La terre attend
La nue, imbibée d’eau, lentement me tourmente
	  Passant des faux azurs
	  Aux tons dorés et purs
	Les feux brûlent les chants, le monde se lamente.
	Pluies qui regardez dans le ciel éclatant,
	  Grondez, la terre attend !
Le mont, le vert coteau, la prairie et la lande,
	  Au vent qui gronde et meurt
	  Prêtent de gaies clameurs ;
	Le tronc du bénitier puissamment se rebande
	Arbres qui vous voûtez au souffle du beau temps,
	  Montez, la terre attend !
Les champs couvrent le front des côtes et des plaines
	  Bientôt les épis mûrs
	  Seront rangés par neuf
	Au fond de lourds greniers ; les granges seront pleines
	Épis qui mûrissez près des chemins montants,
	  Séchez, la terre attend !
Les fleuves de tous les tons émaillent les vallées ;
	  Les bois sont pleins de champs,
	  Les champs d’oiseaux, de chants,
	De blairs les mieux roulés les villes sont peuplées.
	Beautés qui profitez du soleil du printemps,
	  Vivez, la terre attend !
La vie gonfle les jours de fêtes grandioses ;
	  Les soirs de doux festins
	  D’échos les gais matins
	Les fous se rient de tout, des pauvres et des choses.
	Amis qui vous moquez de la main qui se tend,
	  Riez, la terre attend !
Le cœur de tous les grands qu’accable la fortune
	  Pense trouver la paix
	  Au bout des airs épais.
	Déjà, les oiseaux blancs se posent sur la lune,
	Humains qui voulez voir le trône de Satan,
	  Allez, la terre attend !
La terre est le berceau de tout ce qui respire,
	  De tout ce qui grandit
	  De tout ce qui verdit
	Elle est le grand tombeau de l’homme et son empire.
	Années dont les échos vont jusqu’au noir antan.
	  Fuyez, la terre attend !
[ce poème a paru dans Anthologie de la poésie camerounaise, Le Flambeau, 1972]