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Claude Albarède sur le Causse

Un homme arpente son pays. En quête de signes, d’empreintes d’un temps révolu.

Des mots surgissent : « source », « vent », « garrigue », « sentier », « buisson », « village », « herbes », « pierres »… Nous sommes sur le Causse du Larzac, le pays intime du poète Claude Albarède (80 ans).

« Bois tombé branches mortes/un fagot plein de souvenances/mais le feu ne prend pas », écrivait le poète en 2009 dans le recueil Résurgences publié en Bretagne par Yves Prié (Editions Folle Avoine). Le même chant lancinant s’élève de son nouveau livre, si bien nommé Le dehors intime. Car le dehors exprime – inexorablement – ce que l’auteur ressent au fond de lui-même.

Le temps erre et ne passe pas
nous partons, revenons, tentons d’atteindre
parmi les ruines la vie qui dure
Leur pauvreté nous dépossède
elles n’ont d’intime que le dehors perdu.

 

Claude ALBARÈDE, Le dehors intime, éditions L’herbe qui tremble (4e trimestre 2016), 125 pages, 16 euros, avec six peintures de Marie Alloy

Voici les villages fossiles, les espaces retournés à la friche. Voici les « copains disparus » à qui Claude Albarède dédie l’un de ses poèmes. « A peine sommes-nous congédiés/que nous nous attablons à la même mémoire/tisonnant l’amitié/réanimant les mots ». Mais il y a – de ci de là – tous ces signes d’une vie cachée qui ne rend pas les armes.

Maisons en ruines
leurs petits jardins
continuent de pousser.

Plus loin : « En hiver/près des sources/des retours de violettes ».

Ce n’est donc pas une nostalgie béate qui parcourt ce recueil. Le propos du poète n’est pas de faire une simple lecture dans le rétroviseur. S’il persiste à arpenter ce pays aux grands espaces et porteur de tant de mémoires, c’est pour mieux distiller – l’âge venu –  quelques graines de sagesse.

Ne pas souiller
ni ajouter
trop de poids
au silence
.

Ou encore : « Gagner le large/du plus secret/nicher l’immense/au plus intime ». Comment ne pas penser, ici, à la définition que donnait de la poésie Giuseppe Ungaretti : « Elle consiste, disait-il, à convertir la mémoire en songes et à apporter d’heureuses clartés sur le chemin de l’obscur ». Sous la plume de Claude Albarède, on peut lire – comme en écho – ces trois vers : 

Heureuse clarté
que la chair donne aux rêves
dans la lumière du soir !

Mais le poète n’est pas dupe. Pour révéler les mystères enfouis d’un pays (et l’homme à lui-même), pour témoigner d’un temps qui engloutit les demeures et leurs habitants, se laisser gagner par l’émotion ne suffit pas. « Le poème attendra/que retombe l’essor/et que l’énigme/pénètre un peu ». C’est cette énigme, grâce au pouvoir des mots, que le lecteur est invité à déchiffrer tout au long d’un livre qui nécessite aussi, de sa part, une forme d’effort et d’abnégation.