1

Kevin POWERS : un road-movie guerrier et poétique

 

« Le monde a été remplacé par l'idée que nous en avons », cette phrase, parmi les premières du recueil, nous dit que nous allons vivre dans un ailleurs fabriqué, idéalisé, irréel. En fait nous sommes plongés dans une réalité concrète, organique, guerrière où les arbres n'ont plus de nom, où les mots sont enterrés sous les décombres, où on dessine son ombre à la craie sur le trottoir, où les rêves n'existent plus.

L'horreur est au quotidien, une horreur qui signifie, qui dit cette vérité impitoyable, déchirant les âmes et les corps. Alors que peut faire la poésie ?

Elle n'est pas une fleur ni un nuage qui passe, mais le fer sur la chair, le feu qui craque dans les os, la nuit incendiée plus claire que le jour, mais heureusement il y a les souvenirs d'enfance qui reviennent dans les instants d'accalmie, laissant une trace embuée sur la vitre.

Au fur et à mesure des quatre parties, nous allons de la guerre à la philosophie existentielle la plus cruelle, avec le soleil qui coule entre les doigts et les peurs qui se figent au sol. Doit-on prendre un bus au hasard et être prêt à descendre à tout moment ?

Kevin Powers nous y invite dans une sorte de road-movie guerrier et poétique, entre la dureté du réel, suivant ainsi Rimbaud qui souhaitait retourner à la rugosité du réel et de l'être intérieur qui erre parmi les objets et les vivants à la recherche de l'amour, le vrai. Ce n'est pas la difficulté d'un écrivain, d'un poète, d'un artiste qu'il nous raconte mais celle d'un homme, c'est pourquoi nous ressentons au plus profond son discours parfois très direct, face à l'incompréhension devant ce réel atroce, avec une lucidité si exigeante qu'elle a parfois un goût acide dans la gorge.

Il est temps de s'extraire pour arrêter de gaspiller nos rêves, nos espoirs, nos vies et la Terre, nous dit-il.