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DANS L’ORDRE DES ÉTOILES

 

Ô mon Bien ! Ô mon Beau !
                                                    Fanfare atroce où je ne trébuche point !
                                                                    Rimbaud, "Matinée d’ivresse"

                                                  pour Olinda Gil, la traductrice portugaise

 

 

Pour tout voyant, — le jour c’est la nuit, la nuit c’est le jour.
Et, n’allez pas nous raconter d’histoire(s). — Ma force est voyance.
— Je vais au-delà de ce que l’on voit. Regarder n’est rien si l’on ne sait
pré-voir. — Être en avant ! Voilà tout. — Les mots sont toujours en avance sur nous-mêmes. Sur notre être ainsi que sur notre devenir. — Ne sommes-nous pas dictés par les mots ? Oui, nous sommes dans l’ordre des étoiles. — Mes yeux brillent. 

 

— Le voyant vit dans un monde d’inversion. Il remet le monde en marche,
ce monde où la terre est devenue le ciel, ce monde qui marche sur la tête,
— ce monde, il le remet sur ses pieds. Si je parle de la violence
 des incendies à venir, — ces incendies auront bien lieu. Ce n’est pas moi qui le dis, — mais ma main l’écrit. — Poésie fait de l’homme un outil de la langue.  Point d’évidence dans mon verbe. Contrairement à ce que disait Éluard, il ne s’agit pas que de voir ! Il s’agit d’une transcréation, de ce que je nomme le transvisible. — Tenter de traduire ce qui se pré-voit en langue.

— Et sans haine, avec amour de la paix. Si la vision est puissante et fracassante, elle est aussi éphémère. Or, toute vision éclairante est fragile. — Elle n’est qu’éclairs, fulgurations, — épars. Elle a la langue de la foudre, elle est transvision. Elle ne blesse pas l’ange, — elle le fait sourire. — Elle est précaire. Le moindre souffle l’étouffe, le moindre bruit la fait disparaître.

L’œil est pris par autre chose, il n’écoute plus. Elle a des yeux d’émeraude, de rubis ou de saphir. Un diamant, — ou rien ! — Sa transparence éblouit. Parfois, l’on croit serrer quelque chose dans la main, et à l’ouvrir, — ce n’est que cendre.  Le vrai poète vit dans l’urgence. Son cœur bat très vite, trop vite. S’il est aveugle au jour, il perçoit le monde au-delà de toute perception. Il va au profond du cosmos, dans la matière noire.  Il est au-delà du vivant, — le transvivant. Certes, il est de demain matin, d’une autre aurore. — De celles qui n’ont pas encore lui. 

 

(Paris, nuit du 25 janvier 2014, 5h du matin)