François Rannou, Camera oscura

Par |2019-04-05T03:23:03+02:00 29 mars 2019|Catégories : François Rannou, Poèmes|

Camera oscura

 

1

 

les rayures du

matin sur

ton vis­age tra­cent une

grille pour tes rêves presque

enfuis déjà

         alors que tes

paupières bat­tent com

me des papil­lons à

la fenêtre

 

                  ton père s’éloigne à

                  l’ombre le vol­can derrière 

                  lui

                       toi « les pieds dans l’herbe

                        du jardin » tu cours

                        vive, vers lui

 

mais le jour neuf réveille

le feu de tes cheveux tes

lèvres s’ouvrent même si tu fermes

encore les yeux

mes pas sur la mosaïque

rejoignent tes bal­bu­tiements ce matin

 

j’écarte les persiennes

 

 

2

 

cette femme dont les

yeux seuls

sont vis­i­bles pose le

fleuve con­tre sa

tempe pour

la pre­mière fois 

 

ces mots repris 

dans sa mémoire « la 

lux­u­ri­ance du jardin, du

syco­more et de la source à

l’entrée d’Héliopolis »

appa­rais­sent sur

le mur

 

l’eau jusqu’au

trait d’angle

             les rues

seraient des étoffes noyées

où se rayent nos

mains tes fess­es len

tement glis­sent

 

à hau­teur des lampes

 

 

3

 

allongée sur le

lit vis­age mouil­lé tes

cheveux striés par

le store

 

je tra­verse les photos

         passées d’un

vieux livre tan­dis qu’en

         bas dans

le jardin sans herbe  ton carnet

 

de rêves tombé un

         enfant

énerve son chien lui 

         jette 

son bal­lon en cri­ant près

 

des doigts

relâchés

je te

rejoins

mot à

mot

 

 

 

4

 

aux yeux de John May­nard Keynes l’accumulation de l’argent

pour l’argent, l’obsession du taux d’intérêt relèvent d’une

atti­tude mor­bide dont rien de val­able ne

peut émerg­er. Il appelait de ses vœux un FM

I dont la mon­naie supérieure serait le ban­cor

indexé sur le cours de l’or et dis­tribué aux

états en fonc­tion des puis­sances éco

nomiques respec­tives. Il était soucieux

de redis­tribuer des richess­es aux

plus pau­vres — pour soutenir la

con­som­ma­tion tout en en contenant

les ten­ta­tions spéculatives

car une fois que les flux é

conomiques seraient

bien maîtrisés il pen

sait que nous n’aurions

plus qu’à nous consa

crer à la beau

té et puis

à l’a

mo

ur

 

 

 

5

 

de der­rière les yeux

tout nous aurait traversés

avant même ces

his­toires dont on

con­naît tous

les débuts : reprises

reliées, défaites, ornées

brodées, ensor­celées qui

 

croire ? d’une langue

à l’autre du globe tu casses

le son dur des amants qui

s’ignorent

 

           n’aurions que

ces images pour

dérober nos lèvres 

aux bribes trop claires

ton vis­age nos adn

dis­parus dans la poussière

 

crépi­tent copeaux

 

 

Présentation de l’auteur

François Rannou

François Ran­nou a com­mencé à pub­li­er au début des années 90.

Gérard Noiret, dans un arti­cle de La Quin­zaine lit­téraire, présente ain­si son tra­vail : « Loin de se ranger par­mi les adeptes du  retour au calme ou de s’engouffrer dans le post­mod­ernisme, il revendique une moder­nité où les œuvres de Ponge, Du Bouchet, Celan con­tin­u­ent d’être agissantes ».

François Dominique remar­que et loue son « indépen­dance d’esprit assez rare, bizarrement, dans la poésie française ; il allie avec élé­gance un lyrisme très per­son­nel, un sens graphique qui rap­pelle à la fois Cum­mings et Seuphor mais sans traf­ic d’influence, libre de tout, épanoui. »

Il dirige actuelle­ment la revue Babel heureuse (édi­tions Gwen Catala).

© Crédits pho­tos (sup­primer si inutile)

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