1

ANIMAL — POÉSIE D’AUJOURD’HUI | HIVER 2023

La revue Animal "sort de sa tanière deux fois par an. Un numéro de printemps sous format numérique, sur www.revue-animal.com, avec 6 auteur·es de l’écrit et un·e artiste visuel·le. Un numéro pour l’hiver, sur papier, où les auteur·es du printemps sont rejoint·es par sept autres."

Un format papier, A3, donc, pour ce numéro d'Hiver 2023, conséquent, lourd au poids et grâce à un sommaire qui pèse : Noms et contributions se succèdent sur ces larges feuillets habités par une typographie sobre et lisible, et des pages noires et blanches pour ponctuer le tout, pour le plus grand bonheur du lecteur qui tient d'abord un très beau volume en main, et a envie de le regarder avant de le lire, de découvrir les contributions et les de Denis Laget imprimées en couleur sur papier brillant.

Le numéro de Printemps succède au numéro d'hiver, qui est à découvrir en première partie, avec Ivar Ch’Vavar, LE PARFOND DE LA DAME EN NOIR, Denis Laget, ASPHODÈLES ET COMPAGNIE, Vincent Tholomé, L’EXISTENCE cahier central, Emmanuel Laugier, CIRCLE Anita J. Laulla D’ABORD LA NUIT PUIS LA NUIT, Véronique Pittolo, HÉROS ET ANIMAUX IMPATIENTS, et Laura Tirandaz, J’ÉTAIS DANS LA FOULE.

C'est dire ! 

Une revue est un lieu de rencontres,
une cabane aux portes et fenêtres ouvertes
sur les mondes qui peuplent le monde.

Pas de chapelle ici, ni élevage en batteries, mais du souffle, des pattes et des poils, des forêts, des collines et des plaines à perte de vue.

 

Animal n° 3, Hiver 2023, 219x300, https://www.revue-animal.com/

Un abonnement à 45 euros pour deux numéros, un numéro unique à 25 euros, et un Comité de lecture riche et réactif, Franck Doyen, Sandrine Gironde,, Jean-Marc Bourg, Mathieu Olmedo, équipe qui veille à ce que les numéros soient distribués en librairie, et à ce que le site internet de la revue soit en entière complémentarité avec le volume papier.

Edité par l'association Lettres verticales, soutenue par le CNL, La DRAC Grand Est et la Région Grand Est, on ne peut que souhaiter que cette aventure continue longtemps ! 




Revue A L’Index n°48

Un premier numéro paru en 1999, point de départ d'une longue et belle histoire, pour cette revue au format généreux, et aux contenus non moins prodigue. 48 volumes donc, de pages qui mêlent prose et poésie, même si à l'origine ce périodique ne proposait que de la poésie. Un chemin dont nous ne pouvons que nous féliciter, car les découvertes sont nombreuses, variées, riches. 

La particularité d'À L’Index est qu'elle travaille en lien avec des dessinateurs et illustrateurs, et surtout qu'elle se présente sous forme d'anthologie,  qu'elle consacre à intervalles réguliers des numéros à un auteur qu’elle choisit, des numéros qui s'inscrivent dans le série Empreintes, et qu'elle publie une fois par an, des titres de poésie en bilingue.
C'est dire la prolixité de cet espace d'écrits, qui montre combien partager, ouvrir, offrir, la littérature, est essentiel. 

Pour ce volume n°48, le sommaire se déroule après un édito du Directeur de Publication Au doigt & à l’œil  par Jean-Claude Tardif, des textes inédits de Jean-Pierre Chérès, Luis Porquet, Paola Bonetti, des traductions : Laurence Fosse, Dominique Masson, Alexandre Zotos, et bien d'autres, des textes en prose et des poèmes de Gérard Trougnou, Michaël Gluck, Parviz Khazraï, Françoise Canter, Florentine Rey, Raymond Farina... 

Un volume dans le volume, Jeu de Paumes - Petite anthologie portative servi par Sahar Ararat - Patrick Beaucamps - Éric Chassefière - Guy Girard - Hubert Le Boisselier - Gérard Le Gouic - Philippe Martinez - Roland Nadaus - Claude Serreau – Claude Vancour.

Des nouvelles, avec L'accident de mémoire de hérisson, de Jean-Claude Tardif et Là-bas, en bas, tout en bas de Christian Jordy, des Notes éparses de Philippe Beurel

On en peut pas dire que l'on s'ennuie, on ne peut pas dire non plus que le Comité de rédaction cède à la facilité, car la somme de travail est remarquable, et le résultat époustouflant. 

A avoir près de soi pour de nombreuses soirée, et y revenir !




DOC(K)S, la Revue : Entretien avec François M.

C’est en 1976 que DOC(K)S paraît pour la première fois, orchestrée par Julien Blaine qui en assume la direction et l’édition jusqu’en 1989.  Julien Blaine choisit de transmettre la publication de DOC(K)S et propose la direction et responsabilité éditoriale en 1990 à Akenaton (P. Castellin, J. Torregrossa) groupe de poètes basés à Ajaccio et engagé depuis le milieu des années 1980 dans une démarche intermedia. Depuis le décès de P. Castellin  en octobre 2021, François M. du collectif Poésie is not dead en reprend la destinée avec son acolyte Xavier Dandoy de Casabianca des éditions Eoliennes basées à Bastia. Il a accepté de répondre à nos questions. 

François, peux-tu évoquer la revue Doc(k)s ? Sa date, et la raison de sa création ? Sa vocation ?
Doc(k)s est une revue unique et singulière dans l’univers de la Poésie Contemporaine. C’est un laboratoire expérimental des langages poétiques. Elle est aujourd’hui la plus ancienne et la dernière revue internationale de poésie vivante qui mixe les différentes formes de Poésies Expérimentales : Poésies Concrète, Visuelle, Sonore, Action/Performance et Numérique. Doc(k)s se situe auprès des Avant-Gardes du XXième siècle (Futurisme, Dadaïsme, Surréalisme, Situationnisme, Lettrisme, Fluxus, etc).

Créée à Marseille par le poète Julien Blaine en 1976, elle s’ancre dans le territoire Corse depuis plus de 30 ans avec la reprise à Ajaccio par le groupe intermédia Akenaton (Philippe Castellin et Jean Torregrosa) en 1990 et, désormais depuis 2022, à Bastia par les Editions Eoliennes en collaboration avec le collectif Poésie is not dead basé à Paris.

François Massut, "apothicaire et herboriste de Poêsies Expérimentales", nous présente le collectif protéiforme Poésie is not dead, l'histoire de la revue de langages poétiques Doc(k)s, et la soirée po(l)étique qui les réunit au Générateur le samedi 25 novembre 2023 : DOC(K)S NEVER DIES. Un rendez-vous aux multiples formats où alterneront poésies vivantes, performances, lectures-actions. Une occasion pour Poésie is not dead de présenter le premier numéro de la 5ème série de la revue Doc(k)s, revue dédiée aux langages poétiques. Avec les Poètes-Artistes : Julien Blaine (créateur de la revue), Joël Hubaut, Aziyadé Baudoin-Talec, SNG Natacha Guiller, Yoann Sarrat, Martin Bakero. Poésie is definitely not dead ! Musique : DJ Reine - Disto Wow

Tu as repris cette revue. Comment et pourquoi ?
Je connaissais bien Philippe et Jean que j’avais rencontrés il y a plusieurs années à Ajaccio et que j’avais invités à plusieurs événements à Paris et à Charleville-Mézières notamment pour une rétrospective de Doc(k)s en 2018 au Musée Arthur Rimbaud. J’avais aussi participé à plusieurs numéros de la revue alors que je ne publie quasiment rien de mon travail personnel mais l’univers de Doc(k)s dans l’écosystème poétique m’a tout de suite plu.
Après le décès de Philippe Castellin en octobre 2021, la question de la continuité de Doc(k)s s’est posée.  Il y a des propositions qu’on ne peut pas refuser. Jean et Julien m’ont proposé de les rejoindre en février 2022 à Ventabren chez Julien et c’est à l’occasion de ce week-end qu’ils m’ont fait cette proposition. J’ai accepté tout de suite en leur mentionnant que je souhaitais travailler en duo et j’ai tout de suite penser à Xavier Dandoy de Casabianca, poète visuel mais aussi éditeur en Corse qui a créé la maison d’éditions Eoliennes basée à Bastia. Il était fondamental que la revue reste ancrée en Corse et de pouvoir travailler en duo. On est plus intelligent collectivement que seul.

Comptes-tu continuer sur la même ligne éditoriale ? Qu’y aurait-il de nouveau ?
Oui dans la continuité tout y apportant des innovations. L’aspect international est fondamental et qu’il faut continuer à développer, tout en découvrant les nouvelles voies/voix de la poésie tant en France qu’à l’étranger.  Ce mix entre les poètes/poétesses d’ici et d’ailleurs est une vraie richesse.
Nous voulons continuer aussi avec Xavier l’aspect intermédia / multimédia en intégrant désormais une carte USB (les anciens numéros avaient un DVD et CD depuis le milieu des années 90, Doc(k)s a été la première revue internationale et est la seule revue aujourd’hui au monde qui intègre ce support physique multimédia) pour les œuvres de poésie sonore, poèmes numériques, poèmes actions / performatifs et vidéos-poèmes.
Il y aura toujours une partie « Open » où nous recevons les recherches / expérimentations en cours ainsi qu’un dossier dédié à un « mouvement » ou « groupe » ou à « un pays » de poètes / poétesses contemporains ou uniquement à une poétesse / poète. Pour l’édition 2024, nous avons une partie « Open », un dossier dédié au mouvement international « Language is a virus » qui s’est développé durant la crise de la Covid 19, et un dossier spécial Akenaton. En 2025, je sais déjà qu’il y aura un dossier spécial autour de l’œuvre de Michèle Métail et un autre dédié à un poète étranger.
Enfin, Xavier a souhaité, et je trouve que c’est une excellente idée, d’ajouter une section dédiée à la typographie également, ce qui est une nouveauté dans la vie de Doc(k)s qui fêtera ses 50 ans en 2026 !!!!

Que penses-tu du paysage des périodiques aujourd’hui ?
Le paysage est très actif, et je suis toujours surpris aujourd’hui de l’énergie et de la vitalité des revues de poésie.
Les partisans des causes perdues sont les vrais invincibles.
Comment sont-elles distribuées, et d’ailleurs le sont-elles ? N’est-ce pas trop difficile de perdurer ?
Elles sont distribuées via des abonnements mais également lors d’événements spécialisés : salon de la revue (Paris, Marseille), Marchés de la poésie (Paris, Bruxelles, Lille) et de soirées ad hoc dans des librairies ou autres espaces officiels ou alternatifs.
C’est très difficile de perdurer pour des raisons économiques, Doc(k)s par exemple n’est plus soutenu par le CNL alors que réaliser une revue en 2024 de 500 pages en couleurs avec un support physique (carte USB) est un réel défi et une folie mais c’est une nécessité.
L’autre complexité est de garder son énergie car cela en prend beaucoup.

Présentation de l’auteur

François M.

François M. est né et a grandi en Rimbaldie. Il a fondé en 2007 le concept/collectif polymorphe et protéiforme Poésie is not dead , qui se veut être un rhizome entre la poésie et les autres arts, qu’on pourrait dénommer MétaPoésie. Ce concept et collectif sont influencés par les mouvements et les poètes des "poésies expérimentales"(poésie sonore, poésie action, poésie visuelle, poésie-performance et poésie numérique), ainsi que des mouvements d’avant-garde :  dadaïsme, lettrisme, situationnisme et Fluxus.

L’essence des actions entreprises par Poésie is not dead est de « dé-livrer » le poème des espaces institutionnels et/ou alternatifs où il est généralement « enfermé » (rayons des bibliothèques, musées, squats, librairies, etc.) à l’attention souvent d’un public « averti ». Il tente de vaporiser, de percoler et de polliniser le poème dans l’espace public via différents médiums (installations éphémères et pérennes : bancs-poèmes et chaises-poèmes au jardin du Palais Royal par exemple, lectures-performances de poètes sonores et de musiciens expérimentaux dans la rue, road-trips de poésie-action avec la Rimbaumobile, etc.).  Ce collectif est intervenu principalement en Europe et en Amérique du Nord.

Poésie is not dead s'inscrit dans la continuité du poète Bernard Heidsieck pour qui :

« A quoi bon le poème, tout court, s’il ne contribue pas tant soit peu (…) à oxygéner, brûler, irradier, ce qu’il touche ou doit toucher et tente d’atteindre ? », « ce n'est pas le public habituel de la poésie avec ses applaudissements de politesse », que Poésie is not dead souhaite atteindre mais faire réagir « un auditoire non averti, non préparé. C'est ainsi, dans cette situation de risque et de fraîcheur, en fait, que la poésie, toujours, devrait se communiquer. Funambule et présente, malgré tout ! »

La position poétique de Poésie is not dead s'inscrit dans les courants de "l'art pour tous" développé par les artistes Gilbert and George et du "théâtre élitaire pour tous" d'Antoine Vitez

La problématique de Poésie is not dead est alors de : comment créer, diffuser et donner accès à la poésie, qui plus est de la poésie contemporaine, dans l’espace public pour un auditoire non initié ? Comment tenter d’y arriver dans un espace urbain saturé de technologies visant à capter notre attention et rythmé par des flux quotidiens chronométrés et répétitifs ?

Cette démarche de « contre-flux » s’inscrit dans la dérive situationniste telle que Guy Debord la conçoit. Susciter un regroupement, un agencement, un ralliement des passants, qui soient une incision, une distorsion, une rupture et in fine une parenthèse poétique dans leurs courses routinières.

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

DOC(K)S, la Revue : Entretien avec François M.

C’est en 1976 que DOC(K)S paraît pour la première fois, orchestrée par Julien Blaine qui en assume la direction et l’édition jusqu’en 1989.  Julien Blaine choisit de transmettre la publication de DOC(K)S et propose [...]




L’Éponge

La naissance d’une nouvelle revue, et à fortiori de poésie et de littérature, est à saluer. Cette nouvelle venue s’intitule malicieusement L’ÉPONGE, logique puisque si « les artistes s’imprègnent de leur époque », c’est pour mieux, conclut son sous-titre bravache, « éclairer les esprits »… dès la couverture le ton est donné.

Au fil des 3 numéros parus, la revue trimestrielle  tient ses promesses de diversité, d’éclectisme, voire même d’humour, ou tout au moins disons d’un certain ton décalé : une entreprise sérieuse qui ne se prend pas au sérieux ; au premier abord, une forme étonnante, un peu une curiosité dans  le monde des revues de poésie : format magazine, presque journal, avec de la couleur et une jolie maquette avec des illustrations (photographie, dessin et même de la caricature oui oui !).

Jugeons le contenu littéraire sur pièces à l’aune du troisième numéro, décembre 2023 : sur 24 pages, la parole est donnée à 18 auteurs soit au total, à découvrir, 16 poésies et 4 nouvelles, sans oublier 3 dessinateurs. Pas ici d’école ni de chapelle, les critères des animateurs sont la qualité, la diversité et l’inédit (jamais encore publié) : les poésies sont « libres », rimées, mesurées ou non, en haïku ou en prose, elles sont suivies de quatre nouvelles délicieusement étranges et variées, et il faut ajouter deux pages de critiques bibliographiques thématiques - hors genres, modes, époques et notoriété est-il précisé - (n°1 Les voyages, n°2 science-fiction, n°3 nature et écologie) et une page consacrée à un auteur (n°1 Antoine Blondin  - le Hussard infréquentable, il faut oser ! -, n°2 Patti Smith, et n°3 un poète français (totalement inconnu de moi) vivant aux Etats-Unis, Sébastien Ayreault. Il y a aussi une page finale de réflexion disons sociale, faute de mieux, et intitulée  « Je doute, donc je pense, donc j’éponge » ; 




La boussole des animateurs de cette revue poétique et littéraire semble être avant tout la liberté, et leur ambition celle d’ouvrir un espace – de plus – d’expression et de création artistique : que nos vœux les accompagnent !

Vente au n° (papier 6€, numérique 3€) Abonnements papier (2 ans 8 n° à 60€) numérique (2 ans 8 n° à 20€) 







L’écho de l’écho, le carnet de haïku de l’AFAH N°12 – Novembre-Décembre 2023

En écho décuplé à l’écriture contemporaine du haïku, ce douzième numéro dirigé Danièle Duteil s’avère le point final d’une entreprise commencée par sa directrice de publication au cœur de la crise Covid, fin 2020, pour perpétuer un lien aux livres, aux poètes, aux éditeurs en ces temps critiques…

Mais comme le rappelait son éditorial en cette période de fin d’année 2023 : « [C]omme je l’ai annoncé dans L’écho de l’étroit chemin N° 45, septembre 2023, l’AFAH, Association Francophone pour les Auteurs de Haïbun, va être, faute de relève, dissoute – à moins que quelqu’un se décide en dernière instance ! – le 9 décembre 2023, au cours de l’assemblée générale extraordinaire. Avec elle, cessera la parution de L’écho de l’étroit chemin, le journal du haïbun et la présente publication. Deux pages se tournent donc, mais je n’éprouve pas de regret, c’est ainsi. En tant que responsable de l’une et l’autre revue, j’ai accompli la tâche que je m’étais fixée avec passion et du mieux que j’ai pu. »

Saluons alors, comme il se doit, cet exemplaire exceptionnel, qui offre une image fidèle du travail de collecte, de lecture et d’écriture mené à la fois avec patience et ferveur et qui donne un éclairage sur la profonde unité comme sur l’étonnante diversité de cette pratique de rédaction, ce mode d’écrit de tradition d’abord asiatique, fragmentaire, concentré à l’essentiel, qui s’est généralisé, par-delà les frontières entre Orient et Occident, exprimant au plus près, par son économie de moyens, un rapport au monde dont le grand critique et théoricien structuraliste Roland Barthes livra déjà une analyse personnelle de cette façon délicate, sensible, éphémère, de suggérer le plus par le moins : un minimum de signes pour un maximum de sens…

Signes d’une saisie du présent, d’une évocation du passé, d’une méditation sur le temps qui passe, la mémoire, l’oubli, les absents et les présents, les courts vers traduisant cette pensée à la fois d’un art de vivre ancien et d’une contemporanéité plus large où le partage de sa pratique dit quelque chose de notre présence au monde, jusque dans le détail insaisissable, le passage imperceptible, l’épiphanie de l’instant saisi au vol, sa beauté, son éclat, sa saveur, les recensions de ces brefs poèmes se dégustent comme des quintessences de vie dans cette troublante relation entre finalité et finitude qui vient nourrir l’écriture sur le bord de l’effacement, dues au travail minutieux de Danièle Duteil et de son équipe : Janick Belleau, Marie Noëlle Hôpital, Pascale Senk, Monique Merabet, et ceux qui ont joint leurs contributions : Georges Chapouthier, Jean-Paul Gallmann, Philippe Macé, Philippe Quinta…

Relevons notamment l’analyse si justement développée dans ce dernier opus de Scatti di Luce / Instantanés de lumière de Marilyne Bertoncini, Alma Saporito et Francesco Gallieri qui met en exergue le travail de traduction des poèmes de l’italien au français comme du français à l’italien, double épure de la poésie à la fois italienne et française, dans le jeu de miroirs, de miroitements même où les mots en échos aux photographies de Francesco Gallien sondent tant le mystère de la création que l’énigme de la nature, à travers l’image décisive du reflet dans l’eau abolissant encore les limites de nos représentations.




Anarchie souveraine, Contrelittérature numéro 6

Sous la direction de Mehdi Belhaj Kacem.

Avec les contributions de Giorgio Agamben, Ferdinand Gouzon, Amel Nour, Georges Lapierre, Thibaut Rioult, Ivan Segré, Guillaume Basquin, Mehdi Belhaj Kacem, Jean-Clet Martin, Tomas Ibanez, Eric Coulon, Pierre le Coz, Valentin Husson, Alain Santacreu et Brice Bonfanti.

L’anarchie souveraine ne fonde-t-elle pas un contre monde ? Car enfin, depuis le temps que la fabrique tourne à vide, que le château de carte s’écroule, que c’est la lutte de chacun contre tous, de chacun contre lui-même ; on devrait être alerté. Il ne s’agit pas, pour autant, de croiser le fer avec le mal global, avec le propagandé, avec le propagandiste, avec ceux qui vendent de l’avenir et du passé, mais de tenir à distance tout ce qui fait société, communauté, promiscuité.

Le postmoderne est aux commandes d’un monde enfantin et mercantile, d’où l’inflation d’artistes-rebelles qui s’empressent de monter sur le pressoir des villes et des bourgs, le visage barbouillé de lie de vin, pour y jouer des farces. La parole scellée, qui alimente le spectacle généralisé, troque alors une subvention contre un contrat. Ainsi l’artiste et le penseur– qui devraient être, par essence, des anarchistes – ne paient plus leurs dettes, refusent d’être soumis aux lois du langage. Les voici assis, universitaires et/ou journalistes (autrement dit menteurs professionnels), progressistes ou réactionnaires, toujours insatisfaits (l’insatisfaction est devenue elle-même une marchandise, Debord). Bref, la confrérie littéraire, en temps de détresse, semble souvent préoccupée par le lien social et par sa propre trésorerie, très peu par l’anarchie et la liberté libre.

Je suis, pour ma part, issu d’une famille nombreuse : Baudelaire, Rimbaud, Bernanos, Claudel, Pasolini, Debord, Axelos, Calaferte… je cite ceux-là à dessein. Voilà des témoins qui ne se sont pas embarqués dans la nef des fous, bouche béante et langue vide.

 Anarchie souveraine, Contrelittérature numéro 6, année 2023, 199 pages, 15 €.

Ce ne sont pas des nourrissons en addiction qui fabriquent du même. Ils ont compris que les grands principes unificateurs étaient épuisés (pour reprendre les pertinentes analyses commentées dans ce dossier sur la pensée de Reiner Schürmann). Ils ont assumé un présent et un devenir erratiques. Ils ont pensé et vécu leur propre dépense, sans stocker le temps ni le marchander. Ils n’ont pas engraissé les simulacres, ni le scoutisme planétaire. Tous, hérétiques, ont jeté leur corps dans la lutte, traçant une sémiologie de la réalité, traquant les signes névrotiques de leur époque et opposant leur propre parole souveraine à celle de l’opinion. Insaisissables, sans tutelle, réfractaires, ils ont ferraillé contre les dieux fétiches, ceux de la technique et du libre marché. Peu de chance de les entendre brayer avec la meute. Ils ont été anarchistes, anarchistes chrétiens parfois, athées sociaux sans aucun doute. Ils se sont dégagés de la littérature et de la pensée comme supplément d’âme pour nouer un rapport charnel avec la vérité et avec la beauté. Ils m’ont appris à contempler le négatif bien en face et à me défaire de la faune des croyances et des illusions. Vivant et écrivant souverainement l’aventure du temps, n’ont-ils pas souscrit eux-mêmes à cette incise de Chateaubriand : J’ai toujours eu horreur d’obéir et de commander ?

Et c’est peut-être le reproche amical que je ferais sur ce numéro de Contrelittérature, qui, par ailleurs, propose des contributions riches d’enjeu :  ne pas avoir vraiment creuser les liens et les différences entre art et anarchie, entre parole parlée et parole parlante, entre les identifications collectives et idéologiques et l’absence de toute compromission avec le social global.




Revue la forge

Telle que la présente son responsable de publication, Réginald Gaillard, dans son Liminaire. Un même souci du langage, la forge, héritière, sans nul doute, de la mythologie antique du lieu secret d’Héphaïstos dans lequel le dieu créait des armes exceptionnelles et de magnifiques bijoux, se veut d’emblée un rendez-vous crucial de lecture, d’écriture, de pensée de la création contemporaine comme elle s’élabore aujourd’hui : « la forge est un creuset où l’on fond des métaux pour créer des alliages, avant de les couler dans des moules aux formes diverses.

Qu’importe la forme, pourvu qu’on ait l’ivresse poétique à même de nous étonner, nous déplacer, nous élever, nous donner à penser. »

Sensible tant à la diversité formelle qu’à la richesse des écrits, si la forge s’avère le miroir de la poésie avant toute chose, et publication de poésie seule et souveraine, si elle accueille d’abord poèmes D’AILLEURS ET D’ICI, pour reproduire les titres de ses deux rubriques, elle est également source de partage de réflexions d’un intérêt majeur sur le processus de la créativité, notes, essais, articles invitant ensuite à explorer LA FORGE DU POETE, coulisses de ce théâtre où l’intime et le monde se rencontrent, se révélant être la forge des artisanes et des artisans, des artistes du verbe dont Héphaïstos, ce dieu fragile et fort à la fois, pourrait être une des figures essentielles, au même titre que le plus emblématique Orphée…

Editions de Corlevour, la forge, revue de poésie, 1 octobre 2023, 270 pages, 22 €. 

Répondant à la nécessaire question, vitale, pour toute amatrice, tout amateur de lettres, D’où vient le poème ?, Christian Viguié, Jean-Claude Pinson, Jacques Vincent, David Lespiau, Adeline Baldacchino y révèlent les secrets de fabrication, les processus d’élaboration, les enjeux à l’œuvre dans les écritures poétiques, en donnant un éclairage résolument ancré dans le présent et tourné vers l’avenir des régimes de l’inspiration, pour reprendre le titre de l’essai de Jean-Claude Pinson invitant à en distinguer deux conceptions : celle de l’idée antique que l’on retrouve dans sa définition platonicienne, et celle d’un régime nouveau, non plus simplement experimentum mundi comme nous pouvons l’expérimenter dans la technique du « haïku », mais  étincelle aux prémices du « moment de la forgerie » !       

Prenant en compte la littera, la littérarité, la littérature, qui fixe les ratures, les repentirs comme les trouvailles, les fulgurances du travail à l’écrit, Adeline Baldacchino transforme, dans son article La forge du poème, la question métaphysique d’où vient le poème en question génétique et générique du comment, interrogation aussi cruciale que passionnante, espace vital où la pensée et la langue se mêlent afin de tenter de trouver, peut-être, un langage de l’émotion digne de ce nom, dont nous, œuvrant à la quête de tels alliages, serions les orfèvres contemporains : « Le poème se fabrique dans cet espace d’imprudente lucidité que nous lui accordons. Il est la seule preuve que nous détenions de notre pouvoir de changer les mots, à défaut de changer (immédiatement) la vie et le monde. Il est donc à la fois le premier pas, la condition, l’argument et la démonstration. Il rassemble au sein d’une seule logique oxymorique, celle de l’émotion distinctement sensuelle et sémantique qu’il provoque, tous les moyens promis par les conteurs, les chamanes et la littérature depuis que les chants ont été gravés au calame sur des tablettes d’argile, aux alentours de 6000 ans avant notre ère (au moins, rien n’interdisant à la rêverie de poursuivre bien plus loin la chronologie des textes perdus). »

Enjeu politique dont la formule finale revient, in fine, à Adeline Baldacchino, dont nous pouvons apprécier tant la profondeur des analyses que la subtilité des poèmes : « on faisait des boucles dans les cheveux / de maman c’était comme d’en faire / dans les courbes invisibles du destin / la trajectoire commençait de s’écrire / le livre est-il ouvert / et l’encre invisible ? » Effacement des traces et trajet de notre propre finitude à laquelle la belle revue la forge donne tout son éclat, tous ses éclats, ses armes-pensées et ses bijoux-poèmes, tous ses joyaux sans cesse remis sur l’établi à la réflexion éthique / esthétique d’envergure : « Le poème n’a pas à être engagé ou dégagé, il ne peut qu’éveiller l’engagement intime, l’élan de vie qui débouchera, ou non, sur un engagement collectif, extérieur à notre vertige narcissique et tourné les autres. »




Revue OuPoLi — Entretien avec Miguel Ángel Real

La revue OUPOLI, Ouvroir de Poésie Libre, est une revue numérique fondée par Jean-Jacques « Yann » Brouard, Miguel Ángel Real,  Arnaud Rivière Kéraval et Rémy Leboissetier. Neuve et vive, elle propose de nombreuses rubriques, des appels à textes, et un panorama riche et diversifié sur la littérature contemporaine. Miguel Ángel Real a accepté d'évoquer cette belle aventure pour Recours au poème

Quelles raisons vous ont menées à créer le site OuPoLi ?
Le site est né de ma complicité littéraire avec Jean-Jacques Brouard. Nous sommes tous les deux passionnés de littérature et plus spécialement de poésie, et nous avions envie de créer un endroit dans lequel pourraient s’exprimer des personnes qui partageraient notre vision des choses. Depuis, le comité de lecture s’est étoffé avec d’autres écrivains comme Arnaud Rivière Kéraval, et Rémy Leboissetier.
Comment le définiriez-vous ? Est-ce une revue de poésie en ligne ?
Notre appel à textes est ouvert en permanence. Nous publions en général un/e auteur/e par semaine. Une fois par mois, nous publions également un/e poète hispanophone traduit en français. Les personnes qui nous contactent sont des écrivain/es confirmé/es ou pas : les textes sont étudiés par l’équipe dans un esprit ouvert car nous apprécions les prises de risque et les recherches en tout genre. Il s'agit d'une publication vivante, avec différentes rubriques pour recevoir aussi de la poésie expérimentale, des créations de mots (“Mots perdus/mots forgés”), de la prose poétique, des essais ou des variations sur des thèmes que l'on propose de temps à autre. Nous avons même créé les « Chronèmes », mélange de chronique littéraire et de création poétique, que nous vous invitons à découvrir.
Quelle est sa ligne éditoriale ?
Clin d'oeil à l'oulipo, OuPoLi se veut un Ouvroir de Poésie Libre. Le site se veut exigeant, loin des conventions et de la poésie mille fois lue. La ligne éditoriale est présentée ainsi :  
Ni fleurs ni papillons
La poésie engage l’être
La poésie engage à être
La poésie engage à dire
A partir à l’aventure
A être en quête des possibles du langage
A s’arracher au confort des discours convenus
A sortir des sentiers battus et rebattus
Notre plan de travail est complet jusqu’en septembre, mais les personnes intéressées peuvent envoyer leurs propositions à textOuPoLi@gmail.com : trois textes, trois poèmes, trois pages.
Que pensez-vous de la place des revues de poésie dans le paysage littéraire français, et plus généralement de la place de la poésie ?  Les revues de poésie sont-elles un moyen efficace de diffuser de la poésie ?
De manière générale, il existe de très belles publications autour de la poésie en France. Le but de nous tous est de montrer qu’il s’agit d’un mode d’expression passionnant et surtout très vivant. La qualité des différentes revues « papier » ainsi que les réseaux sociaux montrent bien qu’il existe un large public autour de la poésie, largement méprisée par les médias conventionnels : il suffit de voir que la soi disant « rentrée littéraire » est en réalité un déferlement de romans plus ou moins réussis. Il faut donc que les revues poétiques continuent à  revendiquer un moyen d’expression qui est pour moi la quintessence du langage. Continuer à partager notre passion pour la poésie, qui est de mon point de vue plus nécessaire que jamais, doit rester le but de nos différentes publications.

 

Présentation de l’auteur

Miguel Angel Real

Né en 1965, il poursuit des études de français à l’Université de Valladolid (Espagne), sa ville natale. Il travaille en 1992 à l’Agence France Presse à Paris. Agrégé d’espagnol, il enseigne au Lycée de Cornouaille à Quimper. 
En tant qu'auteur, ses poèmes ont été publiés dans les revues La Galla Ciencia, Fábula et Saigón (décembre 2018) (Espagne),  Letralia (Venezuela),  Marabunta, El Humo et La Piraña (Mexique), ainsi que dans l'anthologie de poésie brève “Gotas y hachazos” (Ed. PÁRAMO Espagne, décembre 2017).
Les revues françaises “Le Capital des Mots”, “Festival Permanent des mots” “Lichen”,“La terrasse” et “Revue Méninge” ont également publié certains de ses poèmes en français, originaux ou traduits de l'espagnol. 
Il a publié en avril 2019 un recueil personnel, Zoologías, aux éditions En Huida (Séville).
Les éditions Sémaphore publieront bientôt son recueil bilingue Comme un dé rond.
Il fait partie du comité de rédaction de la revue poétique espagnole Crátera.
Il se consacre aussi à la traduction de poèmes, seul ou en collaboration avec Florence Real ou Marceau Vasseur. Ses traductions ont été publiées par de nombreuses revues en France (Passage d'encres, Le Capital des mots, Mange-Monde), Espagne (La Galla Ciencia, Crátera, El Coloquio de los Perrros) et Amérique  (Low-Fi Ardentia, Porto Rico, La Piraña, Mexique). Dans cette dernière publication il dirige deux sections de traduction nommées « Le Piranha Transocéanique » (https://piranhamx.club/index.php/le-piranha-transoceanique) et « Ventana Francesa » (https://www.piranhamx.club/index.php/quienes-somos-2/ventana-francesa) 
Traductions publiées:
- “Fauves” (Editorial Corps Puce),  poèmes de l'auteur équatorien RAMIRO OVIEDO (Traduit avec Marceau Vasseur, décembre 2017)
- “Erratiques”, poèmes d'ANGÈLE CASANOVA, photos de PHILIPPE MARTIN. Edition bilingue. Éditions Pourquoi Viens-Tu Si Tard, octobre 2018
- “Les travaux de la nuit”, de PAUL SANDA. Édition bilingue. Ed. Alcyone, décembre 2018.

Poèmes choisis

Autres lectures

Revue OuPoLi — Entretien avec Miguel Ángel Real

La revue OUPOLI, Ouvroir de Poésie Libre, est une revue numérique fondée par Jean-Jacques « Yann » Brouard, Miguel Ángel Real,  Arnaud Rivière Kéraval et Rémy Leboissetier. Neuve et vive, elle propose de [...]




La revue SALADE

La revue SALADE, conçue, fondée et éditée par Vittoria Cavazzoni et Déborah Gaugerenques, se définit comme “apériodique, multilingue et hétéroclite”. Chaque numéro est relié à la main à l'aide d'attaches, ce qui permet de libérer si on le souhaite les pages de la revue, ainsi que des marque-pages ou des œuvres graphiques. Pour le dernier exemplaire paru, le numéro 4, les illustrations sont l’œuvre de Camille Meyer.

Les poèmes sont publiés dans leur langue d'origine, en version originale non traduite. Dans le dernier numéro, qui fait la part belle à la poésie, nous pouvons lire des textes en italien, espagnol et anglais de Devis Bergantin, Marine Forestier et de moi-même. 

La revue met aussi à l'honneur trois poétesses de la première moitié du XXe siècle dont l’œuvre est peu ou pas traduite en France à ce jour: Edna St.Vincent Millay (Etats-Unis, 1892-1950), Alfonsina Storni (Argentine, 1892-1938) et Antonia Pozzi (1912-1938).




Revue, en ligne ! Terres de Femmes

Revue de poésie et de critique littéraire d'Angèle Paoli, Terres de Femmes propose un sommaire riche et varié. Coordonné et mis en page par Yves Thomas, qui nous a quittés en 2021, porté aujourd'hui par sa directrice de rédaction, et Guidu Antonietti di Cinarca son directeur artistique, cette revue de poésie en ligne présente un sommaire mensuel servi par design moderne et coloré.

Dans cette revue, le lecteur a accès à la poésie contemporaine. Qu'il fréquente la rubrique Poésie d'un jour, où sont offerts des extraits de recueils récemment parus, ou des articles critiques signés par des voix qui ouvrent à un regard spéculaire sur ces livres qui tracent la route d'une poésie découverte sur le vif de sa création, une fenêtre s'ouvre, sur la littérature en train de s'écrire, de vivre, et d'ouvrir des voies neuves, parfaitement perceptibles dans ces pages servies par les visuels de son Directeur artistique dont on peut retrouver les créations dans la rubrique Les Noir et blanc de Guidu et la Galerie de Guidu, Visages de femme qui offre des visuels ainsi que des extraits de textes de plus de 200 noms féminins de la poésie contemporaine, sélectionnés par Angèle Paoli.

A ces rubriques s'ajoutent un Index des auteurs cités, où les biographies des innombrables poètes contemporains présents sur les pages de cette revue sont consultables, des Ephémérides culturelles, et un hommage à celui qui a fait que Terres de Femmes ce lieu d'une densité qui continue à s'étoffer et à écrire sur l'écrit du poème.