Revue Texture, encore un peu de lui : Michel Baglin

Riche, émouvante, est la revue Texture, le blog que Michel Baglin a tenu durant de nombreuses année. Elle se présente ainsi : 

Revue-Texture est un espace critique. J’y propose, ainsi qu’une dizaine de collaborateurs réguliers, des articles, des portraits, des entretiens, des notes de lectures et des dossiers sur des centaines d’auteurs. Mais aussi des documents sonores (chansons) et de nombreuses annonces et infos pratiques.

Dz nombreuses rubriques régulièrement enrichies, qui rendent compte de l'actualité littéraire, précèdent les critiques. Ce "Nous avons aimé", est servi par des plumes qui n'ont plus à faire leurs preuves : Lucien Wasselin, Murielle Compère-Demarcy, Jean-Luc Wauthier, Béatrice Liberté, Marilyne Leroux et tant d'autres... Suivent l'évocation d'anthologies et de collectifs, des revues, puis enfin, des essais, boîte à merveilles où des auteurs tous plus intéressants les uns que les autres sont publiés. 

Cette revue, caverne d'Ali baba s'il en est, tant est riche le contenu des articles proposés et les rédacteurs qui y ont publié, demande du temps, beaucoup de temps. On ne peut cesser d'enchainer les lectures, et la sobriété des pages, ainsi qu'une ergonomie fluide et empirique nous facilité le passage. 

Les couleurs sont douces et propices à la consultation des contenus qui ne toléreraient aucun parasite quelconque, et encore moins une esthétique fantaisiste, colorée, abusive ! Ici tout est bien géré, les niveaux de lecture, ainsi que l'iconographie de bonne taille mais pas envahissante...

Une revue qui dit tout de qui était Michel Baglin. Un homme généreux, discret, et modeste, mais d'une portée humaine hors norme. En témoignent ces pages interminables réservée aux commentaires, les nombreuses rubriques qui offrent aux lecteurs un contenu varié qui décloisonne amplement les genres et signe une volonté de porter la fraternité au devant de tous  ("Auteurs, Revues, Humeurs, Actualité, Théâtre, Chansons & musique, Textes, Entretiens, Liens, Poèmes du mois"). Et puis, doucement, presque invisible tant il y a de merveilles sur les pages proposées, le visage de Michel, en haut à droite, qui semble souhaiter le bienvenue à tous.




La lettre sous le bruit n°45 : hommage à Rémy Durand

La lettre sous le bruit n°45 de juillet/août de cette année, dirigée par Gilbert Renouf, est une revue gratuite à parution régulière. Ce numéro spécial  est consacré à Rémy Durand. Cet hommage laisse une large place à l’évocation l’home/poète, décédé le 25 juillet 2019.

Les nouveaux entretiens d'Orphée : Rémy Durand.

Commençant par une biographie, placée sous la photographie du poète, des propos de ceux qui l’ont connu, qui lui écrivent une lettre, occupent les pages de ce numéro. Eva Martia Berg, Frédéric Ganga, Armelle Aubry-Baume, Jorge Luis Serrano, Magda Igyarto et tant d’autres. Ces témoignages d’amitié, ces adieux, alternent avec des textes du poète. En fin de numéro, une bibliographie complète, et des leins video.

Un hommage émouvant, et magnifique, à celui qui a compté pour tous.

 




Siècle 21, Littérature & société, Écrivains contemporains de New-York

Quatre volets au sommaire de ce numéro dont le coeur est constitué du dossier dirigé par Marilyn Hacker, consacré aux auteurs new-yorkais, "voix dissidentes" dans ce pays-continent que l'actualité politique actuelle donne plus que jamais à interroger, et du "hors-cadre" consacré à Marilyn Hacker elle-même, poète américaine de New-York vivant à Paris, dont sont offerts ici des textes en grande partie inédits, ainsi que quelques études la concernant.

C'est sur l'article "La route du Cap" de Jean Guilloineau, spécialiste de l'Afrique du Sud que s'ouvre cette livraison, qui nous entraîne dès l'abord sur les voiliers du portugais Bartholomei Dias, le premier en 1488 à doubler (sans s'en rendre compte) le cap de Bonne Espérance, et nous menant au fil de l'histoire, et des voyages aventuriers et souvent sans retour, en quête de routes des épices – qui, si elle n'y mène pas directement, contribue à la découverte de l'Amérique, et aux siècles de conquête, de déplacements de population, de luttes fraticides et de "melting-pot" qui constituent l'actuel continent et ses cultures.

Siècle 21, Littérature & société, seizième année, n.31, automne-hiver 2017, "Ecrivains contemporains de New-York (2), 206 p, 17 euros.

Siècle 21, Littérature & société, seizième année, n.31, automne-hiver 2017, "Ecrivains contemporains de New-York (2), 206 p, 17 euros.

http://revue-siècle21.fr (de nombreux articles disponibles en téléchargement libre sur le site)

C'est ainsi qu'il faut lire le dossier central, ouvert aux "nouvelles voix d'Amérique" – poètes contemporains originaires de toutes les variantes ethniques et culturelles qui font de New-York la ville la plus cosmopolite du monde.

On y entend les voix des minorités, portées haut par le talent et la plume des auteurs présentés, parmi lesquels Jessica Greenbaum qui témoigne de l'actualité immédiate et de son engagement dans deux textes intitulés "L'Avril des cent premiers jours" et "Les Dernières semaines de janvier 2017". Yusef Komunyaka y convoque, (tout comme Barry Wallenstein dans ses poèmes de Tony's Blues – pp 58-60), des rythmes de jazz, ou de klezmer, pour nous parler d'Ota Benga, pygmée amené à New-York comme "animal humain"... On peut découvrir "la voix unique de Tory Dent" à travers deux poèmes et une fine analyse de Yusef Komunyakaa, soulignant la double exclusion qui fait s'écrire la poète, femme et victime du SIDA (pp 37-48), mais encore : un extrait théâtral de Paul Knox, les fragments philosophiques de Samuel R. Delany, imaginant une rencontre entre Leibniz et Spinoza, et deux poèmes de Patricia Spear Jones (poète publiée sur le Recours au Poème consacré à New-York, en 2017) concluant cette récolte par un très beau poème sur la traduction, façon de rendre hommage à ces écrivants de l'ombre qui permettent, aux œuvres de vivre et de voyager, comme celles ici regroupées :

La poète est mongole. La traductrice suit son cœur
Un cœur brisé et pourtant, elle chante de telle sorte qu'elle fait
De son cœur brisé, mon cœur brisé.
(...) Les tempêtes
secouent les rues de Taipei et répandent des pétales de rose
A travers les cours et les rues de Brooklyn.

Poète aussi discrète qu'engagée, essayiste, traductrice elle-même, revuiste, et rédactrice depuis 2004 de Siècle 21, Marilyn Hacker fait l'objet du second dossier central – et c'est juste : son œuvre et son action tisse depuis longtemps des liens entre les cultures et les différents pans de l'expérience humaine, dans la complexité de leurs interrelations, abordées sans fard et sans complexe, ainsi que la décrit Alicia Ostriker dans l'étude liminaire, où elle souligne aussi l'amour et la colère comme traits essentiels de l’œuvre profondément humaniste de la "Poète qui relie entre eux le corps et le corps politique, elle est aussi une créature poétique des plus rares, une poète qui écrit tout en respectant mètre et rime ainsi qu'un programme d'idées radicales." C'est aussi à la musicalité de cette œuvre que s'attache l'article d'Emmanuel Moses qui la décrit comme un fleuve puissant encadré par les berges des contraintes (sonnets, pantoums, sextines...) qu'elle s'impose pour dénoncer, dans la tension qui naît de ces contraires, le scandale ultime de la mort.

Ponctué des ouvertures pratiquées par les articles des chroniques, ce numéro se clôt sur un riche dossier thématique consacré aux "couleurs", déclinées dans toute leur diversité physique, raciale et symbolique. Un numéro auquel ce bref aperçu ne rend pas justice, mais que tout lecteur soucieux d'élargir son horizon pour comprendre le monde actuel se doit de lire.




Traversées n°73 : A. Laâbi et les littératures du Maghreb

Ce soixante treizième acte de la revue Traversées, née et encore domiciliée en Belgique, tourne autour de la personne du grand écrivain marocain Abdellatif Laâbi.

Dans une première partie, le responsable de la revue, Patrice Breno, fait état de la raison de ce numéro spécial : la manifestation Tarn en poésie, organisée par l'association ARPO - laquelle, en plus d'un auteur réputé, convie une revue à venir débattre autour de l'écriture et de la littérature. Pour cette année 2014, ce fût à A.Laâbi et à la revue Traversées de venir à ces rencontres.

 

Point d'orgue de cette manifestation, la rencontre entre l'auteur et les collégiens/lycéens de la région qui, pour l'occasion, ont lu, étudié, et travaillé autour de l’œuvre du poète originaire de Fès. Retranscrits presque intégralement, ces propos entre gens égaux - car pas de posture de l'écrivain face au péquin, pour A. Laâbi - laissent entrevoir tout le combat de l'homme, le travail de l'auteur, la sincérité sans calcul de l'homme, l'humanisme de l'auteur. Il explique, en des mots simples et percutants, son vécu de résistant poétique, dans les années soixante-dix ; engagements pour le droit à vivre comme un citoyen respecté, quels que soient ses choix de vie. Combats qu'il mène encore, même si le Maroc a considérablement changé, comme la France et le reste du monde, d'ailleurs.

Traversée n°73, septembre 2014

On retiendra, mais pas seulement, de ces pages passionnantes, ces quelques mots de l'auteur qui, espérons-le, en feront réfléchir certains, quand on sait que A.Laâbi a passé un nombre considérable d'années en prison, pour "délit d'opposition" : " Je ne sais pas si vous êtes conscient du privilège qui est le vôtre. D'être dans un pays où le fait de s'exprimer librement, de critiquer ceux qui gouvernent, dans ce pays, est une chose normale."

Pour finir cette première partie de la revue, un article en  hommage à A.Laâbi, écrit par Paul Mathieu ; suivi de ces mots de respect, voire d'affection, du poète algérien Abdelmadjid Kaouah, dont l'aphorisme de résistance reste gravé pour longtemps dans la mémoire du lecteur : "Les poètes ne font pas les révolutions, ils écrivent le rêve de changer la vie."

Vient la seconde partie de ce numéro, qui offre à lire des écrivains du Maghreb via  proses, poèmes ou fables réalistes mordantes, auteurs parmi lesquels Abdelmajid Benjelloun ("Le seul mystère que je connaisse consiste dans ce que je ne vois pas dans ce que je vois."), ou bien Aya Cheddadi ("Jamais est un mot-lunette pour ceux comme toi / qui ont besoin de certitudes extérieures").

Enfin, pour conclure , un dossier sur quelques poètes marocains, préparé par Nasser-Edine Boucheqif, avec, entre autres, Naïma Fanou ("Le paysan tire la terre par ses cheveux / et elle enfonce / ses ongles / dans la boue"), Mohamed Loughafi ("les nuages du cœur s'amoncellent / et le corps un désert / qui tente la séduction de l'empressement"), ou encore Hassan Najmi ("Ce poème ne m'appartient pas -")

Ces deux dossiers transmettent une vision très précise, voire particulière ; on est guidé du début à la fin par un certain lyrisme, un raffinement de la langue, un engagement poétique/politique des auteurs, un rapport intense à la Foi (sous de multiples formes), et même parfois un humour sophistiqué. Mais est-ce là la plus complète représentation de la littérature du Maghreb ? Non, le choix est évident. Toute revue a une ligne éditoriale qu'elle se doit de respecter. Aucun reproche à faire, donc, sur ce point, à cette anthologie contemporaine rondement menée. En revanche, on pourrait, non pas reprocher, mais demander pourquoi n'a-t-on droit qu'à une si petite participation féminine à l'ensemble. 




Un papillon dans ma boîte aux lettres : Libelle

Un papillon dans ma boîte aux lettres : Libelle

Voici des années que Libelle arrive dans la boîte aux lettres de ses abonnés. Un petit feuillet qui publie des poèmes d’auteurs déjà lus, vus, connus, ou non. Une ambition claire et haute : porter la poésie, semer dans nos boîtes parmi des courriers souvent moins attractifs un rayon de lumière. 

Lorsque l’on reçoit ces quelques fueilles, il est nécessaire de n’envisager sa lecture que tranquille, et libre de toute contrainte sur un long moment : des découvertes, des noms, des inédits, qui jouxtent des dessins, gravures, parfois, dans une mise en page qui ne cède rien à une esthétique proche d’un panégyrique baroque foisonnant. Fondée par Bernard Rivet et Michel Prades cette revue fait désormais partie du paysage poétique francophone.

Mais aussi, ce nom, Libelle, qui désigne un petit livret de tonalité satirique, m’a souvent interpellée. Il me semble qu’il est possible de le comprendre comme désignant un acte de résistance : un libelle contre la mercantilisme, mais aussi contre une certaines conceptions de la diffusion de la poésie. 

Les textes se distribuent sur ces quelques feuillets d’impression artisanale, hors de toute contextualisation, de tout appareil critique.

Libelle, Revue de poésie, n°285,
janvier 2017, 2 €.

Ils se côtoient disposés de manière irrégulière, et le tout forme une sorte de tapisserie poétique, proche finalement des modules cubistes, allégoriques des multiples manières de percevoir ce que nous nommons le réel, représentation d’une matière dont la structure plurielle s’offre aux subjectivité. Mais ceci est également le support et la matière de toute poésie. Comment alors ne pas être sensibles à cette somme qui arrive, tous les mois, dans notre boîte aux lettres ? Sans prétention, Libelle laisse son allure modeste lui offrir la plus belle des potentialités : mettre en exergue les quelques poèmes qui s’offrent publiés, à un nombre remarquable de lecteurs, depuis tant d’années.

Michel Prades s’exprime dans la rubrique « Historique » du site de la revue (http://www.libelle-mp.fr/historique.5.html)

 

Chauqe mois près de six cents exemplaires sont expédiés aux abonnés et aux revues de poésie françaises et étrangères. libelle est unee histoire d’amlitié, d’amitiés, un cas d’écriture non installé, volontairement non installé. bine sûr, il nous faut aussi des lecteurs et nous comptons sur vous, sur le bouche-à-oreille pour amener d’autre abonnés. Nous comptons vivement sur le soutien fidèle des abonnés, unique condition de notre existence pour attaquer les années à suivre avec sérénité.

 

Libelle

Michel prades 

 

A suivre, de près, et à soutenir, pour la liberté éditoriale, pour celle de l'art.




Revue Nu(e) N°69

Revue Nu(e) N°69

La revue Nu(e) est désormais hébergée par Poezibao. Qu’est-ce à dire ? Une revue de qualité, qui propose la gratuité de ses pages, téléchargeables au format PDF, il me semble que c’est à saluer. Ce N°69, consacré à Michel Finck, déroule un sommaire impressionnant. 

Bien sûr, nous sommes habitués à des livraisons de belle tenue, mais l'accessibilité de Nu(e) n°69 ainsi que la possibilité de consulter gracieusement cette source d’articles toujours de belle qualité ne doit pas échapper à tous ceux qui suivent de près ou de loin l’actualité poétique et artistique.

Gros volume de 405 pages, Nu(e) est présenté par Patrick Née, directeur de publication, qui s’exprime en ouverture de cet impresionnant numéro. Les premières pages proposent en effet un  entretien avec ce maître d’œuvre qui évoque sa démarche, et ses choix.

Le dossier consacré à Michèle Finck est le support de diverses approches, toutes plus intéressantes les unes des autres. A commencer par un ensemble de poèmes inédits de l’auteure, Cris-femmes, recueil dans le recueil, « témoignant du dernier état de son inspiration ». 

Nu(e) n°69, consacré à Michèle Finck,
hébergé par Poezibao.

Répondent à ces inédits un ensemble de poèmes/hommages signés Pierre Dhainaut, Laurence Breysse-Chanet, Jean-Yves Masson, Patrick Quillier, puis des extraits de la correspondance de Michèle Finck avec divers destinataires, parmi lesquels des auteurs présents dans ce numéro.

Il faut saluer un appareil critique impressionnant : Fabio Scott, Claire Gheerardyn, Yves Bonnefoy,  Jean-Pierre Richard, Salah Stétié, entre autres. Leurs articles, autour de l’œuvre de Michèle Finck, et les divers éclairages que ceux-ci proposent sur les écrits de la poète offrent des pistes de réflexion diversifiées, et démontrent si besoin était que le poème est porteur de potentialités sémantiques infinies...: synchrétisme artistique, ponts entre des lectures qui interrogent la forme, les dimensions sémantiques et paradigmatiques du poème ou du recueil. Riches en pensées et en interrogations, qu’une démarche herméneutique ne manque pas de susciter, sans y apporter d’autres réponses que des éléments de compréhension, résonances, liens enrichissants en terme de compléments de lecture, qui éclairent et guident le lecteur.

 Enfin, une bibliographie de Michèle Finck clos ce dossier, impressionnante somme des différentes exégèses  à propos de son oeuvre, et une recension exhaustive de ses écrits.

Assurément, il ne faut pas manquer de visiter cette revue qui regroupe  une somme précieuse d’articles et de poèmes, à partir de l’œuvre remarquable de Michèle Finck. Hébergée par Poezibao, dont il faut saluer l'initiative, elle est accessible à tous, et gratuitement. Merci.




Lichen, premier signe de vie à revenir…

Une revue mensuelle de poésie en ligne, façonnée par Elisée Bec, Lichen propose une ligne graphique épurée mais riche, très riche, et placée sous le signe de la convivialité. Les rubriques en témoignent : "Espèces en voie de disparition", "L'atelier des mots", "La grange aux mots reçus", "Le hangar des mots moches". Le champ lexical de l'agriculture est ici présent, ce qui permet de créer le lien entre la poésie et le travail de la terre.

Mais il ne s'agit aucunement de simplicité. ce qui est suggéré c'est que le travail des mots est l'espace d'un savoir ancestral et inné, un savoir-faire manuel et charnel, comme cultiver son champ requiert des gestes transmis de génération en génération... Le matériau langage, glaise malléable et offerte à d'infinies potentialités, puise sa puissance dans le socle commun qu'est la vie, simplement jour après jour, et dans la communauté des hommes.

Des noms apparaissent, comme Dominique Mans, Sylvie Franceus, et Perle Vallens, qui dans la rubrique "Espèces en voie de disparition" proposent des poèmes en prose. Des noms peu vus par ailleurs, et des textes dont certains nous donnent envie d'en lire plus de ces auteurs. 

 

"L'atelier du don des mots", rubrique suivante (dans l'ordre des onglets de la page d'accueil) publie des textes écrits à partir d'une liste de mots donnés par la revue. Ce mois-ci quinquagénaire, facéties, goupil, esquive, gariguette... Un jeu, oui mais enfin, aussi une gageure extrêmement sérieuse : motiver le texte par un arbitraire qui offre des occasions inédites de créer un écrit en sortant de ses territoires habituels, connus, fréquentés en tout confort...

Et puis c'est également allégorique d'une conception de l'art conçu comme un artisanat, avec pour matière première le langage... Mais qu'est-ce d'autre ?

Ici encore des noms que nous n'avons pas l'habitude de rencontrer, et des poèmes en prose à découvrir...

"La grange aux mots reçus", où trouver la liste des matières premières, les mots, qui permettent d'écrire les textes de la rubrique précédente, avec pour introduction une explication quant à son nom : 

 

À l'instigation d'une lectrice de Lichen, nous avons changé le nom du "répertoire" en "grange" : « [...] grange parce que je n'aime pas le mot répertoire, la grange, c'est joli, ça sent la paille et les vieilles cagettes, ça a des trous dans les murs de bois et des clayettes pour les pommes et des fils suspendus pour les grappes de tomates et de raisins. Il y a des brouettes et des échelles, des fourches et des pelles. Alors le répertoire... » (Sylvie Franceus, 4 avril 2019). Clément, qui était l'initiateur de cette liste fort utile, est tout à fait d'accord.
NB : Les mots venant d'être engrangés sont indiqués en bleu.) 
Dernière mise à jour : 16/04/19.

 

Même modus operandi pour la rubrique "Hangar des mots moches" :

 

Sylfée nous soumet une idée : 

« À côté de "La grange des mots",  il pourrait y avoir un hangar, le "hangar des mots moches", une sorte de grosse benne à mots. Et dedans, on pourrait ranger les mots qu'on n'aime pas tels que : répertoirecordialementpromotion... 

Ce serait une sorte de torsion de la bienséance, une collecte de la laideur, une réserve hideuse. C'est juste une idée. (...) Quelque chose qui nous éviterait de pencher toujours du côté du beau et qui équilibrerait les forces vives de nos goûts et de nos dégoûts. (...) L'antipode de l'esthétique. L'hommage aux répulsions. », m'écrit-elle. 

Et elle ajoute : « Ainsi, je dépose sur la clayette qui est là, juste face à vous quand vous poussez la porte du hangar, je dépose mes rebuts de mots...

 

 

Une revue participative, une revue où le partage et l'accueil forment le ferment fertile d'une poésie née d'une communauté humaine. Autant dire que là est le socle de tout poème ! Pour preuve, cet espace laissé aux commentaires, au bas de chaque page, où chacun peut intervenir, dans le respect et le désir de partager.

Partir de ceci, c'est déjà garantir un vecteur propice aux productions les plus prometteuses. Il n'y a qu'à lire la liste des "auteur(e)s", longue et riche, variée et édifiante : le poème n'est pas l'apanage des 'Happy few", n'en déplaise à Stendhal qui en énonçant ceci désespérait seulement de n'être pas compris... Il aurait aimé Lichen, à coup sûr, lui qui promenait son "miroir au bord du chemin" pour y montrer à ses contemporains le reflet édifiant d'une société qu'il souhaitait donner à comprendre grâce au roman(1)... 

 

 

∗∗∗∗

 

1. Epigraphe d'oeuvre du roman Le Rouge et le noir : "Eh, monsieur, un roman c'est un miroir que l'on promène au bord du chemin".




Derviche tourneur, revue pauvre et artistique

"Derviche tourneur 1 est une revue protéiforme en devenir qui s’intéresse à la pensée plutôt qu’aux idées, aime les citations plutôt que les répétitions ; si elle tourne, c’est seulement une manière de rétablir le mouvement."

Au titre intriguant, au projet annoncé sur le site associé, répond le format de cette revue de quelques feuillets couleur ivoire pliés comme des origamis, et reçus  par la poste -  en fait, une production bien singulière. On trouve en ouvrant l’enveloppe :

  • Un premier feuillet long, plié en 3 au format A5, contient la carte de visite de la revue « protéiforme » avec l’adresse mail et le site.
  • Une page 30x42 cm pliée longitudinalement puis en 3,
  • Un deuxième feuillet long plié en 3 également.

Au plaisir enfantin de la découverte de ce que cachent les plis se mêle le plaisir de découvrir les textes, dans un désordre relatif, où participent les noms de Guillaume Bordier, Fanny Garin, Anne Duclos, Jean Gilbert-Capietto, Julien Boutonnier et Clément Birouste.

Au revers de la « une », Une « filmographie »  (liste dans laquelle on retrouve bien des titres de notre panthéon personnel) complétée de plusieurs « Rêves cinéma ». Parmi les autres titres des feuillets suivants, « Rêve avéré n°1 », « Défense de pauvreté », « Objets » et « Fragments ».

Le feuillet le plus grand propose une « introduction à l’ostéonirismologie », où je relève cette réflexion qui m'enchante  comme le poème d'Henry Michaux , désirant la caravelle qui l'emporte "Dans les corridors des os longs et des articulations".

 

 Il y a des os. Les os rêvent. Les rêves des os produisent le réel.

Tout ce qui existe est créé par cet onirisme des os. 

.

Anne Duclos, interrogée, a bien voulu nous donner quelques informations sur cet étrange objet revuistique, à commencer par le choix du titre : 

Le nom de la revue vient surtout de raisons purement contingentes et biographiques ; mais la notion de tourner renvoie bien, pour moi, à une fonction essentielle des revues, qui est à la fois de circuler et de mélanger, de donner une forme par le mouvement. C'est en tout cas ainsi qu'on peut l'entendre, et non bien sûr de façon thématique.

En l’absence d’indication sur la revue, pouvez-vous nous indiquer la façon dont vous fonctionnez (rythme de parution, choix des textes, équipe…) ?

Pour répondre à vos questions, le plus simple est de commencer par dire qu'il n'y a pas de fonctionnement ni de régularité. Pas exactement d'improvisation non plus, mais plutôt un suite de projets. Le rythme, si on peut encore le dire ainsi, est très lent : en moyenne un numéro par an. Mais on réussira peut-être à accélérer le processus. La diffusion se fait principalement par abonnement actuellement, mais ça changera peut-être aussi. Il n'y a pas d'appel à texte pour le moment. Nous sollicitons les auteurs avec lesquels on veut travailler.

Jusqu'à présent, il y a eu trois numéros, chacun de format et de nature différentes. J'aimerais beaucoup que ça continue ainsi, c'est en tout cas l'idée de départ. Le numéro deux est constitué de deux affiches par exemple. Mais le numéro trois reprend cette idée : il peut se lire comme un cahier, mais aussi comme trois affichettes indépendantes (d'où le système un peu compliqué des pliages). La dimension matérielle est donc très importante, on essaie à chaque fois de réfléchir à la création d'un objet, mais d'un objet pauvre malgré tout, et en partie artisanal.  Je ne sais pas si on peut parler de typographe, bien que le terme soit très flatteur, mais c'est moi qui ai fait la mise en page de ce numéro. Les numéros deux et trois ont été imprimés en risographie.  C’ est une technique de reproduction qui utilise des pochoirs, comme la sérigraphie, mais permet plus facilement que cette dernière d'imprimer en plus grande quantité. On peut ensuite jouer sur différentes opacités pour créer un effet de trame, ainsi que superposer les couleurs (l'impression étant monochrome : il faut un passage différent pour chaque couleur). Cela dit je n'y connais pas grand chose, je fais faire les tirages par un imprimeur.

Je crois moi aussi que cette notion d'objet pauvre a un sens !

Nous sommes deux à porter ce projet, Christophe Dauder et moi-même. Christophe travaille principalement dans le domaine du cinéma, surtout documentaire. Quant à moi, on peut m'écouter plus que me lire, mais ça n'a (pour le moment ?) pas de lien avec la revue. J'ai encore du mal à décloisonner et rassembler mes différentes activités, même si je pense que les revues, de manière générales, peuvent justement être un dispositif le permettant. C'est particulièrement visible pour les revues en ligne il me semble. En un sens, on pourrait tout à fait renverser le rapport initial et voir dans les revues papier des "objets pauvres" par rapport aux revues numériques !

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Notes : 

1 - (Derviche tourneur, numéro 3, 2018, revuedervichetourneur.wordpress.com - On peut s'abonner ou acheter à l'unité les numéros sur le site de la revue (https://revuedervichetourneur.wordpress.com/




Revue Sarrazine, n°18

Revue Sarrazine, n°18, Suis-moi, 2018, dir. Paul de Brancion

 

Décrire le sentiment et un parcours de lecture d’une revue assez volumineuse comme c’est le cas ici, revient à penser en quoi les textes de chacun forment une sorte d’étoile, une étoile au rayonnement multiple. Et cela avec une certaine grâce, car les poèmes, les images, les entretiens dont fait état la publication, se côtoient sur un ton, une tonalité. La revue fait artistement le trait d’union entre le lecteur et l’écrivain, ainsi que les écrivains et les poètes entre eux. Tous ces textes s’arc-boutent conceptuellement, et cela jusqu’à dessiner le portrait de l’équipe éditoriale, voire de Paul de Brancion, tant le ton est uni et harmonieux. 

Revue Sarrazine, n°18, Suis-moi, 2018, dir. Paul de Brancion

Et même si deux massifs textuels se détachent et se distinguent, c’est-à-dire les 28 images accompagnées de courts poèmes de Philippe Guesdon, et les 30 pages de l’entretien de Souytin Naud qui relatent les années d’enfer du Cambodge de Pol Pot où la jeune femme a vécu enfant, ces deux pôles ne dépareillent pas. Il faut simplement accepter de suivre la ramification étoilée qui va de la peinture de la Renaissance à une des tragédies historiques de la fin du XXème siècle, en passant par la poésie toute contemporaine qui est accueillie ici. 

Du reste, si l’on suit le mouvement de ce périodique chronologiquement, si je puis dire, comme je l’ai fait, on perçoit bien comment les poèmes notamment jouent ensemble sur l’aspect graphique, utilisant les blancs, les enjambements, les coupures, les syncopes, méthode approfondie par plusieurs des poètes de la revue. 

Le propre de la revue, si je peux relater mon expérience personnelle de revuiste, c’est de faire cohabiter de l’hétérogénéité. Et avec Sarrazine, les lieux – Belgique, Italie, Cambodge, Canada Innue, etc. - les locuteurs – de plusieurs générations, pratiquant parfois plusieurs arts - les mises en scène de textes ne dénaturent pas le chemin que font les voix multiples de cette sorte de réseau ; d’ailleurs, l’ouvrage ferme presque sur un texte très intéressant à propos de Borges et de son labyrinthe de labyrinthe qu’est pour lui une bibliothèque, ramifiée par des secteurs, eux-mêmes fracturés, étoilés pas des livres. Merci à Paul de Brancion de m’avoir fait connaître sa revue, et sa quête intérieure, mouvement immobile de ces divers voyages littéraires.




L’intranquille de printemps…

Une nouvelle livraison de L’intranquille, ce numéro 16 de printemps n’en finit pas de porter cette revue encore plus loin dans la qualité à laquelle tient Françoise Favretto,  qu’elle porte avec brio et efficacité.

 

Les rubriques habituelles proposent pour ce volume des productions qui s’inscrivent comme toujours dans un dossier thématique qui est pour ce numéro 16 Blessures/métissages culturels. Nous y retrouvons des poètes tels que Julien Blaine, Jacques Demarcq, Clara Calvet ou Patricia Cros, pour ne citer qu’eux.  Les critiques, avec tojours, ne nous en plaignons pas, J.P. Bobillot, Marie Cazenave et Françoise Favretto.

L’ouverture à l’internationale consacre un nombre appréciable de pages aux poètes scandinaves. Ruth Klüger propose des traductions de L. Stroeve, de M. Wignam et de S. Paulet. Ceux-ci sont suivis de poèmes en prose d’Elke Heidenreich, de textes de Mariane Larsen et de Risten Sokki, regroupés dans un article, Du cercle polaire à la Scandinavie… Le traitement du sujet ne décevra pas ! De même les présentations et articles sont toujours plaisants, mais jamais anodins ni récréatifs…! Comme à l’accoutumée un appareil critique et biographique accompagne les auteurs et leurs productions. Le lecteur est donc guidé, discrètement mais efficacement...

 

L'Intranquille n°16, Editions de L'Agneau, Orthez, printemps 2019, 88 pages, 17 €.

Signalons enfin une toute nouvelle rubrique, Changer d'air changer d'art, qui pour la toute première de ses apparitions donne la parole à Denis Ferdinande, à l'occasion d'un entretien avec L'Intranquille. Des thématiques chères à Françoise Favretto, et qui abordent des sujets qui sous-tendent la production artistique de ce début de siècle y sont abordées.

Encore un beau numéro qu'il faut donc saluer.