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Jean Lavoué, Ce rien qui nous éclaire

Il a écrit des livres sur Grall, Perros et Lamennais… Il est l’auteur d’essais proposant une compréhension nouvelle du christianisme. Mais Jean Lavoué est aussi poète. Il a déjà fait paraître plusieurs petits recueils, notamment aux éditions La Porte. Voici qu’aujourd’hui il publie Ce rien qui nous éclaire dans une petit structure d’édition (« L’enfance des arbres »)  qu’il vient lui-même de créer.

On peut aborder la poésie de Jean Lavoué sans rien connaître des élans (spirituels) qui l’animent et découvrir avant tout, dans son livre, l’incantation d’un homme qui s’est mis « à l’écoute des troubadours » (comme le note très justement le moine poète Gilles Baudry dans la préface).  Bon nombre de poèmes, en effet, pourraient être mis en musique. Parce qu’ils ont du rythme, parce qu’ils sont cadencés, parce qu’ils célèbrent le monde.

Aux ailes d’un oiseau
Remontant les courants
J’ai ouvert ma maison
Il a fait passer sur mes jours
Un grand torrent d’eau vive

Jean LAVOUÉ, Ce rien qui nous éclaire, L’enfance des arbres, 153 pages, 13 euros

 Jean LAVOUÉ, Ce rien qui nous éclaire, L’enfance des arbres, 153 pages, 13 euros

Le poète nous laisse entrevoir un monde gagné par la beauté (cette beauté célébrée par François Cheng).

Retrouve en toi la splendeur des saisons
Accorde toi de marcher
A l’amble de ton chant secret

Mais on peut aussi aborder la poésie de Jean Lavoué en y décelant les traces de l’héritage spirituel qui est le sien et qui trouve dans source dans la pensée de l’écrivain et prêtre breton Jean Sulivan. Ces « marqueurs » se nomment l’exode, les marges, l’intériorité. Et le poète déploie son chant à l’aune de ces balises qui lui sont familières.

L’exode. 

Si tu veux écrire
Pars
Quitte tes habitudes
Tes ferveurs routinières
Prends ton bâton de pèlerin
Trouve ta solitude
Adresse-toi au vent
A la pluie
Aux grands espaces
Au soleil.

Les marges. « Poème après poème/Je plante une forêt/Dans les trouées du monde/J’y convoque en secret/Les oiseaux de ma race/J’y butine des aubes ».

L’intériorité. « Si le silence t’échappe/Echappe-toi avec lui !/Suis le premier oiseau/Ecoute bien son chant/Comme il résonne en toi d’un amour infini »

Plus foncièrement encore, il a chez l’auteur cette remise en cause d’une transcendance surplombant l’homme, et l’aliénant, comme il l’avait déjà exprimé dans son Evangile en liberté (Le Passeur, 2013) et  La Voie libre de l’intériorité  (Salvator, 2012). On peut donc lire, sous sa plume, ces vers que ne renierait pas  Christian Bobin. 

Aucun accord
Ne se fera d’en haut
Aucune puissance ne descendra des cieux
C’est du très-bas que naissent les prairies
que s’allument au printemps des bouquets de jonquilles

D’où, en définitive, « ce rien qui nous éclaire ». Et que l’auteur décline au fil des pages.

 La poésie de Jean Lavoué est une poésie d’exhortation. Presque didactique.  L’impératif  domine dans de nombreux poèmes (« Accueille en toi l’étincelle », « Ouvre grand » « Invente un jour neuf »). Elle s’incarne aussi dans un pays. Le poète signe ici son attachement à la Bretagne dans un chant qui rappelle celui de Xavier Grall.

De grèves et de rivières
Bretagne familière
Tu ressembles au pays dont j’ai souvent rêvé