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L’arbre blanc

 

L’arbre blanc mange  le papier.

J’y vois des lettres et des sons, déjà couvert de blanc !, parcourir les veines de la terre, grandir sur l’herbe humide de la pensée.

Les chiffres (voisins des Mots) bâtissent des ponts entre le sens et le mètre.

Les signes des branches se pressent de voir le sommet de l’arbre, encore vide.

N’y arrivant jamais d’un coup, ils patientent encore pour de longues nuits de racines et de terre humide…

L’image des signes, faite dans l’ensemble de l’Arbre, ne peut se faire isolément :

Les Arbre-racines-feuilles-veines-tronc-terre-rhizome-images… sont les images de l’espace-Arbre.

Je m’allonge sur ma terre pour regarder plus loin:

« Combien de branches ferais-je encore ? », « Combien de feuilles, de fleurs et de fruits pourrai-je encore voir? ».

Je me soucie de leur vie, de leur forme, de leur goût…

Je m’allonge débout – préoccupée du vert parfait de la branche – et recommence à tâter les pieds et les yeux de l’arbre dense... L’horizon, couvert d’envie de vide, tombe sur le papier blanc. La musique des feuilles claque au fond du cadre :

quelques secondes,

quelques cadences,

et la terre se gonfle d’indicible orage.

J’imagine enfin l’arbre dans l’Arbre : en tissant le tronc, les feuilles, les branches.

Pour saisir, peut-être, la douleur de mes jambes

Pour saisir la soif et l’amour de mes langues

Pour sentir le vent de mes feuilles larges…