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LA NOIX

 

Je regarde la noix sur l’assiette, une barque
ou signe de navire et d’abandon
par l’équipage et les chevaux singuliers
de la mer. Vide et sombre. Avec
comme des bancs pour s’asseoir, ou des cloisons.
Et d’autres noix sur le flanc, débris et miettes. Voici
me dis-je ce qui résulte du voyage. Ou mon cerveau
après avoir rêvé sur des rivières d’harmonie.

On la fracasse entre ses mains avec la pince. Alors
je songe aux barques de pêcheurs sur le rivage,
à leurs branchies de bois écaillées de peintures.

À ces carcasses équarries dans l’herbe du marais,
sans sépultures. Sillages d’ombre sur le sable,
et nous aussi parmi les ombres
impatientes, patientes parmi les arbres qui tressaillent,
souffrent d’écorce dans le vent. Je songe au phare
à la phrase identique. Aux coquillages
qui écoutent comme nous geindre la mer
et sa voix nous appelle et les barques rompues,
et la secrète perle sous la voûte, lustre de cristal clair.

En toute chose ici quelque lumière, une musique
où nous naissons avec la voix qui ressemble à la mer :
toujours fuyant
et revenant toujours, fuyant encore, et
délaissant sur le sable les mots déchus de leur secret,
le ténébreux langage qui s’obstine.