1

L’Année des fleurs de sophora

Sur la page de gauche, les caractères chinois. Un autre monde. Un autre univers. Sur celle de droite, la traduction signée Emmanuelle Péchenart. Comment passe-t-on de l’un à l’autre univers ? Une gageure. Pour le lecteur s’entend. Meng Ming est né en 1955, en Chine, mais il vit en France depuis 1989. La date parle d’elle-même. Le poète a été publié dans la revue dissidente Jintian. À l’époque, le printemps paraissait vouloir renaître en Chine. C’était avant la répression, et son acceptation pour cause de partenariat économique. Shangaï et ses miracles valent bien sans doute l’oubli de certains principes écrits aux frontons de nos institutions, et le sacrifice de poètes. Quelle importance les poètes, quelle importance la poésie ? De prime abord, L’Année des fleurs de sophora ne dit pas cette sorte de colère. Mais ce n’est qu’une apparence, sous la plume du poète en exil, né sous la coupe d’un pouvoir totalitaire et ami de démocraties virtuelles, le simple poème, le poème tout simplement est une colère. La poésie, c’est l’acte originel de la résistance au monde fanatisé dans lequel nous vivons, ce monde de la dictature des « croissants » à tout prix, y compris à celui de la vie. Vu de là, peu importe qu’il y ait encore des vivants. Les poèmes publiés dans ce volume ont été écrits entre 1987 et 2010. Ils parlent de la vie quotidienne, des amis emprisonnés et disparus, de l’exil, de la nature. De choses simples. Ils sont doux. Ils parlent de ce monde qui entre 1987 et 2010 est devenu le nôtre. Il y a en effet… un monde entre ces deux dates.