour ranimer la levée de bocks ou de ballons pris en commun. Que ressort-il du paysage dressé ? On retrouve une très bonne illustration des grands courants poétiques bretons du siècle écoulé avec la mise en avant des très singulières années 70 et 80, qu’on peut résumer au conflit qui opposa la génération de Jack-Helliaz à celle de Grall, le premier avec son cheval d’orgueil et le second avec son cheval couché. On retient également cette tresse, que je crois propre à la Bretagne, qui rassemble une poésie ancrée, privilégiant plutôt une forme de dépouillement, une poésie « bardique », volontiers vindicative et pamphlétaire (voire guerrière), et qui aime à être mis en musique, et une poésie druidique attirée par le merveilleux et l’alchimique qui plonge volontiers dans la veine surréaliste (ce qu’affectionne particulièrement notre revue). L’élément qui réunit ces trois courants, hormis la Bretagne elle-même, c’est la place incontournable du minéral (le granit, le mica, etc.), pour ne pas dire le tellurique comme le pointe si justement le titre du dossier.

LES HOMMES SANS ÉPAULES N.57 : POÈTES EN BRETAGN, Collectif, avril 2024, 350 pages, 17 €.

M’a frappé également, à la lecture du dossier, la relative étanchéité qui règne entre la poésie de l’Argoat et celle de l’Armor. Il semble bien qu’en Bretagne deux univers poétiques distincts se côtoient sans se confondre, ainsi que les paysages et les modes de vie. Enfin, et bien sûr ajouterai-je, le dossier permet de mesurer la solide et féconde richesse du terrain éditorial breton grâce au dévouement de quelques maisons d’éditions (pas forcément bretonnes), d’associations culturelles et artistiques très actives (comment ne pas citer « les rencontres de Max ») et de quelques figures tutélaires qui ont su jouer un rôle de découvreur ou de rassembleur (Grall, Guillevic, Brémont, Christien et Geneste aujourd’hui). Pour conclure, et picoter d’iode l’ami Christophe Dauphin, après avoir lu son passionnant édito, je me suis demandé si ce n’était pas un article pro domo pour la poésie… normande.




Arpa, numéro 144, juin 2024

Ce qu’on goûte dans une revue, c’est à la fois de retrouver quelques auteurs qu’on connaît et d’en découvrir de nouveaux. Dans la première catégorie, j’ai pris plaisir à retrouver Pascal Boulanger (que je quitte rarement des yeux), à lire de nouveaux poèmes d’Alexis Bardini dont j’avais apprécié le recueil Le vent qui porte les pollens et bien sûr à vivre en poésie les hommages rendus à Anne Goyen, et Goffette. Au rayon des auteurs découverts, Jean Lavoué m’a beaucoup marqué – il est sûr que je n’en resterai pas là. Les deux poèmes de Raul Sebastian Baz, poète roumain, sont intrigants, celui de Thibault Chavez d’une belle tenue. Les textes de Gaultier Roux tirés de sa résidence d’écriture à Shanghai surprennent par leur diversité. La chronique de Bocholier, comme celle de Ughetto dans Phoenix sont des guides vigilants de ce que le premier nomme « le tourniquet des nouveautés ». Saluons la nouvelle couverture et la mise en page de la revue particulièrement élégante et soutenant la lecture.

Arpa, numéro 144, juin 2024;




Possibles, numéro 33, septembre 2024, Carnet II

En proposant un numéro sur les carnet, journaux et correspondance, Possibles nous invitent à un étonnant voyage tant par la diversité des auteurs (de Flaubert à une Jeanne réellement anonyme), que par les années traversées (du XIXe à l’aujourd’hui le plus proche) ou encore par la diversité des textes mis en avant ; on passe de la prise de notes sur le vif (qu’il est émouvant ce journal de Pergaud durant la Première Guerre mondiale), à d’autres textes relevant de l’échange gouailleur, du journal intime à la méditation apophantique (les extraits des carnet de Tison m’ont beaucoup intrigué) ou encore les pages d’un quotidien égotique qui, par reflet, rendent assez bien compte de la perception des temps présents par un lettré y vivant – quelque chose qu’il juge assez plat et ennuyeux. D’autres surprises concluent le numéro, dont deux textes de prose de François Migeot.

Possibles, numéro 33, septembre 2024, Carnet II, 146 pages, 16 €.




Revue Ce qui reste, revue de poésie contemporaine

Ce qui reste est assurément ce qui restera lorsque toutes les revues se seront tues. Cette revue numérique est belle, épurée grâce à un design aérien et à une charte graphique moderne qui rendent palpable l'immatérialité essentielle de la poésie, Ce qui reste du langage lorsque mis en demeure de ne plus rien vouloir dire il signifie enfin la parole universelle   de l'Humain.

La revue Ce qui reste est coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, qui, rappelons-le, a sauvé Recours au poème après le piratage dont elle a été victime, et n'hésite pas à mettre ses nombreuses compétences au service de la poésie et de la Littérature. Elle a été créée et dirigée pendant plus d'un an par Vincent Motard-Avargues, qui a lui-même veillé sur Recours au poème durant des années. Son nom est d'ailleurs extrait de son recueil Si peu, tout.

Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres.

Revue Ce qui reste, https://www.cequireste.fr/

Le lecteur qui arrive dans ce lieu de ressourcement poétique découvre un menu sobre, sans autre ambition que celle de mettre à la Une un-e poète, dont la présence apparaît dès l'accueil, sur un écran aux teintes qui épousent la couverture du recueil dont on peut découvrir des extraits, afin de conserver à l'essentiel du poème la place entière qu'il lui faut pour déployer ses potentialités salvatrices. 

Pages du recueil Le mouchoir suivi de Les cailles d'Ilìas Papamoskhos,Frédéric Jacquin,Myrto Gondicas consultable sur Calaméo, dans la revue Ce qui reste, https://www.cequireste.fr/le-mouchoir-suivi-de-les-cailles/

 

Autre cadeau, un accès à Calaméo avec lecture possible du recueil ou d'une partie de celui-ci correspondant aux extraits. Le visiteur peut ainsi appréhender dans sa globalité le travail du poète, de l'artiste, le percevoir dans un autre contexte que celui de l'écran (il apparaît dans un livre), et lier ainsi le fragment qui lui est offert à son tout, qui bien souvent demeure essentiel à la constitution d'une globalité sémantique.

Presque invisibles, les directeurs de publication ne sont là que pour disparaître derrière les voiles savamment articulés de pages reposantes, fluides, larges et à l'ergonomie rationnelle sans être lourde, pragmatique sans se déposséder de cette essentielle beauté que l'on trouve dans l'Art, qui n'est autre qu'un chemin vers la matière universelle de l'Humain. A l'image de Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, qui oeuvre dans l'ombre et demeure une présence indispensable à la diffusion et à la promotion de la poésie, et de Cécile A. Holdban, qui montre désormais le chemin affirmé d'une présence nécessaire, cette revue est Ce qui reste lorsque rien ne restera d'autre que le poème. 




Entretien avec Alain Wexler, créateur et directeur de publication de la Revue Verso

Depuis sa fondation en 1977, la revue de poésie Verso conserve une authenticité et une originalité qui ne s’usent pas et que renouvelle Alain Wexler, au fil de ses prologues et thématiques directement inspirés par les textes qui lui sont envoyés : Question d’angle (140), Bois profonds comme la mer ( 190), Le chant du monde (193), L’air, les mots (195), Espace-temps pour le tout dernier numéro.

Il compose ainsi chaque numéro avec minutie, exigence et générosité, un tour de main singulier de poèmes et de lignes tissées pour réunir, pour que se rencontrent les poètes.

Verso, c’est une longue histoire, celle avant tout d’un homme passionné, et cette histoire s’imprime dans les pages de la revue, lui donnant un souffle incomparable.

Alain Wexler, tu es le maître d’œuvre, le créateur de la Revue de Poésie Verso. Dans un tout premier temps, pourrais-tu nous dire ce qui t’a motivé à créer cette revue, sous quelles impulsions, dans quels objectifs ?
C’est Claude Seyve, un ami, qui en a eu l’idée en 1977. Il y avait des éditeurs à Lyon mais pas de revue de poésie. Le but est resté le même aujourd’hui : publier des jeunes poètes ou moins jeunes. Créer des événements, par exemple à Theizé en Beaujolais où, plusieurs années de suite, des auteurs et des lecteurs de poésie ont pu se rencontrer. Ce fut grandiose. Le lieu s’était déplacé à Villefranche, dans sa grande bibliothèque, à l’initiative d’un élu de la municipalité, mais ce dernier, n’ayant pas été réélu, les rencontres cessèrent. Cependant les lectures que j’organise depuis 2004 à la salle Bourgelat à Lyon en sont la suite.
Plus largement, est-ce que tu serais d’accord pour nous raconter l’histoire de cette revue, ses débuts et son évolution aujourd’hui, "les grands moments" et peut-être les difficultés rencontrées ?
En 1984, Claude Seyve abandonna la direction de la revue. Moi-même, à cette époque-là, j’en étais le trésorier. Ce qui facilitait la gestion matérielle, technique surtout, puisque dès le début nous imprimâmes la revue nous-mêmes. D’abord en typo avec du matériel Freinet, une presse à épreuve, puis pour gagner du temps, avec une presse offset Rotaprint d’occasion. Chaque feuille était ensuite reproduite avec un clicheur offset Copyrapid Agfa. Le film obtenu posé sur une plaque  alu passait dans un bain de développement puis entre deux rouleaux. La mise en pression entre ces deux derniers suffisait à décalquer le texte sur la plaque. J’ai travaillé ainsi pendant plus de 20 ans. Le matériel Freinet fut abandonné assez vite grâce à une machine à écrire à boule Olivetti, celle de Joseph Beaude. En 1984 je fis l’acquisition d’une presse Multilith d’occasion. Une vraie presse, pas une toque ! Que j’ai gardée 19 ans. Cette année-là, la revue devint un collectif. La publication des jeunes poètes  ne fut plus une priorité. Il y eut de nombreux n° spéciaux, tous très intéressants, j’insiste là-dessus. Le comité de rédaction comprenait : Patrick Ravella, Patrick Dubost, Christian Degoutte, Andréa Iacovella, Cyrile Louis,  Isabelle Pinçon, Serge Rivron, Maryse Dru, Claude Seyve, Joseph Beaude, Serge Rivron et moi-même. Je dois ajouter Gabriel Vartore-Neoumivakine et Christian Moncel. Ces nouveaux choix nous firent perdre beaucoup d’abonnés. Le groupe éclata. En 1984, 180 abonnés. En 1995, 60 abonnés. Me retrouvant seul aux commandes, je revins à l’orientation des premiers jours de la revue : publier les jeunes poètes. Jeune n’est pas à prendre à la lettre. Quelqu’un qui n’a encore rien publié. J’expliquais ou du moins j’essayais de le faire, la perte des abonnés, à cause des  n° spéciaux. Si ceux-ci sont trop nombreux, le délai de publication des auteurs s’allonge considérablement, ce qui use la confiance dans la revue. Si une revue est subventionnée, cela n’a pas trop d’importance mais Verso ne l’est pas. Elle n’en a pas besoin. Je la fabrique de A à Z. Ceci est important car le jour où l’on perd une subvention, c’est un gouffre qui s’ouvre sous vos pieds.
J’ai pu néanmoins obtenir des petites subventions pour le Salon de la Revue. La table coûte cher mais le bénéfice moral et financier que l’on en tire fait oublier ce détail !

Le chaos, texte de Manolis Bibilis, lu par Alain Wexler. filmé par Yasmina Ben Ahmed.

Tu assures donc intégralement la conception de la revue, l’impression, la reliure, la maquette, la diffusion, Il s’agit là d’un engagement important. Pourrais-tu nous parler concrètement de l’ampleur de ce travail ?
J’y fais allusion ci-dessus ; il faut penser à tout. Le papier d’abord, l’encre, les produits de nettoyage, les plaques offset, les films car en 2004 je passai à l’informatique pour la reproduction des textes. Le fichier informatique grâce à l’imprimante post script 3 devient un film placé sur la plaque avant l’insolation. La machine s’appelle un chassis. 6 lampes UV au fond. On fait pivoter le plateau du côté des lampes. 3 min d’insolation. La plaque est ensuite révélée dans un bain qui a les propriétés de la soude caustique. Gants obligatoires ! La plaque est enduite de gomme arabique ou produit équivalent, sinon elle s’oxyde ! Puis l’impression. Là, je mets la casquette du conducteur d’offset. C’est le travail le plus complexe mais passionnant. 6 types de pression à vérifier en permanence. Compte-fil obligatoire. Cela nous ramène à la gravure. La même année, je fis l’acquisition d’une presse Hamada 500 CDA. Sortie à chaîne, poudreuse, barres antistatiques. C’est une machine fidèle. 20 ans de services. Je la bichonne ! Elle le mérite.

Revue Verso, n°186, septembre 2021, http://revueverso.blogspot.com/2021/

Qu’est-ce qui détermine les choix de la thématique, et l’orientation des contenus de la Revue : le choix des poèmes, les notes de lecture, les entretiens, les chroniques.... Et puis l’attention aux poètes qui ne sont pas encore édités, de même que la découverte de jeunes lecteurs ?
Le thème apparent n’est qu’un thème débusqué après l’assemblage des textes reçus par la poste et rangés dans des enveloppes soigneusement datées, donc en attente. Ce serait une idée commune aux auteurs. Ce qui demande une lecture très attentive de tous les textes rassemblés. Ceci est possible parce que je ne fais pas d’appel de textes. On m’en envoie assez, même beaucoup. Je pense que les auteurs qui sont aux prises avec un réel partagé peuvent faire des analyses communes, ce qui expliquerait ces thèmes sortis d’un chapeau ! Quelques précisions toutefois : je pars du principe que nous sommes aux prises avec un réel changeant, les organes médiatiques sont là pour le répercuter, qu’il s’agisse d’événements sociaux, culturels, internationaux etc. Ou toute autre chose. Cela reste dans la mémoire des gens et à plus forte raison chez des gens qui écrivent des textes de création. Cela peut laisser des traces dans leur écriture au même moment ou presque. J’écrivais dans mon introduction au n° 67 : « Que des textes répondent à des critères établis d'avance n'est pas sans rappeler ces combinaisons dues au hasard, qui, elles aussi répondent à des règles ».
Notre langage crée le jeu. Bien qu'il y ait un départ et une arrivée, le CENTRE est partout. A la source des mots. » Voilà de quoi disserter ! L’espace est immense, on ne peut que s’y perdre !
Je reçois quantité de livres de styles différents. Je n’ai que l’embarras du choix !
Les Entretiens m’ont été conseillés. Peu de temps après, au Salon de la Revue, aux Blancs Manteaux, j’en informe Christophe Dauphin qui me présente alors à quelques mètres de lui Carole Mesrobian, enchantée par ma demande. Tout dialogue apporte de la connaissance, à plus forte raison entre un auteur et un autre, je ne mets pas d’étiquette. C’est comme la visite d’un lieu aux multiples trésors, il faut qu’on nous les montre sinon nous ne les verrons pas. A plus forte raison s’il s’agit de livres. Cela excite la curiosité. Par exemple Ian Monk explique la sextine inventée par Arnaud Daniel au 12 ème siècle ! A lire dans le n° 197. Annie Hupé ne l’ignorait pas puisqu’elle était l’auteure de la sextine présente page 58 dans le n° 196 de Verso !
Le cinéma, c’est Jacques Sicard qui me proposa cette chronique. Il la tint pendant très longtemps… Je ne demande rien, on m’offre tout sur un plateau. C’est presque vrai. La fréquentation des salons fait le reste ; les amis. Les auteurs publiés jouent un rôle également. L’association lyonnaise Poésie Rencontre en a joué un aussi et de taille ! Gratte-Monde à Saint Martin d’Hères. Quant à la Cave Littéraire à Villefontaine, elle fut présente dès les débuts de la revue. Elle nous fit rencontrer Bernard Noël à plusieurs reprises. Le Salon de la Revue est un de ces lieux magiques où les distances sont abolies. Vous rencontrez des roumains, des grecs, des russes et j’en passe. Paris c’est aussi cela, un grand salon !

Revue Verso n°197, Juin 2024, http://revueverso.blogspot.com/2024/

La relation que tu entretiens avec les lecteurs de la revue me semble importante, ne serait-ce que par les soirées de lectures poétiques que tu organises et qui sont régulièrement et massivement fréquentées. Comment s’articulent le projet de la revue et les relations que tu entretiens avec les lecteurs. Comment les lecteurs te parlent-ils de la revue, et quelles fonctions semble-t-elle avoir pour eux ?
Cette relation semble se préciser depuis peu de temps, par exemple : Gabriel Zimmermann, Samuel Martin-Boche, Vincent Boumard, Hélène Massip qui récemment ont montré l’intérêt qu’ils prenaient pour certaines orientations dans Verso. Cela fait principalement référence à l’humanisme. Vaste sujet ! J’avoue toutefois ma solitude devant tous les choix à faire dans la revue. La qualité du texte prime, mais quel jugement dans ce domaine peut prétendre à l’objectivité ? Tout dépend de la culture personnelle, du hasard des rencontres, des voyages que l’on a faits, de sa propre expérience de création. La Grèce, la Bretagne, l’Italie. Les peintres du quatrocento.  Les dessins de la Minotauromachie de Picasso que l’on peut voir aux Pays Bas dans un musée perdu au fond d’un parc ! Premier jet de Guernica. Cela compte énormément pour moi. Mes voyages à vélo n’y sont pas pour rien ! Dont celui que je fis aux Pays Bas. Mon panthéisme fait le reste… L’art roman, Pascal, Spinoza, Rousseau, Kant, Bachelard, les présocratiques surtout ! A ce sujet, une remarque : on m’a reproché lors d’une soirée de lecture à Paris, d’avoir publié un tel ou une telle et on me conseillait de me référer à une sorte d’ « agence » où je trouverai des auteurs de bonne qualité. Est-il besoin de faire des commentaires ?
La revue semble ravir pas mal de lecteurs, notamment pour la diversité des styles. Autant de dédales où ils aiment se perdre. Ou se retrouver. Car pour se retrouver il a fallu se perdre ! C’est de cette façon que je fonctionne.
Je tiens encore à préciser le rôle immense que joue la revue des revues que Christian Degoutte a nommée En salade. Elle ouvre un champ illimité sur la vie des revues et des auteurs qu’elles publient. Cela crée des relations, des découvertes. C’est en se frottant aux autres que l’on fait des progrès, la connaissance avance de cette manière. Certains abonnés lorsqu’ils reçoivent la revue vont directement à la Revue des Revues !
Tu as fait allusion aux numéros spéciaux. Tu pourrais nous en présenter quelques-uns.
Un numéro en Eté 1988 sur la Poésie allemande marqué par l’après-guerre : 40 ans de poésie en Allemagne de l’ouest avec 15 auteurs. Nous n’avions pas repris la numérotation de Verso. C’était le n° 14 de Matières. Ce changement de titre ne durera pas. Il fut nécessaire suite à la fusion de Verso avec Alimentation Générale en 1984. Présentation et traduction de Roger Sauter.
Vahé Godel n° 68. Entretien avec André Miguel et Jean-Marie Le Sidaner. Tous les sujets sont abordés dans ce n° y compris le drame arménien. La question de l’écriture aussi, parce que celle de Vahé Godel se situe entre prose et poésie et que cela se mêle.
Oxford Poetry n° 71,  proposé par William Leaf. Traductions de Sally Purcell. Réalisation de Andrea Iacovella.  Illustrations de William Leaf.
Poésie allemande au Tournant n° 72 : poèmes choisis et traduits par Raoul Bécousse. Les textes sont pour la plus grande partie d’auteurs de la RDA. Ce tournant, c’est la réunification. L’enthousiasme fut vite refroidi à cause des choix économiques de la RFA mais cela n’est un secret pour personne.
Le cochon, n° 73 : une collection d’auteurs impensable. Dessins de GEZA KRIEG. N° fondamentalement érotique.
Tarzan, n° 77. Distribution étonnante dont à ma grande surprise je fais partie. Je l’avais oublié. Je placerai ce texte qui chahute dans mon prochain livre. Il n’y sera pas dépaysé ! Allons au bois, c’est son titre et ici le chat devient une forêt...
Mise au poing n° 80, inspiré par la boxe. Un numéro qui frappe !
La poésie chilienne contemporaine présentée par Adriana Castillo de Berchenko, n° 83. Ce n° a vu le jour au cours d’un repas entre amis à Santiago.
Verso reçoit le Collège de Physiologie Subjective Appliquée. C’est le n° 84. C’est un pastiche des sociétés savantes. Je l’ai imprimé en 1996. Numéro désopilant !
Il y eut ensuite un numéro sur la poésie marocaine et un autre sur  la poésie algérienne avec des photos de Josette Vial. Ce numéro fut agencé par Arezki  Metref que j’avais rencontré à Rodez lors des journées de poésie en mai. Il est encore disponible
Rendez-vous sur le blog de la revue : http://revueverso.blogspot.fr

Présentation de l’auteur

Alain Wexler

Alain Wexler, poète, est né à Ambert dans le Puy de Dôme. Il dirige et imprime la revue Verso depuis 1977. Il vit dans le Beaujolais et se partage entre le travail pour la revue et les régions qu’il aime parcourir à vélo ou à pied (Grèce, Auvergne, vallée de la Loire…).

Il anime régulièrement des lectures de poésie à Paris et à Lyon.

Bibliographie 

Récifs (Le dé bleu, 1985).
Tables (Le dé bleu, 1992).
Nœuds (Le dé bleu, 2003).
Échelles (Éditions Henry, 2009).
La tentation (Editions Henry, 2018).

Poèmes choisis

Autres lectures




Alain Wexler nous parle de la revue Verso

 Tout ce que l’on doit savoir sur Verso

 La technique d’impression !

Verso a été fondé en avril 1977 par Claude Seyve et moi-même. Nous composions les pages avec des composters et des polices Freinet et les tirions à la main sur une presse à épreuves Freinet également. La reliure était faite avec du fil et une aiguille ! La revue n’était pas très épaisse. Nous tirions 5 n° par an.

Plus d’un an après nous fîmes la connaissance de Joseph Beaude qui nous proposa de taper Verso sur sa machine à boule électronique. J’achetai ma première presse offset d’occasion. Une vieille Rotaprint ! Le vendeur me fit connaître le procédé Agfa Copyrapid. Une feuille tapée à la machine à écrire, insolée reproduisait son image sur un film qui à son tour se décalquait sur une plaque offset spéciale, film et plaque passant entre deux rouleaux presseurs dans un bain de révélateur. J’ai travaillé de cette manière jusqu’au n° 107.

Le n° 109 a été le premier issu de films ou transparents tirés directement à l’imprimante à partir d’un fichier informatique. Ces films sont imprimés à l’envers de sorte que le côté émulsion du film se trouve collé contre la plaque offset au moment de son insolation par 6 lampes U.V. pendant 3 minutes environ. La plaque est développée dans une solution proche de la soude caustique, puis rincée et gommée, c’est à dire enduite de gomme arabique pour la protéger de l’oxydation. Il suffit de la rincer à l’eau courante et de l’égoutter pour s’en servir, c’est à dire de la caler sur le cylindre porte-plaque de la presse offset.

Revue Verso

Verso, revue de poésie trimestrielle

Abonnement : 22 € par an à l'ordre de Verso
Alain Wexler 547 rue du Genetay
69480 Lucenay
Prix du numéro : 6 €

Cette dernière possède de nombreux rouleaux encreurs dont un qui va déposer de l’encre sur la plaque. Celle-ci deviendrait toute noire si un rouleau revêtu d’un manchon textile, genre serviette éponge, ne l’humectait régulièrement. Cela s’appelle le mouillage. L’offset, c’est de l’encre et de l’eau. Le procédé d’imprimerie le plus souple et le plus économique qui soit.

J’ai connu 3 presses offset avant la Hamada 500 CDA que j’utilise depuis le n°108. Dans l’ordre : une Rotaprint, une Abdick et une Multilith.

La reliure

Verso a été agrafé jusqu’au n° 130. Verso devait s’agrandir. Il lui fallait un dos carré collé !

La relieuse manuelle Fastbind, matériel finlandais, allait le permettre. Faire la reliure est aussi pointu que d’imprimer. D’autant que cette relieuse laisse beaucoup de place à l’initiative personnelle ! Dans la limite des 7 secondes dans l’absolu, temps de refroidissement de la colle à partir du moment où elle est étalée sur le dos de la liasse et l’instant où la couverture est rabattue dessus et mise en pression. Vu comme ça, cela paraît simple. Cela le devient après 10 ans de pratique ! Avec du papier bambou de 250 grammes il faut 23 secondes de pression sinon gare aux grimaces diverses ! 10 secondes suffiraient avec des couvertures de plus faible grammage. Par exemple 150 grammes. Je vous fais grâce de toutes les opérations préliminaires, les différentes coupes des piles de liasses imprimées, de l’impression de la couverture qui prend une journée de travail. Du pliage des couvertures dont la réussite de la reliure dépend totalement.

La poésie

Claude Seyve voulait appeler la revue Louisa, allusion au passé ouvrier anarchiste de la ville des canuts : Lyon.  Je lui ai dit : on va ouvrir un dictionnaire au hasard plusieurs fois jusqu’au bon titre. Ce qui fut fait. Verso, l’envers des choses, de l’autre côté du miroir. J’éprouvais une véritable passion pour Lewis Caroll. Je n’ai pas changé.

Nous choisissions Claude Seyve et moi les textes reçus par la poste. Plus tard, lorsqu’un comité de lecture fut institué, nous fîmes la remarque tous deux que les textes qui nous plaisaient été évincés.

Lorsqu’en 1998 je me suis retrouvé tout seul pour réaliser Verso j’ai renoncé au comité de lecture et appliqué les règles qui étaient en vigueur les premières années de Verso. C’est à dire publier les jeunes poètes ou moins jeunes ! Sur la base de la qualité de l’écriture seulement sans aucune référence à une mode quelconque. Ce sont ces poètes-là qui seront connus demain. D’une manière plus générale j’affirme que c’est le poète ou l’artiste qui crée la nouveauté ou l’idée du moderne. Pas des instances diverses dont le pouvoir m’est de plus en plus insupportable.

Les textes sélectionnés sont rangés dans des enveloppes datées et publiés par ordre chronologique.

Dans la revue je les dispose dans un ordre qui dépend du titre. Résultat d’une analyse presque surréaliste ! Les premières pages sont celles qui répondent au plus près du titre découvert. Les textes s’enchaînent grâce à des charnières : une idée, un mot suffisent.

L’organisation de la revue

Le prologue : L’analyse des textes qui aboutit à un titre comme si un appel à thème avait été lancé se poursuit dans un prologue. C’est un méta-texte où je combine des idées relatives au titre et des extraits des textes publiés. Le produit obtenu tend vers un texte autonome. Il doit en théorie montrer une forte unité. Le lecteur ne devra pas s’étonner si des petites scènes de la vie courante s’y glissent. Non sans rapport avec les textes publiés ! Le sel de la revue !

Notes sur les auteurs :

Chaque auteur publié a droit à une présentation biobibliographique.

Les chroniques : 

Quelquefois le lecteur a la chance de trouver la chronique lyonnaise de Marinette Arabian. J’ai habité pendant 15 ans le même quartier qu’elle dans le 3ème : Montchat. Ses chroniques dépassent de loin la rubrique de quartier.

Miloud Keddar assure une rubrique artistique mais tient à voir ses poèmes publiés dans ce cadre. Le point commun est une réflexion sur la création.

La revue des revues :

Christian Degoutte la nomme : En salade. La plus importante revue des revues en France. Je sais qu’elle est très lue.

Les lectures :

Valérie Canat de Chizy, Jean-Christophe Ribeyre et moi-même recensent un maximum de livres. Gérard Paris aussi.

Notes, chroniques et lectures occupent environ 30 pages de la revue.




La revue AYNA

À l’heure actuelle, il n’existe pas sur le web français de site spécialisé qui fasse connaître la poésie turque contemporaine. Le public français a de plus en plus d’intérêt pour les romans turcs, l’augmentation du nombres de romans traduits en français le montre, mais il ne dispose pas de suffisamment d’ouvrages pour avoir un aperçu de la création poétique turque.

Ayna signifie miroir en en  turc. La revue se veut en effet le miroir de la poésie turque en direction du public francophone. Le fait que la revue Ayna soit  en version bilingue franco-turque et qu’elle présente les textes en langue originale lui donne également la vocation d’être un lieu miroir entre les langues et les cultures.

Ayna est une revue qui permet à tous, francophones ou turcophones, d’avoir accès à un panel de poètes contemporains reconnus. Elle a été créée en 2013 par Claire Lajus, traductrice et poète.

Cette revue numérique est gratuite et met en ligne des poèmes originaux, leurs traductions, leurs enregistrements sonores et des entretiens avec les poètes. Elle met également à disposition du public l’actualité des événements poétiques en Turquie et donne des focus sur certains poètes ou ouvrages.

Vingt  poètes sont actuellement présentés dans la revue. Des lectures publiques sont aussi organisées pour apporter la parole des poètes au plus près des gens.

Ayna a pour objectif à moyen terme de présenter une base de données suffisamment importante pour constituer un espace de référence pour toutes les personnes intéressées par la poésie turque.




Quatre revues poétiques

 

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L’Etrangère n°37 honore la mémoire d’un écrivain belge tôt disparu, François MUIR (1955-1997), né Jean-François de Bodt,  poète qui a beaucoup écrit pour, dit-il, « me défendre contre moi-même ». Dans ce souci testamentaire, il se rappelle la métaphore artaudienne « athlète du cœur » qu’il souhaite, une fois mort, qu’on lui applique désormais (p.33)

« L’Infamie de la lumière » fait preuve d’une économie stylistique, où le lyrisme s’exerce corseté par une rigueur toute stoïcienne :
« Festive elle s’échappe, l’air laisse le jonc
Lèvres courbes, chasse-la, l’ancienne course, gale de l’informe
Qu’elle monte, qu’elle descende, baise le tranchant
L’or en bouche, laisse pieds et mains
Accroupi, donné en cercle, erre et fouille le sol » (« Ombre lente, ombre-lien » (p.11)

Stéphane Lambert (auteur d’un bel essai sur Muir) évoque le manifeste de son jeune auteur (« Pourquoi je suis écrivain »).

La revue-livre, livraison 37, féconde de ces 156 pages, propose encore des études de Jean-Patrice Courtois, qui tente d’appréhender le terroir-intérieur de Muir, comme la conscience qui se livre en paysage et tisse le « parler loin » et la présence de l’autre qui comble vide et vanité.

« Le poème se fait donc scène de l’Autre »

« Le plissement, / Les rives de la vacance, transition/ de l’Autre, limites de l’effraction » (p.60)

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Les Hommes sans épaules n°39 rend mémoire à l’immense Alain BORNE, l’auteur de « Cicatrices de songes » (1939) et autre « Contre-feu » (1942).

De l’ami fidèle (il dit de lui-même : « En amitié, il a quelque chance. Il croit avoir su rester fidèle à quelques êtres qui lui sont restés fidèles. (…) Il les a choisis avec ce mélange de lucidité et de passion qui le caractérise – croit-il – et il se tiendra à son choix quoi qu’il découvre en eux » (p.136), la revue propose un large choix de poèmes intenses (« Chambres taillées dans le soleil » (p.143) :

« J’entendrai mille pas avant d’aller dormir
bénir mon seuil d’inconnu jamais le vôtre
jamais sur ma porte votre ombre ne vous parodiera… » (p.145)

Christophe Dauphin éclaire le parcours de Yusef Komuniyakaa, marqué par la guerre du Vietnam (« Dien Cai Dau », 1988). « C’était un lieu de flux émotionnel et psychologique où l’on essayait de donner un sens au monde et d’y trouver une place », dit le poète à William Baer dans « Kenyon Review », p.185.

Beaux poèmes de l’excellent Claude VIGEE (« Parler/ palper : / connaître en caressant »), du non moins remarquable  Lucien BECKER de l’Ecole de Rochefort (« Dans la plupart des chambres, un homme/ dont le sang veille comme l’eau sous la glace/ n’est plus qu’une épave au milieu de sa vie/ avec parfois, mal entendu, l’écho d’un rêve » (p.23)

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La haute revue N47, en est déjà à son numéro 27.

Le sommaire propose dans la section « Pleins formats » (pp.5-25) quatre noms : Michel Bourçon, Sylvie Loizeau, Ariane Dreyfus et Pierre Soletti, avec les trois pages imposées. Chaque poète est brièvement présenté par Antoine Emaz et Christian Vogels, rédacteurs de la belle revue.

La poésie discrète et ombriste de Bourçon ouvre en lui « une fenêtre » pour saisir « un sens à tout ce qui nous entoure » et « les mains ne rallient plus ce que nous sommes » et « les jours se répètent…à traîner jusqu’au soir où les mots vont paître en tête et les mains protéger la flamme d’un être aimé » : c’est très beau, très fin.

La section « Plurielles » (pp.31-76) : une anthologie de voix diverses où l’on pointera le travail original de la Roumaine Doina Ioanid (« Son cœur tire la maison derrière lui »), celui de Mathias Lair ou encore la diatribe terrible contre « nos mères » de Eric Martinet, véritable assaut verbal : « nos mères…trompées…battantes…cocottes…complexées…rougeaudes…chiantes… »

Présentation très élégante pour 108 hautes pages, très fécondes en belles découvertes !

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Verso 160, sur le thème de « Chemins d’eau, chemins de mots », apparie des voix très variées pour dire en quelques poèmes chacune « le courant », « l’eau et les mots même substance » (François Charvet).

Ferruccio Brugnaro, dans une suite bilingue italien/français, cerne « l’étoile/ ce soir/ aussi limpide et grande/ que la lutte que les exploités sont en train de soutenir ».

Les « Poèmes flottés » de Michel Serraille («  La salive a nettoyé l’icône » ou « Avec la main je te fais signe/ et le reste je te le dis avec de la nuit », p.31)

Riche numéro et nombre de découvertes dans les noms proposés (entre autres, Andrée Ospina et son « Barbe-Rouge » : « J’ai dévoré une femme, j’ai mangé mon amour »

 




Contre-Allées, revue de poésie contemporaine, Sommaire 48, Automne 2023

La poésie : une lueur. Une lumière

L’éditorial de Romain Fustier ouvre ce numéro, donne le ton, et rappelle le pouvoir fédérateur de toute poésie, sa puissance et la nécessité de la diffuser, partout, toujours.

Il faut dire que l’Invitée de ce numéro, Catherine Weinzaepflen dont les poèmes suivent immédiatement ces propos, nous permet de n’en pas douter. Un entretien donne aux textes choisis le relief nécessaire pour les teinter légèrement de la présence de la poète, sans les alourdir, mais en offrant une belle opportunité de rencontre avec les uns et l’autre, tout en laissant émerger des liens sémantiques possibles, non exhaustifs, non déterminés, et motivés par la rencontre entre un lecteur et ce lieu infini du poème.

Le sommaire se déroule ensuite avec une sélection de poèmes : Bernard Degott, Elias Levi Toledo, Nicolas Rouzet, Gabriel Zimmermann. Ces quelques textes comme c’est le cas pour toutes les productions sont suivis d’indications bibliographiques sélectives, discrètes, qui laissent aux poèmes toute latitude de déployer leurs univers sémantiques sémantiques.

Un entretien, avec Valérie Canat De Chizy et Cécile Guivarch, Des poèmes d’Olivier Bourdelier et quelques questions posées à un éditeur, Jacques Renou, de l’Atelier de Groutel, qui évoque son précieux métier, précèdent la rubrique Livres reçus ainsi qu’un compte rendu de lecture de Romain Fustier.

Un revue qui en 47 pages parcours plusieurs univers.

Contre-Allées, revue de poésie contemporaine, n°48, 11 janvier 2024, 48 pages, 5 €.