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JE MARCHE SEUL ET POURTANT

 

Je marche seul pourtant je te vois partout narguer les comédiens
Qui s’échinent à apprendre des textes, détruire d’une voix forte
Ce que l’auteur n’a pas voulu dire il danse la lambada dans son tombeau
Personne ne lui demande son avis
Nous étions d’accord là-dessus et pleins d’autres sujets nous ont réunis
Pour le meilleur quelques années c’est amplement suffisant
Je ne regrette pas d’avoir mis ma tête à prix dans des magazines à la con
Je me souviens j’ai trouvé des réponses aux questions que je ne me suis pas posées

Je marche seul pourtant je te vois partout naviguer sur mes fleuves
Ils ne t’appartiennent pas et moi je suis malade comme un petit chien aux poils longs
J’attends qu’on me trouve une place au chaud dans des bras bienveillants
Les candidatures sont ouvertes, vendez-moi du rêve
Je veux oublier que je ne tiens plus debout trois fois par semaine
Qu’il faut parfois contre son gré s’endormir au creux d’un corps le cœur qui bat
Comme un volet mal fermé en pleine tempête

Je marche seul pourtant je te vois partout brandir le drapeau français
Les couleurs ont changé moi j’ai perdu les miennes et celles de ma famille
La jeunesse une valeur fausse imposée et les chagrins d’amour des soucis d’enfants gâtés
Tous les soirs c’est pareil la prière demain les tartines vont tomber du bon côté
Je ne regrette pas d’avoir eu mal aux pieds pour venir te rejoindre aux bords des précipices
Quelques années bientôt et je ne sais toujours pas qui tu es
Nous avons sillonné le monde à reculons persuadés d’être plus fort la haine était un moteur
Ton cœur tirait sur sa laisse j’avais dans mes encres des centaines de romans inachevés

Je marche seul pourtant je te vois partout m’attendre au coin des rues sans lumière
Quand nous avions de quoi prétendre à l’insolence nos existences n’étaient pas amarrées
Aux cornes de béton plantées sur la jetée d’une ville que je déteste autant que toi
Maintenant c’est la vie non vécue les paysages imaginés mes douleurs ont séché
Sur un fil tendu entre deux murs dégoûtants où dieu vient parfois pisser
Le tempo de ton cœur était un morceau amplement suffisant pour quelqu’un
Qui ne connaît pas grand-chose à la grande musique, la culture avec un gros cul
M’oblige à baisser la tête pour mettre le nez dans mes saletés je voudrais tant
Que nous puissions marcher un peu comme avant sur la plage d’une ville hors-saison
Je marche seule pourtant je te vois partout oublier ton prénom.