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En qui n’oublie de Jacques Vandenschrick

En qui n'oublie est une longue médiation à la tonalité élégiaque en trois parties composées de brefs paragraphes de prose. L'unité de l'ensemble est renforcée par le thème oubli/mémoire qui revient dans la page finale de chacune de ces trois parties.

    Cela commence avec une méditation qui s'ouvre à la vue d'un cimetière de carmes. Tout d'abord, le poète interroge ceux qui sont partis avant de revenir aux vivants qui sont là, avec leurs questions qui demeurent sans réponses. Reste alors "à oublier demain et vivre en habitant l'aride" ou "Vivre brûlés. Vivre d'énigmes, acquittés des jardins" : cette solution ne va pas sans une certaine obscurité car il s'agit pour Jacques Vandenschrick de capter la face obscure du monde qui se cache dans le poème.

    Dans la deuxième partie (écrite à l'imparfait), Jacques Vandenschrick convoque ses souvenirs. Une enfance heureuse sans doute, mais traversée de quelques malheurs. Cette évocation est l'occasion de  s'interroger sur la fin inéluctable qui nous attend tous ; de faire le bilan d'une vie. Le dernier texte de cette partie laisse la porte ouverte à l'espoir : "L'oubli ne pourra dérober ni la jeune fille du lac aux deux lumières, ni la profondeur des chambres". Persistance du souvenir même si son expression reste obscure au lecteur…

    Enfin la troisième partie (écrite au présent) revient sur cette persistance du souvenir : "En qui ne dort ni n'oublie, buissonne une nuit touffue de feuilles et de regrets…"  Bien sûr, le souvenir est incompréhensible aux gens de maintenant, c'est un trésor offert en partage à quelques rares lecteurs : "Et l'on ne peut comprendre ses paroles sans fond, dans le grésil qui commence" à l'image de ces paroles sans méfiance prononcées par un inconnu dans la rue… Comme cette interrogation lancée à ces "amants de la nuit" (non identifiés)… Pour finir par ce constat : "savoir qu'il n'est rien de ce qui est, qui ne sera remplacé".  (Version de l'adage populaire "y'a rien qui ne passe, qui ne rapasse" ?)

Sagesse désabusée ? Qu'est alors ce "règne d'un Dieu qui couve comme un feu" ? Un dieu auquel nous sommes étrangers ? Là réside la proximité de cette poésie à laquelle nous sommes sensibles.

     Jacques Vandenschrick parle d'un temps de citernes et de buanderies. Cela parlera-t-il aux jeunes d'aujourd'hui habitués à l'eau au robinet (qu'on me pardonne, on ne dit plus robinet, mais mitigeur !), et à la machine à laver le linge ? Pas de nostalgie dans ces poèmes. Mais Jacques Vandenschrick date précisément son enfance et ses souvenirs. Et c'est là peut-être qu'il y a quelque chose à partager avec les lecteurs : j'ai trop vu ma mère s'user à la lessive dans la buanderie, j'ai trop puisé l'eau au puits communal ou dans la citerne de la maison pour regretter ce temps. Mais l'enfance reste une plaie ouverte.