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Jeunesse de l’Instant

 

Extrait inédits à paraître aux éditions Polyglotte-C.i.c.c.a.t

 

 

Dans la solitude étrange du matin

Entravés par la lumière
nous ne sommes pas les seuls qui s’apprêtent à mourir

Les couleurs sont poreuses
images glissées à travers les astres tortueux

L’oiseau cousu à l’espace
immobile parcourt le silence

La rue nous accompagne
jusqu’à cette fenêtre qui n’est pas le visible

 

***

Replié à sa place
le grand côté de la pluie

Chacun vole à l’intérieur
à la façon de l’œil dans sa paupière

Tout viendrait d’une source
que l’on n’entendait pas

La nuit est déjà fermée
le jour tiré à la fenêtre

 


***

Le silence n’a pas de pierres
ces statues sont les nôtres

L’herbe au grand lignage
son murmure

Les oiseaux
leurs ailes détournées des grandes fresques

La rive est une compagne plus habile le soir
nous avons été les derniers à comprendre
la multitude est une seule chose

***

Le froid brandit le ciel
qui s’abat d’un coup

La nuit facile
s’éloigne sur le banc
disparaît sans se retourner

La ville muette
les yeux baissés
rentre dans la nature

***

Toute la lumière
assise dans la neige
avec un seul oiseau noir

La terre se dépêche
mais nous n’avançons pas
juste puisés avec l’eau

L’église murmure
à la façon des arbres
sans pouvoir prononcer le mot

 

 

***
La solitude est le seul chemin
la porte restée ouverte

Dans le café plus étroit
le crissement des pensées
le sable de la pluie

Les gens touffus
se gardent pour d’autres
qu’ils ne verront jamais

Le seuil s’est détaché plus loin
ce n’était pas cette parole

On suit longtemps avant d’être
ce que l’on était toujours
le soir l’herbe se dirige vers le lac

***

Une fois la terre nous a perdus
du vieil arc

L’intérieur coule jusqu’au parvis
délaissant la lumière aux allures de vitrail

Lâchées toutes les flèches
du monde des oiseaux

L’avenir embué nous cache
l’absence est un feuillage

***
Le bleu lisse de l’aube
préparé dans les bassins

Le blanc choyé
nuages de mer

D’autres silences
baignent dans le roc

La terre approche encore
mais nous n’écoutons pas

Le grand saule nous attend au bas de la colline
il nous reprend lorsque nous passons
une coccinelle est là aussi

***

La nuit la ville se détache
va tous ses navires allumés

Sur la grande neige
mer solitaire

Le froid regarde partout
le silence visible est un parfum blanc

L’univers se dissipe de nous
en fait la peur était l’un des jardins

***
Les montagnes appellent dans la brume
navires perdus
laissant de longues traces de neige

La flamme des jonquilles
allumées dans le vent
tremble sans s’éteindre

***
Le soir au pays des baobabs
les femmes rentrent le ciel
lâchent les étoiles avec les chiens

Le vent souffle les derniers cris
la terre prépare les oiseaux
qui voleront demain

***
La forme est plus lente que l’atome
elle s’attarde
reste visible longtemps

Le chemin invente l’espace
les arbres sont passées sans bruit
par une nuit sans lune

Ils sont arrêtés plus haut
sur un bord de la montagne
je ne sais pas ce qu’ils attendent

 

***
Les grands animaux sont-ils distincts
des étoiles dormantes

La montagne et sa crête de coq
ses pelisses blanches
rangées pendant l’été

La présence est vide
pour ceux qui ne le sont pas

Peu d’immensité
sauf au fond de nous

µµµµ

Les étoiles se sont blessées à nos yeux
la ville se cache dans cette douleur

La route visite encore
elle nous traîne
déposant des sables

Pliures des rues
la ville se remplit

Soir de mer
le chien noir entre dans l’eau
avant le soleil

***

Sans limites les arbres
sans pensées
sur les toits les oiseaux sans vertige

Près d’un chat qui se frotte
une jeune femme accroupie  
les corps coulent sans se tromper

La rivière
dans tout ceci
s’enfuyant seule

***

 

Dans la nuit
sous la pluie
le chant hésitant des routes

Une goutte
la terre se détache

Dans la brume caressante
le blanc plus vif des pierres
les maisons passent lentement

µµµ

L’aube
le murmure de jade
le teint de l’immensité

Les géraniums arrivent sous les pins
les îles trainent
au loin dans la brume

Le vent pacifique
découpe
au même endroit que les statues

***

L’étendue fait rage
demain chiffonné que l’on reprend

La nuit remonte à la surface
nue dans le jour

L’odeur glacée des sources
le pan battant de l’horizon

Nous n’avons plus de liens
ailleurs n’existe pas

Emportant le silence dans un sac
nous finissons à chaque pas nos regards

 

 

µµµµ
Lys des nuées
le vent à ses récifs
mer à d’autres délivrances

Les mouettes s’étalent
lisses lointaines
continent fauve

Les arbres se démènent
le soleil est bleu
sans s’inquiéter

***
Parmi nous
l’aventure d’une fleur
et inversement

On ne sait plus
où sont les racines
ni les oiseaux ou les morts

Le monde est tombé de la fenêtre
se relève
s’en va seul

 

Parmi nous
l’aventure d’une fleur
et inversement

On ne sait plus
où sont les racines
ni les oiseaux ou les morts

Le monde est tombé de la fenêtre
se relève
s’en va seul