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Haïkus des cinq saisons de Alain Kervern

     Le « mot de saison » constitue « l’essence » du plus petit poème du monde. Le Brestois Alain Kervern le rappelle dans son nouveau livre Haïkus des cinq saisons, abondamment illustré par des poèmes de grands auteurs japonais.

     Cinq saisons ? Oui, parce que le passage d’une année à l’autre constitue en Extrême-Orient le moment le plus important du calendrier. Le nouvel an constitue une saison en soi. Ses préparatifs débutent à partir du 13 décembre et la période se termine le 7e jour du premier mois. « Premier rêve de l’an/je le garde pour moi/et j’en souris tout seul » (Itô Shoû, 1859-1943)

     C’est dans le Grand almanach poétique japonais (que Alain Kervern a traduit en français et publié aux éditions Folle avoine) que l’auteur de haïkus trouvera, tout au long de l’année, les mots-clés correspondant aux différentes saisons et qu’il pourra utiliser dans l’élaboration de ses poèmes. Dans le livre qu’il fait aujourd’hui paraître, Alain Kervern analyse, à titre d’exemples, sept mots-clés par saison. Ainsi pour le printemps – dans lequel les Japonais entrent dès le 4 ou 5 février – il y a les mots « semailles », « prunier », « lune de printemps », « cerisier », « sourire de la montagne », « oiseaux dans les nues », « sommeil de printemps ». Concernant le cerisier, arbre emblématique de la culture japonaise, Alain Kervern a notamment relevé ce haïku du grand Kobayashi Issa (1763-1827) : « Du pays natal/que j’avais abandonné/les cerisiers sont en fleurs ».

        Pour le plaisir, glissons vers l’été avec Ryôta (1718-1787) : « Oh ! Les lucioles/blancheur des dames de cour/à bord d’un bateau blanc ». De l’automne, saluons l’épouvantail. « Il tend l’oreille/vers les dieux de la montagne/l’épouvantail » (Iida Dakotsu, 1885-1962). Et l’hiver venu, courons vers la neige : « Neige des cimes/constant rappel/d’autres lointains » (Hashimoto Takako, 1899-1963).

        Alain Kervern rappelle que, à l’occasion du prix Nobel qui lui fut décerné en décembre 1968, Kawabata Yasunari prononça un discours dans lequel il énonça les critères esthétiques fondamentaux de la sensibilité japonaise traditionnelle. Pour ce faire, il cita simplement un poème célèbre du moine Dôgen (1200-1253). « Au printemps les fleurs des cerisiers/en été le coucou/en automne la lune/et en hier, la neige claire et froide ».

    On retrouve toutes ces thématiques subtilement analysées dans le livre de Kervern (sous-titré « variations japonaises sur le temps qui passe »). S’y plonger, c’est à la fois pratiquer un exercice pédagogique et éprouver un grand plaisir esthétique. Les beaux haïkus qu’il a sélectionnés pour nous faire partager les émotions saisonnières vécues au long d’une année par les Japonais, voisinent avec les élégantes peintures de Tanigawa Nagaïshi.