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Julien Cormeaux, Camarade, Une ville, un port

Camarade

 

Ma plume s'érafle à chercher ton enclume
Dans tous les coins perdus de l'étrange nature
Je suis le serin qui façonne l'amour d'airain
Je frappe à ton métal camarade
Mais ton étincelle est morte.

Des hauteurs de ma guette j'observais le grouillis
Mécanique et  somnolent  des  ruches affairées.
N'ai vu qu'un bourdon gras ocellé d'huiles glauques.
Geste désespéré dans une cité de dupes.
Au bout de ma lorgnette, hélas,
Camarade,
Je ne t'ai point trouvé.

J'ai fouillé alors l'étendue gaste des déserts éclatés
Tendu l'oreille aux milans  dont je croyais
Qu' ils  portaient ton nom dans les  nues.
À mes pieds  les buissons ardaient de fausses étincelles.
Où es-tu camarade?
Aurais-tu pris l'habit rancunier de l' ermite?

Mes ailes qui s'éraflent aux barreaux de ma cage
Soudain réveillent une vieille terreur
Le souvenir de ta main tendue
Transparaît sous la surface exsangue.
Il est vain de chercher car je sais.
Je forgerai pour nous la cloche expiatoire
Je me souviens soudain du surin de ma gloire
Car c'est moi qui t'ai tué,
Camarade.

 

 

une ville, un port

 

Aciers rutilants du port
Chaudrons noirs des coques amarrées
Chagrins mauves des barques à l'esquive.
Éclairs gris et blancs de mouettes erratiques que l'océan tenaille
Et que moque l'azur  superbe.

Des chants de Sirènes s'élèvent en incessants répons
Sirène du joyeux départ, sirènes des pourchasseurs 
Et sirènes dans les têtes de milliers qui transpassent
Les limites des pourrissoirs de haine.

Les statues des Bourgeois questionnent leur symbole et relèvent le col.
Quelques âmes meurtries  travaillent à l'avarie
Saintes auréolées au cœur des périssoires
Sans dessein et sans gloire, elles poursuivent invaincues
Leur course dérisoire.

Mon jugement s'épuise...Faut-il que je me taise?
Ma volonté se heurte à de hautes falaises.

La ville se clame belle
Tout de briques vêtue et de fines dentelles.
Elle rêve d'un Casino, de roulettes prospères
D'un plus juste hasard, d'une donne plus fière
Pour conjurer enfin les regards de misère
Et le chant odieux des damnés de la terre.