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LATITUDE OUEST

 

 

LATITUDE OUEST
        extraits

 

 

1

Devant les rumeurs des oiseaux
quelle est la couleur du mur
de vos colères prétentieuses

Face au vol muet de toutes les cigognes
quel enfer peut se prêter au jeu
du rejet antique de tous les savoirs des hommes

Telle une statue d’un bronze figé l’aigle
observe toutes les lumières déchirées
du moindre voile résigné sur vos paupières

Mousses rides rosée lucide pénètrent au cœur
des chairs mieux que le spectacle d’une seule perruche
libérant le signe du renouveau dans les airs

 

 

 

 

 

 

2

à brassées
j’enterrai
des pelletées de nuages
au cœur de cette terre meublée
de couards de peurs et de naufrages
aucune onde de choc
pour l’instant déclarée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3

en naissant en écrivant
en vivant en écrivant
en mangeant en écrivant
en voyageant en écrivant
en aimant en écrivant
en travaillant en écrivant
en dormant en écrivant

seul ou à plusieurs
seul en couple en groupe
seul au milieu des autres
seul sans amis ni frères
seul loin de sa famille incomplète
seul au mépris de son ombre
seul dans cette quête inhumaine

avec au cœur sa recette
avec au cœur le désir
avec au cœur l’envie de redevenir
avec au cœur la patience du tigre
avec au cœur la force des faibles
avec au cœur l’arme du poème
avec au cœur la puissance du réel réinventée

tel est le théorème de la fin de la mort des poètes

 

 

 

 

 

4

vendus par lots entiers sur les rives crues
souvent par leurs frères ou leurs mères
mais non les chefs ne sont jamais des frères

asservis dans la force ouvrière pour oublier
le labeur des bras nus des pieds des mains
au service des maîtres devenus sur-humains

transformés en bataillon dans la fraîcheur du combat
au nom d’idéaux élevés au bénéfice des puissants
quand seuls les patrons en tirent profit immédiatement

mis en concurrence par milliers ou au détail
pour construire sur les chaînes
le produit en pur bétail de leur esclavage

manipulés en tous temps tous lieux et nations
tout en sachant mais en ne comprenant pas
le fin mot de l’histoire ni le pourquoi du comment

puis revendus par lots dans la concurrence mondiale déployée
à l’étroit dans l’enfer des cités aux mains de bandes sans foi ni loi
le drame se reconstruit dans la mémoire perdue de ceux qui veulent oublier

les illusions finies de la lutte inégale de l’espoir contre le désespoir

 

 

 

 

 

5

à la mémoire de Joël Fieux

dans la jungle du silence des pluies répètent
leurs gammes sur des feuilles immenses
vagues vertes sur des troncs tam-tam résonnant
nuits et jours accompagnent le silence des hommes
les traces de bottes dans la boue inscrivent
ces lettres informes pour la postérité
plus loin dans la pluie tonnent échos de mortiers
éclairs en rafales de mitrailleuses lourdes
la pluie recouvrira bientôt ces traces et l’on saura
que nul ne fait de prisonniers