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ÉGLISES

 

I

Ce mot entendu le noyer
parmi tant d’autres qu’apporte le vent
malgré sa proximité avec la noyade
soulève une joie. Est-ce parce qu’il nomme
ce vieil arbre qui meurt au bord de la rivière ?

II

Arbre qui veilles au-dessus de l’eau verte
tu sembles songeur tu dors et pourtant palpites
comme un animal – beau tant par tes fruits
que par tes feuilles larges.

III

Mêlés aux blés, aux vignes les vergers de noyers
clos d’un muret de pierres sèches – lieux que brûle
l’été – nourritures.

Il y avait eu silence –
le vol d’un oiseau dans un sous-bois
l’amitié de l’enfant et des bêtes furtives

puis à l’automne

la paix enfin donnée à ce paysage meurtri.

IV

Ce fut sans relâche la guerre

le vent qui se lève dans les arbres
chuchote le mot douceur.

V

En cette terre de violence où je reviens
terre du haut passé
j’avais aimé ces arbres
qui flambent maintenant presque en silence
parmi les grandes herbes et les tombes.

Murs rouges qu’une poussière
recouvre, on les a délaissés
comme cet animal qu’au bord de l’eau on abandonna.

VI

Les derniers qui restèrent – seuls
firent un feu sans doute
qu’on entretint dans la cendre.

VII

L’église est un verger de noyers sauvages.

Une source camouflée de pierres
s’écoule en contrebas parmi les herbes.

Ainsi tremblent des arbres tendus
dans « une fraternité d’eau et de ciel. »

Et je songe à ce « misérable
qui demandait l’aumône à son ombre. »

VIII

Tout proche
se tenait assis un homme fourbu.

Le regard qu’il posa sur son enfant
fut comme ce champ de seigle
au-delà d’une forêt sombre.

IX

Qui pourrait atteindre
– à l’abri des pierres et des lichens –
ce pré, sinon le vent qui passe
dans l’herbe silencieuse du soir ?

X

Roches usées
hauteur calme là-bas
entre les champs étroits
quelques arbres qui respirent :

l’accueil que faisaient ces pierres tressées
ce feuillage à l’entrée de l’église en ruine :
paix de l’enchevêtrement des verts et des gris.

XI

La salle était haute et claire et la lumière blanche
la rue silencieuse encore au petit matin ;
ils entrèrent, l’homme, la femme, et on entendit
leur chant – ils étaient loin, improbables et seuls.

XII

Le long des rivages anciens
aperçus de nuit
nous avons au matin
passé des frontières
avec les dauphins du large.

Des sourires infinis et fragiles
viennent aujourd’hui comme jadis
se briser sur la terre grise des îles.

XIII

Une tête de taureau
dans l’entrelacs du lierre
et du figuier sauvage
est de tout ce qui fut
bâti ce qui demeure.

 

XIV

Tout n’a longtemps été ici que guerre.
Mais sur les rivages on a bâti des temples.

Pierres : telles ces bêtes immobiles
– taches sombres dans la brume
des feuillages – qui captent nos regards.

 

XV

Buffles d’Asie
Vaches d’Europe
tous animaux paisibles
vous seriez l’église nouvelle
si n’eût été versé
en sacrifices votre sang.