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Extrait de Schubertiana

 

Tant de choses auxquelles nous devons faire confiance pour parvenir à vivre notre vie quotidienne sans nous enfoncer en terre !
Faire confiance aux masses de neige qui s’agrippent à la montagne au-dessus du village.
Faire confiance aux promesses de silence et aux sourires entendus, être persuadé que les télégrammes funestes ne nous concernent pas et que le soudain coup de hache intérieur ne nous frappera pas.
Faire confiance aux essieux qui nous portent sur l’autoroute, au milieu d’un essaim d’abeilles en acier trois cents fois agrandies.
Mais rien de tout cela ne mérite, à vrai dire, notre confiance.
Les cinq musiciens nous disent que nous pouvons faire confiance à tout autre chose.
À quoi donc ? À autre chose, et ils font un bout de chemin avec nous, vers là-bas.
Comme lorsque la lumière s’éteint dans l’escalier et que la main suit – confiante – la rampe aveugle qui se dirige dans le noir.

 

Extrait de Schubertiana, poème paru initialement dans un recueil édité en 1978, traduit du suédois par Jacques Outin, in Baltiques, Œuvres complètes 1954 – 2004, Gallimard, 2004.