Subtile, si l’on devait qualifier cette écriture, entre poésie et immanence, ce qui situe les vers de Christine Guinard dans les sphères peu fréquentées des envolées libératoires du langage.
Deux recueils, mais une énonciatrice, à la voix unique, qui mène le lecteur au cœur d’une sensibilité extrême. Entre maternité et mort, la poète suit les mouvements de sa conscience, de ses questionnements, et de réminiscences qui interrogent l’essence de la nature humaine.
Le poème en prose, mis en œuvre dans Des corps transitoires, émerge avec le renouvellement des formes au dix-neuvième siècle, et porte la parole poétique vers une nouvelle dimension. Loin des carcans des règles classiques, l’énonciateur investit de nouveaux horizons et ouvre l’espace poétique à la modernité. Christine Guinard fait bon usage de cet emploi. Le langage soumis à sa dimension autotélique est l’objet d’un travail tout particulier. Qu’il s’agisse des choix lexicaux ou des dispositifs syntaxiques, les propos de la poète se hissent vers un horizon poétique inédit. La délicatesse de ses phrases, les images tissées par l’emploi des expansions nominales et le jeu avec une syntaxe à peine bousculée mais adroitement mise en œuvre pour créer des effets de sens portent une prose éminemment poétique.

Christine Guinard, Des corps transitoires, éditions mémoire vivante, 2017, 79 pages, 16 € ,
Il redressa le torse pour s’adresser à l’ouverture du
Ciel, là où rien n’est fini. Il savait qu’ici, pour lui,
Tout commencerait. L’irrépressible ascension vers
L’éternel aérien, les grands battements d’ailes, pour
Se délester du matériau de croûte et de sable, en
Direction du soleil.
Et il est remarquable de constater qu’un support iconographique accompagne les textes de Christine Guinard : le photographe Nicolas Leroy dont les clichés accompagnent Des corps transitoires, et la peintre bruxelloise Elina Salminen pour support aux textes d’En surface. Ce second recueil est à ce titre exemplaire. Car à interroger le rapport sémantique de l’image avec le texte, ce dernier laisse la place aux traits de la plasticienne, et les quelques vers de la poète ponctuent le rythme des toiles reproduites en noir et blanc, métaphore des mouvements de la conscience, des remous de la pensée, de cette marée impitoyable mais pourtant salvatrice des interrogations qui guident l’écriture. Tout comme les quelques clichés de Nicolas Leroy, les toiles d’Elina Saliminen font bien plus qu’illustrer les vers de Christine Guinard. Dans un rapport de juxtaposition sémantique, les dessins servent de toile de fond sur laquelle les mots sont déposés, parsemés comme pour créer un dialogisme entre eux et ce qui les porte. Et la concomitance du poème avec une iconographie, quelle que soit sa nature, soulève bien des questions. Qu’il s’agisse d’un commentaire direct, d’une illustration, ou bien de développer un sens en prenant le contre pied du texte, en proposant un contre point ironique, elle révèle souvent une dimension de l’écrit. Nous pourrions même supposer qu’il n’y ait aucun rapport préétabli entre ces deux vecteurs, leur juxtaposition, non moins intéressante, loin d’être restrictive, viendrait interroger la portée sémantique déjà ouverte du poème, dans le même temps qu’elle pose la question de la lecture de l’image. Toujours riche et porteuse de sens, cette dynamique est ici mise en œuvre de manière inédite, car c’est sur les toiles de l’artiste que viennent s’inscrire les textes de la poète. Ces deux supports plus que se côtoyer se reçoivent, tissent une trame signifiante qui ouvre aux remous du signe dont la démultiplication du sens confère une compréhension implicite à l’ensemble. Nous sommes dans les tréfonds de la conscience de l’auteure, dans les remous de sa mémoire, là où elle puise ses vers.
Je cherche la lumière elle m’attrape par les côtés, en moi persistent et remontent, ondes
amoncelées, que faire de ce jour, paillettes au carreau, poussée vive sous le menton
me retient
droite,
diffuse et pourtant
sans dire me restera
les yeux droit au soleil, franc,
mon aise…
Et si la poésie doit poursuivre son élan vers des espaces inédits, aptes à rendre compte d’une époque trouble et en recherche de sens, nous ne pouvons que nous féliciter de constater que des poètes tentent avec un talent incontestable d’ouvrir de nouveaux chemins.

Christine Guinard, En surface, Editions Eléments de langage, 2017, 64 pages, 12 €
Présentation de l’auteur

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- Jean-Louis Bergère, un chanteur dans le silence - 5 janvier 2021
- Jeanne davy, miroir des femmes du jazz - 5 janvier 2021
- Le féminin pluriel de l’Atelier de l’Agneau - 5 janvier 2021
- L’eau bleue du poème de Béatrice Marchal - 21 décembre 2020
- Sabine Venaruzzo, Et maintenant, j’attends - 6 décembre 2020
- Muriel Augry, Ne me dérêve pas - 26 novembre 2020
- Eva-Maria Berg, Pour la lumière dans l’espace, illustrations de Matthieu Louvier - 6 novembre 2020
- La petite Ficelle ombilicale du Poème - 6 novembre 2020
- « États généraux permanents » de l’urgence : entretien avec Yves Boudier et Vincent Gimeno-Pons - 6 novembre 2020
- Des liens de liens : Poésie à la une - 6 novembre 2020
- Davide Napoli, Le Lapsus de l’ombre - 6 octobre 2020
- Christine Guinard, Sténopé - 21 septembre 2020
- Pile ou face ou la contingence révélatrice - 6 septembre 2020
- Diérèse n°78 : Poésie et Littérature ! - 6 septembre 2020
- Georges de Rivas, La beauté Eurydice, Sept Chants pour le Retour d’Eurydice - 6 juin 2020
- Anthologie Le Courage des vivants - 21 mai 2020
- Daniel Ziv, Ce n’est rien que des mots sur les Poèmes du vide. - 6 mai 2020
- Les Ailes Ardentes de Rodrigo Ramis - 6 mai 2020
- Des revues numériques à la page - 6 mai 2020
- Les Cahiers littéraires des Hommes sans épaules - 6 mai 2020
- Mouvements pour un décollage dans les étincelles - 2 mai 2020
- Marc Tison, L’Affolement des courbes - 21 avril 2020
- Bruno Doucey, Terre de femmes, 150 ans de poésie féminine en Haïti - 6 avril 2020
- Barry Wallenstein, Tony’s blues, textes choisis et traduits par Marilyne Bertoncini, gravures Hélène Bautista - 21 mars 2020
- Ilse au bout du monde - 6 mars 2020
- Marilyne Bertoncini, La Noyée d’Onagawa - 6 mars 2020
- Entre les lignes entre les mots - 6 mars 2020
- Les Chroniques du Çà et là n°16 : Poèmes au féminin - 6 mars 2020
- Philippe Thireau, Melancholia - 26 février 2020
- Le chant du Cygne n’est pas pour demain - 5 février 2020
- Encres vives n°492, Claire Légat : Poésie des limites et limites de la poésie - 5 janvier 2020
- Traversées poétiques - 5 janvier 2020
- Marc Alyn & Nohad Salameh, Ma menthe à l’aube mon amante, correspondance amoureuse - 6 décembre 2019
- Oxmo Puccino, Mines de cristal - 6 novembre 2019
- Wanda Mihuleac et Alain Snyers, Roumpfs - 6 novembre 2019
- Gérard Baste : Plus rien à dire ? - 6 novembre 2019
- Revue Texture, encore un peu de lui : Michel Baglin - 6 septembre 2019
- La lettre sous le bruit n°45 : hommage à Rémy Durand - 6 septembre 2019
- Eric Dubois, L’Homme qui entendait des voix - 6 septembre 2019
- Murielle Compère-Demarcy, Alchimiste du soleil pulvérisé - 1 septembre 2019
- Rencontre avec Saleh Diab - 6 juillet 2019
- Nohad Salameh, Le Livre de Lilith - 6 juillet 2019
- Un papillon dans ma boîte aux lettres : Libelle - 4 juin 2019
- Revue Nu(e) N°69 - 4 juin 2019
- Entretien avec Philippe Barrot - 4 juin 2019
- Philippe Thireau, Je te massacrerai mon coeur - 4 juin 2019
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- “Face aux verrous”, les étudiants du Master de Lettres Modernes de L’Université de Caen - 4 mai 2019
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- Revue Teste XXX : Véhicule anonyme - 3 février 2019
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- Les Oeuvres poétiques de Dominique Sampiero - 5 octobre 2018
- Rencontre avec un poète : Dominique Sampiero - 5 octobre 2018
- Revue Florilège - 5 octobre 2018
- Morceaux choisis de La Boucherie littéraire - 4 septembre 2018
- Questions à Claude Ber - 4 septembre 2018
- La Caraïbe aux visages d’Evelyne Chicout - 5 juillet 2018
- Le Jeu d’Inéma - 5 juillet 2018
- Jean-Luc Despax, Mozart s’est échappé - 3 juin 2018
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- Jacques Ancet, Quelque chose comme un cri - 5 mai 2018
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- Claude PÉLIEU, New poems & sketches, par Alain Brissiaud - 1 juillet 2017
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