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Hélène Révay, Bien loin du reste

Donc, qui pourrait me dire où j’en suis exactement et à quel niveau ? 

Plus qu’un monologue, Bien loin du reste d’Hélène Révay est peut-être aussi un soliloque. Le lecteur ne sait jamais à qui s’adresse le narrateur si tant est qu’il s’adresse à quelqu’un. Et s’il était seulement « traversé » par le texte dont on ignore l’origine et le commencement ? Mais qui, alors, en serait l’auteur ?

Dans un mouvement perpétuel entre présence et effacement, intérieur et extérieur, volonté et renoncement, il ne nomme rien de l’espace à ses entours. Il parle d’un trou qui se trouve « là-bas », qualifié [de débarras, de fond de poche ou encore de puits]. Ce lieu improbable pourrait faire penser au cylindre de Beckett dans son roman Le dépeupleur.

De même, aucun trait organique, humain ou végétal, aucun élément matériel n’apparaît dans ce temps sans distance ni durée. Le lecteur comprend qu’il n’entre pas dans une histoire, d’autant qu’entrer et sortir peuvent se confondre et que le narrateur se déclare absent de toute histoire.

Hélène Révay, Bien loin du reste, Les éditions SANS ESCALE, Décembre 2019, 30 pages, 13 €.

En fait, on n’entrevoit ici que deux certitudes, laissées intentionnellement dans le flou. Le narrateur [quitte d’une façon assez radicale ce qu’il appelle le reste] et se dirige vers le mystère majuscule de « L’Infranchissable ».

Mais quel est donc le dessein voilé ou dévoilé dans ses pensées qu’Hélène Révay appelle des « fumigations » ? Notre homme aurait-il à trouver le souffle vital qui lui a toujours manqué ? En tout cas, il travaille d’arrache-pied à sa mathématique sans objet. Il ne s’agit ni de gagner ni de perdre quoi que ce soit. Seule compte la besogne laborieusement bidouillée. Afin, [surtout, de rester dans la place].

Et c’est une lutte acharnée contre soi-même s’il existe un soi-même, contre un autrui s’il existe un autrui… aux attitudes opaques voire malveillantes.

Le lecteur sera séduit par la maturité du style gigogne de cet ensemble bref mais long à lire. Il pourra imaginer dans cette rhétorique de l’indéfini un autre narrateur dans lequel il se reconnaîtra s’il en a le désir. A moins que le miroir de l’altérité ne l’emporte dans son trouble. Le tuilage du pour et du contre avec ses marges d’incertitude, qui exprime l’universalité du travail de vivre, ne lui offrira aucun lieu sûr pour désigner ce qui existe. L’humain ordinaire, sans qualités particulières, ne tient que par les habitudes. Aucun futur ne verra le jour puisque le passé et le présent sont indistincts. Aucune histoire ne s’écrira dans le retrait absolu où l’être s’amenuise sans s’en apercevoir. Moitié éveillé moitié endormi, dans une continuité marquée çà et là de [petites irrégularités réjouissantes], en attendant qui sait une rencontre, tout autant indéterminée. Mais le reste sera-t-il pour autant quitté ?

 

Extraits :

Passer son temps, voilà ce qui se dit au final. Au final, j’ai passé mon temps à ressasser sur l’ordre de l’univers. J’ai passé toutes mes nuits à gamberger sur ça. Je n’ai pas la force nécessaire pour faire fi de tout ça, pour m’ouvrir tout entier et imaginer qu’un véritable monde existe, un monde réel où tout s’organiserait selon une seule volonté. 

Mille ans me séparent de moi-même. Quand je dis moi-même, je pense à celui qui veille, écoute, celui qui ne juge en aucun cas. Je pense aussi à celui qui soupèse, qui traduit chaque moindre petite parcelle d’émotion qui le submerge, l’efface ou le marque au fer rouge, parcelle qui peut tout aussi bien l’affaiblir comme le renforcer.

Tout ce qui est primordial de nos jours est à présent secondaire et vice-versa. J’ai beau être quelqu’un de normal, dans le sens où je ne fais, ne pense ni ne dis rien d’extraordinaire, en général. Mais je ne me ressens pas, et au fond, comme tel. 

Présentation de l’auteur

Hélène Révay

Hélène Révay est née à Paris en 1987.

Bibliographie (supprimer si inutile)

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