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EFFARANT

 

C’était le dernier jour de la 91ème année
Le brouillard brillait vide dans les vignes
Des oiseaux tombaient sous les pattes des chasseurs
En faisant des bruits de bouche à fusil
L’année s’effritait en douce
Comme une brioche de neige
Émiettée par hasard.
Des images de synthèse souriaient dur
Sur des écrans couleur trois teintes
Tenace aux pauvres. Télévision.
Il y avait des bruits de nationalistes
Des relents religieux glissés des mosquées
Vers la rue déferlante aux abois.
La peur – ta peur- un peu la mienne aussi
Dégelait d’un regard les jours à venir
De crème sucrée par la hantise.
De vieux russes jouaient au bilboquet des peuples
Avec la tête des boyards communistes.
J’avais 56 ans depuis 56 ans –déjà-
Et la fille de 30 ans fuyait par tous les bouts
Comme une outre de vin parcellée
Au cadastre d’une mairie basque.
Les demi-soldes devenaient chômeurs
Pour trois millions au moins des leurs
Hommes privés d’emploi. Société
Absurde qui reniait ses fondements
D’une plume légère et d’un sou absent.
Les demoiselles du Caucase et d’Arménie
Brisaient leur rire sur des casques fauves
Les russes de Ieltsine décrochaient
L’arbre des noëls aux descentes d’enfer.
Et toi petite fille de Saint Maur
Jour d’avant le jour et tablier mis
Que deviendras-tu ?