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James Byrne, Une poèsie qui vous explose

traduit par Marilyne Bertoncini

One/Another

One sighs heavily down the telephone
Another pours the assassin’s quicksand

One leaves the garrison lonely as a bullet
Another fills white tubs with kerosene

One is surveyed from the border glass
Another guards against the darkness of trees

One clinks to the enemy’s thimble
Another fantasizes death in a flyway

One slugs the sitter at his pianoforte 
Another takes shade under a fig tree

One discerns bloodiness from the siren
Another brandishes the manacles

One juggles dust between his hands
Another combusts the basecamp

 

Postcards

All night the Commander,
With a high, baronial laugh,
Peels a scent of sweet mandarin
From the waist of a waitress.

*

They will heap mud over her eyes. 

*

The boy soldiers entered the house
And rounded up the market gardener,
His two sons, his fiery old grandfather, 
And shot them where they crouched
In their shadows.

*

A mother counts penitence in her rosary.
The baby in her stomach grows eyes.

*

At the tribunal, the army secretariat
Blamed Mother Nature herself—
A great and sudden simoom that caused
The sorry fire. And nobody can condemn
The amnesiac history of the wind,
Or the amnesiac history of fire.
They did not mention the bolted doors,
Or the gasoline tanks strewn like tooth stumps.
The frost-bound face of a government judge 
Deemed the newly-widowed witnesses
Over-emotional. Unreliable.

*

The village has been stripped to a wound. 
Two scorpions scrap in a crucible of sand— 
The question mark of their tails singeing the air.

*

The boys have made a giant playhouse 
From the rubbled stanchions of the razed compound.
Two kid Generals line up teams
For a game of Guns vs. Swords.
And then the swashbuckle
And then the rat-tat-tat from their mouths
To make the guns seem real
For the onlooking father’s of the Revolution
Who pick sides, shout and cheer.

*

At the far wall of the bombed-out mosque,
A prayer tannoys back the Prophet’s take
On forgiveness during times of anger.    
But the muezzin dragged in the dust by his collar
Now cracks and cracks again
Against the tremolo in his voice. 

*

These are two of the postcards that could not be sent.
Beetle-nib eyes under the slivery sheet of a moon
That quakes over her sea-wrinkled face.
The profile of the skeleton
Who visits her by night,
His mechanical arms
Upraised, still
Pleading
Mercy.

*

At the military mountain base,
Five men are led down its steep side
Then deep into the shallows of a grove.
Nobody will tell the story here. 
The mountain is quiet and infinite.
The buzzards silent in their appetites,
Only the olive leaves hiss back to the sky.

 

***********

 

L'Un/L'Autre

L'un soupire profondément au téléphone
L'autre verse les sables mouvants de l'assassin

L'un quitte la garnison seul comme une balle
L'autre emplit les tubes blancs de kérosène

L'un est observé de la vitre en frontière
Un autre défend de la noirceur des arbres

L'un trinque avec l'ennemi
Un autre imagine la mort sur une route migratoire

L'un s'acharne sur celui qui est  assis au piano
Un autre s'abrite à l'ombre d'un figuier

L'un devine le carnage au son des sirènes
Un autre brandit les menottes

L'un jongle avec la poussière entre ses mains
Un autre brûle le camp de base

 

Cartes Postales

Toute la nuit le Commandant,
Avec un rire baronial et haut perché,
Ecorce un parfum de douce mandarine
De la taille d'une serveuse.

*

Ils amasseront la boue sur ses yeux.

*

Les enfants-soldats sont entrés dans la maison
Et ils ont entouré le maraîcher,
Ses deux fils, son fier aïeul,
Et les ont abattus quand ils se sont accroupis
Dans leurs ombres.

*

Une mère égrène son chapelet.
L'enfant dans ses entrailles a les yeux qui grandissent.

*

Au tribunal, le secrétaire aux armées
A blamé Mère Nature elle-même -
Un brutal et grand simoun responsable
Du triste incendie. Et personne ne peut condamner
L'histoire amnésique du vent,
Ou l'histoire amnésique du feu.
Ils n'ont pas mentionné les portes verrouillées,
Ni les bidons d'essence épars comme des chicots de dents.
Le visage glacial d'un juge du gouvernement
A estimé que les veuves récentes qui témoignaient
Etaient trop émotives. Pas fiables.

*

Le village a été réduit à une blessure.
Deux scorpions bataillent dans un creuset de sable -
Le point d'interrogation de leurs queues cingle l'air.

*

Les garçons ont fait un immense terrain de jeux
Des décombres du camp mis à sac.
Deux Généraux enfants alignent des équipes
Pour un jeu de Fusils contre Epées.
Puis c'est le ferraillement des armes
Et les tac-tac de leurs bouches
Pour que les fusils aient l'air vrai
Aux yeux des pères de la Révolution, spectateurs
Qui prennent parti, crient, applaudissent.

*

Au loin, sur le mur en ruine de la mosquée bombardée,
Une prière par haut-parleur retransmet les paroles du Prophète
Sur le pardon dans les temps de colère.
Mais le muezzin trainé dans la poussière par son col
Se brise et craque encore
contre le trémolo de sa voix.

*

Voici une paire des cartes postales qui n'ont pu être envoyées.
Yeux dévorés d'insectes sous la lame d'argent d'une lune
Qui frémit au-dessus de son visage buriné.
Cette silhouette de squelette
Qui lui rend visite la nuit,
Ses bras mécaniques
Dressés, toujours
Implorant
Pitié.

*

De la base militaire en montagne,
Cinq hommes sont menés sur la pente la plus raide
Puis loin dans les profondeurs d'un bosquet.
Nul ne dira ce qui s'est passé là.
La montagne est paisible et infinie.
Les busards silencieux dans leur appétit,
Seules les feuilles d'olivier sifflent contre le ciel.

Traduction Marilyne Bertoncini