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Le Bel amour (20), L’Egypte, ce qu’on en sait ou qu’on en imagine

 

 

         L’EGYPTE : CE QU’ON EN SAIT OU QU’ON EN IMAGINE.

 

Platon ou Hérodote nous le disaient déjà : dès les anciens grecs, on se réclamait de la sagesse égyptienne, qui semblait à tous un modèle - et l’origine de toute piété.

Ce qui, paradoxalement, s’est encore accentué avec l’ « Egypte gréco-romaine », c’est-à-dire l’Egypte héritée des Ptolémée après la victoire du futur Auguste sur Cléopâtre et Marc-Antoine, cette Egypte d’Alexandrie où, le père Festugière l’avait bien montré, se sont mélangées l’alchimie naissante, l’astrologie, les philosophies pythagoricienne et néoplatonicienne, la gnose, le panthéisme antique - et parfois le christianisme (n’est-ce pas, Origène ?) - le tout sous l’invocation rituelle des Dieux du Haut et du Bas pays, qui faisaient ainsi leur « retour ». Il suffit de lire Plutarque (et son De Iside et Osiride), ou Apulée et son Ane d’or, pour s’en rendre compte. Mais attention ! Florence Quentin l’avait mis en lumière dans son bel essai : Isis l’éternelle / biographie d’un mythe féminin (1), cela ne s’était produit qu’au prix d’une trahison où le féminin, originellement du côté solaire, avait basculé vers le lunaire que pouvait seul accepter le « machisme » dominant aussi bien à Rome que dans la vieille Grèce.

Ce qui, avouons-le, n’a pu nuire à la fascination de l’Egypte que l’Occident a ressentie dès la Renaissance, à la suite de Marsile Ficin dans la Florence des Médicis. C’est d’abord le texte qu’écrit le jésuite Athanase Kircher sur l’Oedipus Aegyptiacus, puis le tarot divinatoire rapporté aux divinités des Deux terres par Court de Gébelin dans le VIII° volume de son grand essai sur Le monde primitif, l’opéra de Mozart La Flûte enchantée, les « fantaisies » des ésotéristes de toutes sortes,  et en particulier, en ce temps-là, de nombre de francs-maçons - jusqu’à Kant qui prend la figure d’Isis en exemple pour faire entendre ce que, dans sa Critique de la faculté de juger, il appelle encore le sublime…

Car l’Egypte, n’en doutons pas, est à l’origine de bien des poèmes ou de la poésie moderne, sous quelque forme qu’elle soit : il suffit de se rappeler à ce sujet certains des sonnets des Chimères de Gérard de Nerval - sans même interroger les Filles du feu ou le début de Sylvie - ou le chapitre, qui a inspiré tant de nos écrivains, d’ Henri d’Ofterdingen sur « Les disciples à Saïs ».

De la même manière que, à la suite de la campagne menée par Bonaparte et du premier déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion, l’égyptologie est devenue une véritable science, et la connaissance du pays est entrée dans le cadre de ce que l’on nomme les « sciences humaines ».

Or, c’est précisément à ces deux sources qu’il développe parallèlement, que s’intéresse d’emblée le livre qui vient de paraître chez Bouquins/Laffont, dirigé, pensé et orchestré par la même Florence Quentin à qui j’ai déjà fait allusion - un livre dont le sous-titre qui lui a été longtemps affecté était en lui-même très parlant : « Savoirs et imaginaires ».

De la plus ancienne Egypte, et de ses complexes théologies,  comme en traite Jan Assmann en inversant le titre qui lui avait été soumis, et en en faisant un «  Imaginaires et savoirs », jusqu’à l’Egypte la plus actuelle, combien nous en apprenons en effet !

De la même façon que nous pouvons nous renseigner sur ce « rêve égyptien » qui a tant fasciné notre culture après la civilisation héllénistique et celle de la Rome conquérante du monde, de Néron jusqu’à Hadrien, et qui se trouve à la source de tant de nos inspirations et de tant d’écrits que nous pouvons encore goûter aujourd’hui !

Oui, comme un double chemin ainsi tracé, et qui nous invite d’autant plus à recourir à la science la plus rigoureuse pour alimenter nos imaginations les plus profondes…

Bref, on l’aura compris, un livre que je recommande à tout le monde  pour en tirer tout le suc, et nous interroger sur cette fascination plus que millénaire que cet étrange pays exerce sur nous !

 

 (1)Florence Quentin, Isis l’éternelle / Biographie d’un mythe féminin, Ed. Albin Michel, parution en 2012, 256 pages, 19€.