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Guillaume Decourt, “Le Chef-d’œuvre sur la tempe”

Dans Le chef-d'œuvre sur la tempe, son deuxième recueil, Guillaume Decourt trace à l'attention du lecteur un chemin dont le point de départ est le « non » de Cavafis, et le point d'arrivée, doucement lumineux et inquiet, un « Je t'aime » prononcé en sourdine. Entre ces deux points, un apprentissage douloureux des limites, dont le cours sinue entre les pôles de la révolte et du consentement.

« Asservi comme un homme » est celui qui vient au monde, dès le moment de sa naissance. Et pourtant, le seul fait qu'il naisse, n'exprime-t-il pas déjà une approbation ? Ainsi le poète est comparable à l'enfant, à l'instant même où celui-ci serait conçu : son premier, peut-être son unique travail est de comprendre que l'approbation est derrière lui, c'est-à-dire qu'il a déjà donné son consentement à l'étreinte du monde, se préparant à l'étreindre à son tour. L'enfant est le modèle de cette acceptation tragique. S'il est vrai qu'il est constitué par la fureur de sa mère, cette fureur est encore une lumière parce qu'elle contient l'existence du poète et, plus insistante encore, celle du poème.

Jusqu'au fugitif instant d'une illumination tranquille, à peine éclatante, nullement résignée, où le regard porté sur le monde est soudain élargi et purifié : « Tout est bien \\ Tout est définitivement bien » .

La poésie de Guillaume Decourt, en son fond, chante l'acquiescement au monde, et pour commencer l'acquiescement aux contradictions qui habitent le poète : « Tu ne te trouvais en paix avec toi-même qu'au milieu de tes propres conflits ».

Au bout du chemin, un apaisement temporaire, procuré par l'intimité physique avec la femme aimée. Lumière tamisée, apaisement en demi-teinte : puisque rien, dans cette existence, ne saurait échapper à l'emprise de la mort. Même dans le triomphe de l'amour physique avec l'aimée, la satiété est attentive à l'instant de sa décrue, qui est à la fois « impasse » et « attentes comblées ».

Loin des aspirations déchirantes à un idéal surhumain, ces poèmes chantent le monde réel et son étrangeté triomphale et tragique à laquelle rien ne permet de se soustraire. L'existence est la « corde ombilicale » qui relie le poète au monde, en même temps qu'elle est le « nœud coulissant » qui entrave sa liberté. Et elle est aussi l'unique réalité, qu'il importe d'aimer puisqu'il n'y a, au fond, rien d'autre à connaître qu'elle.