1

L’Autre présence

un oiseau veille

de l’autre côté du silence

Geneviève Raphanel

 

Cela commence Au bord du temps :

 

C’est du haut des toits
que je t’appelle
des tuiles rouges
et les arbres sont invisibles
comme si j’étais dans l’arche
et qu’on m’eût ouvert au moins
une porte
pour me laisser sortir

la porte à la hauteur
du toit de la maison
que je connais

je t’implore en compagnie
des oiseaux

pas si indifférents
dans leur vol lourd
si près de moi
que j’ai le détail
d’un œil et d’un bec

Puis ils s’en vont
virevolter autour du puis
reconnaissable malgré
cette lumière

ennemie
qui recèle au lieu d’éclairer

Car enfin
qui oserait répondre

car enfin
depuis toujours la pénombre
confondant les royaumes

Une poésie proche des oiseaux, cherchant l’envol. La Porte. Poésie du sens, du regard porté sur et par la lumière. Celle du monde. Nous sommes enfermés dans les plis du temps, le poète le sait et s’interroge sur ces bruits que sont (même) les mots. Il y a cependant L’Autre présence, partout et là, furtive. Réapparue, puis absente. Geneviève Raphanel porte le poème entre les colonnes du sacré. On entrevoit le visage de Salomon, son temple, et cela se noue dans le lieu authentique du poème. De toute poésie. La présence, l’inquiétude aussi, assumée, celle de la mort  :

Pas de mémoire non plus dans cette vacuité sans rives et sans constellations, jusqu’à l’arrêt imploré qu’il est enfin sur le point de recevoir, alors qu’il croyait le redouter.

Une inquiétude produite par l’insensé de nos « pensées » sur la vie. Cette importance ridicule que nous nous donnons, outrageusement, quand il n’est que vivre. Qui sommes-nous ? semble demander le poète, inconscients d’être. Nous, les personnages modestes d’un conte écrit à plusieurs mains, en des tons divers et successifs. C’est que le narrateur change de temps à autre, et ainsi la narration :

Qui sommes-nous, disent ces nouveaux voyageurs qui se découvrent à eux-mêmes leur propre étrangeté, penchés sur tel et tel grain de sable aussitôt disparu et confondu avec les autres. Plus d’arbre. Mais le vent libre qui s’en retourne ailleurs.

Cela se poursuit en une Tentative d’effacement, puis par le Franchissement du paysage. Et vient alors ce poème où le tout du réel est dit :

Ils n’osent frapper aux portes
les chercheurs d’infini
voleurs d’ombres
ils ne font que passer

Les chats les suivent
le long des rues
qu’ils traversent parfois trop vite

L’ailleurs est dans leurs prunelles
ils n’ont que faire de ce monde-ci

Avec L’Autre présence, Geneviève Raphanel donne un très grand livre.