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Le Bel amour (26), Que de poésie !

 

 

Je me souvenais d’avoir étudié Virgile en long et en large lorsque je faisais mes études - de la 6° à la khâgne à l’époque - et comme je me rappelais cet ennui que nous y avions tous éprouvé, surtout pour les compositions de récitation latine !

Or, voici que Virgile nous est rendu aujourd’hui, dans de nouvelles versions, ou pour le moins, dans une version revue et corrigée.

Je ne parlerai même pas de L’Enéide, dont je persiste à penser que ce n’est rien d’autre qu’une pâle imitation d’Homère. Et comme le souvenir reste présent de ces premiers vers que nous nous efforcions d’ânonner :

« Arma virumque cano, Trojae qui primus ab oris
Italiam fato profugus Laviniaque venit
Litora… »

Mais, bien que ma mémoire en soit aussi cuisante (« Tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi / Silvestrem tenui musam meditaris avena… »), j’ai découvert combien, dans Les Géorgiques et Les Bucoliques, Virgile pouvait être un immense poète !

Et comme il a pu prêter à tant d’interprétations différentes ! A témoin, ce vers mystérieux de la 4° Bucolique : «  Jam redit et Virgo, redeunt Saturnia regia ; / Jam nova progenies caelo dimittittur alto : voici que revient aussi la Vierge, que reviennent les règnes de Saturne ; / Voici qu’une nouvelle lignée (nous) est envoyée du haut du ciel ». Je sais bien comme les auteurs paléo-chrétiens en ont fait leurs délices, et sans relever l’allusion aux croyances astrologiques de l’époque, ni le renvoi à l’ « âge d’or » décrit par Hésiode dans Les Travaux et les Jours, comme quelqu’un comme Lactance, dans ses Institutions divines, y a vu l’annonce de Jésus. Ce pourquoi, il me semble, Virgile pouvait être le premier guide de Dante, dans la Divine Comédie, pour le début de son voyage dans les cercles de l’au-delà !

Pourtant, bien loin de ces « compréhensions » tendancieuses, comme des vers se sont gravés dans ma mémoire, qui chantent les plaisirs de la Mère Nature, et les débats spirituels et profonds auxquels était livré notre écrivain !

Comment ne pas vibrer à des distiques comme celui-ci : « Candidus insuetum  miratur limen Olympi / Sub pedibusque videt nubes et sidera Daphnis : Comme, plein de lumière, il regarde le seuil inhabituel de l’Olympe, / Et (comme) sous ses pieds il aperçoit les nuages et les étoiles, Daphnis ! » (5° Bucolique).

Ou encore à un tel groupe d’hexamètres :

« Quid qui, ne gravidis procumbat culmus aristis, / Luxuriem segetum tenera depascit in herba, / Cum primum sulcos aequant sata, quique paludis / Collectum humorem bibula deducit harena ? : Que dire (encore) de celui qui, de peur que ne se couche une tige aux lourds épis, /  Fait paître la luxuriance des céréales quand elle est encore de l’herbe tendre, / Alors que les plants égalent les sillons en hauteur ? Et de celui qui des marais / Enlève l’humidité (pour la verser) dans un sable qui la boit ? » (Vers 111 à 114 de la 1ère Géorgique).        

Oui, il ne faut être victime de ses études ! Et relire Virgile comme il a réellement écrit, pour enfin entendre le bien-fondé de sa réputation, et comme, rarement, on a fait mieux !