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Goblin Market and Other Poems

 

Remember

 

Remember me when I am gone away,
Gone far away into the silent land;
When you can no more hold me by the hand,
Nor I half turn to go, yet turning stay.
Remember me when no more day by day
You tell me of our future that you planned:
Only remember me; you understand
It will be late to counsel then or pray.
Yet if you should forget me for a while
And afterwards remember, do not grieve:
For if the darkness and corruption leave
A vestige of the thoughts that once I had,
Better by far you should forget and smile
Than that you should remember and be sad.

**

Souviens-toi

 

Souviens-toi de moi quand je m’en irai,
Partie au lointain pays du silence ;
Quand tu ne pourras plus me tenir par la main,
Et moi faire demi-tour, ni même rester.
Souviens-toi de moi quand, jour après jour, plus jamais
Tu ne me diras cet avenir que tu rêvais pour nous :
Souviens-toi seulement ; tu comprendras alors
Qu’il sera trop tard pour les conseils et les prières.
Pourtant, si tu devais m’oublier un instant
Et te rappeler ensuite, ne t’afflige pas :
Car si l’obscurité et la corruption laissent
Un vestige de pensées qui furent miennes un temps,
Mieux vaut, de loin, que tu m’oublies et souris
Que de te souvenir et être triste.

 

 

May

 

I cannot tell you how it was;
But this I know: it came to pass
Upon a bright and breezy day
When May was young; ah, pleasant May!
As yet the poppies were not born
Between the blades of tender corn;
The last eggs had not hatched as yet,
Nor any bird forgone its mate.

I cannot tell you what it was;
But this I know: it did but pass.
It passed away with sunny May,
With all sweet things it passed away,
And left me old, and cold, and grey.

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Mai

 

Je ne peux te dire comment c’était;
Mais ce que je sais : c’est arrivé
lors d’une journée traversée de brise et de lumière
Quand Mai était jeune ; ah, l’agréable Mai !
Et les coquelicots pas encore nés
Entre les épis de blé tendres ;
Les derniers œufs n’avaient pas encore éclos,
Ni aucun oiseau renoncé à son compagnon.

Je ne peux te dire ce que c’était ;
Mais ce que je sais : cela s’est produit puis évanoui
Disparu avec le soleil de Mai,
Disparu avec toutes ces choses si douces,
Et me laissa vieillie, froide et grise.

 

 

 

Song

 

When I am dead, my dearest,
Sing no sad songs for me;
Plant thou no roses at my head,
Nor shady cypress tree:
Be the green grass above me
With showers and dewdrops wet;
And if thou wilt, remember,
And if thou wilt, forget.

I shall not see the shadows,
I shall not feel the rain;
I shall not hear the nightingale
Sing on, as if in pain;
And dreaming through the twilight
That doth not rise nor set,
Haply I may remember,
And haply may forget.

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Chanson

 

Quand je serai morte, mon amour,
Ne chante pas de chansons tristes pour moi ;
Ne plante pas de roses à ma tête,
Ni de cyprès ombrageux :
Sois l’herbe verte au-dessus de moi
Imbibée d’averses et de gouttes de rosée ;
Et si tu veux, souviens-toi,
Et si tu veux, oublie.

Je ne verrai pas les ombres,
Je ne sentirai pas la pluie ;
Je n’entendrai pas le rossignol
Chanter, comme s’il souffrait ;
Et rêvant à travers le crépuscule
Qui ne se lève ni ne se couche,
Par chance je me souviendrais,
Et par chance, j’oublierais.

 

 

A Birthday

 

My heart is like a singing bird
Whose nest is in a watered shoot;
My heart is like an apple-tree
Whose boughs are bent with thick-set fruit;
My heart is like a rainbow shell
That paddles in a halcyon sea;
My heart is gladder than all these,
Because my love is come to me.

Raise me a dais of silk and down;
Hang it with vair and purple dyes;
Carve it in doves and pomegranates,
And peacocks with a hundred eyes;
Work it in gold and silver grapes,
In leaves and silver fleurs-de-lys;
Because the birthday of my life
Is come, my love is come to me.

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Un anniversaire

 

Mon cœur ressemble à un oiseau qui chante
Dont le nid se trouve sur un rameau trempé de rosée ;
Mon cœur est comme un pommier
Dont les branches se plient sous le poids du fruit ;
Mon cœur ressemble à un coquillage arc-en-ciel
Qui patauge dans une mer paisible ;
Mon cœur est plus heureux que tout cela,
Parce que mon amour est venu à moi.

Dressez-moi un dais de soie et de plume ;
Décorez-le de vair et de teintures pourpres ;
Sculptez-le de colombes et de grenades,
Et de paons aux cent yeux ;
Façonnez-le de raisins d’or et d’argent,
De feuilles et de fleurs-de-lys argentées ;
Parce que l’anniversaire de ma vie
Est venu, mon amour est venu à moi.

 

 

She sat and sang

 

She sat and sang alway
By the green margin of a stream,
Watching the fishes leap and play
Beneath the glad sunbeam.

I sat and wept alway
Beneath the moon's most shadowy beam,
Watching the blossoms of the May
Weep leaves into the stream.

I wept for memory;
She sang for hope that is so fair:
My tears were swallowed by the sea;
Her songs died in the air.

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Elle s’asseyait et chantait

 

Elle s’asseyait et chantait
Sur la rive verte d’un ruisseau,
Regardant les poissons bondir et jouer
Sous les rayons radieux du soleil.

Je m’asseyais et pleurais
Sous les rayons les plus sombres de la lune,
Regardant les arbres fleuris de Mai
Pleurer leurs feuilles dans le courant.

Je pleurais pour le souvenir ;
Elle chantait pour l’espoir si beau :
Mes larmes étaient englouties par la mer ;
Ses chansons mouraient dans la brise.

 

 

 

A Smile and a Sigh

 

A smile because the nights are short!
And every morning brings such pleasure
Of sweet love-making, harmless sport:
Love, that makes and finds its treasure;
Love, treasure without measure.
A sigh because the days are long!
Long long these days that pass in sighing,
A burden saddens every song:
While time lags who should be flying,
We live who would be dying.

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Un sourire et un soupir

 

Un sourire parce que les nuits sont courtes !
Et chaque matin apporte de tel plaisir
Aux doux ébats amoureux, jeux innocents :
Amour, lequel invente et trouve son trésor ;
Amour, trésor sans retenu.
Un soupir parce que les jours sont longs !
Longs si longs ces jours qui s’écoulent à soupirer,
Un fardeau qui attriste chaque chanson :
Alors que le temps éternise ce qui devrait être volatil,
Nous vivons, nous qui sommes moribonds.

***

Traductions de Lydia Padellec
(merci à John Taylor pour ses conseils)

 

 

(Poèmes extraits de Goblin Market and Other Poems, 1862)