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Elle s’appelle mélancolie (extraits)

 

Elle ne m'a jamais dit son nom. Ce n'est pas qu'elle me cachât des choses. C'est plutôt par la dernière des pudeurs, comme on entretient un mystère, comme si tout pouvait être dilapidé, et ce nom lui-même, rien qu'en le dévoilant. Aussi, si les gens ont des noms, c'est pour qu'on les distingue les uns des autres. Et, de cela, elle n'en voulait pas. Ni de la distinction, ni de la reconnaissance. Elle voulait seulement rejoindre ces tombes anonymes qu'on voit parfois dans les allées des cimetières – être oubliée.

Elle s'appelait peut-être mensonge, tyrannie, ou peste. Elle s'appelait peut-être mélancolie.

 

 

 

 

 

Elle venait avec la nuit. Elle tapait toujours trois coups, très rapprochés, secs. Vêtue de vêtements trop chers, trop beaux, et qui la rendaient trop belle, comme détachée du monde sensible. Inattaquable. De sorte que tout ce qu'elle touchait devenait réel, rejoignait cette magie du réel que l'on célèbre dans certaines tribus isolées du monde, cette magie sans subtilités, livrée brute, intacte, entre mes mains.

Je regardais les aréoles boursouflées des seins, après qu'elle ait délicatement ôté son soutien-gorge.

Je regardais le ventre, les épaules, les bras.

Je la tournais entre mes mains.

Je regardais le dos, les fesses, sa jupe tombait à ses pieds, je lui faisais la mort.

 

Faire la mort, c'était tout ce qui m'importait.

J'étais doué pour la haine.

 

 

 

 

 

Un jour, je lui ai demandé qui elle était.

Elle m'a répondu que, bientôt, elle ne serait plus personne.

Je lui ai demandé si c'était grave.

Elle a dit non, non, que simplement tout lui était insoutenable.

La mort ? demandais-je.

Non. La vie.

 

 

 

 

 

Jusqu'à ce qu'elle revienne, je restai alité, terré dans mon terrier, tenu au lit par une migraine qui me rendit incapable de rien faire.