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Henry Bauchau et ses « Tentatives de louange »

     Henry Bauchau n’est pas seulement l’auteur magnifique de L’enfant bleu ou du Boulevard périphérique, deux livres qui l’ont fait connaître du grand public. Grand prix de la Société des gens de lettres pour l’ensemble de son œuvre, c’est aussi un immense poète dont le recueil Géologie obtint, en 1958, le prix Max-Jacob.

      Peu de temps avant sa disparition, il a publié un mince recueil regroupant des poèmes écrits entre 2009 et 2011. Le poète avait alors 98 ans et nous proposait – à l’âge où l’on cultive plutôt l’amertume et les regrets – des Tentatives de louange (titre de son recueil).

     Bien sûr, la vieillesse pèse de tout son poids. « Je suis un apprenti de mon corps de grand âge ». Mais le matin est là où le vieil homme s’ébroue. « J’élève des bras en cadence en répétant ce qu’a dit Maître Eckhart : c’est chaque jour le jour de la fête / La fête de l’existence de Dieu ». Le poète s’extasie devant « le jardin de mai » ou « les rosiers du monde ». Il s’adresse au tulipier de Virginie : « Tu portes tes branches, comme la dame de la Belle-Verrière porte son nouveau-né ».

         Condamnant l’excès et les « façades flétries de gloire » des châteaux prétentieux, il loue la simplicité de l’abbaye du Thoronet (comme l’a fait, aussi, Philippe Jaccottet). « L’art nécessaire est là, rien de trop, rien ne manque / Simplicité de blé, travail, prière et calme     / Nous pouvons devenir, devenir toujours plus / architectes discrets, maisons de la louange »

     À l’écoute des rumeurs du monde, il dit sa compassion pour le Japon des catastrophes nucléaires. « En ces premiers jours de printemps, je pense à toi, pays de grande souffrance / Japon des cerisiers en fleurs et des jardins de pierres qui parlent en silence ».

         Mais le passé, inlassablement, refait surface au fil des poèmes. Pour dire ce que la vie avait de bon : « Le souvenir du ski, des bains d’autrefois, dans ta verte Wallonie défeuillée par l’hiver ». Assistant au soleil levant sur « le jardin de neige », il exalte cette fois « les jeux éblouis » et « les rêves de l’enfance ». Il chante la « naissance émerveillée du blanc dans les ténèbres ». Ah ! Les nuits de Noël où l’on pouvait « vivre en flocon de neige ».

     Les poèmes de Henry Bauchau ont cette légèreté-là. Celle de la neige.