Passage en revues : Le Journal des Poètes 1/2015 et Arpa 112

Le Journal des Poètes, n°1 de 2015, 84e année.

 

 

Ce numéro de la célèbre revue belge d’Yves Namur et Jean-Luc Wauthier s’endeuille, à peine revisagée (voir p. 83) de la disparition du second, survenue au moment du bouclage, et qui n’a été signalée pour l’heure que par une feuille volante. L’auteur des Aiguilles du temps et des Tablettes d’Oxford cesse donc son propre chant de nostalgie, pour entrer dans la nôtre, avec les regrets de tous les poètes et amateurs de poésie. 

En ces temps où s’amassent des fortunes énormes, les plus énormes de l’histoire de l’humanité, où se brassent des quantités titanesques d’informations, de gens, de choses, de pouvoirs, où se jouent au jeu cynique de l’équilibre et du déséquilibre, des guerres, des génocides, des faims, des exils et des dépossessions sur tous les continents, est-il déplacé de voir « À livre ouvert » se cristalliser dans la paix du poème l’esprit du véritable bonheur épicurien et l’esprit de Grâce des (jeunes ou vénérables) poètes du renoncement, que paraissent être ici Nicolas Grégoire, Max Alhau, Jean-Luc Wauthier, Gérard Bocholier, Pierre Dhainaut, Philippe Leuckx, Claude Michel Cluny ou Gilles Baudry ? Non, pour qui connaît un peu l’histoire de l’Empire (romain), ce n’est que signe légitime des temps. Besoin de sagesse dans l’inquiétude. Et c’est à entrer dans ce « pays où l’on arrive jamais » qui nous éloigne des fureurs du monde que nous convie l’éditorial d’Isabelle Françaix, et à changer le monde en nous, à transformer « la vie par le langage », et à aimer, plutôt que le bruit quantitatif et extérieur des choses, « le son intérieur de tout réel ». Mais parce qu’elle harmonise la vie tout entière, le Dossier de la revue nous présente aussi, cette fois, deux poètes tibétains en contact direct avec les tempêtes du monde, Palden Sonam (né en 1986) et Loten NamLing (né en 1963) : l’un jeune réfugié en Inde, l’autre chanteur et joueur de dranyen, né en exil, tous deux émouvants et dont la poésie témoigne, et incise notre éventuelle inconscience. La rubrique des Paroles en archipel nous propose des poèmes, souvent discrètement métaphysiques, de Anne Lohro, Dirk Christiaens, Jean-Pierre Sonnet, Xavier Forget, Anne Dujin et Denis Cardinaux. Le Panorama de Philippe Leuckx fait cette fois l’éloge, en quelques mots très judicieux, d’Alfredo Costa Monteiro, Jean-Pierre Denis ou Luc Moës, entre autres, et La Rubrique donne à entendre la voix nouvelle d’Aurélien Dony, avec en particulier le beau poème « juin », qui n’est pas sans irradier une sorte de lumière persienne.

 

 

 

 

Arpa, revue de poésie, n°112, février 2015 (dir. Gérard Bocholier)

 

Dans cette livraison, on pourra découvrir ou lire quelques poèmes de pas moins de vingt-trois poètes. C’est avec ceux de Jean-Claude Pirotte, qui vient de disparaître, et auquel Gérard Bocholier rend un sensible hommage, que s’ouvre la rubrique. Pierre Chappuis propose, lui, un texte composite, suite de notes, remarques, réflexions proches des textes de Barthes : comme un journal intime et elliptique, avec des entrées de dictionnaire, des notes d’idées, voire d’idées reçues à la Flaubert (« Accablant ») qui constituent un ensemble baroque et très vivant. Parmi les poèmes de Philippe Mathy, Gilles Baudry, Muriel Sendelaine, Dominique Héritier et bien d’autres, on distinguera peut-être ceux de Régis Roux, de l’Australien Kevin Hart (traduits par Raymond Farina), ou d’Emmanuelle Le Cam, ainsi que le petit dossier consacré à Reginald Gibbons, poète, traducteur et universitaire texan, dont les poèmes sont ici traduits par Nathanaël et le recueil I, not I présenté et analysé par Marilyne Bertoncini. On appréciera aussi les belles encres de chine de Bernadette Leconte, aériennes et aquatiques, évoquant tantôt des méduses tantôt des spirales d’escaliers de phare. Signalons encore les « encres et pointes sèches » de Colette Minois, suite charmante d’aphorismes diaristes. 

Pour se procurer le recueil de Réginald Gibbons, cliquer ici : Je pas Je/I not I

 

                                                                                                                     




Passage en revues Autour de : Le Journal des Poètes 1/2015, revue Cabaret 12 et 13, Revue Alsacienne de Littérature 122, Traversées 75

 

Passage en revues

Autour de : Le Journal des Poètes 1/2015, revue Cabaret 12 et 13, Revue Alsacienne de Littérature 122, Traversées 75.

 

 

 

L’ami, poète et rédacteur en chef du Journal des Poètes, Jean-Luc Wauthier nous a quittés il y a peu. Poursuivre l’aventure de cette belle revue à laquelle il tenait tant, lui donnant bien du temps − à la revue c’est-à-dire à la poésie contemporaine, est la meilleure façon de rendre hommage à l’homme/poète Jean-Luc Wauthier. C’est à cela que s’attachent Yves Namur (Le Taillis Pré est devenu l’éditeur du Journal des Poètes), Philippe Mathy, Jean-Marie Corbusier et l’ensemble des collaborateurs habituels de la revue. Les récents moments n’ont sans doute pas été humainement aisés, nous tenons à dire à tous ceux qui agissent au sein du Journal que nous sommes amicalement à leurs côtés. Et en premier lieu pour dire clairement : si l’on aime la poésie et les revues sérieuses, il faut lire le Journal des Poètes (et s’y abonner car l’abonnement est le gage de la continuité d’une aventure poétique, laquelle est par définition fragile – tant dans le domaine des revues que dans celui des éditions). Il m’est d’autant plus facile d’affirmer cela que le numéro que j’ai en mains, le premier de l’année 2015, est une réussite exemplaire avec, en particulier, un dossier consacré par Michèle Duclos (dont il faut dire le travail de passeuse !) à deux poètes tibétains en exil, Palden Sonam

 

Le Tibet est mon pays des neiges
Loin à l’horizon
très haut
pics blancs et plaines vertes
mon pays me manque
la tente noire près de la rivière bleue
prairies à perte de vue tachetées de yaks
joyeuses collines étoilées de moutons

(…)

 

Le poème en son entier s’intitule « Nostalgie », et ce poème ouvre le dossier. Cela est important, notamment pour ceux qui parmi nous se regardent un peu trop le nombril sans guère avoir mis les pieds ailleurs (le tourisme ne fait pas le voyageur réel). La vie de ce monde, dure, vraiment dure, est celle de ces lieux sans pouvoir populaire, ces espaces où l’on gagne en moyenne un euro par jour. En travaillant et en étant réellement opprimé. Dans Recours au Poème, il nous arrive de signer des pétitions mais avant de signer nous avons toujours cela à l’esprit. Par simple et minimum respect vis-à-vis des autres êtres humains que nous (ou nos egos, terme au choix).

Plus loin, dans un autre poème :

 

Je me sens trop loin de chez moi,
Marchant seul dans une rue étrangère.
Des gouttes de pluie dansent ici et là.
Mais les larmes tombent partout.

 

La poésie de Palden Sonam est belle, profonde. Intérieure, depuis le lointain exil. Une découverte que les quelques poèmes donnés ici à lire. Tout comme ceux de Loten Namling :

 

Quand j’étais petit je contemplais
Les yeux pleins de larmes de mes parents chéris
Au milieu de la tristesse je voyais la Vérité
La Vérité d’une nation
Esprit si pur et si libre.

(…)

 

C’est qu’il y a des souverainismes qui ne sont pas insensés.

La revue propose ensuite, comme à son habitude, de fortes paroles en archipel : Anne Lorho, Dirk Christiaens, Jean-Pierre Sonnet, Xavier Forget, Anne Dujin et Denis Cardinaux ; ainsi que des « voix nouvelles », en la voix d’Aurélien Dony. Le tout accompagné de chroniques et de nombreuses notes de lectures signées de plumes critiques que l’on aime, ici, à retrouver régulièrement dans les pages de ce beau Journal. Sans oublier la revue des revues d’Yves Namur consacrée cette fois aux revues Arpa et Phoenix. On vous le disait, c’est quand même un lieu de très haut goût.

 

Le Journal des Poètes
Contact : Jean-Marie Corbusier, à cette adresse mail
neuforgedominique@skynet.be

 

 

Petite (en apparence physique seulement), la Revue Cabaret est une revue que je découvre tandis qu’elle atteint ses 12e et 13e numéros. Dans un format/carnet, son directeur Alain Crozier propose pour chaque numéro des textes liés à un thème. Ici, « A northern Soul » puis « Les poupées russes ». On peut lire, avec bonheur, des textes d’auteurs et de poètes, femmes et hommes, comme Patrice Breno, Eric Dejaeger, Christine van Acker, Delfine Guy, Jo Hubert, Alienor Debrocq, Caroline Cranskens, Paul Badin, Cécile Odartchenko, Muriel Carrupt, Annie Hupe, Anne-Lise Blanchard, François Szabowski et Olga Sokolow. De cette dernière :

 

Allez buvons ensemble
À la nuit anonyme

 

 

Et en effet, la poète me semble avoir raison, c’est la plus belle des nuits.
Une aventure poétique discrète et bien intéressante que l’on vous recommande chaudement.

 

Revue Cabaret / Le Petit Rameur
31 rue Lamartine.
71800 La Clayette
France
www.revuecabaret.com

 

 

La revue Traversées, dame atteignant son 75e numéro à raison de quatre numéros par an, livre ici un numéro massif, tant par ses 180 pages que par son contenu. Son animateur principal, Patrice Breno, écrivain et poète, travaille avec acharnement à poursuivre une aventure aujourd’hui reconnue, avec l’aide d’autres travailleurs de la nuit poétique, comme Paul Mathieu ou Xavier Bordes (entre autres). Ce 75e numéro, titré « haikus », démarre par un long texte faisant le point sur ce que sont haïku, haïbun et haïga, signé David Colling. Viennent ensuite près de 50 textes ou haïkus donnés par des poètes de diverses latitudes proches. C’est une fort belle manière de permettre la découverte et l’actualité (la « mode » s’interroge-t-on dans la revue) de l’écriture de haîkus. Gageons que nombre de lecteurs de Traversées, une fois lecture plus que plaisante faite de ces premières pages, découvrirons ensuite ce que sont haïgas et haïbuns. La moitié du numéro est consacrée au dossier, et l’on ne peut que remercier Patrice Breno et ses amis car c’est un ensemble de belle facture. L’autre moitié de la revue, sobrement intitulée « Et aussi », présente poèmes et textes de divers auteurs/poètes contemporains, dont les voix d’Evelyne Charasse, Marie-Josée Desvignes ou Martha Iszak (mince, je n’ai cité que des femmes… Je vais encore me faire taper sur les doigts pour sexisme). Traversées est très bonne revue.

 

Traversées.
C/O Patrice Breno
Faubourg d’Arival 43
B-6760 Virton
patricebreno@hotmail.com

       

 

 

La Revue Alsacienne de Littérature consacrait son numéro 122 aux « utopies ». La chose est devenue osée, en général et en poésie en particulier. Un sacré dossier ! Où l’on retrouvera, parmi d’autres, les voix de Pierre Dhainaut, Anne-Marie Soulier, Karlheinz Kluge, Jean-Claude Walter, Paul Schwartz, Michèle Finck, Claudine Bohi, Fabrice Farre, Eva-Maria Berg, Laurent Bayard, Françoise Urban-Menninger… poèmes et textes, le tout encadré par des œuvres de Lucia Reyes.

Dont, ceci de Paul Schwartz :

 

Il ne s’agit pas d’arriver mais de prendre le chemin

                  faute de la fin les moyens

                                                un point c’est tout

 

Un très bel ensemble mêlant poèmes bilingues français/allemand, poèmes en français et poèmes en allemand, comme il est de tradition en ce lieu.

La partie « voix multiples », environ la moitié du volume, donne à lire des auteurs et/ou poètes comme Régine Detambel, Martine Blanché, Daniel Martinez ou Samuel Dudouit. Viennent des essais dont le texte d’Alain Fabre-Catalan consacré à Georg Trakl, poète assurément trop peu lu aujourd’hui. Une revue à découvrir, vraiment, si ce n’est déjà fait.

   

Revue Alsacienne de Littérature.
Les Amis de la Revue Alsacienne de Littérature
BP 30210
65005 Strasbourg
ral@noos.fr

 

 

 

 

 

 

 

 




La manzana poética : le vers est dans la pomme

 La Manzana poética est une revue littéraire espagnole de Cordoue. Dirigée par Bernd Dietz et Francisco Gálvez, elle ouvre largement ses pages à la poésie du temps présent. Sa dernière livraison accueille 26 voix féminines nées entre 1976 et 1990. Dans ses prolégomènes, depuis une autre rive, l'Italienne Paola Laskaris évoque [ une toile de fils transparents, réaliste et visionnaire, abstraite et naïve, tissée par les lumières et les ombres de deux millénaires ].

L'universel et l'ultra contemporain s'y côtoient dans les fracas du corps et de la langue, en des vers tantôt déroulés en longs méandres, tantôt acérés comme des couteaux. De la movida des années quatre-vingt à l'actuel désenchantement généré par les crises économique et sociale, ce sont là des secousses telluriques exprimées en surface autant qu'en profondeur, éphémères et durables dans le même mouvement de décomposition et de recomposition. L'espoir, malgré tout, recentré sur un soi ouvert à la rencontre, n'est pas mort. Dans sa " Poétique provisionnelle ", Laura Cassielles décline ses paradigmes du verbe écrire et reflète au mieux les états d'esprit de ces générations trop souvent fracassées.

" Ecrire : mettre sur les plateaux d'une balance les grains fertiles du vécu. Décider de quel côté ça vaut la peine d'incliner le poids des mots.

Ecrire avec la nerveuse illusion de celui qui invente de nouveaux mots doux dans une lettre d'amour. Ecrire avec la certitude révolutionnaire de celui qui inclut des réflexions politiques dans une lettre d'amour.

Ecrire : aimer. Ecrire : pleurer parfois, et parfois célébrer. Ecrire : marcher.

Ecrire je dénonce. Ecrire je doute. Ecrire accompagne-moi.

Et c'est bien d'accompagnement qu'il s'agit, à la faveur des communautés poétiques très variées que tissent jour après jour les réseaux sociaux, les sites et les blogs de la galaxie numérique. La poésie ne s'enferme plus dans des fonds de tiroir. Paola Laskaris déclare [ qu'elle se montre à des balcons sans grille, comme une maja goyesque audacieuse qui sollicite avec insolence le regard de n'importe quel internaute ].

Il n'est pas possible de donner ici la parole à chacune de ses 26 voix alors que chacune pourtant le mérite. En voici cependant quelques-unes, choisies par les hasards de mon vagabondage et... les commodités de la traduction.

 

Hermana muerte

Estás en el rojo terciopelo de mi vientre, en los gritos secretos que anuncian mi temblor de nin͂a herida. Quiero mostrarme desnuda ante ti. Quiero que dispares el gatillo, que me ahorques, que me asfixies, que abras mis ojos hacia los horizontes marinos. Ponerme un abrigo de fuego, arder, en la miseria. De noche buscas a tus hijas iniciadas en el mal. No quiero que me salves. No le repitas. Las campanas tocan a muerto. Invítame a ser una ama de cría. Mis manos abiertas reclaman sangre. Mi útero estrecho busca un pájaro desplumado. Nuestros besos mueren, tu lengua, la de mi hermana, la tuya, la mía. Si me tiendo en la cama me pudriré. Baja conmigo las escaleras. Cuece un caldo espeso para el diablo. Brotan lágrimas de mis senos. La luna celosa, ocupa mis ojos.

Begon͂a Callejón

Sœur morte

Tu es dans le velours rouge de mon ventre, dans les cris secrets qui annoncent mes tremblements de fille blessée. Je veux me montrer nue devant toi. Je veux que tu appuies sur la détente, que tu me pendes, que tu m'asphyxies, que tu ouvres mes yeux vers les horizons marins. Me mettre un manteau de feu, brûler, dans la misère. La nuit tu cherches tes filles initiées au mal. Je ne veux pas que tu me sauves. Ne le répète pas. Les cloches sonnent le glas. Invite-moi à être une nourrice. Mes mains ouvertes réclament le sang. Mon utérus étroit cherche un oiseau déplumé. Nos baisers meurent, ta langue, celle de ma sœur, la tienne, la mienne. Si je m'allonge sur le lit je pourrirai. Descends l'escalier avec moi. Cuis un bouillon épais pour le diable. Des larmes jaillissent de mes seins.  La lune est jalouse dans mes yeux.

 

Ensayo sobre terrores

 

Hay terrores enormes
que pesan como hierro en las entran͂as :
las guerras nucleares, las iras del mercado,
siete mares temblando, el hombre que podría
con un simple chasquido borrar el universo,
la lírica homicida de ciertas religiones,
el cáncer invasivo, los leves dictadores,
los dictadores ciegos,
el bostezo de Dios sobre los bellos pueblos
tan pobres como cardos.
Y hay terrores pequen͂os
que pican como pulgas en el alma :
la lacra del insomnio, el gen de la locura,
los ganglios en el cuello de mi hija,
el silencio sin masa del otro ser que amamos,
los días laborables, los rituales vanos
o la ridiculez de nuestros ideales.
Hay terrores gigantes en problemas menudos.
Y terrores purísimos
como temer la nada.

Rocío Hernández Triano

 

Essai sur les terreurs

Il y a des terreurs énormes
qui pèsent comme du fer dans les entrailles :
les guerres nucléaires, les colères du marché,
sept mers prises de tremblements, l'homme qui pourrait
d'un simple claquement de doigts effacer l'univers,
le suicide lyrique de certaines religions,
le cancer invasif, les dictateurs légers,
les dictateurs aveugles,
le bâillement de Dieu sur les jolis villages
aussi pauvres que des chardons.
Et il y a de petites terreurs
qui piquent l'âme comme des puces :
la cicatrice des insomnies, le gène de la folie,
les ganglions dans le cou de ma fille,
le silence sans épaisseur de l'autre que nous aimons,
les jours ouvrables, les vains rituels
ou le ridicule de nos idéaux.
Il y a des terreurs gigantesques dans les petits problèmes.
Et des terreurs à l'état pur
comme la crainte du néant.

 

*

 

Establecer la herida como término industrial
Del territorio íntimo en que habita
Mi alma, que los cipreses aniden en mis piernas
Y trasladen a éstas cierto verdor intacto,
Creciendo la hiedra a través de mí como el olvido.
Tan sólo dejarse ahora. Ascender
En pura rama, hojas de cuya soberbia
Nace la construcción del cielo.

Ana Vega

 

Etablir la blessure comme un terme industriel
Du territoire intime où habite
Mon âme, que les cyprès nichent dans mes jambes
Et transportent en elles quelque verdeur intacte,
Le lierre à travers moi poussant comme l'oubli.
Juste se laisser aller maintenant. Grandir
En une branche pure, feuilles dont la superbe
Accouche la construction  du ciel.

 

Caracol

 

Miro tu lentitud,
la traza de luz que abandonas a tu paso
como la savia derramada de los árboles.
Eres el pequen͂o dios de la sed
que atraviesa las hojas y la noche
en su infinito reposo.
Te observo sin heridas
y miro mis manos : sombras de nieve
que tocaron la muerte con tu mismo sigilo.

Marta López Vilar

 

Escargot

Je regarde ta lenteur,
le tracé de lumière abandonné à ton passage
comme la sève des arbres répandue.
Tu es le petit dieu de la soif
qui traverse les feuilles et la nuit
en son infini repos.
Je t'observe sans blessures
et je regarde mes mains : ombres de neige
qui ont marqué la mort de ton empreinte.

 

Primeros besos

 

La arena se filtra en los poros del tiempo.
Man᷈ana, ayer, nunca...
se encuentran en un tren que nunca vuelve,
                                              nunca pasa.
Los cuerpos se pierden en andenes circulares.
Recuerdo sus vías y sus piedras,
pero no sus caras,
no sus lágrimas ni su risa.
Dónde van los pasos que olvidamos.
Allí donde estén,
           guarda la vida sus primeros besos,
sus últimos labios.

Marta Gómez Garrido

 

Premiers baisers

Le sable se filtre dans les pores du temps.
Demain, hier, jamais...
se rencontrent dans un train qui jamais ne revient,
                                              jamais ne passe.
Les corps se perdent sur des quais circulaires.
Je me souviens de leurs voies et de leurs pierres,
mais pas de leurs visages,
pas de leurs larmes ni de leur rire.
Où s'en vont les pas que nous oublions ?
Là où qu'ils soient,
           la vie garde ses premiers baisers,
ses dernières lèvres.

 

 Ont également participé à cette anthologie dite de la Génération 2001 et dans l'ordre alphabétique :  Ariadna G. García, Yolanda Castan͂o, Carmen Garrido, Mertxe Manso, Vanessa Pérez-Sauquillo, Esther Gimenez, Erika Martínez, Alejandra Vanessa, Ángela Álvarez  Sáez, Ana Patricia Moya, Verónica Aranda, Sofía Castan͂ón, Siracusa Bravo Guerrero, Saray Pavón, Elena Medel, Virginia Cantó, Martha Asunción Alonso, Alba González, Berta García Faet et Luna Miguel.

La manzana poética, N° 37, Septembre 2014, 9 €.

www.lamanzanapoetica.info




La moitié du fourbi, n°1 : “écrire petit”

 

La moitié du fourbi est une revue nouvelle-née, parue en février 2015, sous le signe thématique de l’« écrire petit ». Ses articles consitutent des prouesses littéraires à part entière. Connaissant les goûts (sûrs) de son créateur en chef, Frédéric Fiolof de son nom de plume nocturne (il anime l’excellent blog de critique littéraire La marche aux pages), et un peu ceux des membres de son comité de rédaction (Anthony Poiraudeau, Hélène Gaudy, Zoé Balthus et Romain Verger), l’on s’attendait à un opus de qualité, mais le résultat dépasse nos expectations. L’on peut être emballé, dans une nouvelle revue, par deux ou trois articles, mais que l’ensemble emporte l’adhésion est en général une chose rare. Ajoutons que le design de l’ouvrage est séduisant, un terme anglais lui va comme un gant : celui de slick (lissé, classe, en français ?).

Applaudissons tout d’abord la cohésion époustouflante qui se dégage de cet ensemble : le point fort de La moitié du fourbi. La trame d’« écrire petit » est serrée, puisque chaque article, chaque être, chaque monde, nous renvoie à un autre : le dessinateur Nylso renvoie à Robert Walser qui renvoie à Max Brod qui renvoie lui-même à Kafka qui renvoie à Walter Benjamin qui renvoie à Uri Orlev, écrivain rescapé de Bergen-Belsen dont le carnet de poèmes renvoie à ceux de Monsieur M., qui renvoient eux-mêmes à Richard Brautigan, auteur cher à Thomas Vinau, interviewé ici par Frédéric Fiolof, et ainsi de suite, dans une chaîne de signifiants essentielle.

Saluons ensuite la passion de ses rédacteurs pour leur sujet : pas un seul qui ne semble point impliqué émotionnellement avec son propos et « possédé » par le mystère qu’il sonde (celui de Tamán Shud est troublant), dans la mesure où ils ont tous manifestement écrit depuis les lieux d’extase et de choc que leurs passions leur ont fait ressentir. On ne peut que leur être reconnaissant d’avoir partagé (en s’effaçant humblement derrière) leurs obsessions, et de nous les avoir transmises. On est d’emblée fasciné, happé, on brûle d’envie d’en lire davantage sur les mondes qu’offrent les variations autour de l’« écrire petit » de ce numéro : entre autres, celui des logarithmes informatiques, des Pygmées ou de Michaux, tous ces mondes poétiques, qui, sans les exégèses de leurs arpenteurs enfiévrés, nous resteraient illisibles. L’expérience de lecture qui nous est livrée est intense, jubilatoire. Quelle joie en effet que de découvrir l’univers incroyable de Nylso, et celui, impitoyable il faut bien le dire, de Werner Herzog. Et que dire de l’émotion ressentie en se remémorant les images de celui de Bruno Dumont, dont La Vie de Jésus (visionné il y a presque vingt ans dans un petit cinéma d’art et d’essai de la banlieue de Boston). Et celle de cheminer main dans la main avec Anne-Françoise Kavauvea (qui lit Walser depuis l’adolescence) jusqu’à la tombe potentielle de l’écrivain suisse.

Quand on lit, on aime quand les souvenirs et les émotions remontent, quand le cœur bat un peu plus vite au détour d’une phrase, on aime sentir qu’on est en vie. Les articles de cette première Moitié du fourbi sont bouleversants. Par exemple, les textos échangés à New York le matin des attentats du 11 septembre 2001 : outre le fait qu’ils nous replongent dans les affres de ce drame, ils nous rappellent aussi que, où que nous soyons, nous sommes toujours à un doigt de la catastrophe, de la tragédie, et que nous ne devons pas oublier que, pour peu que nous en sachions, nous évoluons peut-être dans des poches de répit exigües, à la fois temporellement et spatialement. Conclusion : nous devons nous efforcer de ne pas oublier de vivre. Il est de notre devoir en tant qu’humain encore en vie, jouissant d’un certain confort et de nos facultés, et surtout bénéficiaires d’un feu qui nous empêche de sombrer, de continuer à partager celui-ci pour essayer de contribuer aux émerveillements.

Vivre, s’émerveiller, équivaut, en l’occurence pour une revue de littérature, à lire et donner envie de lire ; ce bonheur sacré de la lecture qui pousse vers d’autres lectures. Ainsi, cette généreuse « moitié » de fourbi (ô combien bienvenue en ces jours sombres de notre humanité) est salutaire, car elle titille et réveille, rappelant que toute bonne littérature est tissée d’appels à la vie, ou d’appels d’air, distillatrice et provocatrice de passions. Fourbi littéraire qui ramène à nos propres fourbis de livres, d’écrits, créant des passerelles entre nous et les horizons salvateurs potentiels, des liens significatifs entre les humains. Bravo à toute l’équipe et aux contributeurs, longue vie à La moitié du fourbi.

 

La moitié du fourbi
22, rue Pablo Picasso
93000 Bobigny
revue@lamoitiedufourbi.org

 

Sabine Huynh a publié Avec vous ce jour-là/Lettre au poète Allen Ginsberg chez Recours au Poème éditeurs

 




OSIRIS n°79

 

Revue biannuelle de poésie contemporaine, Osiris paraît depuis 42 ans. Andrea Moorhead, universitaire, poète, traductrice et photographe (notamment  plusieurs recueils parus au Noroît, Au loin en 2010, Géocide en 2013), est la maîtresse d’œuvre de ce bel ouvrage. Elle-même écrit en anglais et en français, ce qu’elle nomme voyage immobile, mais il n’est pour elle qu’une langue : celle de l’autre. On comprendra mieux l’assise d’Osiris : une Babel rayonnante. Se découvrent en langue originale avec leur traduction en anglais, les poèmes de Gustav Munch-Petersen, voix danoise où terre et ciel mêlent leur force : A star sparkles green, in star-tears, star-tear alone/ In the salt of my childhood’s hot stone (EARLY MORNING),  en langue anglaise, neuf poètes : Frances Presley, Sarah Cave, Steve Barfield, Simon Perchik, Alan Britt, John Sibley Williams (les poèmes HOUSE ON FIRE et NO ANIMAL sont saisissants), Rob Cook , son poème FEAR glacerait le sang si ce n’était cette extraordinaire appétence de vivre, ces vers  font étrangement songer au tableau de Van Gogh Les Souliers, 1886 :The dogs can already smell/ How my shoes will fail / On one of the days missing/ Between October et December,  suivent les poèmes d’ Andrea Moorhead, et  de Randi Ward. On peut lire en français les poèmes de Françoise Hàn Serons nous l’après-midi d’été/ de ceux-là venus quand la Terre/ aura changé son inclinaison /,  d’Yves Broussard et de Céline Zins, en grec, avec  leur traduction,  les poèmes de Anna Griva et Spiros Aravanis, en italien ceux de Laura Caccia et en portugais avec leur traduction ceux de Salgado Maranhăo. S’ajoutent la photographie d’Andrea Moorhead THE MEADOWS et la reproduction du tableau de Robert Moorhead ARABIC LESSON où la métamorphose du graphème arabe s’offre en dire multiforme, lumière et chants entrelacés.

Cette revue est résolument moderne, outre offrir un juste panorama de la poésie contemporaine internationale, dans la diversité des langues données à entendre et à lire, elle fait résonner le Verbe : Osiris opère ses pouvoirs.

 

Rédaction : Andrea Moorhead
Le numéro 8 euros
ISNN0095-019X
Abonnement à la revue :
OSIRIS
106 Meadow Lane
Greenfield MA 01301 USA




Revue ARPA, n°110–111

 

Un double ARPA, copieux de 208 hautes  pages sur le thème NATURE(S). Neuf photos d’André Hébrard. Quarante-huit auteurs convoqués dont le maître d’œuvre, Gérard Bocholier. La couverture comporte un beau calligramme d’arbre poétique. Dix-neuf pages de lectures et préférences, par C. Minois, G. Bocholier…

Du « maquis me gagne » d’Henri Perrier Gustin au  fragment du poète roumain Alexandru Miran,  qui énonce « Le poète a sa racine en terre », des poèmes qui honorent la « présence »  au monde, dans la « ferveur du chant » (Janine Modlinger).

Citons, parmi les talents ici proposés : l’ode aux « petites feuilles mourantes » de Nicolas Dieterlé, son «  soleil dans la poitrine », « dense et ample » ; l’invite « marcher sur le pollen neigeux des peupliers » de Michel Jourdan ; le lyrisme du maître de céans, nourri de « grandes coulées de neige », de la « ramure noire du noyer » pour qui « le ciel s’éclaire d’une franche touche d’or pâle » (G.B.) ; les proses très raffinées d’un Alain Eludut (« Bientôt, le monde va prendre vie de la manière la plus effrontée qui soit » ; ce quatrain magnifique tiré de « Mère-la-Nuit » du Frère Grégoire Laurent-Huyghues-Beaufond : « Il est tard déjà/ dit Mère-la-Nuit/ allons, viens petit/ prends ton bain d’effroi » ; l’allitération donne vie à « Ton nom » de Christiane Keller : « D’où la tiendrais-je/ cette mélodie d’arômes émus/ qui remue jusque dans les choses muettes, / les épis mûrs, le pain, la table/ et la pentecôte de sel/ sur la soupe des siens ? » ; Guillaume Decourt, quant à lui, ordonne dans ses proses des blasons convaincants : « Cueillette des citrons par la fenêtre du jardin » ou « Errer de bon matin sur les quais de Cannaregio ».

Un bien beau numéro, duquel, forcément, on ne peut tout citer, que je vous recommande vivement pour sa diversité, sa richesse de voix et de rythmes.

Bravo à l’équipe d’ARPA : C. Minois, G.Bocholier, P. Maubé, C. Moncelet, C. Keller, J.P. Farines…




Terres de Femmes, n°121

 

En 2014, Terres de Femmes a fêté sa dixième année d'existence, en continuant à proposer un programme toujours aussi exigeant et accessible en même temps, où la critique littéraire pointue et juste (rappelons que Angèle Paoli a obtenu le prix européen de la critique poétique francophone Aristote 2013) est associée à des extraits (inédits ou pas) de poètes qui marquent et marqueront, pour longtemps, la littérature.

Une revue internet a cela de différent de son pendant papier, qu'elle reste toujours disponible, et souvent gratuite ; la chronique suivante concerne le mois de décembre 2014, mais n'hésitez pas à lire les publications d'années précédentes, que vous trouvez dans les archives du site, lequel est très clair et simple d'accès.

Si la notoriété de la rédactrice de la revue, en tant que critique, n'est plus à prouver, elle a l'humilité de savoir s'entourer d'autres personnes, pour faire état de leur lecture de certains livres, comme Isabelle Lévesque (qui parle ce mois-ci de Normale saisonnière de Sofia Queiros, éditions Isabelle Sauvage) ou encore Chantal Dupuy-Dunier (Tony's blues, de Barry Wallenstein, Recours au poème éditeurs)

On trouvera ces vers de Erwann Rougé, extraits de Haut fail, éditions Unes : "le mot est couché entre les morts / et les silences tombés fous" qui, à l'heure actuelle prennent une tournure encore plus vive.

Tout aussi actuels, ces mots : "Qui passerait par l’aube saurait / que le monde est sur le départ", vers distillés subtilement par Jean-François Mathé, dans "La vie est atteinte", éditions Rougerie.

C'est alors que vient Mark Stand, récemment disparu, trop tôt, évidemment, pour nous faire un clin d’œil :"Je ne pense pas à la Mort, mais la Mort pense à moi." En nous laissant l'évidence que d'un drame peut naître autre chose : "Et quand / Nous arriverons à la Grand-Place avec ses manoirs de marbre, la foule / Qui nous y attendait nous accueillera avec des cris de liesse" (merci à Thierry Gillybœuf pour cette traduction)

Pour finir, l'incontournable Juan Gelman "ton ventre écrit des lettres au soleil/ sur les murs de l’ombre il écrit/ il écrit pour un homme qui s’arrache les os/ il écrit liberté/ "... poète qui a, enfin, paru dans la collection poésie/ Gallimard.

Bien sûr, cette recension peut paraître ciblée, voire orientée - difficile, pour ne pas dire impossible, de s'extraire d'un contexte social aussi intense que celui actuel.

Il n'en est pas moins que la poésie, les revues de poésie, et les maisons d'éditions qui publient de la poésie, sont là pour offrir des parachutes du passé, de l'union dans le présent, des promesses d'avenir... sans candeur puérile... de la réflexion, de la culture... un peu d'intelligence... bref, de la vie, pas de la survie.

En choisissant d'appeler sa revue, Terres de Femmes, Angèle Paoli a offert la continuité de ce que proposait en son temps Saint-Exupéry, dans son œuvre : une base solide, même si mobile, fraternelle, humaine, sur laquelle s'appuyer, se reposer, pour avancer vers soi.

Ici, les femmes et les hommes sont traités sur un pied d'égalité : celui de la poésie. Ici, la géographie et l'histoire de ces poètes servent de repères, non de frontières. Ici, tout est actualité, permanence manifeste de l'impermanence supposée.

Et les publications de ce mois de décembre 2014, comme les précédents mois et les années suivantes (aucun doute là dessus), iront dans ce sens : permettre au passionné de poésie, ou à l'amateur sans plus, ou au simple lecteur occasionnel tombé là par hasard, de trouver matière à vivre. 

http://terresdefemmes.blogs.com/




Le quinzième numéro de Phoenix

15e numéro pour Phoenix,  revue absolument essentielle dans le paysage poétique, revue emmenée par André Ughetto, avec la complicité d’un beau comité de rédaction (Jean Blot, François Bordes, Téric Boucebci, Karim De Broucker, Joëlle Gardes, Myrto Gondicas, Marie-Christine Masset, Jean Orizet). Ce numéro nous tient d’autant plus (et encore plus qu’à l’accoutumée) à cœur en ceci qu’il propose un dossier important (par la taille comme par les contributions) consacré à la poésie de Jean-Claude Xuereb, poésie qu’il m’a été donné de découvrir il y a… il y a, en effet… grâce au talent éditorial de Rougerie. Coordonné par André Ughetto, le dossier comporte des contributions de Christiane Chaulet-Achour, Christian Viguié, Abdelmadjid Kaouag, Jean-Louis Vidal, Dominique Le Boucher et Lucien Wasselin. Des textes du poète aussi, évidemment. Nous serons en complet accord avec Ughetto (« Rendre justice ») quand il écrit, présentant le dossier : « Il fallait donc rendre justice à cet auteur dont ceux qui ne le connaissaient pas encore apprécieront la justesse d’expression, l’altière simplicité, la spiritualité intense ». Et en effet : heureux les amateurs/lecteurs de poésie qui vont découvrir ici la poésie de Xuereb. Du reste, le dossier s’ouvre sur 6 pages du poète, extraites d’un recueil à paraître chez Rougerie. Une fois ces poèmes « reposés », il est passionnant de lire d’un trait la série d’études concernant Xuereb. Une plongée dans l’œuvre, œuvre à laquelle Wasselin donne les mots de « tragique », « déracinement », « enracinement », entre autres ; cela est fort juste et empreinte la portée de la poésie de Xuereb, ancrée dans l’authentique. On relira avec attention « Pourquoi des poètes ? », de Heidegger, dans Chemins qui ne mènent nulle part, et l’on saisira ce que je tente d’exprimer avec des mots, et qui cependant forme l’inexprimable en mots de la poésie.

 

Toute vérité dite
meurt d’être révélée
frappant qui la profère
 

Jean-Claude Xuereb

 

Les dossiers, celui-ci en est un exemple incontournable, font sans aucun doute « une force » de Phoenix. Mais ce n’est pas tout, loin de là. L’on s’habitue au fil des numéros à la pertinence de la partie intitulée « Partage des voix », laquelle comporte cette fois des textes d’Albertine Benedetto, Gérard Engelbach (dont la petite anthologie parue au Nouvel Athanor est incontournable), Jeanpyer Poëls, Jean-Damien Roumieu, Max Alhau, Béatrice Machet-Franke, Werner Lambersy, Muriel Carrupt, Marie Adaval et Jean Blot. Diversité et force, beauté et dialogue naturel entre poètes. Phoenix est, d’évidence, une terre de fraternité. On ne sera donc pas surpris de trouver dans ses pages un bel hommage rendu à Charles Dobzynski par André Ughetto, en grande partie (volontaire) sous la forme de trois poèmes du poète, autrefois publiés dans Autre Sud (« ancêtre de Phoenix, vous me pardonnerez ce « pédagogisme » mais il est issu de l’expérience − celle des temps que nous vivons au sein même du « monde » de la poésie).

La voix d’ailleurs de ce numéro vient de Malte : une série de poèmes d’Oliver Friggieri, fort bel ensemble d’un poète que, du coup, l’on aimerait pouvoir lire plus amplement en français, sous forme de recueil. Pourquoi pas ?

Suivent les habituelles chroniques et notes de lecture qui font le sel de toute belle revue de cet acabit.        

Phoenix, numéro 14.
9 rue Sylvabelle. 13006 Marseille.
Le numéro : 12 €
Abonnement : 45 €
revuephoenix1@yahoo.fr
www.revuephoenix.com 




Paysages écrits 22

 

Paysages écrits, n°22, novembre 2014

 

 

Paysages écrits est (avec quelques autres) une des très belles revues publiées en numérique, on the web. L’un de ces hauts lieux qui démontrent, aujourd’hui, que l’action poétique au format numérique est non pas contradictoire du papier mais bel et bien complémentaire. Nous ne serons donc pas étonnés de retrouver des poètes amis et/ou présents dans les pages de Recours au Poème, versant revue autant que versant éditorial, dans les pages de la revue dirigée par Sanda Voica et Samuel Dudouit (voilà qui évoque en mon souvenir l’époque de Sarane Alexandrian et de sa revue papier somptueuse Supérieur Inconnu). Le numéro 22, fraîchement paru (novembre 2014), s’ouvre sur un superbe collage de Ghislaine Lejard et propose, sous l’égide de reproductions de symboles à connotation alchimique, une richesse à ne pas manquer. On trouvera diverses rubriques, comme « Des pays en poésie » consacrée, pour la seconde fois, à la Roumanie, avec des textes de Serban Foarta, à la Hongrie avec W. Sandor, au Brésil avec A. Fonseca… Des textes et / ou des poèmes signés (entre autres) Catherine Serre, Pascal Boulanger, Vincent Motard-Avargues, Sabine Huynh, Walter Ruhlmann, Harry Szpilmann, Pablo Duran (souvenir de Supérieur Inconnu, encore, et me semble-t-il d'un superbe "manifeste lepidoptère" ?), Philippe Païni, Benoit Jeantet, Alain Jouffroy (entretien et… fondateur de feu Supérieur Inconnu), Cécile A. Holdban, Lydia Padellec… La suite de l’enquête « autour du premier poème publié », avec 9 contributions, des notes de lecture fort pertinentes… Cette revue est à lire absolument tant elle respire la sincérité et l’authenticité. De la poésie et de la pensée vivantes.
C’est pourquoi, ici, nous l’aimons.  

 

Paysages écrits
Revue online
Lire ici : https://sites.google.com/site/revuepaysagesecrits/
ou ici : https://sites.google.com/site/revuepaysagesecrits/archives/numero-22

 

 

 

 




le journal des poètes, 3, 2014, 83ème année

 

L'équipée du journal des poètes, composée par Yves Namur et ses fidèles compagnons belges Lucien Noullez, Marc Dugardin ou Jean-Marie Corbusier offre en son n°3 de l'année 2014 un éditorial signé Jean-Luc Wauthier, dont nous avons récemment remonté le cours de son dernier magnifique opus Sur les aiguilles du temps.

Cet éditorial annonce le bel entretien accordé par Jean-Marc Sourdillon au sujet de l'édition de la Pléiade de Philippe Jaccottet, et permet à Wauthier de poser la question fondamentale : y a-t-il des poètes démodés ? A travers cette question, nous percevons le sous-entendu : la poésie peut-elle appartenir, en son essence, à la mode, c'est-à-dire au temps social de la surface ?

Nous entendons la voix de René Char lorsqu'il pense à Rimbaud : "Tes dix-huit ans réfractaires à l'amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris".

Poètes démodés il ne peut y avoir car tout poète véritable s'inscrit dans un autre temps que le temps social, et s'il inscrit son œuvre par rapport à ce temps, alors est-il poète ?

Jean-Marc Sourdillon, qui a participé au volume de la Pléiade réunissant les œuvres complètes de Jaccottet, nous ouvre des voix de compréhension sur la démarche du poète suisse. Entretien de fond, passionnant. Il nous explique la démarche en profondeur de Jaccottet, son originalité, ce en quoi il apporte à la poésie, sa méthode de travail, ce qui le distingue de toute la poésie de son époque.

Nous trouverons ensuite la partie nommée Paroles en archipel, titre emprunté à René Char, au sein de laquelle les voix de Christian Poirier, de Gérard Smyth, d'Eric Piette, d'Ilia Galan se distinguent avec bonheur.

Avant de laisser la place à une Voix nouvelle, celle de Thomas Demoulin, poète vivant à Lille et donnant à lire le premier mouvement d'un livre d'artiste composé avec Isabelle Raviolo.

La part belle est faite, dans cette nouvelle mouture de la revue, aux notes de lectures de livres de poésie, et nous retrouvons l'œil critique de Philippe Leuckx, d'Yves Namur, de Marc Dugardin, de Jean-Marie Corbusier, oeil critique et néanmoins bienveillant.

Grand plaisir donc de lire ce journal des poètes, tant la famille qui l'anime respire la fraternité et la joie d'être ensemble, pour le poème, pour les poètes. Et merci au Taillis pré de l'avoir pris sous son aile.