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Dans l’appartement d’une poétesse

 

C’est là qu’elle vivait, dans sa métastase
muette, recroquevillée, sans trêve elle regardait
en haut, dans les coins, des toiles d’araignées,
elle les protégeait, cultivait
comme de bonnes métaphores,
les bestioles grises elle les disait d’argent,
les loquets de cuivre, et les boules
de lits, elle les disait d’or.

Elle tendait la main vers les rais de lumière
qui dans la matinée se frayaient un chemin
depuis les années de l’enfance,
et les laissait filtrer entre ses doigts jusqu’à son visage.
Jamais elle n’apprit la solitude,
toujours elle a vécu dans les commencements,
jamais proche de ce qui est à portée,
égale à son essence, à ses échos.

De tout le verre de ce monde,
lui ont échu quelques verreries,
un vase plein de gardénias passés,
des éléphants en cristal de Murano, une fenêtre,
derrière la fenêtre le tableau d’une mégalopole,
et à travers, elle contemplait sa propre horreur.

À l’intérieur: sa peau prête à être
incisée, des cheveux cendrés, des phrases
rebelles, dispersées sur des feuillets,
une rose fanée depuis l’été où elle
avait connu son premier homme.

Ce qu’elle entendit en dernier ce furent:
trois chats devant la porte, ces ronronneurs,
venus pour toucher leur ultime journée,
apportant au passage les dernières nouvelles de la ville.

 

Traductions de
Liljana Huibner-Fuzellier
&
Raymond Fuzellier