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CHEYENNE

 

J'ai connu le fouet du plaisir, le fouet des idées, le fouet de la pluie
Je voudrais simplement ta peau contre ma peau
Cheyenne j'ai vendu la mienne contre celle d'un ours mal léché
je n'en ai plus pour longtemps à me chauffer au feu blanc de l'indifférence
Bientôt on coupera le bois d'ici
j'entends déjà la forêt gémir
j'entends la taupe et le ver qui me parlent de terrier où me cacher
Tu vois ma guerre n'est plus un jeu d'enfant
ma solitude n'est plus un nid
je ne vole plus je ne plane plus si haut
je danse cependant dans la nuit
je trempe ma plume dans l'encre rouge
je me lève au soleil couchant
pour étudier la stratégie de tes rêves
oui la guerre toujours la guerre contre tous
non que je sois pour mais je suis obligé
mon cœur est révolté et mon corps n'a pas tort de lui donner raison
je n'aime pas le jour qui ment effrontément
et fait toujours bonne figure le jour irréprochable
si gris qu'il griserait même les morts
la nuit je suis lucide je vois clair
je retrouve tous les chacals tels qu'ils sont
quand ils ont quitté leurs costume
je tends mes pièges un peu partout
C'est facile tu sais au bout du compte c'est facile
tu accroches un jambon à ta porte
tu leurs tends un miroir déformant
avec leur noms en grosses lettres
et les voilà qui se prosternent tous
oublieux pourtant que la veille encore
ils n'ont pas répondu à ta pauvre demande
Les voilà tous comme s'ils s'étaient donné le mot
tellement sûr de mériter quoique ce soit
Ils n'ont rien compris au jeu auquel ils jouaient
Ils viennent cette fois jouer dans ma cour
et se croient en bonne compagnie comme chez eux
S'ils savaient ce qui les attends
quel air de flute je vais leur jouer
pour les emmener jusqu'à la mer et les noyer comme les rats qu'ils sont
Je préfère les rats je préfère la taupe et le ver
Tu vois ma guerre tu vois ma pauvre guerre
Tu vois ma nuit blanche tu vois ma haine
Tu vois ma possible revanche
Tu vois la rage dans mes yeux
Non je ne suis pas mort je danse
Je danse encore quand ils dorment
Je danse le tango tout nu devant ma glace
J'ai mis de la mort au rat dans ma soupe à la grimace
Je danse devant le buffet vide
la tête pleine de rêves
et j'attends qu'ils se lèvent
pour leur jeter à la figure les mots qui tuent
mais déjà beaucoup penchent
dangereusement vers le sol
Ils tombent comme des arbres pourris
j'en connais avides de pouvoir
qui font les poubelles de l'histoire
Ils rampent et lèchent les pieds
des bêtes immondes
pour un bulletin qui porterait leur nom
mais ils tombent vous dis-je ils tombent

Laissons les tomber

Ils feront bonne figure sous la terre
la bonne terre saura transformer ce fumier en fleur
Mais qui sera le roi des fleurs
Qui fleurira sans façon
qui fleurira sans raison
sans les façons des barbares
sans la raison du plus fort
Ah fleurir près de l'étang
avec des hêtres autour
à moins qu'il ne soit meilleur
d'aller fleurir ailleurs