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Franco Costantini, Contretemps, extraits

Un cimetière
comme lieu de rencontre
pour satyres et naufragées.
Nous pourrions y voir animaux d’autres
temps
comme oursins, abeilles et lucioles.

Du lac s’élèvent
les cloches qui appellent à la guerre
les chiens le savent
et hurlent de terreur
mais vaches et lézards nocturnes
ne sourcillent même pas,
il leur suffit d’une lumière
pour pouvoir se regarder,
ils savent attendre,
le silence n’est qu’une obscurité acoustique,
l’attente une obscurité du temps;

           comme les poissons insomniaques,
me trahissent les cercles concentriques
que peut-être tu seule peux voir
du haut lointain où tu te trouves,
allongée sur la ligne directrice d’un été
qui se perpétue ultime.

 

 

∗∗∗∗∗∗

 

Mourir et puis renaître
et puis mourir encore
et ne renaître plus.
Aller d’îlot en îlot
sans se soucier du vent et de l’essence
sans se gâcher le corps
s’endormir dans les rochers;
si j’étais femme ou herbe au moins
mais au fond
être homme n’est qu’une intermittence,
je vais me coucher avec les héros
et le temps ne me servira.

 

 

∗∗∗∗∗∗

 

Aujourd’hui aussi ne finira jamais,
il devra bien continuer quelque part,
le travail des instants ne peut pas
le détromper.
La terreur des rues boisées
carrefour et phénotype de l’attente,
perdure pendant la nuit,
inaperçue.

 

 

∗∗∗∗∗∗

 

J’ai rêvé une fois
que la forêt de Nara brûlait;
il faudra que j’en écrive un jour.
Le silence du feu
la nuit
ne creusait dans le ciel
plus d’espace qu’il ne lui fallût.
Les temples étaient vides.

                      Les daims fuyaient les flammes,
sans trop de conviction et l’herbe
n’était pas touchée.
C’était un feu qui bouillait;
l’oxygène brûlait
gaiement, sans réserves
et l’obscurité
cherchant à étouffer l’incendie
ne laissait à l’enthousiasme de la lumière
que des fuites horizontales.
Le pacte conclu,
l’homme était absent.

                     Sans propagation, créé et inextinguible,
l’élément du feu
occupait la place
entre le toit étanche de la nuit
et la terre noire.
Seuls les arbres,
ayant abandonné leur traditionnelle pudeur,
semblaient avoir compris la situation.
Changés en lanternes
ils assumaient l’office des verbes.
A l’horreur des bêtes ils opposaient
le sens ultime de leur résignation.

 

 

∗∗∗∗∗∗

 

La stratégie attentiste
a massacré nos rêves.
Mais l’accélération
suit des rythmes non humains.
Ne dépaysons les oiseaux plus que ça
déjà ils ne savent pas
où dépenser l’été qui nous reste.
Les pirates dégainent leur sabre du regard,
par leurs yeux nous sommes poussés
à parcourir la passerelle
et dans le bleu
les essaims des squales n’attendent que nous.