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La poésie de l’étoile d’Armand Gatti

 

La réédition de La poésie de l'étoile est un événement

 

Armand Gatti ne cache pas son intention : « nous préparons la guerre civile des mots »
Claude Faber

 

 

Pour moi, une certitude est une capitulation. La qualité principale de l’homme, c’est d’être imprévisible. Il faut aller à l’encontre de toute modélisation. Les normes ne conduisent qu’aux déformations de l’humain.
Armand Gatti

 

La page du livre

Claude Faber : Mais avec le métier de journaliste, tu vas multiplier les voyages, donc les trajectoires et les rencontres. Peut-on dire que cette période va te servir à collecter la matière que tu utiliseras plus tard pour tes pièces ?

 

Armand Gatti : Oui, puisque je n’ai rien oublié de ces voyages. Ils m’ont permis de mieux connaître le monde et surtout le destin des hommes. Quand j’ai découvert la Sibérie en 56-57, j’ai pris conscience de tout un continent, d’une véritable aventure humaine, faite de visages, d’immensité et de froid. Sans ce métier, je n’aurais peut-être jamais aussi bien découvert l’Amérique latine et toute cette vie qui prend souvent des airs baroques et exubérants. Prenons l’exemple du Nicaragua, j’ai une anecdote qui mériterait de figurer dans les œuvres de Garcia Lorca. Quand je suis arrivé à Managua, mes valises ont immédiatement disparu. Je suis allée au commissariat pour me plaindre et j’ai gueulé si fort qu’ils m’ont mis en prison. Les policiers m’ont dit que dans la cellule d’à côté, il y avait une petite Française. Alors moi, j’ai essayé de communiquer avec elle, mais elle ne répondait pas. Quand l’ambassadeur français est venu me chercher, j’ai appris qui était la Française. C’était une 4 CV de Renault. Il faut savoir que Somoza, le dictateur du pays, était représentant en automobiles. Là-bas, il n’y avait que des grosses voitures américaines. Or, ces monstres n’étaient pas faits pour les petites routes du Nicaragua. Il fallait voir ces scènes odieuses quand, à certains passages trop étroits ou trop mauvais, les Indiens portaient chaque voiture avec son propriétaire resté au volant. C’était d’un lugubre. Le proprio poussait la compassion parfois à descendre et marcher derrière. Pour « être aimable » avec Somoza, le gouvernement français n’avait rien trouvé de mieux que de lui offrir une petite 4 CV. Comme tout bon dictateur, il n’a pas pu s’empêcher de défiler dans les rues, vantant les mérites de son nouveau véhicule. L’ambassadeur des USA a très mal pris la chose et il est intervenu. Du coup, Somoza à la solde des Américains, s’est excusé, a traité publiquement la voiture de salope et la mise en prison. L’histoire peut sembler incroyable mais c’est vrai.

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Ne jamais chercher le prophète
Chercher le combattant,
Seul le combat de chaque jour invente
Seul le combat de chaque jour crée
Ne cherchez pas le prophète
Seul le combat possède le don de la prophétie.

Rosa Collective, Armand Gatti

 

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Une dernière chose : en acceptant la réédition numérique du livre, Armand Gatti m’a posé ses conditions : « Tu n’oublieras pas deux choses. Tout d’abord, tu parleras de Nicole Gompers. A Monaco, elle était la fille du grand bijoutier. Moi, j’étais le fils du prolo mais je l’aimais. Elle était juive. Elle a été déportée et tuée à Auschwitz. J’ai appris qu’elle était morte dans la chambre à gaz avec un groupe de 253 femmes et leurs enfants. Et on m’a rapporté que l’une de ses dernières phrases dans le camp fut « Nous ne sommes rien, soyons tout ». Je n’ai jamais oublié Nicole .... Et puis je veux aussi que tu cites Makhno : Prolétaires du monde, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez y la vérité, inventez là, vous ne la trouverez nulle part ailleurs. » J’avais promis.

Claude Faber, octobre 2014