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Grenier du Bel Amour (17)

De la liberté à la joie

 

Il y a sans doute plusieurs manières de faire de la philosophie. Simplement, rappelons-nous ce que, originellement, veut dire ce mot : l’amour de la sagesse - si ce n’est, comme j’aurais personnellement tendance à le penser, de la Sagesse comme manifestation du Divin (de l’au-delà de tout mot) qui nous fonde.

Alors, comme le ressentaient les Antiques, la philosophie est de l’ordre de ce que nous appellerions un « exercice spirituel » : comment conduire sa vie sans avoir à en rougir au moment que nous devrons nous « évanouir » à ce monde ? Quelqu’un comme Pierre Hadot, à travers ses travaux et ses multiples réflexions, avait passé son temps à nous en faire souvenir - et il me semble qu’Yann-Hervé Martin, l’auteur de ce livre, et par ailleurs professeur en Classes Préparatoires (mais ceci n’explique-t-il pas cela, au moins pour partie ?), en a bien retenu les leçons et la (longue) démonstration.

Dans un monde où règne le « moi » (du moins le croyons-nous, sans toujours nous rendre compte de ce que les désirs de ce « moi » ne sont le plus souvent que les reflets de ce que nous force à croire la publicité, ou une société d’autant plus oppressante dans ses « choix » qu’elle nous laisse croire qu’elle n’y est pour rien…), il fallait une bonne dose d’ « inconscience » (si ce n’est une forme de suprême conscience), pour nous asséner que le Bon n’est pas forcément assimilable au Bien - mais toute la tradition de la morale métaphysique n’a eu de cesse de nous le seriner - et que, pour atteindre à ce Bien, il fallait disposer de toute sa liberté intérieure…

Je reconnais là, souvent, des accents de ce qu’il faut se résoudre à dénommer les « néoplatoniciens » chrétiens - mais après tout, pourquoi pas ? Comme le déplorait au sujet de Plotin, le fondateur de la pensée néoplatonicienne, quelqu’un comme saint Augustin : « Si cognovisses Christum !... : si tu avais connu le Christ ! ».

J’avoue que, pour ma part, je ne me sens pas spécialement chrétien - mais je suis bien obligé de dire en même temps que, nolens volens, je suis l’héritier de deux millénaires de pensée et de culture chrétiennes, et encore plus avant, de tous ceux qui ont si profondément réfléchi à Rome, et surtout, dans la Grèce ancienne. Et que, sans eux, il n’y aurait tout bêtement pas de ce que nous appelons un recueillement philosophique.

Alors, sachons gré à Yann-Hervé Martin, et à son préfacier Rémi Brague, de nous faire souvenir de tant de choses que notre monde actuel voudrait oublier - et d’abord, contrairement à l’opinion reçue, de ce qu’il existe un échange fécond entre la puissance de la raison (ou faut-il dire comme Jacobi il y a quelque deux-cents ans, de l’entendement ?), et le ressenti d’une transcendance qui nous dépasse de partout !

Notre collaborateur Michel Cazenave  vient de faire paraître Le Bel amour