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Des choses qui gagnent à être tues

 

Ocre midi dans ce pays vaste et vieux.
Heure des sébilles qu’on tend, des plaies qu’on exhibe, des moignons qu’on tente de monnayer aux carrefours.
Midi dans cette ville où sable et poussière donnent le bal, où des jarres d’eau coiffées de timbales attendent aux portails la soif des passants.
Il y avait un vieux au visage de miel et à la jambe oblique qu’en gens soucieux de notre lot de ciel, nous invitions toujours à partager notre gras.
Un jour, comme il s’approchait à pas comptés du bol autour duquel les enfants étaient déjà assis, rongeant leur impatience, son estomac le trahit et gémit bruyamment.
“Serais-tu donc plus pressé que moi ?” marmonna l’aieul qui fut se terrer en sa cahute après une périlleuese volte-face.
Le ventre n’aime pas le groupe. Mais
il y a des choses qui gagnent à être tues.

Elle aima la mauvaise personne et ne s’en cacha pas.
Un griot de passage lui mit un sourire aux lèvres,
Une mélodie au coeur et puis au ventre, la graine d’un immense bonheur.
Ou peut-être était-ce un forgeron venu d’ailleurs qui lui fit une bague,
Lui embrasa l’âme et coula en son sein l’effigie de lui-même.
Et voilà qu’un matin, les pleureuses annoncent le trépas de l’enceintée.
La forêt, émue par ce cortège de lamentations et de salves en son sein,
se dit: “je finirai bien par savoir qui est décédé”. Mais 
il y a des choses qui gagnent à être tues.

L’esprit est une malle et la coutume –une marâtre.
La coutume, cette ogresse, se délecte des rêveurs, des tendres et des errants.
On dit que le garçon revint de la brousse l’index tranché, car les maîtres d’initiation n’avaient pu trouver de sexe entre ses jambes.
On dit que cet autre fut envoyé à la guerre, fusil en bandoulière, pour exactement
la même raison.
On raconte et j’enjolive, au lieu de laisser la lumière sous le boisseau.
Pourtant,
il y a des choses qui gagnent à être tues.