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Jean-Pierre Lemaire en son premier recueil

Jean-Pierre Lemaire est l’auteur d’une œuvre poétique forte, pour l’essentiel éditée chez Gallimard et au Cheyne. Ce livre est la réédition du premier recueil du poète, paru aux éditions La Dogana en 1981. Il n’était plus disponible depuis longtemps. L’éditeur, Florian Rodari, dirigeait à l’époque une fort belle revue, La Revue de Belles Lettres, et avait fait paraître une partie des premiers poèmes de Lemaire. Puis, Les marges du jour lui fut remis par Pierre Oster, lequel n’était pas parvenu à imposer ce recueil aux éditions du Seuil. Le poète était alors apprécié par nombre de ses pairs, ainsi Jean Grosjean ou Yves Bonnefoy. Qui connaît le travail de Jean-Pierre Lemaire ne sera pas surpris par ce recueil : la poésie de l’écrivain est verticale et Les marges du jour ne déroge pas à cette « règle ». Le recueil est organisé en trois « veilles », conduisant le lecteur de Derrière le mur aux Pas phosphorescents. Une verticalité qui relie la terre et le sacré en un appel à l’entrée de l’esprit de la vie dans la matière, ou encore à une spiritualisation de la forme dans laquelle nous errons :

 

« La terre est mince comme un fil
et sans le balancier des étoiles
il craint à chaque pas de tomber en dehors
de changer d’âge, de couleur d’yeux
de ne pouvoir rien prendre avec les mains
sinon la main de l’inconnu, en face
qui marche vers lui comme sur la mer »

 

À Bouche close, titre du deuxième ensemble, cette poésie est guidée par l’intuition d’un envers du décor :

 

« Derrière la brume
fine de la page
l’envers muet du monde
le fantôme des vies
passées sous silence

Tu ne peux traverser
l’infime frontière
tu écris seulement
pour en suivre l’ombre
et les révéler de ce côté-ci
comme des perce-neige »

 

Un envers accessible le long de l’échelle, laquelle pourrait être un symbole de la poésie elle-même :

 

« Entre nous l’éternité
recreuse ses clairs abîmes
que le temps avait peu à peu comblés
avec les cendres des semaines

pour aller l’un vers l’autre
il faut marcher sur l’arc-en-ciel
plus solide à mesure qu’il monte
et dont le pied se perd »

 

Loin des laboratoires d’expérimentation, au creuset du seul laboratoire qui vaille, celui du cœur de l’homme, la poésie de Lemaire est de cette famille qui en appelle au recours au poème, poésie de résistance au sens le plus profond du terme, que l’on rapprochera, dans l’intuition, de celles de poètes tels que Baudry, Clancier, Maison, Garnier-Duguy, Bocholier ou Boulanger.

 

Jean-Pierre Lemaire est né en 1948 à Sallanches. Une crise spirituelle, durant les années 1970, lui fait prendre conscience de son état de l’être catholique. C’est donc naturellement qu’il publie ses premiers poèmes, chez Gallimard, sous le parrainage de Jean Grosjean. Depuis, son œuvre paraît essentiellement chez le même éditeur.