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Dominique Sorrente, Pays sous les continents

 

Un homme parle,
Une science inconnue sur ses lèvres

                                                 Dominique Sorrente

 

 

Beauté du geste, regrouper les poèmes de Dominique Sorrente en volumes chronologiques. Beauté du livre et de son papier, de la couverture. Beauté des mots et des vers réunis ici. Au sein de Recours au Poème, nous aimons la poésie de Dominique Sorrente, pourquoi le nier ? Et c’est un vrai bonheur de pouvoir retrouver (mais aussi découvrir) les poèmes écrits entre 1978 et 2008. Le volume regroupe une quinzaine d’ensembles parus sous différentes formes, en recueils, plaquettes ou revues. Et Sorrente rend d’ailleurs, à juste titre, hommage au travail des revues de poésie, lui qui a publié une partie de ces poèmes dans Autre Sud, Le Journal des Poètes, Europe, Lieux d’Être, La Traductière… Entre autres.

Sorrente est un poète qui trace son sillon tranquillement, à la fois partie prenante du monde de la poésie française et maillon autonome de la chaîne, libre. Comme le sont ou devraient l’être les poètes. Cela évite de ne connaître que les copains des réseaux de copinage, une pratique fréquente qui est une forme de sclérose. Son préfacier parle de O.V.L Milosz, Saint-John-Perse, La Tour du Pin ou Pierre Emmanuel. Ce genre de références peut être lourd à porter parfois, ce n’est en réalité jamais le cas pour qui est poète. Réellement. Et l’on ne peinera pas en effet à inscrire Sorrente dans la tradition des poésies évoquées par Jean-Marie Berthier, ou plus simplement dans la lignée des poètes. Il s’agit d’une lignée conduisant à la Beauté par le prisme de la force et de la Sagesse. Tout est son et Parole. La poésie. Ainsi La lampe allumée sur Patmos assigne à la poésie un rôle de recours et de lien entre les hommes et les éléments, ce qui ne sera pas pour nous déplaire. Un lien présent partout dans la poésie de Sorrente, que l’on retrouve dans ce poème :

 

Heureux les enfants de neige qui se sont faits bonhommes.

 

À l’angle mort des lumières, ils sifflent de l’un à l’autre
pour une branche où se dessine un bras,
deux gros cailloux pour voir de leurs seuls yeux,
une écorce qui se fera chapeau.

À l’éclaircie de quelques mots,
vous les mettez à découvert, enfants prodigues
qui ne veulent plus repartir,
tant que le jour n’aura pas fondu tout entier
sur leurs mains.

Alors, et sans attendre, connaissant déjà tout
du temps inculte ou disloqué,
ils signent le moment fantasque
qui les a mis au monde.

[poème extrait de Le dit de la neige, 2000]

 

Et la poésie reliée ne peut qu’être poésie humaniste :

 

Chanson pour l’étranger

 

Il a toujours une frontière à donner,
un oiseau pour s’enfuir au réveil,
un mal d’étoiles
qui se nourrit de fées.

Il voyage. La multitude
le remplit,
le papillon mourant l’appelle.

Il voyage
dans la sympathie des ailes.

Il sait espérer d’un ruisseau
sous l’automne aux feuilles noires.

Tout à la fin,
il te donnera en filon
son corps qui est cocagne.

 

Être en plénitude en dedans de soi sans être à l’écart du réel du monde, être ainsi en étant au contraire accordé aux sons de l’univers et de la vie. Voilà la poésie de Dominique Sorrente. Ceux qui ont des oreilles l’entendront.