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Grenier du Bel Amour (14)

La poésie ou le voyage de l'âme

 

 

Qui, parmi nos lecteurs, ne connaît le nom de Matthieu Baumier ? Aussi bien parmi les amateurs de romans, que parmi ceux de nouvelles, ou ceux qui s’intéressent à la spiritualité française du XVII° siècle…

Mais pouvait-on deviner qu’il était un tel poète, habité par tous les territoires de l’au-delà et par les moyens d’y parvenir ?

Bien sûr, on savait son passage par ce que l’on appelle couramment le « post-surréalisme ». Et si l’on se souvient des intérêts les plus réels de Breton, ou des « curiosités » de Benjamin Péret, on ne peut que comprendre un tel parcours… Après tout, je me le demande ouvertement, qu’est-ce que Matthieu Baumier a trouvé aux pieds de la tour Saint-Jacques à Paris, et serait-ce tout à fait pour rien qu’il a élu domicile dans l’un des lieux les plus chargés spirituellement de toute l’histoire de France ?

(Car André Breton n’était pas tout à fait l’ « athée militant » que l’on croit d’habitude, et, quoi qu’il en eût par ailleurs, sa poésie touche souvent à une appréhension « mystique » des choses : il n’est que de relire les premiers paragraphes de « L’Amour fou » pour s’en rendre compte.. .).

Toujours est-il que, à l’évidence, Matthieu Baumier est habité jusqu’au plus profond de lui-même par la présence de dieux qui ne sauraient le laisser en paix. Et que sa réflexion sur le « silence des pierres », nous fait aller d’un silence inaugural au silence auquel nous serons acculés lorsque nous découvrirons le principe de toutes choses.

Du coup, je me pose la question : et si la poésie était un essai (malhabile ? Pas toujours.. .), de cerner ce silence qui nous dépasse de partout et – suprême ruse ? – d’y amener peu à peu en essayant de le « dire » ?

Ce que confie l’auteur à la presque fin de ses pages :

 

« Je rédige le monde

Et de mes ratures émerge le secret de l’oeuvre » -

 

Et :

 

« Je retiens ceci :

Le Poème est rouge du sang de la neige

 

Il est encore temps de proclamer

La solution finale du problème de la prose »

 

Pour se terminer sur l’évocation de l’horreur de la « solution finale » - évocation marquée comme écrite dans un cimetière juif, à Berlin…

Alors, je ne peux m’empêcher de me demander : et si le silence des pierres était cette mutité à laquelle nous pourrions un jour parvenir lorsque nous aurons réalisé notre pierre intérieure, cette lapis philosophale que nous cherchons tous peu ou prou et qui donne sens à notre vie en la réinscrivant dans le grand jeu de la Vie ?