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La revue Cairns

De format A5, maniable, imprimée en larges caractères calibri et joliment présentée sous sa couverture crème (azur pour le numéro 21) illustrée d'une photo originale de cairns du Mercantour, par Patrick Joquel, la petite revue (50 à 60 pages) s'adresse en priorité aux classes et à leurs enseignants.

Une lettre de diffusion les tient informés à la fois des parutions, des notes de lecture "pour une bibliothèque idéale" de Patrick Joquel (qui dépassent largement le champ poétique et se retrouvent en fin de revue) ainsi que des appels à textes.

Qu'on n'imagine pas que le public visé implique une revue puérile, ou de la poésie au rabais : on y lit des poèmes d'Alain Freixe, Eric Jacquelin, Sophie Braganti, Eve de Laudec ou Jacqueline Held... mais l'intention pédagogique se lit au fait que la plupart des textes sont intelligemment accompagnés de propositions d'activité transdisciplinaires très variées à réaliser avec des enfants. Le rythme bi-annuel (rentrée de septembre, début d'année, correspondant au Printemps des poètes) en fait un précieux outil de transmission de la poésie contemporaine tout à fait adapté aux classes du primaire et au premier cycle du collège .

Le numéro sur l'Afrique permet de découvrir de jeunes plumes comme Ismaël Savadogo, (qui fut invité en résidence entre mars et avril 2017 à la Cité internationale des arts par le Printemps des Poètes, en partenariat avec la Maire de Paris) et de lire de très beaux textes de poètes qu'on aimerait connaître davantage (une liste des sites est fournie en fin de recueil, mais ne concerne que ceux qui utilisent ce média) . J'ai beaucoup aimé le Chant sacré d'Amadou Elimane Kane, par exemple :

Revue Cairns, numéro 20, janvier 2017 (Printemps des poètes 2017, Afrique(s)), 21, septembre 2017, (L’Etranger), 22, Printemps des Poètes 2018 (L’ardeur)

Revue Cairns
– N° 20, janvier 2017 (Printemps des poètes 2017, Afrique(s))
N° 21, septembre 2017, (L'Etranger)
22, Printemps des Poètes 2018 (L'ardeur),

Abonnement (2 numéros, 15 euros, au numéro 9 euros)
www.patrick-joquel.com

 

Avec le limon du Nil
Je voudrais de nouveau
Déplier le temps
Comme une mélodie rythmée
Par mon histoire l'histoire
Que je ne suis point (...)

Le numéro consacré au thème de l'étranger s'ouvre, avec l'humour qui caractérise Patrick Joquel, par une citation d'Agecanonix, dans la bande dessinée Le Cadeau de César : "- Moi, tu me connais, je n'ai rien contre les étrangers. Quelques-uns de mes meilleurs amis sont des étrangers. Mais ces étrangers-là ne sont pas de chez nous." Le thème, suffisamment ouvert, permet aux poètes de s'y exprimer librement. J'y relève le début de ce poème de Gilbert Casula :

L'autre, celui qui n'est pas invité au banquet,
celui que l'on ne salue pas quand on le croise,
celui qu'on ne remarque pas, un transparent,
insignifiante ombre qui passe, perçue à peine
jamais imaginé, jamais même nommé (...)

ou encore les vers bilingues (espagnol/français) d'Isabel Voisin, tirés d'Estaciones de los muertos / saison des morts, ou la fin de ce poème de Lydia Padellec inspiré d'un tableau de Matisse :

Et c'est le premier geste
La main tendue
L'offrande du pain
Le premier geste
Avant la caresse.

Le numéro consacré à l'ardeur présente une quinzaine d'auteurs, et j'y retiens la très belle série de textes de Patrick Joquel, extraits de Ephémères du passant, aux éditions de l'Atlantique : "Je t'écris d'un bivouac de fortune au pied d'une large forteresse de froid. Mon feu tremble" dit l'incipit. On y voyage de nuit, invité à "Allumer des mémoires... Des brasiers. (...) Des feux qui veillent leurs rêveurs". Invité à "caresser de la main les grains de toutes les peaux du monde. Absolument toutes. Y compris celles des pierres. Des nuages. Des homards et des hérissons (...)" On y voyage avec un poète "réfractaire à tout pas cadencé", on y élève avec lui des "restanques de joie" contre la mélancolie, on y tente, en suivant le fil de son écriture, d'allumer le jour, à l'Est – mais "comment est-ce possible quand on écrit d'Ouest en Est?" - et la rêverie le suit, dans les méandres de l'écriture, pour "Simplement / s'envoler".

La bibliothèque idéale, quant à elle, présente entre autres un album de Chantal Coliou, Le Temps en miette, chez Soc et Foc, les Maximes de nulle part pour personne, collaboration de Perrin Langda avec l'illutrateur Eric Demelis, chez Voix d'encre, D'Ici de Jacqueline Held, chez Gros Textes, accompagné d'un large extrait, puis Le Vertige des fumanbules aux éditions Calicot, ou encore un recueil de haïkus, De fleurs et d'écailles, aux éditions du Jasmin : une belle série de propositions argumentées pour les documentalistes ou les bibliothèques de classe.