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Guénane, Ta fleur de l’âge

Femme et poète, Guénane porte une voix originale dans la création poétique bretonne. Elle peut aussi bien nous parler de la Patagonie que des îles bretonnes mais, de recueil en recueil, elle distille subtilement des messages de sagesse. Et c’est à nouveau le cas dans son dernier livre.

Après Un rendez-vous avec la dune (Rougerie, 2014) où elle nous parlait d’un littoral familier pour mieux parler du rendez-vous qu’elle avait avec elle-même, voici qu’elle récidive avec Ta fleur de l’âge, exercice d’introspection qu’elle nous fait partager en excluant le « je » pour privilégier le « tu ».

Etre dans la fleur de l’âge, nous dit le sens commun, c’est être au summum de sa maturité et de sa forme, première étape avant le déclin lié à la vieillesse. Pour Guénane – comme pour tout le monde – il y a la sensation du temps qui passe (« Tu contemples tes friches / tu souffles sur tes derniers feux »). Sensation que le poète relativise dans ces deux vers frappés du bon sens : « On ne se sent pas toujours vieux / dans les yeux d’un enfant ». Ce qu’il faut en tout cas, estime  Guénane, c’est ne pas cultiver les regrets inutiles.

Guénane, Ta fleur de l’âge, Rougerie, 60 pages, 12 euros.

« Ne laisse plus le passé t’étrangler / cultive une bonne entente / avec tes démons coriaces ». Ou, plus loin : « Tant que marche le ressort / contourne tes impatiences / sympathise avec ton sort ».

Mais attention aux pièges de la mémoire. « Sans rien demander / dans le noir / sournoise à l’aise / la mémoire sort du quai des brouillards / le passé dépassé rapplique / rameute ses fourmis appliquées ». Il faut garder la tête froide, nous dit le poète. « Au jeu de la mémoire / pioche ce que tu peux quand tu peux ». Sans compter qu’à la fleur de l’âge, il n’est pas vain de réveiller « les anges des sens » et même de risquer l’amour. « Il fait de gros dégâts / mais aussi de belles bonnes confitures / à la saison mûre ». Guénane a même cette formule délicieuse : « Quand les hommes vivront d’amour / elle aura disparu l’eau fraîche ».

Hymne à la vie, donc, au bout du compte (« Aimer  être présent au présent  sachant les lourds filets que nous traînons »). Hymne, aussi, en fin de recueil, à la poésie qui « n’a qu’une obligation / entretenir les ponts suspendus / entre vous et la vie ». Avec cette belle définition qu’elle nous propose : « Poésie / infini métier à tisser / le textile de nos vies ».Métier d’autant plus indispensable que le monde va à vau-l’eau (« tout ce progrès qui avance et défait ») avec « les ouragans des écrans déchaînés ».

Guénane avait pointé dans un recueil précédent (Ma Patagonie, La Sirène étoilée, 2017) les dérives du monde actuel, notamment écologiques. Elle le redit ici à « ta fleur de l’âge ».

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