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François Angot, A l’étale

Les éditions Al Manar publient le poème monumental de François Angot, A L'ETALE. 550 pages d'un poème tendu, aéré, aérien, concentré, déployé, foliacé. Le poète "ne cesse de dire son amour pour "elle". Par vagues, avec ampleur, selon les modulations d'une fugue, "elle" se déploie en sa venue, ses apparitions, ses paysages. Métamorphose de la féminité en ses possibles, "elle" n'est pas seulement "elle", mais, en son intime et secrète présence, un champ de blé, un refrain, la tendresse de la lumière à son aurore, la rencontre, en son invraisemblable justesse, d'une voix, d'un ciel, d'un signe", précise Eugénie Paultre, auteur de la quatrième de couverture du livre nous présentant le poème.

Ce poème, malgré son épaisseur, se lit, une première fois, en deux heures. Car le poète a laissé la voix dont il se fait le serviteur prendre place sur la page avec aisance. Aussi cette voix est-elle ample, prend-t-elle toute la place dont elle a besoin pour s'étirer entre les blancs, entre les silences dont elle est issue. Elle s'étire, en réalité, depuis le silence dont elle surgit, à force d'attention et de contemplation du poète.

Douze parties structurent ce chant que l'on énumère ainsi : Disparaissent, Comme, Immense, Toute, Un, Genoux, Elle, En, Toujours, Le, Tremblant, Sous.

Nous ne nous arrêterons pas sur la dimension symbolique, à la polysémie sémantique, du nombre douze, tant il rassemble de lignes de forces. Mais ces mots choisis par le poète François Angot pour nommer chacune de ces parties dit l'ambition qui fut la sienne lorsqu'il s'élança dans la composition de son chant. Une ambition confinant au chant total, au chant dévoué, dédié, au don, un chant appelant à travers la féminité la réalisation de toute une vie, car les mots constituant les titres des douze parties placent le poème d'Angot sous le zodiac de la pensée philosophique réalisée par la vision métaphysique.

Cette féminité qu'invoque le poète est comparaison, elle est totale, elle réunit l'un et le plusieurs, elle palpite d'éternité et elle se laisse percevoir par-delà ses apparences illusoires, se mouvant entre les plis de l'Univers.

Chant d'amour pour la femme ? Certes. Pour la féminité ? Absolument. Mais davantage poème relevant du genre courtois pour chanter la Dame, c'est à dire l'éternel féminin, cet éternel qui est la grande quête de tout l'humain depuis la nuit des temps.

Angot était un chevalier. Un chevalier dans une époque sans château et sans roi, sans chevaux et sans Graal. L'éternel féminin, c'est la Dame inconnue vivant en nous, c'est la poésie et la parole silencieuse entendue dans le murmure des forêts intérieures, c'est l'érotisme des paysages du monde appelant la vocation de la beauté ; l'éternel féminin, ce sont les mystères invisibles faisant signe à la surface de nos vies pour attirer notre attention sur sa présence créatrice.

 

"oh oui tu es en moi ma non humaine
c'est pour la vie"

 

Ainsi chante le poète qui, nommant son "elle" sa "non humaine" dit toute la quête qui est la sienne, qui fut la sienne, en cette époque de transition entre le vingtième siècle finissant et le troisième millénaire s'ouvrant. Cela aussi, c'est un signe. Un signe du Poème dans un temps anti poétique. Comme pour nous dire que rien ne change et que, malgré le fait que tout se meut tout le temps partout, rien n'altère l'Etre en sa permanence.

A l'étale nomma-t-il son poème. Comme pour dire ce non mouvement de la mer, cet espace entre le flux et le reflux, se situant après la marée montante, ou après la marée descendante. Un mouvement immobile en réalité. Mouvement tout de même, car les vagues bercent toujours la plage, mais ne montent ni ne descendent. Une caresse du féminin apaisant le rivage, et l'ourlant de sa présence imaginale. De sa présence procréatrice. Pour la plus grande joie sur la terre...